Matthieu 18, 17
S’il refuse de les écouter, dis-le à l’assemblée de l’Église ; s’il refuse encore d’écouter l’Église, considère-le comme un païen et un publicain.
S’il refuse de les écouter, dis-le à l’assemblée de l’Église ; s’il refuse encore d’écouter l’Église, considère-le comme un païen et un publicain.
Troisième démarche ou jugement en troisième instance. Si
le coupable fait encore le récalcitrant, alors il n’y a plus de ménagements à garder ; il faut proclamer
hautement sa faute. - Dis-le à l'Église. On se demande comment il a pu venir à la pensée de quelques
exégètes, de Théophylacte et de Fritzsche par exemple, que Jésus voulait parler ici de l’Église juive, de la
synagogue. A quel titre en effet serait-il question d’elle en ce passage ? Non, c’est l’Église chrétienne, Cf. 16,
18, l’assemblée des fidèles représentée par ses chefs, qui est chargée par le Sauveur de juger le procès en
dernier ressort. Pour le chrétien, il n’y a pas d’autorité supérieure à celle-là ; c’est donc à elle qu’il porte,
pour qu’elle les tranche au nom de Dieu, toutes les questions difficiles qui peuvent surgir entre lui et ses
frères. Si cette recommandation de Jésus eût toujours été suivie dans la pratique, jamais un chrétien n’aurait
conduit un autre chrétien devant les tribunaux civils. On y fut fidèle durant un certain temps ; mais déjà S.
Paul se plaignait avec force des abus étranges qui se manifestaient sous ce rapport, Cf. 1 Cor. 6, 1 et ss. C’est
ici néanmoins qu’on trouve l’origine des tribunaux ecclésiastiques, dont il reste encore quelques vestiges
dans nos officialités diocésaines. - S'il n'écoute pas l'Église, et il est bien à craindre qu’il n’en soit ainsi,
après les deux marques antérieures d’endurcissement donnée pas le pécheur. Mais comment traiter un
opiniâtre qui ne s’est laissé toucher ni par les avis bienveillants de la charité, ni par les remontrances de
l’autorité ? Il n’y a plus qu’une chose à faire à son égard, l’expulser du sein de l’Église, le retrancher
impitoyablement de la société des Saints : c’est ce qu’exprime la locution qu'il soit pour toi... Le langage de
Jésus est ici coloré de Judaïsme ; Notre-Seigneur parle d’après les idées et la manière d’agir de ses
concitoyens. Pour eux, nous l’avons vu, Cf. 9, 11 et l’explication, les païens et les publicains étaient de vrais
excommuniés, avec lesquels on devait demeurer « éloignés » ; les païens à cause de l’idolâtrie à laquelle ils
se livraient, les publicains, fussent-ils Israélites, à cause de leurs concussions. Les écrits rabbiniques sont
formels à ce sujet. « Il est interdit à un Juif d'être seul avec un païen, de voyager avec païen », Maimon. « Un
Juif qui devient publicain doit être exclu de la société », Hieros. Demai, f. 23, 1. Par ces deux expressions
typiques, empruntées aux mœurs des Juifs, le Sauveur transmet donc à son Église le droit
d’excommunication à l’égard de ses membres devenus indignes : ce point est tout à fait évident, malgré les
réclamations des protestants en sens contraire. Toute société, du reste, n’est-elle pas armée du droit
d’exclusion ?
1982. Mais cela semble être contraire à ce qu’Augustin dit que, «avant de le montrer à deux autres, il doit le montrer à son supérieur, et c’est cela le montrer à l’Église». [Le Seigneur] semble donc inverser l’ordre. Je dis qu’il peut être montré au supérieur, soit en vertu de la procédure judiciaire, soit à titre de personne privée. Augustin veut donc qu’il soit d’abord montré au supérieur à titre de personne privée, afin que, à titre de personne privée, celui-ci s’occupe de la correction.
1983. C’est pourquoi [le Seigneur] dit : S’IL NE LES ÉCOUTE PAS, DIS-LE À L’ÉGLISE. Ici est présentée la dénonciation. Premièrement, il dénonce ; deuxièmement, la sentence est présentée ; troisièmement, l’efficacité [de la sentence]. Le second point [se trouve] en cet endroit : S’IL N’ÉCOUTE PAS L’ÉGLISE, etc. [18, 17] ; le troisième, en cet endroit : EN VÉRITÉ, JE VOUS LE DIS, etc. [18, 18].
[Le Seigneur] dit : S’IL NE LES ÉCOUTE PAS, DIS-LE À L’ÉGLISE, c’est-à-dire à toute la communauté, afin qu’il soit confondu, pour que celui qui n’a pas voulu être corrigé sans honte soit corrigé par la honte. Il y a une honte qui entraîne le péché, et une honte qui entraîne la gloire et la grâce, Si 4, 25[21]. Ou bien, À L’ÉGLISE, c’est-à-dire aux juges, afin qu’il soit corrigé. Dt 21, 18 : Si quelqu’un a un fils entêté et effronté, qui n’écoute par le commandement de son père et de sa mère et qui, contraint, montre du mépris, ils s’en saisiront et l’amèneront devant les anciens de cette cité et à la porte du jugement, etc.
1984. Ensuite, la peine est ajoutée : ET S’IL N’ÉCOUTE PAS L’ÉGLISE, QU’IL SOIT POUR TOI COMME UN PAÏEN ET UN PUBLICAIN. Les païens sont les Gentils et les infidèles ; les publicains, ceux qui perçoivent le tribut, et qui sont des pécheurs publics. Ainsi donc, qu’ils soient excommuniés et séparés par la sentence de l’Église, parce qu’ils n’ont pas écouté l’Église. De sorte qu’un homme ne peut être excommunié qu’en raison de l’entêtement seulement.
1983. C’est pourquoi [le Seigneur] dit : S’IL NE LES ÉCOUTE PAS, DIS-LE À L’ÉGLISE. Ici est présentée la dénonciation. Premièrement, il dénonce ; deuxièmement, la sentence est présentée ; troisièmement, l’efficacité [de la sentence]. Le second point [se trouve] en cet endroit : S’IL N’ÉCOUTE PAS L’ÉGLISE, etc. [18, 17] ; le troisième, en cet endroit : EN VÉRITÉ, JE VOUS LE DIS, etc. [18, 18].
[Le Seigneur] dit : S’IL NE LES ÉCOUTE PAS, DIS-LE À L’ÉGLISE, c’est-à-dire à toute la communauté, afin qu’il soit confondu, pour que celui qui n’a pas voulu être corrigé sans honte soit corrigé par la honte. Il y a une honte qui entraîne le péché, et une honte qui entraîne la gloire et la grâce, Si 4, 25[21]. Ou bien, À L’ÉGLISE, c’est-à-dire aux juges, afin qu’il soit corrigé. Dt 21, 18 : Si quelqu’un a un fils entêté et effronté, qui n’écoute par le commandement de son père et de sa mère et qui, contraint, montre du mépris, ils s’en saisiront et l’amèneront devant les anciens de cette cité et à la porte du jugement, etc.
1984. Ensuite, la peine est ajoutée : ET S’IL N’ÉCOUTE PAS L’ÉGLISE, QU’IL SOIT POUR TOI COMME UN PAÏEN ET UN PUBLICAIN. Les païens sont les Gentils et les infidèles ; les publicains, ceux qui perçoivent le tribut, et qui sont des pécheurs publics. Ainsi donc, qu’ils soient excommuniés et séparés par la sentence de l’Église, parce qu’ils n’ont pas écouté l’Église. De sorte qu’un homme ne peut être excommunié qu’en raison de l’entêtement seulement.
La Glose
Ou bien encore, pour lui prouver qu'il a péché, s'il venait à le nier.
Ou bien, dites-le à toute l'Église, pour lui faire essuyer une plus grande honte. Tous ces moyens épuisés, il faut en venir à l'excommunication qui doit être prononcée par la bouche de l'Église, c'est-à-dire par le prêtre qui est l'organe de toute l'Église, lorsqu'il prononce la sentence d'excommunication: «S'il n'écoute pas l'Église», etc.
Il ne commande pas de pardonner indistincte ment à tout homme qui pèche, mais à celui qui est disposé à écouter, c'est-à-dire à obéir et à faire pénitence, afin que le pardon ne soit pas trop difficile, ou que l'indulgence ne soit excessive.
Notre-Seigneur nous recommande de ne pas rester indifférents aux péchés les uns des autres, en cherchant non pas précisément à reprendre, mais à corriger; car c'est l'amour qui doit inspirer la correction, et non pas le désir de faire de la peine. Mais si vous négligez ce devoir, vous devenez plus coupable que celui qui avait besoin de correction; il vous avait offensé, et il s'était par là même profondément blessé; mais vous méprisez cette blessure de votre frère, et vous êtes plus coupable par votre silence qu'il ne l'est par l'outrage qu'il vous a fait.
Souvent, en effet, on dissimule d'une manière coupable la vérité, en négligeant d'instruire ou d'avertir, quelque fois de reprendre et de corriger ceux qui font mal, soit qu'on recule devant la difficulté, soit qu'on veuille éviter leur inimitié, dans la crainte qu'ils ne cherchent à nous traverser ou à nous nuire dans la jouissance de ces biens temporels que notre cupidité désire encore trop vivement acquérir, ou que notre faiblesse redoute de se voir enlever. Mais si nous nous abstenons du devoir de la réprimande et de la correction à l'égard de ceux qui font mal, soit pa rce que nous attendons une occasion plus favorable, soit parce que nous avons obtenu ainsi qu'ils ne devien nent plus mauvais, ou qu'ils ne nous empêchent de former les autres chrétiens faibles à une vie vertueuse et fervente, et ne les influencent pour les détourner de la foi, alors ce n'est plus par un motif de cupidité, mais par un principe de charité que nous agissons. Or, ceux qui sont placés à la tête des églises pour les diriger, ont une obligation bien plus rigoureuse de ne point négliger le devoir de la correction; et, toutefois, lors même qu'on ne serait pas à la tête des autres, dès lors qu'on leur est uni par les relations ordinaires de la vie, et que l'on remarque en eux bien des choses qu'il faut reprendre ou corriger, on n'est pas entièrement exempt de faute lorsqu'on néglige de le faire, parce qu'on veut éviter de les offenser dans la crainte d'être troublé dans la jouissance des biens de cette vie qu'on possède légitimement, mais pour lesquels on éprouve un attachement beaucoup trop vif.
Lors donc qu'un de nos frères pèche contre nous, montrons-nous empressés, non pas de défendre nos droits (car rien n'est plus glorieux que d'oublier une offense), mais d'oublier l'injure qui nous est faite, sans oublier la blessure qu'elle a faite à notre frère. Reprenez-le donc entre vous et lui, en ne vous appliquant qu'à le corriger et en ménageant sa honte. Car il pourrait arriver que sous l'impression de ce sentiment, il entreprit de justifier la faute qu'il a commise, et ainsi en voulant le corriger, vous le rendriez plus coupable.
L'Apôtre nous fait cette recommandation: «Reprenez devant tout le monde le pécheur scandaleux, afin que les autres aient de la crainte». Il faut donc que vous sachiez qu'il est des circonstances où il faut reprendre votre frère seul à seul, et d'autres où il faut le reprendre devant tout le monde. Mais que devons nous faire avant d'en arriver là? Écoutez et retenez: «Si votre frère, dit-il, a péché contre vous, reprenez-le entre vous et lui seul». Pourquoi? Parce qu'il a péché contre vous. Que veulent dire ces paroles: «il a péché contre vous ?» Vous savez qu'il a péché, et puisque son offense contre vous a été secrète, que votre correction le soit également; car si vous êtes le seul pour connaître qu'il a pêché contre vous, et que vous vouliez cependant le reprendre publiquement, ce n'est plus une correction, mais une accusation publique. Votre frère a donc pêché contre vous, mais si vous êtes le seul pour le savoir, c'est vraiment contre vous seul qu'il a péché; s'il vous a offensé devant un grand nombre de personnes, il a péché contre tous ceux qu'il a rendu témoins de sa faute. Il faut donc reprendre publiquement les fautes publiques, et en secret les fautes secrètes, Apprenez à discerner les temps et les occasions, et vous concilierez les Écritu res. Or, pourquoi reprenez-vous le prochain? Est-ce parce que vous éprouvez de la peine d'en avoir été offensé? A Dieu ne plaise, si vous le faites par amour pour vous, vous ne faites rien; si, au contraire, vous le reprenez dans son intérêt, vous agissez dans la perfection. Or, appre nez des paroles elles-mêmes de Notre-Seigneur, dans qu'elle intention vous devez faire cette réprimande, si c'est dans votre intérêt, ou dans celui de votre frère: «S'il vous écoute, vous aurez gagné votre frère», etc. Faites-le donc pour lui, afin de le gagner. Reconnaissez qu'en péchant contre votre frère, vous vous êtes perdu, car, autrement, comment vous aurait-il ga gné? Que personne donc ne regarde comme indifférente l'offense faite à un de ses frères.
Ne le comptez plus dès lors au nombre de vos frères; cependant ne négligez pas son salut; car si nous ne regardons pas comme nos frères les étrangers, c'est-à-dire les Gentils et les païens, nous ne laissons pas de chercher à les sauver.
Il faut vous rappeler cependant, que si votre frère a péché contre vous, et vous a of fensé de quelque manière que ce soit, non-seulement vous avez le pouvoir, mais vous êtes dans l'obligation de lui pardonner; car il nous est commandé de remettre leurs dettes à ceux qui nous doivent. C'est pourquoi Notre-Seigneur nous dit ici «Si votre frère a péché contre vous». S'il a péché contre Dieu (cf. 1S 2,25 ), il n'est pas en notre pouvoir de lui pardonner; mais nous, au contraire, nous sommes pleins d'indulgence pour les offenses commises contre Dieu, et remplis d'animosité pour venger celles qui s'adressent à nous.
Il faut reprendre votre frère en secret, de peur que, s'il vient à perdre tout sentiment de honte et de crainte, il ne persévère dans son péché.
En procurant le salut d'un autre, nous assurons ainsi notre propre salut.
Ou bien, on peut admettre cette autre interprétation: S'il ne veut pas vous écouter, prenez d'abord avec vous un seul témoin; s'il refuse encore de l'écouter, pre nez-en un troisième, afin que votre admonition ou du moins la honte, le force de reconnaître sa faute, ou qu'alors il soit convaincu devant témoins.
Or, s'il refuse encore de les écouter, il faut alors déclarer sa faute à un plus grand nombre, afin de leur inspirer pour lui une vive horreur, et essayer de sauver par l'opprobre celui qui n'a pu être sauvé par la honte: «Que s'il ne les écoute pas non-plus, dites le à l'Église».
En nous disant: «Qu'il soit à votre égard comme un païen et comme un publicain», le Sauveur nous apprend à concevoir plus d'horreur pour celui qui, sous le nom de chrétien, se conduit en infidèle, que pour ceux qui sont ouvertement connus pour païens. Ou appelait pu blicains ceux qui étaient avides d'argent, et qui exigeaient les impôts en recourant au trafic, aux fraudes, au vol et à des parjures horribles.
Le Sauveur s'était exprimé avec force contre les auteurs du scandale, et avait rempli leur âme d'une vive crainte; mais il veut empêcher aussi ceux à qui le scandale était donné, tout en évitant une faute, de tomber dans une autre, c'est-à-dire dans la négli gence; car en s'imaginant qu'on doit avoir pour eux toute sorte d'égards, ils pourraient se laisser facilement dominer par l'orgueil; il étouffe donc ces sentiments dans leur âme, et leur fait un devoir de reprendre leur frère lorsqu'il est en faute: «Si votre frère pèche contre vous», etc.
Remarquons que quelquefois Notre-Seigneur amène celui qui a été l'auteur de l'offense à celui qu'il a offensé, par exemple, lorsqu'il dit: «Si vous vous rappelez que votre frère a quelque chose contre vous, allez vous réconcilier avec votre frère», et que d'autres fois il ordonne à celui qui a été offensé de pardonner à son prochain, comme dans ces paroles: «Pardonnez-nous nos offenses, comme nous les pardonnons», etc. Ici il nous pro pose un nouveau mode de réconciliation, il conduit celui qui a reçu l'offense à celui qui l'a faite; il prévoit, en effet, que celui qui a commis l'injustice, ne viendrait pas facilement excuser sa conduite, retenu qu'il serait par la honte; il lui amène donc celui qui a souffert l'offense, et ce n'est pas de sa part une simple démarche qu'il veut ici, mais il demande la réparation du mal qui a été fait: «Allez et reprenez-le».
Il ne dit pas: Accusez, faites de vifs reproches, tirez vengeance; mais: «Reprenez-le», c'est-à-dire rappelez-lui sa faute, dites-lui ce qu'il vous a fait souffrir. Pour lui, il est plongé dans sa colère comme dans un profond sommeil causé par l'ivresse, il faut donc que vous qui êtes affranchi de cette infirmité, vous alliez trouver celui qui est malade.
C'est à celui qui a reçu l'injure, et non pas à un autre, que Notre-Seigneur impose le devoir de la correction, car c elui qui a commis l'offense est disposé à rece voir plus facilement de sa part la réprimande, surtout lorsqu'elle se fait sans témoin; et rien n'est plus propre à l'apaiser que de voir celui qui avait le droit d'exiger une réparation sévère, montrer tant de zèle pour son salut.
Ces paroles nous prouvent encore que l'inimitié porte dommage aux deux parties, aussi ne dit-il pas: il s'est gagné lui-même, mais vous l'avez gagné, preuve que tous deux, vous et lui vous avez souffert de ce désaccord.
C'est-à-dire à ceux qui sont à la tête de l'Église.
Mais que devez-vous faire si vous ne pouvez persuader votre frère? Les paroles suivantes vous l'apprennent: «S'il ne vous écoute point, prenez encore avec vous une ou deux personnes»; car plus il montrera d'impudence et d'opiniâtreté, plus il faut s'appliquer à le guérir sans se laisser aller à la colère ou à la haine. Ainsi, lorsqu'un médecin voit que la maladie s'aggrave, loin d'abandonner son malade, il redouble d'efforts pour triompher de l'extrémité du mal. Remarquez aussi que cette réprimande ne doit point se faire sous l'inspiration de la vengeance, mais dans le seul but de corriger notre frère. C'est pour cela que le Sauveur ne nous commande pas de prendre d'abord deux témoins, mais alors seulement que notre frère refuse d'écouter notre réprimande; et encore n'est-ce pas un grand nombre de per sonnes, mais une ou deux qu'il faut prendre avec soi; mesure qu'il appuie du témoignage de la loi: «Tout sera assuré par la déposition de deux ou de trois témoins ( Dt 19,15 ) »; comme s'il disait: Vous pouvez alors vous rendre le témoignage que vous avez fait tout ce qui dépen dait de vous.
Toutefois le Seigneur, à l'égard de ceux qui sont hors de l'Église, ne nous a rien commandé de semblable à ce que nous devons faire pour reprendre et corriger nos frères. Voici ce qu'il nous ordonne de faire à l'égard de ceux qui sont en dehors de l'Église ( Mt 5 ): «Si quelqu'un vous frappe sur une joue, présentez-lui l'autre joue», et saint Paul: «Pourquoi voudrais-je juger ceux qui sont hors de l'Église ?»Mais pour nos frères, il faut les reprendre et les retirer du mal, et, s'ils ne veulent point obéir, les séparer de l'Église pour les couvrir de confusion.
Il faut remarquer ici que cette conduite que nous recommande le Sauveur, ne doit pas être appliquée à toute espèce de péché. Car si un de nos frères vient à commettre un de ces péchés qui conduisent à la mort, et qu'il soit, par exemple, abominable et infâme, adultère, homicide ou efféminé, est-ce qu'il serait raisonnable de le réprimander seul à seul, et s'il se montrait docile à vos observations, de dire aussitôt: Je l'ai gagné? Ou bien s'il ne voulait pas vous écouter, serait-il convenable pour le chasser du sein de l'Église d'attendre que, malgré la réprimande faite devant les témoins et devant l'Église, il ait persévéré dans son crime? Il en est qui, considérant l'immense miséricorde de Jésus-Christ, prétendent que c'est aller contre cette miséricorde que de restreindre ces paroles aux seuls péchés plus légers, parce que Notre-Seigneur ne fait aucune distinction de péchés. D'autres, examinant plus attentive ment ces paroles, soutiennent qu'elles ne s'appliquent pas à toute sorte de péchés; car, disent-ils, celui qui se rend coupable de crimes énormes n'est plus notre frère, il n'en a plus que le nom, et l'Apôtre nous défend même de manger avec lui. Or, de même que ceux qui n'appliquent pas ce passage à toute espèce de péchés, favorisent la négligence, et l'invitent, pour ainsi dire, au péché; ainsi, celui qui enseigne que le fidèle qui n'est coupable que de fau tes légères et vénielles, doit être regardé comme un païen et un publicain après avoir subi la réprimande devant témoins ou devant l'Église, me paraît introduire une doctrine par trop sé vère. Car enfin nous ne pouvons pas prononcer que cet homme est tout à fait perdu, parce que d'abord, s'il a résisté à trois réprimandes, il peut se rendre à la quatrième; en second lieu, parce que souvent on ne lui rend pas selon ses oeuvres, mais au delà de ce que méritent ses fautes, ce qui est souvent avantageux en ce monde; enfin, Jésus-Christ n'a point dit absolu ment: Qu'il soit comme un païen et un publicain, mais: «Qu'il soit pour vous». Si donc après l'avoir repris trois fois d'une faute légère, il ne s'en corrige pas, nous devons le considérer comme un païen et un publicain, afin de le couvrir de confusion eu nous abstenant de le voir; mais que Dieu le juge aussi comme un païen et un publicain, ce n'est pas à nous de l'affirmer; c'est au jugement de Dieu lui-même.