Matthieu 18, 12

Quel est votre avis ? Si un homme possède cent brebis et que l’une d’entre elles s’égare, ne va-t-il pas laisser les quatre-vingt-dix-neuf autres dans la montagne pour partir à la recherche de la brebis égarée ?

Quel est votre avis ? Si un homme possède cent brebis et que l’une d’entre elles s’égare, ne va-t-il pas laisser les quatre-vingt-dix-neuf autres dans la montagne pour partir à la recherche de la brebis égarée ?
Louis-Claude Fillion
La parole d’or du v. 11 est développée dans les versets 12-14 par la célèbre et touchante parabole de la brebis perdue. S. Luc, lui aussi, 15, 1-7, a conservé cette parabole qui rentrait du reste parfaitement dans son plan. Toutefois, il existe des divergences notables entre sa relation et celle de S. Matthieu, sinon pour le fond même, du moins pour les circonstances accessoires. Ainsi, l’auditoire est très distinct, de même l’époque, de même l’occasion, de même le but et la tendance, de même l’enchaînement général, de même enfin plusieurs traits particuliers. Les exégètes qui ont été frappés de ces différences, et nous sommes de ce nombre, séparent les deux récits, et supposent que Jésus-Christ a prononcé deux fois cette parabole en l’associant à des événements divers. Les autres commentateurs admettent que c’est bien la même parabole qui a été racontée par les évangélistes ; mais que l’un d’eux, plus probablement S. Matthieu, l’a sortie de son cadre primitif pour la relier à une autre catégorie d’idées. Cependant, outre qu’une pareille allégation n’est pas sans gravité, il est d’autant mieux permis de croire à une répétition de la part de Jésus, que les Rabbins avaient eux-mêmes une parabole analogue, et que cette image de la brebis perdue se prête de la manière la plus naturelle à des combinaisons variées. - Que vous semble-t-il ? Manière de provoquer l’attention des Apôtres, et de les engager à bien saisir le cas qui va leur être proposé : Que pensez-vous du fait suivant ? - Si un homme a... dans le grec, si cent brebis sont échues à quelqu’un. - Cent brebis : chiffre rond, qui représente un assez beau troupeau, même en Orient. Au reste les Juifs employaient volontiers les nombre cent et quatre-vingt-dix-neuf dans leurs comparaisons faites sous forme de paraboles ou de proverbes ; Cf. Lightfoot, Horæ talm. in h. l. - L'une d'elles s'égare. Une seule brebis sur cent, c’est en soi peu de chose ; mais le bon Pasteur ne calcule pas au point de vue de ses intérêts personnels, il ne pense qu’à la mort misérable qui attend la pauvre égarée. - L’amour étant ainsi le mobile de sa conduite, Ne laisse-t-il pas... : cet abandon momentané était tout-à-fait nécessaire ; le Pasteur en effet aurait été mis dans l’impossibilité de se livrer à des recherches actives, s’il eût emmené avec lui tout le troupeau. - Sur les montagnes. De nombreux interprètes ont rattaché ces mots à « aller chercher », comme s’ils avaient pour but de peindre au vif le dévouement du bon Pasteur, en représentant les courses fatigantes qu’il entreprend à travers les montagnes pour trouver la brebis perdue. Mais il vaut mieux adopter le sens de la Vulgate, et faire dépendre « sur les montagnes » de « laisse ». Sur le sommet des montagnes, il existe habituellement de gras pâturages et c’est là, dans les meilleurs conditions par conséquent, que le pasteur laisse son troupeau lorsqu’il part pour se mettre en quête de la brebis égarée. - Aller chercher : Il n’attend pas qu’elle revienne d’elle-même, mais il s’élance à sa poursuite, avec la sollicitude la plus admirable. Bel exemple pour les pasteurs spirituels de tous les temps !
Saint Thomas d'Aquin
1970. QUE VOUS EN SEMBLE ? Ici est présentée la comparaison. Premièrement, une question sérieuse est posée ; deuxièmement, la joie d’avoir trouvé la brebis [est présentée].

[Le Seigneur] dit donc : QUE VOUS EN SEMBLE ? Il avait été dit que le Fils de l’homme était venu sauver ce qui était perdu, car le pasteur recherche la brebis perdue. SI UN HOMME POSSÈDE CENT BREBIS. Par le nombre cent est signifié l’ensemble des créatures raisonnables. Quatre-vingt-dix-neuf est le même nombre que neuf, mais seulement multiplié, car neuf multiplié par dix donne quatre-vingt-dix. À ce nombre, à savoir, neuf, manque une unité. Ainsi donc, par ces brebis, [le Seigneur] signifie toutes les créatures raisonnables. Jn 10, 27 : Mes brebis entendent ma voix. Ps 94[95], 7 : Nous sommes son peuple et les brebis de son bercail. Par la brebis égarée, le genre humain est signifié. Et pourquoi [le Seigneur] l’a-t-il signifié par la brebis qui s’est égarée ? Parce que par un seul homme tous ont été égarés. 1 P 2, 25 : Vous étiez comme des brebis errantes.

1971. NE VA-T-IL PAS LAISSER LES QUATRE-VINGT-DIX-NEUF AUTRES SUR LES MONTAGNES ? Le texte ne porte pas : dans le désert, mais : SUR LES MONTAGNES, comme on le trouve en grec. Cela s’explique de trois manières. Premièrement, parce que ces quatre-vingt-dix-neuf signifient les anges qui ont été laissés sur les montagnes, c’est-à-dire dans les cieux. Ez 34, 13 : Je les ferai paître sur les montagnes d’Israël. Ou bien, par les quatre-vingt-dix-neuf sont signifiés les justes, et par la brebis perdue, les pécheurs. Ainsi, [l’homme] les abandonna sur les montagnes, c’est-à-dire dans la solitude de la justice. Ps 35, 7 : Mes jugements sont comme les montagnes de Dieu. Ou bien, par les quatre-vingt-dix-neuf [sont signifiés] les orgueilleux, et par la brebis [égarée], les humbles. Ainsi, NE VA-T-IL PAS LAISSER LES QUATRE-VINGT-DIX-NEUF AUTRES SUR LES MONTAGNES, c’est-à-dire dans leur orgueil, et il s’en va chercher l’autre qui s’est égarée ? Ps 118[119], 176 : J’ai erré comme une brebis qui s’est égarée ; va à la recherche de ton serviteur, Seigneur.