Matthieu 3, 15

Mais Jésus lui répondit : « Laisse faire pour le moment, car il convient que nous accomplissions ainsi toute justice. » Alors Jean le laisse faire.

Mais Jésus lui répondit : « Laisse faire pour le moment, car il convient que nous accomplissions ainsi toute justice. » Alors Jean le laisse faire.
Catéchisme de l'Église catholique
Le Baptême de Jésus, c’est, de sa part, l’acceptation et l’inauguration de sa mission de Serviteur souffrant. Il se laisse compter parmi les pécheurs (cf. Is 53, 12) ; il est déjà " l’Agneau de Dieu qui ôte le péché du monde " (Jn 1, 29) ; déjà, il anticipe le " baptême " de sa mort sanglante (cf. Mc 10, 38 ; Lc 12, 50). Il vient déjà " accomplir toute justice " (Mt 3, 15), c’est-à-dire qu’il se soumet tout entier à la volonté de son Père : il accepte par amour le baptême de mort pour la rémission de nos péchés (cf. Mt 26, 39). A cette acceptation répond la voix du Père qui met toute sa complaisance en son Fils (cf. Lc 3, 22 ; Is 42, 1). L’Esprit que Jésus possède en plénitude dès sa conception, vient " reposer " sur lui (Jn 1, 32-33 ; cf. Is 11, 2). Il en sera la source pour toute l’humanité. A son Baptême, " les cieux s’ouvrirent " (Mt 3, 16) que le péché d’Adam avait fermés ; et les eaux sont sanctifiées par la descente de Jésus et de l’Esprit, prélude de la création nouvelle.

Notre Seigneur s’est volontairement soumis au Baptême de S. Jean, destiné aux pécheurs, pour " accomplir toute justice " (Mt 3, 15). Ce geste de Jésus est une manifestation de son " anéantissement " (Ph 2, 7). L’Esprit qui planait sur les eaux de la première création, descend alors sur le Christ, en prélude de la nouvelle création, et le Père manifeste Jésus comme son " Fils bien-aimé " (Mt 3, 16-17).
Louis-Claude Fillion
Dans cette réponse, nous avons la seconde parole évangélique de Notre-Seigneur Jésus-Christ ; la première, que celle-ci rappelle par sa profondeur, avait été prononcée par le Sauveur enfant, lorsque Marie et Joseph le retrouvèrent dans le temple, au milieu des Docteurs ; Cf. Luc 2, 49. - Laisse faire maintenant : Permets-le maintenant. Non pas : « ne cherche pas à savoir maintenant qui est plus grand ou plus petit » (Wahl), ce qui donnerait une grande fadeur à la pensée, mais : souffre-le pour un moment. « Car, dit-il, il n’en sera pas toujours ainsi. Tu me verras un jour dans l’état où tu désires me voir. Maintenant, accepte. » St. Jean Chrysostome, Hom. in Matth., h.l. Jésus reconnaît au fond la valeur de l’objection du Précurseur : celui-ci a raison à son point de vue, mais qu’il se tranquillise ; leurs relations actuelles ne sont que transitoires, car le Messie prendra bientôt la place qui lui convient. - Puis, Jésus ajoute, indiquant le motif qui les porte à changer de rôle pour cette fois : Car c'est ainsi, etc. Ne convient-il pas que nous accomplissions l’un et l’autre toute justice ? Il convient ; le baptême n’est point pour lui d’une absolue nécessité ; ce n’est qu’une simple convenance, quoique une convenance du plus haut degré. - Nous. Cette convenance atteignait les deux interlocuteurs, « moi recevant, toi donnant le baptême », Maldonat. Et pourquoi les atteignait-elle si rigoureusement ? Parce qu’elle faisait partie de la « justice », et qu’ils devaient l’un et l’autre ne rien négliger sous ce rapport. - Toute justice. Mais quelle est cette justice qui nous est représentée comme distincte du devoir proprement dit, et dont la non-exécution serait pourtant fâcheuse ? Il ne faut pas la confondre, comme il est souvent arrivé, avec les prescriptions légales et divines ; dans ce cas, Jésus aurait dit « il faut » et non « il convient ». Elle est plutôt synonyme de Perfection, « tout ce qui a la raison du juste et de l’honnête », Érasme ; et l’on comprend alors que Jésus tienne tant à y satisfaire, bien qu’il n’y ait pas pour lui une stricte obligation. - Jean le laissa faire. La vraie traduction serait : alors, il le lui permit, ou il accepta de faire ce qu’il voulait. Jean-Baptiste a saisi la force de la raison qui vient de lui être présentée avec un mélange si parfait de grâce et de majesté : ses scrupules sont réduits au silence ; du moins il fait violence à son impression personnelle pour céder à l’autorité de son Maître, et il procède à la cérémonie du baptême. Mais quel sublime conflit d’humilité entre le Fils de Dieu et le plus grand des enfants des hommes ! Et c’est un motif de plus grande perfection qui y met un terme !
Saint Thomas d'Aquin
358. Vient ensuite la justification du Christ. Note que Jean avait fait une chose : IL L’EMPÊCHAIT, et avait dit deux choses : C’EST MOI QUI DOIS ÊTRE BAPTISÉ PAR TOI, et C’EST TOI QUI VIENS À MOI !

359. Et pourtant le Christ n’a pas répondu à une chose, à C’EST MOI (…) PAR TOI ; mais il a répondu au refus de Jean, d’où LAISSE FAIRE POUR L’INSTANT.

360. Et [le Christ] dit : LAISSE FAIRE POUR L’INSTANT, parce que, selon Chrysostome, Jean peu après fut baptisé par le Christ, non seulement du baptême du souffle [de l’Esprit], mais aussi [du baptême] d’eau. Ou bien il dit : LAISSE FAIRE POUR L’INSTANT, parce que peu après Jean fut baptisé du baptême de l’Esprit Saint. Ou bien LAISSE FAIRE POUR L’INSTANT : «Que je sois baptisé du baptême d’eau, parce que j’ai à être baptisé d’un autre baptême, le baptême de la Passion», Lc 12, 50 : J’ai à être baptisé d’un baptême, et quelle n’est pas mon angoisse jusqu’à ce qu’il soit accompli ! Et de ce [baptême] aussi Jean fut baptisé par le Christ, dans la mesure où il est mort pour la justice, ce qui est la même chose que de mourir pour le Christ. Ou bien : «LAISSE-moi POUR L’INSTANT, alors que je prends forme d’esclave, remplir une fonction d’humilité, parce que lorsque j’apparaîtrai dans la gloire, je te baptiserai du baptême de gloire.»

361. Ensuite, le Christ répond à l’étonnement de Jean et dit : C’EST AINSI QU’IL NOUS CONVIENT D’ACCOMPLIR TOUTE JUSTICE, ce qui s’explique de trois façons.

362. D’abord C’EST AINSI QU’IL NOUS CONVIENT D’ACCOMPLIR TOUTE JUSTICE, par le baptême, car il devait arriver que le Christ accomplirait toute justice, de la loi et de la nature, mais il voulut l’accomplir par ce chemin, parce que sans baptême elle n’est pas accomplie, Jn 3, 3 : Celui qui ne naît pas de nouveau ne peut voir le royaume de Dieu, etc.

363. Rémi explique ainsi : C’EST AINSI QU’IL NOUS CONVIENT D’ACCOMPLIR TOUTE JUSTICE, il convient que je donne l’exemple de ce sacrement dans lequel est donnée la plénitude de toute justice parce qu’est donnée la plénitude de la grâce et des autres vertus, Ps 64, 10 : La rivière de Dieu est remplie d’eaux, c’est-à-dire de grâces. Ou bien : C’EST AINSI QU’IL NOUS CONVIENT, etc., c’est-à-dire qu’il faut que j’aie l’humilité parfaite. Le premier degré [d’humilité], c’est ne pas se mettre au-dessus d’un égal, et se mettre au-dessous d’un supérieur, du moins en ce qui est nécessaire. Le deuxième, se mettre au-dessous d’un égal. [L’humilité] parfaite [existe] lorsqu’un supérieur se met au-dessous d’un inférieur. C’est ce [que Jésus dit] : C’EST AINSI QU’IL NOUS CONVIENT, etc., à savoir, pour accomplir l’humilité parfaite. Mais alors qu’il y avait entre eux une telle émulation, le Christ a gagné, d’où : ALORS IL LE LAISSA FAIRE, etc., c’est-à-dire qu’il lui permit de le baptiser. La Glose [dit] : «La vraie humilité est celle à qui ne manque pas l’obéissance ; résister opiniâtrement, c’est de l’orgueil.» 1 R [1 S] 15, 23 : Ne pas vouloir acquiescer, c’est presque un crime d’idolâtrie. C’est ainsi que sont loués Jérémie et Moïse, qui finalement ont dit oui.
La Glose
Après avoir été annoncé au monde par la prédication de son précurseur, Jésus qui depuis longtemps menait une vie cachée voulut enfin, se manifester aux hommes, comme l'indique le texte sacré : " Alors Jésus vînt de la Galilée au Jourdain trouver Jean pour être baptisé. "
Rabanus Maurus
C'est-à-dire à l'âge de trente ans, pour nous apprendre que personne ne doit être élevé au sacerdoce ou chargé de la prédication à moins qu'il ne soit d'un âge mûr. C'est à trente ans que Joseph prit le gouvernement de l'Égypte ; c'est à ce même âge que David commença à régner, et qu'Ezéchiel reçut l'esprit prophétique (cf. Gn 41, 6 ; 2 R 5, 4 ; Ez 1, 1).
Saint Rémi
Dans ces paroles l'Évangéliste vous décrit les personnes, les lieux, le temps, et la nature du ministère. Le temps, par ce mot : " alors. "

Les personnes sont désignées par ces paroles : " Jésus vint à Jean, " c'est-à-dire Dieu vint trouver l'homme, le Seigneur son serviteur, le roi son soldat, la lumière celui qui n'était qu'une lampe. Les lieux témoins des événements par ces autres paroles : " De la Galilée au Jourdain. " Le nom de Galilée signifietransmigration. Celui donc qui veut être baptisé doit, pour ainsi parler, émigrer des vertus aux vices, et s'humilier en s'approchant pour recevoir le baptême, car le mot Jourdain veut dire descente.

L'Évangéliste nous fait connaître le ministère de Jean par ces paroles "Pour qu'il fût baptisé par lui. " — S. Chrys. (sur S. Matth.) Ce n'était pas pour recevoir par la vertu de ce baptême la rémission de ses péchés, mais afin de sanctifier à jamais les eaux pour ceux qui devaient être baptisés dans la suite.

Ou bien enfin : C'est ainsi qu'il faut accomplir toute justice, c'est-à-dire donner l'exemple de l'accomplissement de toute justice dans le baptême, sans lequel on ne peut entrer dans le royaume du ciel ; ou bien donner aux superbes cet exemple d'humilité afin qu'ils ne dédaignent pas d'être baptisés par mes membres les plus humbles, en me voyant baptisé par vous qui êtes mon serviteur.

La véritable humilité est celle qui a pour compagne l'obéissance. Aussi " Jean ne lui résista plus, " c'est-à-dire qu'il consentit enfin à le baptiser.
Saint Augustin
L'Écriture rapporte plusieurs prodiges dont ce fleuve avait été souvent le théâtre entre autres celui qu'elle rappelle en ces termes : " Le Jourdain est retourné en arrière. " Autrefois, c'étaient les eaux qui retournèrent en arrière ; maintenant ce sont les péchés ; et de même que le prophète Élie avait séparé les eaux du Jourdain, ainsi, dans ce même fleuve le Christ a opéré la séparation des péchés.

Si le Sauveur a voulu recevoir le baptême, ce n'est point pour y venir puiser la pureté de l'âme, mais afin de purifier les eaux pour notre propre sanctification. C'est depuis qu'il a été plongé dans l'eau qu'il lui a communiqué la puissance de laver tous les péchés. Et ne soyez pas surpris de voir l'eau, substance corporelle, parvenir jusqu'à l'âme pour la purifier ; elle y parvient certainement et pénètre dans toutes les profondeurs de la conscience. Elle est par elle-même subtile et déliée ; mais, devenue plus subtile encore par la bénédiction du Christ, elle traverse les sources cachées de la vie et pénètre par sa douce rosée jusqu'aux endroits les plus secrets de l'âme. Car le cours des bénédictions du ciel est plus pénétrant que le cours secret des eaux : aussi la bénédiction qui découle du baptême du Sauveur est comme un fleuve spirituel qui comble toutes les profondeurs des abîmes et remplit les veines de toutes les sources.

Il voulut encore être baptisé pour donner l'exemple de ce qu'il commandait aux autres, et parce que, comme un bon maître, il cherchait moins à prêcher sa doctrine par ses paroles qu'à la rendre vivante dans ses oeuvres.

Il s'abaissa donc jusqu'à recevoir le baptême de Jean, pour apprendre aux serviteurs avec quel empressement ils doivent courir au baptême du Seigneur, quand lui-même ne dédaigne pas de recevoir celui du serviteur.
Saint Jérôme
Un autre motif enfin de son baptême, c'était de donner par cet acte un témoignage d'approbation au baptême de Jean.

Remarquez la justesse de cette parole : " Laissez-moi faire pour cette heure. " Jésus voulait signifier par là qu'il devait être baptisé dans l'eau par Jean et que lui-même devait baptiser Jean dans l'esprit. Ou bien dans un autre sens : Laissez-moi faire pour cette heure, et puisque j'ai pris la condition et la forme d'un esclave, il est juste que j'en subisse toutes les humiliations ; sachez du reste qu'au jour du jugement vous recevrez mon baptême. Ou bien enfin ces paroles signifient : Il est un autre baptême dont je dois être baptisé (cf. Lc 12) ; vous me baptisez dans l'eau, afin que je vous baptise un jour pour moi dans votre sang.

Il ne dit pas la justice de la loi ou de la nature, pour que nous comprenions que ce mot les renferme toutes deux.
Saint Jean Chrysostome
Comme la loi devait être abrogée après ce baptême, Jésus qui pouvait expier les péchés de tous les hommes reçoit le baptême à cet âge, afin qu'en le voyant ainsi fidèle à l'observation de la loi, personne ne pût l'accuser de l'avoir abrogée parce qu'il n'avait pu l'accomplir.

" Alors, " c'est-à-dire au moment même que Jean venait de prêcher la pénitence, pour confirmer sa prédication, et recevoir le témoignage qu'il devait lui rendre. De même que le soleil n'attend pas pour se lever que l'étoile du matin ait disparu, mais qu'il se lève alors qu'elle est encore sur l'horizon, et qu'il éclipse sa blanche clarté par l'éclat de ses rayons, ainsi le Christ n'a pas attendu que Jean eût achevé sa carrière, mais il s'est manifesté au monde pendant que son précurseur enseignait encore.

Jésus vient recevoir ce baptême, parce que s'étant revêtu de notre nature, il veut en accomplir toutes les conditions mystérieuses. Car, bien qu'il ne fût pas pécheur, il avait cependant pris une nature de péché, et. quoique n'ayant pas besoin pour lui de ce baptême, la nature humaine demandait qu'il le reçût pour les autres.

Comme le baptême de Jean était un baptême de pénitence, et qu'il était établi pour la déclaration des péchés, de peur qu'on vînt à supposer que le Christ s'approchait du Jourdain pour cette raison, le précurseur s'écrie en le voyant : " C'est moi qui dois être baptisé par vous, et vous venez à moi. "

Comme s'il disait : Que je sois baptisé par vous, cela se conçoit parfaitement, c'est pour me rendre juste et digne du ciel ; mais que moi je vous baptise, quelle peut en être la raison ? Tout bien descend du ciel sur la terre, et ne monte pas de la terre au ciel.

En dehors des livres apocryphes qui le disent expressément, nous avons ici une preuve que plus tard Jésus baptisa Jean-Baptiste. " Laissez-moi faire pour cette heure, " afin que j'accomplisse la justice du baptême, non pas en paroles, mais par des oeuvres ; que je le reçoive d'abord avant de le prêcher. C'est le sens des paroles suivantes : " c'est ainsi qu'il faut que nous accomplissions toute justice. " Elles ne signifient pas : Alors que je serai baptisé j'accomplirai toute justice, mais de même que j'ai accompli la justice du baptême par mes oeuvres et ensuite par mes prédications, ainsi je le ferai de toute autre justice, d'après cette parole : " Jésus commença à faire, et ensuite il enseigna. " Ou bien encore : Il nous faut accomplir toute justice comme la justice du baptême, c'est-à-dire en me soumettant aux conditions de la nature humaine, car c'est ainsi qu'il satisfait à la condition imposée à tout homme de naître, de croître, etc.
Saint Hilaire de Poitiers
En un mot, Jean ne peut consentir à le baptiser comme Dieu, et Jésus lui-même lui enseigne qu'il le doit être comme homme : " Jésus lui répondant, lui dit : Laissez-moi faire pour cette heure. "

Lui seul pouvait accomplir toute justice, parce que c'est par lui seul que la loi pouvait être accomplie.