Matthieu 19, 8

Jésus leur répond : « C’est en raison de la dureté de votre cœur que Moïse vous a permis de renvoyer vos femmes. Mais au commencement, il n’en était pas ainsi.

Jésus leur répond : « C’est en raison de la dureté de votre cœur que Moïse vous a permis de renvoyer vos femmes. Mais au commencement, il n’en était pas ainsi.
Catéchisme de l'Église catholique
La conscience morale concernant l’unité et l’indissolubilité du mariage s’est développée sous la pédagogie de la Loi ancienne. La polygamie des patriarches et des rois n’est pas encore explicitement critiquée. Cependant, la Loi donnée à Moïse vise à protéger la femme contre l’arbitraire d’une domination par l’homme, même si elle porte aussi, selon la parole du Seigneur, les traces de " la dureté du cœur " de l’homme en raison de laquelle Moïse a permis la répudiation de la femme (cf. Mt 19, 8 ; Dt 24, 1).

Dans sa prédication, Jésus a enseigné sans équivoque le sens originel de l’union de l’homme et de la femme, telle que le Créateur l’a voulue au commencement : la permission, donnée par Moïse, de répudier sa femme, était une concession à la dureté du cœur (cf. Mt 19, 8) ; l’union matrimoniale de l’homme et de la femme est indissoluble : Dieu lui-même l’a conclue : " Que l’homme ne sépare donc pas ce que Dieu a uni " (Mt 19, 6).
Pape Saint Jean-Paul II
En effet, tandis que les sciences humaines, comme toutes les sciences expérimentales, développent une conception empirique et statistique de la « normalité », la foi enseigne que cette normalité porte en elle les traces d'une chute de l'homme par rapport à sa situation originelle, c'est-à-dire qu'elle est blessée par le péché. Seule la foi chrétienne montre à l'homme la voie du retour à l'« origine » (cf. Mt 19, 8), une voie souvent bien différente de celle de la normalité empirique. En ce sens, les sciences humaines, malgré la grande valeur des connaissances qu'elles apportent, ne peuvent pas être tenues pour des indicateurs déterminants des normes morales. C'est l'Evangile qui dévoile la vérité intégrale sur l'homme et sur son cheminement moral, et qui ainsi éclaire et avertit les pécheurs en leur annonçant la miséricorde de Dieu qui œuvre sans cesse pour les préserver du désespoir de ne pas pouvoir connaître et observer la Loi de Dieu et aussi de la présomption de pouvoir se sauver sans mérite. Il leur rappelle également la joie du pardon qui, seul, donne la force de reconnaître dans la loi morale une vérité libératrice, une grâce d'espérance, un chemin de vie.
Louis-Claude Fillion
Solution victorieuse de l’objection des Pharisiens. - On oppose Moïse à Jésus ; le divin Maître, après avoir expliqué la conduite du Législateur, l’oppose à son tour à la volonté de Dieu. - À cause de la dureté de votre cœur, en vue de la dureté bien connue de vos cœurs, eu égard à votre mauvais caractère. Moïse n’ignorait pas que ce défaut vous rendait incapables de supporter la Loi primitive dans toute sa force idéale : de là les ménagements qu’il a pris. Mais ces ménagements sont une honte pour vous, puisqu’ils proviennent de votre faiblesse morale. Comparez Ezéchiel 3, 7, où le Juifs sont appelés expressément, durs de cœurs ; voir aussi Deut. 9, 29. Du reste, poursuit Jésus, vous avez singulièrement exagéré la conduite de Moïse sur ce point : il est faux de prétendre qu’il vous a ordonné le divorce, il l’a simplement toléré, permis. Ce que vous appelez une injonction n’est qu’une dispense temporaire, dont le but avéré était même d’imposer des bornes à vos passions, en ne permettant la séparation des époux qu’à certaines conditions plus ou moins onéreuses. - Au commencement ; comme au v. 4 : au commencement du monde, quand Dieu institua le mariage. - Il n'en était pas ainsi. Le divorce n’existait pas alors, le mariage était tout à fait indissoluble. « Quoiqu’il semble donc que je sois maintenant l’auteur de cette loi, vous voyez combien elle est ancienne, et qu’elle a été très-religieusement établie dès le commencement du monde », S. Jean Chrys., Hom. 62 in Matth. L’unité absolue du mariage était si bien comprise dans les temps anciens, que Lamech, ce descendant de Caïn qui osa la violer le premier en prenant deux femmes à la fois, crut devoir non pas se justifier, mais se mettre en garde contre les violences de ses semblables par un épithalame sanglant et impie, bien différent de celui d’Adam ; Cf. Gen. 4, 23 et 24. - La réponse de Jésus est décisive, et l’objection tombe d’elle-même devant cette explication authentique de la conduite de Moïse. Le Législateur n’a pas commandé, il a seulement permis le divorce ; de plus, il ne l’a permis que comme un moindre mal, et non point parce qu’il était conforme à la volonté primitive de Dieu et à la nature des choses, puisque au contraire « au commencement il n'en était pas ainsi ». Remarquons l’accumulation affectée des pronoms « vos, votre » : la dispense a été tolérée pour vous, mais elle ne durera pas toujours. Voici en effet que Jésus la lève solennellement.
Saint Thomas d'Aquin
2021. ET IL LEUR DIT. Ici, [le Seigneur] répond à l’objection. Il donne d’abord la réponse ; en deuxième lieu, il la confirme, car le Seigneur démontre que [l’épouse] ne doit pas être répudiée, en vertu de l’autorité divine qui est plus grande. L’autorité de Moïse ne tient donc pas contre l’autorité divine. Mais, en sens contraire, le Seigneur n’a-t-il pas donné la loi par le truchement de Moïse ? Voyez, comme le dit l’Apôtre, 1 Co 7, 25 : Je n’ai pas de précepte du Seigneur au sujet des vierges, mais je donne un conseil. Il disait donc que parfois il avait reçu [un ordre] du Seigneur, et parfois que cela venait d’un zèle inspiré. De même en avait-il été de Moïse. Il avait permis cela, non pas parce qu’il l’avait entendu du Seigneur, mais sous l’inspiration divine, sans que cela ait été confirmé par l’autorité.

2022. C’EST EN RAISON DE LA DURETÉ DE VOTRE CŒUR QUE MOÏSE VOUS A PERMIS DE RÉPUDIER VOS ÉPOUSES. Ceux-ci disaient que Moïse l’avait ordonné. Or, il ne l’avait pas ordonné mais permis. Il est question de la dureté de leurs cœurs en Ac 7, 51 : Nuques raides, oreilles et cœurs incirconcis, vous résistez toujours à l’Esprit Saint !

On a ainsi l’habitude de demander si ceux qui répudiaient leurs femmes péchaient mortellement. Certains ont dit que ceux qui [les] répudiaient péchaient mortellement. En effet, une permission est reçue de quatre façons. On dit que quelque chose est permis lorsque son contraire n’est pas prescrit ; ainsi un bien moindre est permis parce qu’un bien plus grand n’est pas ordonné, comme le dit l’Apôtre, 1 Co 7, 6 : Je vous le dis par concession. Mais parfois [cela est permis] en raison de l’absence d’empêchement ; et ainsi, on dit parfois que tous les maux qui sont faits dans le présent sont permis parce qu’ils ne sont pas châtiés. Certaines choses, qui étaient des péchés mortels, furent ainsi permises aux Juifs, parce que des châtiments ne leur ont pas été infligés. Or, cela arrive dans les choses terrestres ; en effet, nous voyons ainsi que, selon les lois humaines, la simple fornication n’est pas punie. De sorte que, la loi ancienne ne concernant que la vie présente, cette réponse est bonne. Mais parce que, selon l’enveloppe, elle concerne la vie présente, mais, selon la moelle, elle concerne aussi la vie éternelle (Ex 15, 23 : Je leur ai donné mes commandements, et le Seigneur dit au jeune homme plus loin :Si tu veux entrer dans la vie, observe les commandements [Mt 19, 17]), d’autres disent qu’on avait mal pris soin de ce peuple s’il ignorait que quelque chose était péché, alors qu’il avait été écrit, Is 58, 1 : Fais connaître ses péchés au peuple. Chrysostome dit donc que «cela enlevait du péché le châtiment du péché». Et bien que cela fût quelque chose de désordonné, [le Seigneur] ne voulut cependant pas que cela leur fût imputé comme une faute, comme le Seigneur ordonna à Osée d’engendrer des fils par fornication. La permission ne venait donc pas d’un commandement, mais elle [avait été donnée] afin d’éviter un mal plus grand.

MAIS IL N’EN ÉTAIT PAS AINSI À L’ORIGINE. Cela était donc le résultat d’un acte, mais n’avait pas été institué à l’origine. Ainsi, après de nombreuses années, personne ne renvoya son épouse.
La Glose
Ou bien ces paroles: «dans une seule chair» signifient l'union elle-même des deux sexes.
Rabanus Maurus
L'Évangéliste commence donc à raconter les actions, les enseignements de Jésus et aussi ce qu'il eut à souffrir, d'abord au delà du Jourdain, à l'Orient, ensuite en deçà du Jourdain, lorsqu'il vint à Jéricho, à Bethphagé et à Jérusalem: «Et il vint aux confins de la Judée».

Il guérit aussi les Galiléens sur les confins de la Judée, pour montrer qu'il comprend les Gentils dans le pardon qu'il préparait à la Judée.

C'est par un dessein salutaire de Dieu qu'il a été établi que l'homme devrait aimer dans la femme une partie de son propre corps et ne pas regarder comme lui étant étrangère une chair qu'il reconnaîtrait avoir été tirée de lui.
Saint Rémi
Il faut se rappeler que tout le pays habité par les Israélites portait le nom général de Judée, mais que ce nom était donné d'une manière spéciale à la partie méridionale habitée par la tribu de Juda et par celle de Benjamin, pour la distinguer des autres pays renfermés dans la même province, comme la Samarie, la Galilée, la Décapotle et d'autres encore.

L'Apôtre saint Paul nous enseigne que c'est là un grand mystère en Jésus-Christ et en son Église ( Ep 5,32 ). En effet, Notre-Seigneur Jésus-Christ abandonna en quelque sorte son Père, lorsqu'il descendit des cieux sur la terre; il abandonna sa mère, c'est-à-dire la syna gogue, en punition de son infidélité, et il s'attacha à son épouse, c'est-à-dire à la sainte Église, et ils sont deux dans une chair, c'est-à-dire Jésus-Christ et l'Église dans un seul corps.
Saint Augustin
Ces paroles, au témoignage de l'Écriture, ont été dites par le premier homme; le Seigneur, cependant, les attribue à Dieu lui-même. Nous d evons donc comprendre qu'Adam, par suite de l'extase qui avait précédé, a pu dire ces paroles par inspiration et comme prophète.

Notre-Seigneur dit qu'ils ne font qu'un, ou bien à cause de leur union, ou à cause de l'origine de la femme, qui a été tirée du côté de l'homme.

Voilà donc les Juifs convaincus par les livres de Moïse qu'on ne doit pas renvoyer son épouse, eux qui croyaient agir conformément à la loi de Moïse, lorsqu'ils répudiaient leurs femmes. Nous apprenons en même temps par le témoignage de Jésus-Christ que Dieu a fait l'homme et la femme, et les a unis entre eux, doctrine qui condamne les Manichéens qui nient cette vérité et se mettent ainsi en opposition avec l'Évangile de Jésus-Christ.

Quelle n'était pas en effet leur dureté, puisque l'acte de répudiation qui offrait un moyen de séparation aux hommes justes et prudents, ne pouvait ni les fléchir, ni ramener dans leurs coeurs l'affection qui doit régner entre les époux. Mais quelle est donc la fourberie des Manichéens, qui reprochent à Moïse d'avoir détruit le mariage en autorisant le billet de répudiation et qui louent Jésus-Christ d'avoir confirmé l'indissolubilité du lien conju gal? Dans leur opinion sacrilège, ils devraient, au contraire, louer Moïse d'avoir séparé ce que le démon avait uni, et blâmer Jésus-Christ d'avoir resserré des liens formés par le démon.
Saint Jérôme
Ils veulent le prendre dans ce dilemme sans réplique, et le faire tomber dans le piège, quelle que soit sa réponse: S'il dit qu'on peut renvoyer sa femme pour toute sorte de raisons et en prendre une autre, il se trouvera en contradiction avec sa doctrine sur la pureté des moeurs; s'il répond, au contraire, qu'il est défendu de la renvoyer pour toute espèce de motifs, il sera convaincu de sacrilège et d'opposition à la doctrine de Moïse et de Dieu lui-même.

Il pèse tous les termes de sa réponse, de manière à évi ter le piége qu'ils lui tendent, et il produit tout à la fois le témoignage de l'Écriture et de la loi naturelle, pour mettre ainsi en comparaison la première déclaration de Dieu avec la seconde: « Et il leur répondit: N'avez-vous pas lu que Celui qui a créé l'homme dès le commencement créa un seul homme et une seule femme ? » C'est ce qui est écrit au commencement de la Ge nèse. Or, ces paroles: « Un seul homme et une seule femme », prouvent qu'on doit éviter de s'engager dans les liens d'un second mariage. En effet, Notre-Seigneur n'a pas dit: mâle au singulier et femelle au pluriel, ce que les Juifs avaient en vue en répudiant leur première épouse, mais mâle et femelle, tous deux au singulier, afin qu'on ne s'engageât dans les liens que d'un seul mariage.

Il dit encore ici « à son épouse », et non «à ses épouses», et il ajoute expressément: « ils seront deux dans une seule chair»; car un des principaux avantages de l'union conjugale, c'est de réunir deux corps en une seule chair.

Dieu a formé cette union en ne faisant qu'une chair de l'homme et de la femme; ce n'est donc pas à l'homme, mais à Dieu seul de la séparer; or, l'homme sépare, lorsqu'il ren voie sa première femme par le désir d'en prendre une autre; Dieu sépare, lui qui avait uni, lorsque, d'un mutuel consentement et en vue du service de Dieu, nous avons une femme; mais que nous sommes comme n'en ayant pas ( 1Co 7,29 ).

Ils découvrent l'accusation calomnieuse qu'ils avaient préparée, bien que le Sauveur n'ait point donné son propre sentiment, mais qu'il n'ait fait que rappeler un fait de l'histoire ancienne et les commandements de Dieu.

Paroles dont voici le sens: Est-ce que Dieu peut être en contradiction avec lui-même, à ce point d'établir une loi et de la détruire par un Commandement contraire? c'est ce qu'on ne peut admettre. Mais Moïse, voyant que le désir d'épouser d'autres femmes, ou plus riches ou plus jeunes ou plus belles, était pour les premières épouses une cause de mauvais traitements et de mort, ou pour les maris de conduite licencieuse, aima mieux permettre le divorce, que de laisser persister les haines et les homicides. Remarquez encore qu'il ne dit pas: A cause de la dureté de votre coeur, Dieu vous a permis, mais: «Moïse vous a permis»; car, selon la remarque de l'Apôtre ( 1Co 7,12 ), c'était un conseil de l'homme et non pas un commandement de Dieu.
Saint Jean Chrysostome
Notre-Seigneur était précédemment sorti de la Judée à cause de la jalou sie de ses ennemis; il y revient maintenant fixer son séjour, parce que le temps de sa passion n'était plus éloigné. Cependant il ne s'avance pas au coeur de la Judée, mais il s'arrête sur ses frontières. «Et il arriva, dit l'auteur sacré, que lorsque Jésus eut achevé tous ces discours», etc.

Il agit en cela avec justice, comme le Seigneur de tous les hommes, qui aime les uns sans délaisser les autres.

Ils l'accompagnaient, comme de jeunes enfants conduisent leur père partant pour un long voyage. Et le Sauveur, comme un père, qui est sur son départ, leur laissa pour gages de sa tendresse la guérison de leurs maladies, comme l'indique l'auteur sacré: «Et il les guérit».

Remarquons ici que le Seigneur ne s'applique continuellement ni à enseigner le peuple, ni à faire des miracles, mais il fait alternativement l'un et l'autre pour confirmer par les miracles l'autorité de ses paroles, et montrer, par la nature de ses enseigne ments, l'utilité des miracles.

Jésus-Christ gué rissait les hommes, et les bienfaits dont ils étaient l'objet se répandaient par eux sur une foule d'autres, car leur guérison était pour un grand nombre une occasion d'acquérir la connaissance de sa divinité. Ce n'était pas toutefois pour les pharisiens, que ses miracles ne faisaient qu'endurcir comme l'indiquent les paroles suivantes: « Et les pharisiens s'approchèrent de lui pour le tenter, et ils lui dirent: Est-il permis à un homme de renvoyer sa femme », etc.

Voyez comme leur méchanceté paraît jusque dans la manière dont ils l'interrogent. Le Sauveur avait déjà eu occasion d'expliquer ce commandement, et ils viennent le questionner comme s'ils n'en avaient jamais parlé, s'imaginant sans doute qu'il avait oublié ce qu'il avait pu dire.

Lorsque vous voyez un homme cultiver avec soin l'amitié des médecins, vous en concluez qu'il est atteint de quelque infirmité; de même, lorsque vous voyez un homme et une femme qui viennent questionner sur les moyens de renvoyer sa femme ou son mari, concluez sûrement que cet homme, que cette femme mè nent une vie dissolue; car la chasteté se plaît dans les liens du mariage, mais le libertinage re garde ces liens comme un esclavage et un supplice. Les pharisiens savaient bien qu'ils n'avaient aucune raison valable pour renvoyer leurs femmes, si ce n'est des motifs honteux, et ils ne lais saient pas de contracter avec l'une et avec l'autre de nouveaux engagements. Ils n'osèrent pas demander à Jésus pour quels motifs il était permis de renvoyer sa femme, afin de ne pas se trouver resserrés dans les limites étroites de raisons claires et précises; mais ils lui demandent s'il est permis de la renvoyer pour toute espèce de raisons, car ils savaient bien que la passion ne sait ni s'arrêter ni se contenir dans les bornes d'un seul mariage, mais que plus on la satis fait, plus elle s'enflamme.

Or, si Dieu a créé d'une seule et même chose l'homme et la femme pour établir entre eux une parfaite unité, pourquoi l'homme et la femme ne naissent-ils pas simultanément du même sein, comme il arrive pour certains oiseaux? Parce que, bien que Dieu ait créé l'homme et la femme en vue de la génération des enfants, cepe ndant il est tou jours l'ami de la chasteté et l'auteur de la continence. C'est pourquoi Dieu n'a pas suivi la même règle dans la génération humaine. D'après cette règle, si l'homme veut se marier selon l'ordre établi dès la création, il doit comprendre parfaitement ce qu'est l'homme et la femme, et, s'il ne veut pas se marier, il n'y est point comme forcé par une union qui daterait de sa naissance, et il ne devient point ainsi, en gardant la continence, la perte d'un autre qui ne s'y croi rait pas appelé. C'est ainsi que le Seigneur, le mariage une fois contracté, défend aux époux de se séparer l'un de l'autre, si ce n'est d'un consentement mutuel.

Ce n'est pas seulement d'après la règle suivie dans la création, mais d'après une loi formelle qu'il établit, que le mariage est l'union indissoluble d'un seule avec une seule; c'est pour cela qu'il ajoute: « L'homme abandonnera son père et sa mère et s'attachera à son épouse ».

Si donc parce que la femme vient de l'homme et qu'ils sont tous deux d'une même chair, l'homme doit abandonner son père et sa mère, on doit voir exister une plus grande affection entre les frères et soeurs qui sortent des mêmes parents, tandis que les époux viennent de familles différentes. Cependant l'affection des époux est de beaucoup supérieure, parce que l'institution divine est plus forte que la force même de la nature; en effet, les préceptes divins ne sont point soumis à la nature, tandis que la nature obéit aux commandements de Dieu. D'ailleurs, les frères sortent d'une seule et même union pour suivre des routes différentes; l'homme et la femme, au contraire, naissent de parents divers pour accomplir ensemble la même destinée. L'ordre que suit la nature vient ici confirmer l'ordre établi de Dieu; car ce que la sève est dans les arbres, l'amour l'est dans les hommes. Or, la sève monte de la racine pour former le corps de la plante, et de là s'élève encore plus haut pour se transformer en semence. C'est ainsi que les parents aiment leurs enfants et n'en sont pas également aimés, car l'homme applique surtout son affec tion non pas à aimer ceux qui lui ont donné le jour, mais aux enfants qui naissent de son union, comme il est écrit: «L'homme abandonnera son père et sa mère et s'attachera à son épouse».

Admirez la sagesse de ce divin Maître. On lui demande: « Est-il per mis ? » Il ne répond pas aussitôt: «Il n'est pas permis», pour ne pas les troubler et les dé concerter, mais il appuie cette défense sur des preuves. Dieu, en effet, dès le commencement, fit l'homme et la femme, et il ne les unit pas d'une manière ordinaire, mais il leur ordonna d'abandonner leur père et leur mère. Il ne se contente pas non plus de commander à l'homme d'aller trouver la femme, il veut qu'il lui soit uni, et, par la manière dont il s'exprime, il établit l'indivisibilité du mariage. Mais il montre encore plus fortement combien cette union est étroite en ajoutant: « Et ils seront deux dans une seule chair

Après avoir rapporté les paroles et les faits de la loi ancienne, Jésus les interprète lui-même avec autorité, et il établit la loi en ces termes: «Ainsi ils ne sont plus deux, mais une seule chair». De même qu'on dit de ceux qui s'aiment d'un amour spirituel, qu'ils ne font qu'une seule âme, comme l'atteste l'Écriture: «Tous les croyants n'avaient qu'un coeur et qu'une âme» ( Ac 4,32 ); ainsi on dit de l'homme et de la femme qui s'aiment d'un amour selon la chair, qu'ils ne sont qu'une même chair; or, si c'est une chose horrible de couper ou de déchirer sa propre chair, il ne l'est pas moins de séparer la femme de son mari.

Enfin, il fait intervenir l'autorité de Dieu lui-même en disant: «Que l'homme donc ne sépare pas ce que Dieu a uni; paroles qui démontrent que renvoyer sa femme, c'est agir à la fois contre la nature et contre la loi: contre la nature, en divisant une seule et même chair; contre la loi, parce que renvoyer sa femme, c'est rompre des liens que Dieu lui-même avait assemblés et déclarés indissolubles.

Une déclaration aussi conforme à la chasteté est accablante pour des fornicateurs; ils ne peuvent rien opposer à la raison, mais ils ne se rendent pas pour cela à la vérité. Ils s'appuient donc de l'autorité de Moïse, comme des hommes qui ayant une mauvaise cause à défendre ont recours à des personnages haut placés, pour remporter par leur influence un triomphe qu'ils ne peuvent espérer de la justice de leur cause. « Mais pourquoi donc, lui disent-ils, Moïse a-t-il commandé », etc.

Si Notre-Seigneur eût été en opposition avec l'Ancien Testament, il n'eût point pris la défense de Moïse; il n'aurait pas non plus montré le rapport des faits an ciens avec ce qui le concernait. Cependant l'ineffable sagesse du Sauveur va jusqu'à justifier ses accusateurs dans sa réponse: «Et il leur répondit: C'est à cause de la dureté de votre coeur que Moïse vous a permis»,etc. C'est ainsi qu'il justifie MoIse de l'accusation qu'ils semblaient vouloir lui intenter, tour la faire retomber tout entière sur leur tête.

Comme cette réponse pouvait produire une impression fâcheuse, le Sauveur en revient aussitôt à la loi et ajoute: «Mais au commencement, il n'en a pas été ainsi».

Aussi est-ce avec dessein qu'il dit: «Moïse vous a permis», et non: Moïse vous a commandé; car ce que nous commandons est l'expression d'une volonté qui persévère, tandis que ce que nous permettons, nous l'accordons malgré nous, parce que nous ne pouvons pas arrêter entièrement la mauvaise volonté des hommes. Moïse vous a donc permis de faire mal, pour vous empêcher de faire plus mal en core; donc, en nous accordant cette permission, il ne vous a pas fait connaître ce qu'exige la justice de Dieu; il a simplement déchargé le péché de culpabilité, de manière qu'en paraissant agir d'après votre loi, ce qui était péché cessât de l'être pour vous.
Origène
Notre-Seigneur guérissait tout ce peuple au delà du Jourdain où le baptême était donné, car c'est vraiment dans le baptême que tous les hommes sont délivrés de leurs infirmités spirituelles; et s'il en est beaucoup qui suivent Jésus-Christ comme la mul titude, tous cependant n'imitent pas la conduite de saint Matthieu, qui se leva aussitôt et quitta tout pour suivre le Christ.

En voyant que Notre-Seigneur a voulu être ainsi tenté, qu'aucun de ses disciples, chargé d'enseigner les autres, ne s'attriste d'être éprouvé de la même manière, mais qu'il considère le Sauveur, faisant à ceux qui le tentent, une réponse pleine de religion et de piété.