Matthieu 18, 34

Dans sa colère, son maître le livra aux bourreaux jusqu’à ce qu’il eût remboursé tout ce qu’il devait.

Dans sa colère, son maître le livra aux bourreaux jusqu’à ce qu’il eût remboursé tout ce qu’il devait.
Louis-Claude Fillion
Et son maître, irrité. Le roi si gravement offensé ne connaît plus de ménagements ; il s’abandonne librement à son indignation. - Le livra aux bourreaux : Grotius et d’autres auteurs ont voulu faire du mot bourreaux un simple synonyme de geôliers, parce que, disent-ils, le supplice de la torture avait été aboli chez les Romains à l’époque du Sauveur. Mais qu’importe cette raison ? Bien que plusieurs traits de la parabole cadrent avec les prescriptions du droit romain, Notre-Seigneur ne s’astreint pas à les prendre toujours pour règles dans les tableaux qu’il trace. Du reste, ce n’est plus comme débiteur insolvable que l’officier royal est puni, mais à cause de sa conduite barbare ; le monarque est donc parfaitement en droit de le livrer aux bourreaux. - Jusqu'à ce qu'il payât : en réalité, c’est à une prison perpétuelle que le coupable est condamné, comme l’ont déjà remarqué les SS. Pères, puisqu’il ne pourra jamais remplir la condition qui lui est imposée. « Il paiera toujours sans pouvoir jamais s'acquitter », S. Rémi. « Quant à ces expressions: « avant d'avoir payé », je m'étonnerais fort qu'elles ne signifiassent pas la peine que nous appelons éternelle », S. August. de Serm. Dom. in Mont. 1, 11. - Tout ce qu'il devait : expression encore plus générale et, par conséquent, plus forte que « tout » du v. précédent. Le roi ne fera pas la moindre concession. - On connaît la grave discussion théologique qui est née autrefois de ce passage. Puisque le roi, qui représente Dieu, réclame de nouveau le paiement intégral d’une dette qu’il avait auparavant remise de la façon la plus complète, ne suit-il pas de là que les péchés pardonnés peuvent revivre ? Là-dessus ardents débats dont il existe déjà des traces à l’époque des Pères, Cf. S. August. de Baptismo c. Donat. 1, 12, mais qui retentirent surtout au moyen-âge, Cf. Petr. Lombard, Sent. 4, dist. 22 ; S. Thom. Aq. Summ. Theol. p. 3, q.88 ; Hug. à S. Victore, de Sacram. 2, 14, 9, etc. La vraie solution est contenue dans les lignes de S. Thomas bien des fois reproduites : « Les péchés remis ne reviennent pas par un péché subséquent. Il peut arriver, toutefois, qu'un tel péché contienne virtuellement la culpabilité des fautes antérieures, par cela seul que, méprisant la bonté de Dieu, il est plus inexcusable ». Quand Dieu, dans la parabole, réclame « tout ce qu'il devait », ce n’est point de la dette antérieure qu’il est question, car elle a cessé d’exister ; il parle de la nouvelle dette contractée par une nouvelle offense. Mais laissons ces questions de l’école, et revenons au deux derniers traits de la parabole. « Jamais reproche ne fut plus convaincant, s’écrie Bourdaloue, ni jamais aussi châtiment ne fut plus juste. Pour peu que nous ayons de lumières et de droiture naturelle, il n’y a personne qui ne sente toute la force de l’un, et qui n’approuve toute la rigueur de l’autre. Car que pouvait répondre ce serviteur impitoyable, et si dur à se faire payer sans délai une somme de cent deniers, lors même que son Maître, touché pour lui de compassion et ayant égard à sa misère, venait de lui remettre jusqu’à dix mille talents ? Si donc, irrité d’une telle conduite, le Maître ne diffère pas à punir ce misérable, s’il le traite comme ce malheureux a traité son débiteur, et s’il le fait enfermer dans une étroite prison, c’est un arrêt dont l’équité se présente d’abord à l’esprit, et dont la raison est évidente ». Sermon pour le 23ème dimanche après la Pentecôte.
Saint Thomas d'Aquin
2006. EN COLÈRE, LE MAÎTRE, etc. Et d’abord, il traite du châtiment par lequel se réalise la séparation d’avec Dieu. Lorsque plus haut le maître ordonna de [le vendre], [Matthieu] ne dit pas qu’il était en colère, car les avertissements ne viennent pas de la justice, mais de la miséricorde divines. Mais la réprimande vient de la colère de Dieu. Pr 19, 12 : Comme le grondement du lion, ainsi est la colère du roi. En second lieu, [il est réprimandé] parce qu’il est soumis aux démons. IL LE LIVRA donc AUX TORTIONNAIRES. Si 33, 14 : Il leur rendra selon sa justice. La perpétuité du châtiment est aussi abordée : JUSQU’À CE QU’IL EÛT REMBOURSÉ TOUTE SA DETTE. Et cela sera infini. En effet, si le châtiment ne doit pas cesser avant que la dette soit acquittée, et que personne ne peut l’acquitter sans la grâce, celui qui meurt sans la charité ne pourra l’acquitter.