Matthieu 3, 1

En ces jours-là, paraît Jean le Baptiste, qui proclame dans le désert de Judée :

En ces jours-là, paraît Jean le Baptiste, qui proclame dans le désert de Judée :
Fulcran Vigouroux
En ces jours-là, c’est-à-dire au temps de Jésus-Christ dont ce livre contient l’histoire ; car cette expression n’indique pas toujours que les faits qui la suivent soient immédiatement arrivés après ceux qui la précèdent. ― Jean (Yohanan, Jéhovah fait grâce), surnommé Baptiste, parce qu’il baptisait dans le Jourdain, était de race sacerdotale, fils de Zacharie et d’Elisabeth, cousine de la sainte Vierge, voir Luc, 1, 5-80. Destiné par la Providence à être le précurseur du Messie, il se prépara à sa mission par une vie rude et austère, et il l’accomplit en prêchant la pénitence, en annonçant la venue du Messie, en baptisant Jésus et en montrant en lui l’agneau qui efface les péchés du monde, celui auquel il était chargé de préparer lui-même les voies. Il mourut martyr de son zèle à défendre la sainteté du mariage et fut décapité à Machéronte par ordre d’Hérode Antipas. Voir Matthieu, 14, 1-12. ― Le désert de Judée, ainsi appelé, non qu’il fût stérile et sans pâturages, mais parce qu’il était inhabité, est la région située à l’ouest de la mer Morte. « Il consiste en un plateau déchiré par de profonds ravins, et sur lequel s’élèvent des monticules coniques. C’est un désert jaunâtre et sans eau, d’une largeur de 25 kilomètres et d’une longueur d’environ 100 kilomètres. La chaleur de cette contrée dépourvue d’arbres est considérable. » (A. SOCIN). La tradition fixe le séjour du précurseur à trois heures de Bethléem, à la Grotte de saint Jean-Baptiste ou désert de saint Jean, appelé dans le pays el-Habiz. « Cette grotte est située sur le haut d’une colline très escarpée, tournée au nord-ouest, et qui domine la vallée du Térébinthe. Elle est d’un accès assez difficile ; mais quand on est dedans, on la trouve si bien appropriée à la destination qu’elle a eue, à la vie d’ermite, qu’on la croit faite de main d’homme. C’est une cellule naturelle, longue de dix à douze pieds, large de six ; elle a deux ouvertures, dont l’une sert de porte et l’autre de fenêtre : celle-ci donne sur la vallée et a une très belle vue. Au fond de la grotte, il y a un rocher qui semble taillé tout exprès pour servir de siège et de couche ; on l’appelle lit de saint Jean. Une source d’eau fraîche et limpide sort d’une fente de montagne : elle forme au pied de la grotte un petit bassin et s’épanche dans la vallée en traçant un étroit ruban de verdure. » (MISLIN.)
Louis-Claude Fillion
En ces jours-là. – C’est ici seulement que commençait, d’après S. Épiphane, Haeres. 19, 14, l’édition de l’Évangile selon S. Matthieu tronquée par les Ebionites. – L’évangéliste fixe d’abord, mais en termes très vagues, l’époque vers laquelle le Précurseur fit sa première apparition : “en ces jours -là”. Les Hébreux disaient de même, Cf. Ex. 2, 11, 23 ; Is. 38, 1. Cette expression, empruntée au style populaire de l’Orient, recevra de S. Luc, 3, 1 et ss., le commentaire le plus clair et le plus complet : elle désigne directement le temps durant lequel Jésus vivait retiré à Nazareth, 2, 23 : « Jésus a habité à Nazareth. Cela indique un intervalle de temps qui n’est pas court, mais qui n’est marqué par aucun changement important », Bengel. C’est donc avant la fin de ce long séjour que le Précurseur parut tout à coup sur la scène. – Vint est au présent, ce qui donne de la vie et du pittoresque au récit. – Jean-Baptiste ; nom glorieux qui se compose de deux parties distinctes, comme celui de Jésus-Christ. Il y a d’abord le nom propre et personnel “ Jean”, en hébreu Iochanan, qui avait été apporté du ciel par l’Ange Gabriel, Luc, 1, 13, et dont la signification, “Jéhova est propice”, était d’heureux augure pour le peuple juif ; il y a ensuite le surnom “Baptiste” tiré d’une des fonctions principales de S. Jean et dérivé du grec, baptiser. S. Matthieu garde le silence le plus absolu sur l’origine et la vie antérieure de Jean-Baptiste ; il était réservé à S. Luc de nous fournir ces précieux renseignements. Le nouvel Élie était du reste parfaitement connu des lecteurs du premier Évangile. Il avait environ trente ans comme Jésus. – Le premier théâtre de son ministère fut le désert de Judée. On nommait ainsi une région peu habitée et à peu près inculte, quoique riche en pâturages, située à l’Ouest de la mer Morte. Elle est mentionnée plusieurs fois dans l’Ancien Testament, Cf. Jud. 1, 16 ; Ps. 62, 1. C’était un désert d’après la signification orientale de ce mot, c'est-à-dire ‘Un espace territorial qui n’est pas celui d’une ville, ni d’un gros village, ni d’un lieu célèbre et populeux, mais de type champêtre », Rosenmüller, Schol. in h. l., et non pas, comme on est porté à le croire en Occident, une contrée complètement aride et désolée, un petit Sahara. Les déserts de Thécua, d’Engaddi, de Ziph et de Maon, souvent mentionnés dans l’Écriture, lui servaient de prolongements au N. O., au S. E. et au S. : sa pointe septentrionale venait aboutir aux environs de Jéricho, à quelque distance de l’endroit où le Jourdain se jette dans la mer Morte, et c’est là précisément que le Précurseur prêchait et baptisait au début de son ministère. Cependant il ne s’y fixa pas d’une manière définitive ; il parcourait tour à tour les rives orientale et occidentale du fleuve, ainsi que nous l’apprendra la suite de sa vie.
Saint Thomas d'Aquin
267. Plus haut, l’évangéliste a traité de l’entrée du Christ dans le monde ; maintenant il traite de son parcours, à laquelle il faut porter attention selon la progression de son enseignement, car c’est pour cela qu’il est venu, Jn 18, 37.

268. À propos de son enseignement, deux choses sont considérées : d’abord est présentée la préparation à l’enseignement [Mt 3] ; deuxièmement, l’enseignement lui-même est présenté, au chapitre 5. Or, du docteur de l’enseignement évangélique, deux choses sont requises : premièrement, qu’il soit enveloppé dans les saints mystères ; deuxièmement, qu’il soit de vertu éprouvée. Et ainsi deux choses sont mises avant l’enseignement [du Christ] : son baptême et sa tentation, chapitre 4.

269. À propos du premier point, [Matthieu] fait deux choses : d’abord est introduit le baptême de Jean, en cet endroit : JÉRUSALEM SORTAIT VERS LUI [3, 5] ; deuxièmement, l’instruction des baptisés, en cet endroit : VOYANT BEAUCOUP DE GENS [3, 7]. Ils sont invités par Jean de deux façons : par la parole et par l’exemple. Le second point [se trouve] en cet endroit : JEAN LUI-MÊME AVAIT UN VÊTEMENT EN POILS DE CHAMEAU etc [3, 4].

270. À propos de l’enseignement de Jean, [Matthieu] fait trois choses. D’abord, la personne du docteur est introduite ; deuxièmement, est abordé l’enseignement ; troisièmement, la confirmation. Le deuxième point [se trouve] en cet endroit : FAITES PÉNITENCE [3, 2] ; le troisième, en cet endroit : C’EST DE LUI QU’IL A ÉTÉ DIT [3, 3].

271. À propos de la personne, cinq choses sont abordées : premièrement, le temps ; deuxièmement, la personne ; troisièmement, la fonction ; quatrièmement, l’application, et, cinquièmement, le lieu.

272. Le premier point [se trouve] en cet endroit : EN CES JOURS-LÀ etc. [3, 1] Et il faut noter que Luc décrit l’époque de la prédication à partir des gouvernants de l’État et des Juifs. Donc, ce que dit Luc est exprimé ici quand [Matthieu] dit : EN CES JOURS-LÀ. Et cela ne doit pas se rapporter aux jours dont il a été fait mention, c’est-à-dire au temps de l’enfance du Christ, car il ne faut pas comprendre que cela s’est passé en ces jours-là où le Christ est revenu d’Egypte. Mais cela est exprimé ainsi parce que le Christ a habité d’une manière continue à Nazareth, Lc 2, 40 : L’enfant grandissait et se fortifiait, plein de sagesse, et la grâce de Dieu était en lui.

273. En deuxième lieu, est mise la personne, en cet endroit : JEAN VINT. Il vint, c’est-à-dire il apparut, lui qui d’abord avait été caché. C’est de lui que parle Jn 1, 7 : Il est venu pour le témoignage, pour témoigner de la lumière. Mais pourquoi le Christ voulut-il son témoignage, alors qu’il avait le témoignage de [ses] œuvres ?

274. Il faut dire que c’est pour trois raisons. D’abord, à cause de nous, qui sommes conduits à la connaissance des choses spirituelles par ce qui est semblable à nous. Jn 1, 7 : Il est venu pour témoigner de la lumière. Et pourquoi ? Pour que par lui tous croient. Deuxièmement, à cause de la méchanceté des Juifs, parce que non seulement le Christ se rend témoignage selon ce qu’eux-mêmes disaient, Jn 8, 13 : Tu te rends témoignage à toi-même, mais un autre aussi [lui rend témoignage], Jn 5, 33 : Vous avez envoyé à Jean des messagers et il a rendu témoignage à la vérité. Troisièmement, pour montrer l’égalité du Christ envers son Père, parce que de même que son Père a eu des messagers avant-coureurs, à savoir les prophètes, de même le Christ, Lc 1, 76 : Toi, enfant, tu seras appelé prophète du Très-Haut, tu iras devant le visage du Seigneur pour préparer ses voies.

275. En troisième lieu, est mise la fonction de baptiser. Ce fut la fonction spéciale [de Jean] parce qu’il fut le premier à baptiser. Il fut celui qui mit au point ce baptême en vue du baptême du Christ, parce que si le Christ avait ajouté un nouveau rite, les hommes auraient pu aussitôt être scandalisés. C’est pourquoi Jean vint en précurseur, pour préparer les hommes au baptême, Jn 1, 31 : Pour qu’il soit manifesté en Israël.

276. En quatrième lieu, est mise l’application, parce qu’il est venu pour prêcher consciencieusement. Et c’est EN PRÊCHANT LE BAPTÊME. Le Christ, dans l’intention de baptiser, ajouta ceci, plus loin, 28, 19 : Allez, enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Jean dans les deux cas a préparé la voie. Et il est à noter que Jean a fait cela dans sa trentième année, à l’âge où David devint roi et où Joseph prit les rênes du pouvoir en Égypte, Gn 41, 46. Par quoi est donné à entendre que personne ne doit être mis dans une fonction avant l’âge mûr.

277. Cinquièmement, est indiqué le lieu : DANS LE DÉSERT. Il a prêché dans le désert pour quatre raisons. D’abord, pour qu’ils entendent avec plus de calme : en ville, de nombreux curieux gênants se rassemblaient, mais dans le désert, il ne venait que les gens appliqués, Qo 12, 11 : Les paroles des sages sont comme des aiguillons et comme des piquets fixés profond, qui ont été donnés par un seul pasteur par le conseil des maîtres. Deuxièmement, parce que [le désert] convenait à sa prédication, puisque lui-même prêchait la pénitence. C’est ainsi que doit être un lieu de pénitence, qu’elle soit physique ou morale, Ps 54, 8 : Voici, je me suis enfui au loin, et je suis resté dans la solitude. Troisièmement, pour désigner la condition de l’Église qui est signifiée par le désert : il est donné à entendre que la prédication du salut n’est pas dans la synagogue mais dans l’Église, Is 54, 1 : Réjouis-toi, stérile qui n’enfantes pas, chante sans cesse des louanges, pousse des cris, toi qui n’enfantais pas, car l’abandonnée aura de plus nombreux fils que celle qui a un mari, dit le Seigneur. Quatrièmement, pour désigner la condition de la Judée, qui était déjà délaissée par Dieu, plus loin, 23, 38 : Voici que votre maison sera laissée déserte.