Matthieu 18, 9
Et si ton œil est pour toi une occasion de chute, arrache-le et jette-le loin de toi. Mieux vaut pour toi entrer borgne dans la vie éternelle, que d’être jeté avec tes deux yeux dans la géhenne de feu.
Et si ton œil est pour toi une occasion de chute, arrache-le et jette-le loin de toi. Mieux vaut pour toi entrer borgne dans la vie éternelle, que d’être jeté avec tes deux yeux dans la géhenne de feu.
Dans ces deux versets, Notre-Seigneur nous enseigne comment il nous sera possible
d’échapper au scandale, dont il a décrit plus haut la malice et le caractère dangereux. Il reproduit pour cela
des paroles qu’il avait déjà prononcées au commencement de son ministère public, sur la montagne de
Kouroun-el-Hattîn, Cf. 5, 29 et 30 : mais leur sens subit une modification importante, de même que leur
enchaînement. Là il n’était question que des péchés honteux, ici elles désignent toute espèce de scandale ; là
il s’agissait des désirs dépravés qui émanent de notre propre corruption, ici Jésus parle surtout de la
corruption extérieure qui peut rejaillir sur nous et nous gâter, si nous ne prenons des moyens énergiques pour
l’éloigner. Du reste, le divin Maître ne se contente pas de répéter purement et simplement ses sentences
d’autrefois : il y ajoute plusieurs traits intéressants. Par exemple, il mentionne un nouveau membre, le pied,
qui n’avait pas été nommé dans le Discours sur la Montagne. Il donne aussi à l’idée une tournure plus
originale, quand il dit qu’il vaut mieux entrer dans le royaume des cieux avec un seul bras (tel est en effet le
sens de debilem d’après le texte grec) ou avec un seul pied, ou avec un seul œil, que d’être damné avec un
corps parfait. Il indique enfin plus clairement la nature de la Géhenne. Tandis qu’il s’était contenté autrefois
de prononcer le nom de cet affreux séjour, il en caractérise ici les supplices et l’éternelle durée par les mots
le feu éternel, la géhenne de feu, qui rappellent le feu inextinguible dont le Précurseur menaçait les
Pharisiens et les Sadducéens, Cf. 3, 12. A part ces différences du fond et de la forme, ce langage
métaphorique est d’une intelligence aisée : nous renvoyons donc le lecteur à nos anciennes explications.
Qu'il suffise donc de résumer comme suit avec S. Jérôme la pensée du Sauveur : « Si quelqu'un, leur dit-il,
vous est aussi étroitement uni que votre main, votre pied, votre œil, s'il est pour vous d'une utilité
incontestable, plein de vigilance et de sollicitude pour vos intérêts, mais qu'il vous soit une cause de scandale
et vous entraîne dans l'abîme par le contraste de ses mœurs déréglées, il vous est beaucoup plus avantageux
de rompre toute liaison avec lui et de renoncer aux avantages temporels que vous en retiriez, que de
conserver près de vous une cause certaine de ruine en tenant aux avantages que vous procurent ces parents et
ces amis. Chaque fidèle connaît ce qui peut lui nuire, ce qui est pour son âme une cause de séduction ou de
tentation fréquente. Or, il vaut mieux qu'il vive dans la solitude que de perdre la vie éternelle pour les biens si
fragiles de la vie présente », Comm. in h. l. La fuite et la séparation, tels sont donc les vrais remèdes du
scandale. Il faut traiter les personnes scandaleuses, quelque chères et nécessaires qu’elles nous puissent être,
comme on traite un membre gangrené qui met tout le corps en danger. - Disons encore, pour plus de clarté,
que les vv. 8 et 9 traitent exclusivement du scandale reçu, tandis que le v. 7 traitait tout à la fois du scandale
soit donné soit reçu dans sa première partie, et uniquement du scandale donné, dans la seconde.
1963. De même, quelqu’un t’est nécessaire pour l’enseignement : il est donc un œil pour toi. Ainsi, SI TON ŒIL TE SCANDALISE, ARRACHE-LE. Et [le Seigneur] en donne la raison : MIEUX VAUT POUR TOI, etc.
Ou bien, on peut mettre cela en rapport avec toute l’Église, car les yeux sont les prélats, les mains, les diacres, le pied, les hommes ordinaires. De sorte qu’il vaut mieux déposer un prélat ou retrancher un diacre que de scandaliser l’Église. Ou bien, par l’œil, on entend la contemplation, par la main, l’action, par le pied, la procession. De sorte que si tu vois que telle contemplation, telle action ou telle procession sont pour toi une occasion de péché, retranche-la et jette-la loin de toi.
Ou bien, on peut mettre cela en rapport avec toute l’Église, car les yeux sont les prélats, les mains, les diacres, le pied, les hommes ordinaires. De sorte qu’il vaut mieux déposer un prélat ou retrancher un diacre que de scandaliser l’Église. Ou bien, par l’œil, on entend la contemplation, par la main, l’action, par le pied, la procession. De sorte que si tu vois que telle contemplation, telle action ou telle procession sont pour toi une occasion de péché, retranche-la et jette-la loin de toi.
La Glose
Notre-Seigneur venait de dire qu'il vaudrait mieux pour celui qui scandalise, qu'on lui attachât une meule de moulin au cou; il en donne maintenant la raison. «Malheur au monde, à cause de ses scandales !»
Ou bien il faut qu'il arrive des scandales, parce qu'ils sont nécessaires ou du moins utiles pour faire connaître ceux qui sont d'une vertu éprouvée ( 1Co 11,19 ).
Le mot scandale est un mot grec qu'on peut traduire par pierre d'achoppement, ou par chute ou choc des pieds. Celui-là donc scandalise son frère qui, par une parole ou par une action contraire à la règle, devient pour lui une occasion de chute.
C'est-à-dire: Malheur à l'homme qui, par sa propre faute, devient cause de ce qui doit arriver nécessairement dans le monde. Cette sentence, qui est générale, atteint en particulier Judas, qui avait déjà préparé son âme à la trahison.
Notre-Seigneur retranche donc d'une manière absolue tout prétexte fondé sur les liens du sang ou de l'amitié, pour que les fidèles ne soient pas exposés aux scandales par suite d'un sentiment d'affection quelconque. Si quelqu'un, leur dit-il, vous est aussi étroitement uni que votre main, votre pied, votre oeil, s'il est pour vous d'une utilité incontestable, plein de vigilance et de sol licitude pour vos intérêts, mais qu'il vous soit une cause de scandale et vous entraîne dans l'abîme par le contraste de ses moeurs déréglées, il vous est beaucoup plus avantageux de rompre toute liaison avec lui et de renoncer aux avantages temporels que vous en retiriez, que de conserver près de vous une cause certaine de ruine en tenant aux avantages que vous procu rent ces parents et ces amis. Chaque fidèle connaît ce qui peut lui nuire, ce qui est pour son âme une cause de séduction ou de tentation fréquente. Or, il vaut mieux qu'il vive dans la so litude que de perdre la vie éternelle pour les biens si fragiles de la vie présente.
En disant: Il est nécessaire, le Sauveur ne détruit pas le libre arbitre et ne le soumet à aucune fatalité; il ne fait que prédire ce qui arrivera. Les scandales, c'est tout ce qui fait obstacle dans la voie droite. Or, ce n'est point la prédiction de Jésus-Christ qui est la cause des scandales, ce n'est point parce qu'il les a prédits que les scandales arrivent, mais c'est parce qu'ils devaient certainement arri ver qu'ils les a prédits. On me dira peut-être: Si tous viennent à se corriger de leurs défauts et qu'il n'y ait plus personne pour donner de scandale, comment établir la vérité de cette parole de Jésus-Christ? Rien de plus facile, car c'est justement parce qu'il a prévu qu'il y aurait des hommes qui ne se corrigeraient pas, qu'il a dit: «Il est nécessaire qu'il arrive des scandales»,c'est-à-dire: ils arriveront nécessairement. Or, si tous les hommes avaient dû réformer leur conduite, il n'aurait pas tenu ce langage.
En effet, les scandales réveillent les hommes, les rendent plus attentifs et plus sur leurs gardes et relèvent aussitôt celui qui tombe, en lui inspirant pour l'avenir une plus grande vigilance.
Pour vous faire comprendre que les scandales ne sont pas d'une absolue nécessité, écoutez ce qui suit: «Si votre pied ou votre main vous scandalise», etc. Il ne veut point parler ici des membres du corps, mais des amis que nous regardons comme nous étant aussi nécessaires que nos membres, car rien n'est plus nuisible que de mauvaises fréquenta tions.
Ou bien encore, c'est l'humilité de la passion qui a été un scan dale pour le monde. En effet, ce qui retient le plus les hommes dans l'ignorance des mystères du salut, c'est qu'ils n'ont pas voulu reconnaître le Dieu de la gloire éternelle sous les dehors ignominieux de la croix. Or, qu'y a-t-il au monde de plus dangereux que de ne pas recevoir Jésus-Christ? Il déclare donc qu'il est nécessaire qu'il arrive des scandales, parce qu'il fallait qu'il subît toutes les humiliations de sa passion pour accomplir le mystère qui devait nous ren dre la bienheureuse éternité.
Ou bien, sous cette dénomina tion générale, il veut désigner le peuple juif, auteur de ce scandale qui a eu pour objet la pas sion de Jésus-Christ et qui a exposé le monde au danger de renoncer, à cause même de sa pas sion, à Jésus-Christ, dont la loi et les prophètes avaient annoncé les souffrances.
Ce que Notre-Seigneur appelle ici le monde, ce ne sont pas les éléments du monde extérieur, mais les hommes qui sont dans le monde. Or, les disciples de Jésus-Christ ne sont pas du monde; par conséquent, cette malédiction, qui tombe sur les scandales, ne les atteint pas, car les scandales ont beau être mul tipliés, ils ne touchent point celui qui n'est pas du monde. S'il est encore du monde, parce qu'il aime le monde et les choses qui sont dans le monde, les scandales n'auront de prise sur lui qu'en proportion de ce qu'il serait engagé dans les liens du monde.
Ou bien ces scandales qui arrivent sont les anges de Satan. Gardez-vous de croire cependant que ces anges soient scandales par leur nature ou par leur substance; c'est leur libre arbitre qui a produit le scandale dans quelques-uns qui n'ont pas voulu supporter l'épreuve à laquelle Dieu avait soumis leur vertu, il n'y a de bien véritable que celui qui est combattu par le mal. Il est donc nécessaire que les scandales arrivent, comme il est nécessaire que nous ayons à souffrir de la malice des esprits célestes dont la haine s'enflamme d'autant plus que le Verbe de Dieu le Christ établit plus solidement son empire parmi les hom mes et chasse loin d'eux toutes les malignes influences. Aussi ces mauvais anges cherchent-ils des instruments pour produire des scandales, et c'est à eux surtout que le Sauveur dit: Mal heur, car le jugement sera bien plus sévère pour celui qui scandalise que pour celui qui est scandalisé; c'est pour cela qu'il ajoute: «Malheur à l'homme par qui arrive le scandale».
Ou bien, dans un autre sens également raisonnable, on peut entendre par l'oeil les prêtres, qui sont comme l'oeil de l'Église, parce qu'ils en sont comme les sentinelles; par la main, les diacres et les autres ministres par qui s'accomplissent les oeuvres spirituelles. Les fidèles, au contraire, sont comme les pieds du corps de l'Église. Et aucun d'eux ne doit être épargné s'il devient une cause de scandale pour l'Église. Ou bien encore, l'action de l'âme, c'est la main qui pêche; la marche de l'âme, c'est le pied; la vue de l'âme, c'est l'oeil coupable; il faut les couper et les arracher s'ils nous sont un sujet de scandale, car souvent les actions des membres désignent dans la sainte Écriture les membres eux-mêmes.