Matthieu 18, 6

Celui qui est un scandale, une occasion de chute, pour un seul de ces petits qui croient en moi, il est préférable pour lui qu’on lui accroche au cou une de ces meules que tournent les ânes, et qu’il soit englouti en pleine mer.

Celui qui est un scandale, une occasion de chute, pour un seul de ces petits qui croient en moi, il est préférable pour lui qu’on lui accroche au cou une de ces meules que tournent les ânes, et qu’il soit englouti en pleine mer.
Catéchisme de l'Église catholique
Le scandale revêt une gravité particulière en vertu de l’autorité de ceux qui le causent ou de la faiblesse de ceux qui le subissent. Il a inspiré à notre Seigneur cette malédiction : " Qui scandalise un de ces petits, il vaudrait mieux pour lui qu’on l’ait précipité dans la mer avec une pierre au cou ! " (Mt 18, 6 ; cf. 1 Co 8, 10-13). Le scandale est grave lorsqu’il est porté par ceux qui, par nature ou par fonction, sont tenus d’enseigner et d’éduquer les autres. Jésus en fait le reproche aux scribes et aux pharisiens : Il les compare à des loups déguisés en agneaux (cf. Mt 7, 15).
Fulcran Vigouroux
De moulin ; littéralement, d’âne ; qu’un âne tourne. ― Dans chaque maison, on faisait moudre chaque jour la quantité de blé nécessaire pour l’usage de la famille ; il y avait par conséquent dans chaque maison un moulin à bras ou à âne, tourné dans le premier cas par une ou deux personnes. Le moulin à âne était plus grand, mais composé comme le moulin à bras de deux meules de pierres superposées, l’inférieure étant immobile et la supérieure mobile. Le grain était écrasé entre les deux meules.
Louis-Claude Fillion
Si quelqu'un scandalise. Il y a là une antithèse évidente ; car scandaliser, c’est le contraire de bien accueillir. Si donc quelques hommes sans délicatesse, ou plutôt sans principes, s’oubliaient jusqu’à porter au mal, soit au point de vue des mœurs, soit au point de vue de la foi, ceux que Jésus appelle des enfants au propre et au figuré, qu’ils apprennent ici la grandeur de leur crime ! - Un de ces petits, une de ces âmes pures et candides, qui devraient inspirer le respect même aux plus mauvais. - Il vaudrait mieux. Avec de nombreux interprètes, nous donnons à cet indicatif le sens du conditionnel : mieux vaudrait pour lui. La faute en question est si énorme, elle sera si sévèrement punie, qu’il eût été préférable pour son auteur de subir la mort la plus affreuse, s’il eût pu de la sorte éviter de la commettre. Du moins il aurait sauvé son âme et celle de sa malheureuse victime. - Qu'on suspendît... Le sens de ces mots est bien clair. Ils désignent une mort certaine, à laquelle il est impossible d’échapper. Mais Jésus a traduit sa pensée avec plus d’énergie en lui donnant un tour pittoresque, au moyen d’images empruntées aux coutumes anciennes. Chez plusieurs peuples, en particulier chez les Romains, chez les Grecs, chez les Syriens et chez les Phéniciens (non toutefois les Juifs), existait le supplice de la submersion, qui consistait à précipiter dans les eaux de la mer ou d’un fleuve les criminels qu’on y avait spécialement condamnés. On avait soin de leur attacher au cou une grosse pierre, afin de leur enlever toute chance salut. La meule dont parle Notre-Seigneur désigne donc ici une grosse pierre en général. En effet, les Juifs employaient alors deux sortes de meules, l’une plus petite que l’on faisait mouvoir à la main, Cf. 24, 41 et l’explication ; l’autre de dimensions beaucoup plus considérables, qui était mise en mouvement par des animaux, spécialement par des ânes : de là l’épithète d’ « asinaria ». - Au fond de la mer : dans la haute mer, par opposition aux bas-fonds qui sont auprès du rivage. Ce nouveau trait a également pour but d’insister sur la certitude, l’infaillibilité de la mort qui résultera d’un tel supplice. Et pourtant il serait moins affreux de périr en d’aussi tristes conditions 1° que de scandaliser un petit, 2° que de s’exposer aux châtiments éternels de l’enfer, d’après les versets 8 et 9.
Saint Thomas d'Aquin
1957. Et quel est le châtiment ? IL SERAIT PRÉFÉRABLE QU’UNE DE CES MEULES QUE TOURNENT LES ÂNES SOIT SUSPENDUE À SON COU. De même, comme le dit Jérôme, le Seigneur parle à la façon des gens de la Palestine, qui n’avaient pas de meules [actionnées] par l’eau, mais avaient des meules [actionnées] par des chevaux. La meule que fait tourner un âne est donc celle qu’un cheval ou un âne peut entraîner. ET QU’IL SOIT JETÉ AU FOND DE LA MER. Telle était la peine à laquelle était condamné celui qui avait commis un vol, car une meule de cette sorte était suspendue à son cou et il était jeté à la mer. C’est ce qui est arrivé au bienheureux Clément, bien que ce ne fût pas parce qu’il était voleur, etc. [Celui-là] mérite donc une peine éternelle. Il est donc mieux d’encourir une peine temporelle dans le présent que d’encourir une peine éternelle. He 10, 31 : Il est terrible de tomber entre les mains du Dieu vivant, et Dn 13, 23 : Il est mieux que je tombe entre les mains des hommes en ne faisant rien que de pécher sous le regard de Dieu.

1958. Autre [interprétation] mystique : elle est triple. En un premier sens, on entend par la meule l’aveuglement des païens, car les animaux qui sont affectés à entraîner cette meule sont aveugles. En Jg 16, 21, il est écrit qu’on arracha les yeux de Samson et qu’on le fit moudre. Il conviendrait donc que les Juifs n’aient jamais vu le Christ et aient été jetés au fond de la mer, c’est-à-dire au plus profond de l’infidélité. Ainsi, 2 P 2, 21 [dit] : Il aurait été mieux pour eux de ne pas connaître la voie de la justice que de retourner en arrière après l’avoir connue. Autre [interprétation] : par la meule de l’âne, on entend la vie active. Il arrive que quelqu’un passe à la vie contemplative et, lorsqu’il y est, scandalise la contemplation parce qu’elle ne lui plaît pas. Il convient donc que SOIT ATTACHÉE À SON COU UNE MEULE D’ÂNE ET QU’IL SOIT JETÉ AU FOND DE LA MER, c’est-à-dire au creux des affaires temporelles. Augustin dit ainsi : «Il faut, c’est-à-dire il convient et c’est une peine proportionnée, qu’une meule, c’est-à-dire la cupidité du siècle, soit suspendue à son cou, c’est-à-dire dans son cœur, et qu’il soit jeté au fond, c’est-à-dire [au fond] de la cupidité.»
La Glose
Si vous ne dépouillez ces sentiments d'orgueil et de secrète irritation qui vous dominent actuellement, pour devenir tous innocents et humbles par vertu, comme les enfants le sont par leur âge, vous n'entrerez pas dans le royaume des cieux, car on n'y entre pas à d'autres conditions. Quiconque donc s'humiliera comme cet enfant, celui-là sera le plus grand dans le royaume des cieux; car plus on s'humiliera, plus aussi on deviendra grand dans le royaume des cieux.
Saint Grégoire le Grand
Ou bien, dans un autre sens, que doit-on entendre par la mer, si ce n'est le siècle, et par cette meule de moulin, si ce n'est l'action des choses de la terre qui, en étreignant l'âme et en la prenant comme au cou par des désirs insensés, la condamne à tourner péniblement dans le même cercle? Or, il en est plusieurs qui, en se séparant des actions terres tres et en voulant s'élever jusqu'à l'exercice de la contemplation, sans prendre conseil de l'humilité, non-seulement se précipitent dans l'erreur, mais encore détachent les faibles du sein de la vérité. Celui-là donc qui scandalise un de ces petits, il vaudrait mieux qu'il fût précipité dans la mer avec une meule au cou, car il eut été plus avantageux à cette âme dépravée de se livrer aux affaires du monde, que de faire servir les saints exercices de la contemplation à la perte d'un grand nombre.
Saint Rémi
C'est-à-dire dans la connaissance de la grâce, ou bien dans la hiérarchie ecclésiastique, ou certainement dans l'éternelle félicité.
Saint Augustin
Ou bien encore, celui qui scandalisera un de ces petits, c'est-à-dire un des humbles, tels que doivent être ses disciples, en refusant d'obéir ou en résistant à l'autorité, comme l'Apôtre le dit d'Alexandre d'Ephèse ( 2Tm 4,14, 1Tm 4 ): «il vaudrait mieux qu'on lui attachât une meule de moulin au cou et qu'il fût précipité dans le fond de la mer»; c'est-à-dire qu'il serait préférable pour lui que la passion pour les biens de la terre, passion qui est comme le poids auquel sont attachés les in sensés et les aveugles, l'entraînât à la mort.
Saint Jérôme
Les disciples, voyant que le même impôt avait été payé également pour Pierre et pour le Sauveur, en conclurent que Pierre était placé au-dessus de tous les autres Apôtres.

Jésus, voyant leurs pensées, voulut guérir ce désir de vaine gloire en leur proposant un combat tout d'humilité: «Et ayant appelé un petit enfant».

Il veut ainsi montrer réunis en lui l'âge et le symbole de l'innocence. Ou bien c'est lui-même qu'il place au milieu d'eux comme un petit enfant, lui qui n'était pas venu pour être servi, afin de leur donner un exemple frappant d'humilité. D'autres entendent par ce petit enfant l'Esprit saint, que Jésus plaça dans le coeur de ses disciples pour changer leur orgueil en humilité. «Et il leur dit: Je vous dis en vérité que si vous ne vous convertissez et si vous ne devenez comme de petits enfants», etc. Il ne fait pas un précepte à ses disciples de reprendre l'âge des enfants, mais d'avoir leur innocence et d'atteindre par leurs efforts à ce que les enfants possè dent par le privilège de leur âge, c'est-à-dire d'être petits en malice et non en sagesse ( 1Co 14 ). Voici le sens de ces paroles: Voyez cet enfant dont je vous propose l'exemple: il ne persévère pas dans sa colère, il oublie les injures, il ne met pas son plaisir dans la vue d'une belle femme, il ne parle pas autrement qu'il ne pense. Or, à moins d'avoir cette innocence et cette pureté d'âme, vous ne pourrez entrer dans le royaume des cieux.

Car c'est Jésus-Christ que l'on reçoit en recevant celui qui reproduit dans toute sa vie l'humilité et l'innocence du Sauveur. Mais de peur que les Apôtres ne s'attribuent d'eux-mêmes cet honneur qu'on pourra leur rendre, le Sauveur ajoute avec sagesse que ce n'est pas à cause de leur mérite, mais en considération de leur Maître qu'ils recevront cet honneur.

Remarquez que ce sont les petits qui sont scan dalisés, car ceux qui sont plus forts ne se scandalisent pas si facilement. Or, bien que cette condamnation, prononcée par le Sauveur, atteigne en général tous ceux qui sont pour les au tres une occasion de scandale, la suite du discours nous permet aussi de l'appliquer aux Apô tres eux-mêmes; car cette question: Quel est le plus grand dans le royaume des cieux, parais sait être entre eux une question de prééminence, et s'ils avaient persévéré dans cette mauvaise disposition, ils auraient pu perdre, par ce scandale, ceux qu'ils appelaient à la foi et qui les au raient vus divisés par une question de préséance.

En ajoutant: «Il vaudrait mieux pour lui qu'on lui attachât une meule de moulin au cou», etc., Notre-Seigneur parle d'après l'usage de ces contrées, car chez les anciens Juifs la peine infligée aux plus grands crimes était d'être précipité dans la mer après avoir été attaché à une pierre. Or, il lui serait avantageux qu'il en fût ainsi, car il vaut beaucoup mieux subir pour sa faute une peine de courte durée que d'être réservé à des châtiments éternels.
Saint Jean Chrysostome
Cette pensée leur inspira un sentiment tout naturel et tout humain, que l'Évangéliste nous exprime en ces termes: «En ce même temps, les disciples s'approchèrent de Jésus et lui dirent: Qui pensez-vous qui soit le plus grand dans le royaume des cieux ?»Ils rougissent d'avouer le sentiment de jalousie qui les domine; ils ne demandent pas ouverte ment: Pourquoi avez-vous honoré Pierre plus que nous? mais ils lui font cette question en général: «Quel est le plus grand ?»Lorsqu'ils avaient vu ces marques d'honneur accordées à trois d'entre eux dans la transfiguration, ils n'éprouvèrent rien de semblable; mais ils furent péniblement affectés quand cet honneur sembla se concentrer sur un seul. Remarquez cepen dant qu'ils ne demandent rien des choses de la terre et qu'ils étouffèrent ensuite ce sentiment de jalousie, tandis que pour nous, nous ne pouvons même nous élever jusqu'à leurs défauts, car nous ne cherchons pas à savoir quel est le plus grand dans le royaume des cieux, mais quel est plus grand dans les royaumes de la terre.

Rien de plus sage que la conduite de Notre-Seigneur plaçant au milieu d'eux un tout petit enfant, exempt de toute passion.

Ou bien encore, quiconque s'humiliera comme cet enfant, c'est-à-dire celui qui s'humiliera à mon exemple, celui-là entrera dans le royaume des cieux. «Et quiconque reçoit en mon nom un enfant tel que celui que je viens de dire, c'est moi qu'il reçoit». Paroles dont voici le sens: Ce n'est pas seulement en devenant semblables à cet en fant, mais encore en honorant à cause de moi ceux qui leur ressemblent, que vous aurez droit à la récompense, et je vous assigne comme récompense de l'honneur que vous leur aurez témoi gné, le royaume des cieux. Mais une récompense bien supérieure encore, c'est ce qui suit: «C'est moi qu'il reçoit».

Pour leur faire recevoir et pratiquer plus facilement ces vérités, il leur donne ensuite la sanction des châtiments: «Si quelqu'un scandalise», etc., c'est-à-dire: de même que ceux qui honorent ces petits à cause de moi seront jugés dignes de récompense, ainsi, ceux qui les méprisent seront punis des derniers châtiments. Ne soyez pas surpris de l'entendre appeler les outrages un scandale, car bien souvent les caractères faibles sont scanda lisés par le mépris qu'on fait d'eux.

Il était ce semble naturel et logique que le Sauveur terminât cette seconde partie en disant: «C'est moi qu'il ne reçoit pas», ce qui était de tous les châtiments le plus sensible; mais comme les disciples étaient encore peu avancés et qu'une peine semblable ne pouvait les impressionner, il leur fait connaître, par la comparaison d'un fait qui leur est connu, le supplice qui leur est préparé, et il leur déclare qu'il vaudrait mieux pour eux subir ce châtiment temporel, parce qu'un supplice bien plus terrible leur est réservé.
Saint Hilaire de Poitiers
Ces enfants sont aussi tous les fidèles, à cause de leur obéissance à la foi, car ils se font gloire de suivre leur père, d'aimer leur mère; ils ignorent ce que c'est que de vouloir le mal; ils négligent les soucis des affaires, n'ont ni arrogance, ni haine, ni habitude du men songe; ils croient à ce qu'on leur dit et tiennent pour vrai ce qu'ils entendent. Tel est aussi le sens litté ral de ces paroles.

Dans le sens mystique, le supplice de la meule, c'est la peine de l'aveuglement spirituel; car c'est après qu'on leur a couvert les yeux que l'on fait tourner la meule aux animaux. Nous voyons aussi souvent les Gentils désignés sous le symbole de l'âne, parce qu'ils sont renfermés dans l'ignorance d'un travail dont ils ne peuvent voir la fin. Pour les Juifs, au contraire, la loi leur a tracé le chemin de la science, et, s'ils viennent à scandaliser les Apôtres du Christ, il aurait mieux valu pour eux qu'on leur eût attaché une meule de moulin au cou et qu'on les eût précipités dans la mer; c'est-à-dire qu'il leur eût été plus avantageux d'être condamnés aux durs travaux des Gentils et de rester ensevelis dans les ténèbres du siècle, car c'eût été pour eux un moindre crime de ne pas connaître Jésus-Christ que de refuser de rece voir le Seigneur et le Maître des prophètes.
Origène
Nous devons imiter la conduite des disciples toutes les fois qu'il s'élève en nous quelques doutes que nous ne pouvons résoudre. Il nous faut venir d'un commun accord trouver Jésus, qui a la puissance d'éclairer le coeur des hommes et de leur faire comprendre la solution de toutes les difficultés; interrogeons aussi un des docteurs qui sont à la tête des églises. Les disciples, en faisant cette question, savaient bien que les saints ne sont pas égaux dans le royaume du ciel, mais ils désiraient savoir par quel moyen on parvenait à être le plus grand et comment on arrivait à être le plus petit. Ou bien encore, d'après ce que Notre-Seigneur leur avait dit précédemment, ils savaient quel était le plus petit et quel était le plus grand; mais ils ignoraient quel était le premier dans le nombre de ceux qui passaient pour grands.

Mais comment expliquer que celui qui s'est converti et qui est devenu semblable à un enfant soit donné comme petit et susceptible d'être scandalisé? Voici comment on peut résoudre cette difficulté. Celui qui croit au Fils de Dieu et vit d'une manière conforme à l'Évangile s'est transformé jusqu'à devenir semblable à un enfant. Celui au contraire qui n'a point subi cette bienheureuse transformation, ne peut en trer dans le royaume des cieux. Or, dans la multitude innombrable de ceux qui ont embrassé la foi, il en est qui sont nouvellement convertis et qui travaillent à devenir semblables à des enfants, mais qui ne le sont pas encore devenus; ces derniers sont faibles en Jésus-Christ et peuvent être facilement scandalisés.