Matthieu 3, 7

Voyant beaucoup de pharisiens et de sadducéens se présenter à son baptême, il leur dit : « Engeance de vipères ! Qui vous a appris à fuir la colère qui vient ?

Voyant beaucoup de pharisiens et de sadducéens se présenter à son baptême, il leur dit : « Engeance de vipères ! Qui vous a appris à fuir la colère qui vient ?
Catéchisme de l'Église catholique
Le commencement (cf. Lc 3, 23) de la vie publique de Jésus est son Baptême par Jean dans le Jourdain (cf. Ac 1, 22). Jean proclamait " un baptême de repentir pour la rémission des péchés " (Lc 3, 3). Une foule de pécheurs, publicains et soldats (cf. Lc 3, 10-14), Pharisiens et Sadducéens (cf. Mt 3, 7) et prostituées (cf. Mt 21, 32) vient se faire baptiser par lui. " Alors paraît Jésus ". Le Baptiste hésite, Jésus insiste : il reçoit le Baptême. Alors l’Esprit Saint, sous forme de colombe, vient sur Jésus, et la voix du ciel proclame : " Celui-ci est mon Fils bien-aimé " (Mt 3, 13-17). C’est la manifestation (" Épiphanie ") de Jésus comme Messie d’Israël et Fils de Dieu.

A la suite des prophètes (cf. Dn 7, 10 ; Jl 3-4 ; Ml 3, 19) et de Jean-Baptiste (cf. Mt 3, 7-12), Jésus a annoncé dans sa prédication le Jugement du dernier Jour. Alors seront mis en lumière la conduite de chacun (cf. Mc 12, 38-40) et le secret des cœurs (cf. Lc 12, 1-3 ; Jn 3, 20-21 ; Rm 2, 16 ; 1 Co 4, 5). Alors sera condamnée l’incrédulité coupable qui a tenu pour rien la grâce offerte par Dieu (cf. Mt 11, 20-24 ; 12, 41-42). L’attitude par rapport au prochain révélera l’accueil ou le refus de la grâce et de l’amour divin (cf. Mt 5, 22 ; 7, 1-5). Jésus dira au dernier jour : " Tout ce que vous avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait " (Mt 25, 40).
Fulcran Vigouroux
Les Pharisiens et les Saduccéens étaient les deux principales sectes des Juifs. Ces derniers prétendaient qu’il n’y avait ni anges ni démons : ils rejetaient l’immortalité de l’âme et la résurrection des morts. Les Pharisiens croyaient toutes ces vérités et faisaient profession d’être exacts observateurs de la loi de Dieu et des traditions des anciens ; mais ils faisaient consister presque toute la religion dans des pratiques purement extérieures et corrompaient la loi de Dieu par de fausses interprétations. ― Voir les notes 31 et 32 à la fin du volume sur les Pharisiens et les Saduccéens.
Louis-Claude Fillion
L’évangéliste nous a fait connaître plus haut, v. 2, le ton général de la prédication de S. Jean- Baptiste ; il donne maintenant un échantillon de sa prédication particulière. Le précurseur savait admirablement adapter ses paroles aux différents genres d’auditoires qui affluaient autour de lui ; il excellait surtout dans les applications pratiques, sans lesquelles il n’y a point de véritable enseignement religieux ; les vv. 7-42 vont nous le faire apprécier sous ce rapport. – Les Pharisiens et les Sadducéens, qu’on retrouvera plus tard presque à chaque page de l’Évangile, formaient deux sectes ou partis, célèbres dans l’histoire des derniers temps de la théocratie juive. Leur origine, qu’on n’a pas encore réussi à dégager complètement des obscurités qui l’environnent, semble remonter jusqu’au milieu du second siècle avant Jésus-Christ, c’est-à-dire à l’époque des Macchabées. Cependant, grâce aux noms qu’ils adoptèrent ou qui leur furent imposés par le peuple, on parvient à se faire une idée assez précise de leur naissance et de leurs premiers développements. Il faut se souvenir que, sous la domination des princes Asmonéens, l’Hellénisme envahit peu à peu l’antique religion de Moïse, par suite des relations forcées que les Juifs eurent alors avec les nations étrangères. Dès l’apparition de cet élément corrupteur, il se forma au sein de la nation, ou du moins dans les classes supérieures, deux tendances à peine perceptibles d’abord, l’une pour repousser, l’autre pour admettre les idées et les coutumes grecques. La première fut appelée, Cf. 2 Macch. 14, 38, “continentia” dans la Vulgate, en hébreu “perischout”, et ses adeptes “les séparés”, peroushin ou perouschim, “Pharisaei” : c’étaient les Puritains du Judaïsme. La seconde reçut au contraire le nom de “commistio” dans la Vulgate (2 Macch. 14, 3), c’est-à-dire mélange, que ses partisans traduisirent en hébreu par, tsedâka, les justes. Mais peu à peu ces tendances, suivant leurs cours naturel, furent érigées en vrais systèmes qui allèrent s’écartant de plus en plus l’un de l’autre, poussés qu’ils étaient jusqu’à leurs conséquences les plus rigoureuses : finalement, ce furent deux partis extrêmes, toujours en guerre et se servant de la religion comme de la politique pour se renverser mutuellement. Il ne nous appartient pas de tracer l’histoire de leurs luttes ; on en trouvera les détails parfois sanglants, dans les écrits de l’historien Josèphe et dans le Talmud. Qu’il suffise de dire ici que cette guerre intestine, et aussi les principes pernicieux des deux sectes, portèrent un coup mortel à la théocratie, de telle sorte qu’elle n’était plus qu’une ombre d’elle-même au temps où nous sommes arrivés. Les Évangiles nous fourniront les renseignements les plus intéressants sur leurs mœurs et sur leur attitude à l’égard de Jésus. Pour éviter des redites inutiles, nous renvoyons aux divers passages où il sera question de ces puissants partis, l’examen des doctrines qu’ils professaient et de la conduite qu’ils tenaient au dehors. Aux notes qui précèdent, nous ajouterons seulement quelques traits qu’il importe de connaître dès à présent. Les Sadducéens étaient pour la plupart des prêtres ou des nobles ; les Pharisiens se recrutaient surtout parmi les lettrés et les scribes. Les premiers avaient en mains la puissance civile et politique ; les seconds jouissaient d’une immense autorité morale, grâce à l’appui du peuple qui, ébloui par leur sainteté apparente, avait conçu pour eux les sentiments de la plus vive estime. A l’époque de Jésus, les Sadducéens étaient arrivés au bas de la pente fatale sur laquelle ils s’étaient imprudemment lancés : beaucoup d’entre eux avaient perdu la foi. D’un autre côté, la piété pharisaïque, dirigée dès le début vers l’extérieur, était devenue un pur formalisme, une affaire de parade et souvent d’hypocrisie, comme Jésus saura bien le dire. Voilà ce qu’étaient alors les chefs du Judaïsme, ses membres les plus influents. Quel besoin par conséquent de pénitence et de rédemption ! - A côté des Pharisiens et des Sadducéens, florissait une troisième secte également célèbre, quoique elle ne soit pas mentionnée dans le Nouveau Testament ; nous voulons parler des Esséniens, ces moines de religion mosaïque, si on peut les nommer ainsi, qui menaient une vie vraiment édifiante. Malheureusement, ils avaient pour mobile un mysticisme exagéré qui gâta sous plus d'un rapport leurs bonnes intentions. Il a été de mode, pendant quelque temps, de prétendre que Jean-Baptiste et Jésus lui-même appartenaient à l'Essénisme, et que le dogme chrétien n'est pas autre chose que la doctrine essénienne perfectionnée, mais c'était là une assertion si manifestement ridicule, si dépourvue de tout fondement, qu'on a fini par y renoncer d'une manière à peu près générale. On peut consulter, relativement aux sectes juives, les articles Pharisiens, Sadducéens, Esséniens dans les dictionnaire de Bergier et de Wetzer et Welte, les dissertations de D. Calmet, l'ouvrage allemand de M. Langen intitulé : Le Judaïsme en Palestine au temps du Christ, Fribourg, 1866. - Qui venaient à son baptême ; ils venaient soit pour faire comme tout le monde, soit parce qu'ils prenaient Jean-Baptiste pour le Messie ; Cf. Joan. 1, 19-24. Il est probable que la sévère réprimande du Précurseur les arrêta, car S. Luc déclare formellement que les Pharisiens en général ne reçurent pas son baptême.Voir Luc 7, 30. D’après Oléarius, les Pharisiens et les Sadducéens viennent donc auprès de Jean « pour s'opposer au baptême ». - Race de vipères. A deux reprises, Matth. 12, 34 ; 23, 33, Jésus-Christ lui-même infligera aux Pharisiens en particulier ce titre infamant que les écrivains de l’Ancienne Alliance, Is. 14, 29 ; 59, 5 ; Ps. 57, 5, et les auteurs classiques (Sophocle) emploient aussi, dans des circonstances analogues, pour désigner des hommes pleins de venin et d’astuce. Les deux sectes, par leur doctrine et leurs exemples, n’empoisonnaient-elles pas lentement les esprits ? C’est là sans doute un langage dur et sévère, mais il est inspiré par le zèle et par la charité ; il faut parfois frapper de grands coups sur les pécheurs endurcis et superbes, afin de les faire sortir de leur torpeur. - Qui vous a appris. « Ces paroles expriment l'étonnement et simultanément le soupçon », Van Steenkiste. - A fuir la colère qui vient. Quelle est cette colère future dont S. Jean menace les orgueilleux sectaires, et que S. Paul mentionne également dans sa première épître aux Thessaloniciens, 1, 10 ? C’est la sainte fureur de Dieu à l’égard des pécheurs impénitents ; non qu’elle soit complètement « à venir », car elle se manifeste habituellement dès ce monde ; mais ses effets ne seront irrévocables et complets qu’après le jugement dernier et la sentence finale. Les Pharisiens et les Sadducéens n’avaient nullement pensé à fuir la divine colère et ses suites en venant auprès du Jourdain ; le Précurseur leur suggère cet excellent motif, afin de faire sur eux une plus vive impression. Ne dirait-on pas qu’il prophétise les malheurs épouvantables qui tomberont bientôt sur les Juifs !
Saint Thomas d'Aquin
303. Il dit donc : VOYANT BEAUCOUP DE PHARISIENS ET DE SADDUCÉENS. Il faut savoir que chez les Juifs il y a des sectes, dont les principales étaient ces deux-là. On disait que les Pharisiens étaient en quelque sorte séparés de la vie commune, à cause de leurs observances. En beaucoup de choses ils parlaient bien, cependant leur défaut était, dit-on, de supposer que toutes [ces observances] étaient obligatoires. D’autres, les Sadducéens, étaient considérés comme justes à cause d’observances spéciales de la Loi, mais ils n’admettaient pas les prophètes et ne croyaient ni à la résurrection des âmes après la corruption du corps, ni à l’existence de l’esprit.

304. Les uns et les autres étaient connus sous ces noms parce que «pharès» signifie «division», qui est le contraire de la charité. Et eux, [les Pharisiens], étaient tout à fait séparés des autres, comme s’ils avaient le Saint-Esprit en surabondance. Ce serait bien ! Les autres, les Sadducéens, accaparaient la justice pour eux-mêmes, c’est contre eux que Rm 10, 3 dit : Ignorant la justice de Dieu, et cherchant à établir la leur, ils ne sont pas soumis à la justice de Dieu.

305. Et pourtant, bien qu’ils apparussent plus justes, ils venaient vers celui qui enseignait, vers Jean. Is 49, 7 : Les rois verront, les princes se lèveront, et ils adoreront à cause du Seigneur parce qu’il est fidèle, à cause du Saint d’Israël qui t’a choisi. Eux donc sont ici instruits de manière appropriée. D’où : QUI VOUS A MONTRÉ À FUIR LA COLÈRE QUI VIENT ?

306. Et il faut noter que l’instruction doit varier suivant la condition des auditeurs. Pour les gens simples, il suffit de dire brièvement ce qui concerne le salut, mais pour les savants, il faut expliquer les choses une par une, ce qu’indique l’Apôtre en 1 Co 3, 1 : Je n’ai pas pu vous parler comme à des hommes spirituels mais comme à des hommes charnels. Ainsi fit Jean : il attira brièvement l’attention des foules sur la pénitence, et leur annonça le royaume des cieux. Mais il explique ces deux choses en détail aux Pharisiens. C’est pourquoi il exhorte d’abord à la pénitence ; en second lieu, il annonce l’approche du royaume des cieux, en cet endroit : MOI JE VOUS BAPTISE etc [3, 11].

307. À propos du premier point, il fait deux choses : d’abord, il présente ce qui induit à la pénitence ; deuxièmement, il écarte ce qui pourrait éloigner de la pénitence, en cet endroit : ET NE DITES PAS ENTRE VOUS : «NOUS AVONS ABRAHAM COMME PÈRE.»

308. À propos du premier point, il fait deux choses : d’abord, il présente l’entrée dans la pénitence ; deuxièmement, il présente le mode de la pénitence parfaite, en cet endroit : PRODUISEZ DONC UN FRUIT DIGNE DE LA PÉNITENCE.

309. Il y a deux choses qui induisent à la pénitence : la reconnaissance de son propre péché, Is 58, 1 : Annonce à mon peuple ses crimes ; deuxièmement, la crainte du jugement divin.

310. Jean annonce ces deux choses. C’est pourquoi il dit : « ENGEANCE DE VIPÈRES ». Et il faut noter que dans l’Écriture sainte on dit que le fils de quelqu’un est à son imitation. Ez 16, 45 : Votre père est amorite, etc. Jn 8, 44 : Vous avez pour père le diable, et vous voulez faire les désirs de votre père. Eux ressemblaient aux vipères, c’est pourquoi il dit : « ENGEANCE DE VIPÈRES ».

311. Ils [leur] ressemblent en trois choses, selon Chrysostome. La nature de [la vipère] est, quand elle mord quelqu’un, de retourner vers l’eau, et si elle la trouve elle ne meurt pas, autrement elle meurt. C’est pourquoi Jean, pesant attentivement leurs intentions – pourquoi venaient-ils à l’eau du baptême ?– dit « ENGEANCE DE VIPÈRES ». Mais pourquoi ces êtres venimeux venaient-ils au baptême ? Parce que Jean promettait la rémission des péchés, alors il les faisait entrer dans l’eau qui chassait leurs intentions dépravées. C’est pourquoi il dit : « FAITES PÉNITENCE »…ET ILS ÉTAIENT BAPTISÉS PAR LUI.

La deuxième particularité [de la vipère] est qu’en naissant elle tue ses parents. Ainsi on dit que sa naissance se fait par violence, et eux [les Pharisiens et les Sadducéens] pareillement, Mt 23, 31 : Lequel des prophètes n’avez-vous pas tué ?

La troisième raison est que [la vipère] est belle à l’extérieur, et venimeuse à l’intérieur. Eux aussi sont beaux à l’extérieur par une feinte justice, mais à l’intérieur ils ont des péchés, Mt 23, 27 : Malheur à vous parce que vous êtes semblables à des tombeaux blanchis qui à l’extérieur apparaissent beaux aux hommes, mais à l’intérieur sont pleins d’os de morts et de toute sorte de saleté, et dans cette optique, ENGEANCE DE VIPÈRES a une connotation péjorative.

312. Ambroise explique autrement : il dit que la prudence est assignée aux serpents, Mt 10, 16 : Soyez prudents comme les serpents. C’est pourquoi Jean, leur recommandant la prudence, parce qu’ils venaient au baptême, dit « ENGEANCE DE VIPÈRES ».

313. La première chose qui mène à la pénitence est donc la reconnaissance de son propre péché ; la deuxième est la crainte du jugement divin, Pr 16, 6 : Par la crainte du Seigneur on s’éloigne du mal ; Jb 19, 29 : Sachez qu’il y a un jugement. Et c’est ce qu’il dit : QUI VOUS A MONTRÉ À FUIR LA COLÈRE QUI VIENT ? Et il faut savoir qu’Ambroise et Chrysostome parlent du passé et Raban de l’avenir, d’où : QUI A MONTRÉ ? Et selon Ambroise : ENGEANCE, etc., [c’est] comme s’il disait : «Qui vous a montré à vous éloigner du mal ?», sous-entendant : «Personne sauf Dieu.» Ps 84, 8 : Montre-nous, Seigneur, ta miséricorde, et donne-nous ton salut.

314. Selon Chrysostome, [Jean dit] « ENGEANCE DE VIPÈRES », parce qu’ils gardent la volonté du péché. QUI VOUS A MONTRÉ À FUIR, autrement dit «Voulez-vous [fuir] ?». Non, parce qu’Isaïe a dit, Is 1, 16 : Lavez-vous et soyez propres, éloignez de mes yeux le mal de vos pensées. Non, parce que David a dit, Ps 50, 4 : Lave-moi davantage, Seigneur, de mon iniquité, et purifie-moi de mon péché, et plus loin [Ps 50, 19] : Le sacrifice à Dieu est un esprit broyé ; tu ne mépriseras pas, Dieu, un cœur brisé et humilié.

315. Raban parle de l’avenir ainsi : c’est comme si [Jean] disait : «Il est bon que vous fassiez pénitence, car autrement qui montrera ?» Ps 138, 7 : Où irai-je loin de ton esprit, où fuirai-je ton visage ? La colère de Dieu ne se conçoit pas comme une passion [affectus] de l’âme mais comme un acte [effectus] : sa colère est une vengeance.