Matthieu 19, 20

Le jeune homme lui dit : « Tout cela, je l’ai observé : que me manque-t-il encore ? »

Le jeune homme lui dit : « Tout cela, je l’ai observé : que me manque-t-il encore ? »
Louis-Claude Fillion
J'ai observé toutes ces choses, répond le jeune homme, et même dès ma jeunesse. « Cet adolescent ment », s’écrie S. Jérôme, indigné d’une telle réflexion. Mais pourquoi l’interlocuteur de Jésus n’eût-il pas dit la stricte vérité ? Pourquoi n’aurait-il pas, depuis son enfance, pratiqué la sainteté légale, évité toute faute grossière ? Il se trompe sans doute quand il affirme qu’il a fidèlement accompli « toutes ces choses » : mais son erreur est involontaire, provenant beaucoup plus de l’infériorité du mosaïsme que de son propre esprit. Est-ce complètement sa faute s’il s’est arrêté à la lettre des préceptes divins, s’il n’en a pas compris toute l’étendue ? Du moins il pressent qu’il lui manque quelque chose d’essentiel, et il désire vivement que la lumière se fasse dans son âme. Aussi demande-t-il encore : Que me manque-t-il encore ? : Sous quel rapport suis-je encore en déficit, imparfait ? S. Jean Chrysostôme, moins sévère que le grand exégète romain, admire cette franche et loyale question : « Et sans s’arrêter là, il ajoute aussitôt: « Que me reste-t-il encore à faire » ? marquant par, toutes ces circonstances un désir ardent de posséder la vie éternelle; mais particulièrement en ce qu’il croyait qu’après avoir accompli les commandements dont Jésus-Christ lui parlait, il lui manquait encore quelque chose pour acquérir ce qu’il souhaitait », Hom. 63 in Matth. Nous croyons, nous aussi, qu’il y avait dans ce jeune homme de grandes qualités, une noblesse d’âme inaccoutumée, d’ardents désirs du bien, et un certain degré de bonne volonté. C’est à coup sûr cet heureux ensemble qui le rendit cher à Jésus : « Jésus posa son regard sur lui, et il l’aima ». Marc. 10, 21.
Saint Thomas d'Aquin
2050. LE JEUNE HOMME LUI DIT : «TOUT CELA, JE L’AI OBSERVÉ DEPUIS MON ENFANCE.» Après avoir transmis son enseignement sur le salut commun, le Seigneur transmet ici son enseignement sur la perfection. Premièrement, il transmet son enseignement ; deuxièmement, la nécessité de cet enseignement ; troisièmement, la récompense de son observance. Le second point [se trouve] en cet endroit : JÉSUS DIT ALORS À SES DISCIPLES [19, 23] ; le troisième, en cet endroit : ALORS, PRENANT LA PAROLE, PIERRE, etc. [19, 27].

Premièrement, l’occasion de donner cet enseignement est présentée ; deuxièmement, la formulation ; troisièmement, l’effet. Le second point [se trouve] en cet endroit : JÉSUS LUI DIT, etc. [19, 21] ; le troisième, en cet endroit : ENTENDANT CETTE PAROLE, LE JEUNE HOMME REPARTIT CONTRISTÉ [19, 22].

2051. L’occasion de formuler cet enseignement est la demande du jeune homme. Premièrement, il confesse qu’il observe les [commandements] de la loi ; deuxièmement, il demande en quoi consiste la perfection à laquelle il pourrait accéder, en cet endroit : «QUE ME MANQUE-T-IL ENCORE ?"

2052. [Le jeune homme] dit donc : «TOUT CELA, JE L’AI OBSERVÉ DEPUIS MON ENFANCE.» Il dit : «TOUT CELA», car il ne suffit pas de faire une seule chose, si toutes ne sont pas observées. Jc 2, 10 : Celui qui commet une offense sur un point devient coupable de tout. Il dit aussi : DEPUIS MON ENFANCE. Pr 22, 6 : Mets le jeune homme sur sa voie et, lorsqu’il vieillira, il ne s’en écartera pas. Lui convenait donc de ce qui est dit en Jb 23, 12 : Je ne me suis pas écarté de la voie tracée par tes lèvres. Disait-il la vérité ? On peut se le demander. Jérôme dit qu’il a menti, ce qui est clair, car, immédiatement avant cela, il avait été dit : «TU AIMERAS TON PROCHAIN COMME TOI-MÊME.» S’il avait aimé de cette façon, il ne serait pas reparti triste lorsque le Seigneur dit : «VA, VENDS TOUT CE QUE TU POSSÈDES ET DONNE-LE AUX PAUVRES.» Chrysostome dit qu’il avait dit la vérité pour ce qui était de l’observance des [commandements] de la loi, et cela est confirmé par ce qu’on trouve en Mc 10, 21, que lorsque Jésus le regarda, il l’aima, ce qu’il n’aurait pas fait s’il n’avait pas été bon. En effet, il existe une double voie : l’une qui suffit au salut, et elle consiste dans l’amour de Dieu et du prochain, avec le bénéfice qu’il comporte, mais sans sa lourdeur, comme on le trouve en 1 Co 8, 3 : Celui qui aime Dieu est connu de lui, etc., et cette voie, [le jeune homme] l’avait suivie ; l’autre, qui est celle de la perfection, comme aimer son prochain avec les inconvénients que cela comporte, et cette voie, [le jeune homme] ne l’avait pas suivie. C’est pourquoi, lorsqu’elle lui fut proposée, IL REPARTIT CONTRISTÉ. Il n’était pas satisfait de la première ; il demanda donc : «QUE ME MANQUE-T-IL ENCORE ?» Tous sont tenus de se poser cette question, selon ce qui est dit : Seigneur, fais-moi connaître ma fin et le nombre de mes jours afin que je sache ce qui me manque [Ps 38[39], 5]. En effet, Lui seul sait ce qui nous manque. Tes yeux ont vu ce qui était imparfait en moi, Ps 138[139], 16.