Matthieu 18, 1

À ce moment-là, les disciples s’approchèrent de Jésus et lui dirent : « Qui donc est le plus grand dans le royaume des Cieux ? »

À ce moment-là, les disciples s’approchèrent de Jésus et lui dirent : « Qui donc est le plus grand dans le royaume des Cieux ? »
Louis-Claude Fillion
L’évangéliste commence par indiquer l’occasion de ce beau discours. Ce fut une question adressée par les Apôtres à leur Maître. - À cet instant. Cette date se rapporte manifestement à l’incident qui précède ; elle montre que l’instruction du Sauveur fut prononcée peu de temps après l’épisode du didrachme. Il dût s’écouler néanmoins entre les deux faits un léger intervalle, pendant lequel S. Pierre alla s’acquitter de la mission que Jésus lui avait confiée. Le v. 21 prouve en effet qu’il assistait à l’entretien. - Les disciples s'approchèrent. D’après la relation plus exacte de S. Marc, 9, 32 et 33, l’initiative vint de Jésus lui-même et non des Apôtres. Ceux-ci, avant d’entrer à Capharnaüm, avaient discuté entre eux pour savoir lequel était le plus grand. Quand ils furent installés dans la maison qui leur servait d’abri commun, Jésus, ayant entendu, ou connaissant par sa toute-science ce qui s’était passé entre eux, leur demanda : De quoi vous occupiez-vous le long du chemin ? Ils se taisaient, ajoute naïvement ou malicieusement le narrateur. Ils sont tout confus, car ils comprennent à-demi leur tort. Après quelques instants de silence, l’un d’eux s’enhardissant posa au Sauveur, suivant le récit de S. Matthieu, cette question qui était en même temps une réponse implicite à la demande adressée par lui : Quel est le premier dans le royaume des cieux ? On peut dire aussi que le premier évangéliste abrège et condense les faits, comme en d’autres occasion analogues ; Cf. 8, 5, 6, etc. - Qui donc. On peut se demander quelles sont les prémisses desquelles découle ce donc des Apôtres, ou, ce qui revient au même, quelle fut l’occasion des pensées de rivalité, d’ambition, que nous voyons s’agiter dans leur cœur. « L'occasion de l'interroger est fournie par le fait qu'il avait dit à Pierre d'aller pêcher à la mer », S. Thomas. Mais nous préférons dire, avec Maldonat, que « La mission qu'il avait confiée à Pierre n'avait pas fait naître en eux cette réflexion, mais avait fait croître une pensée déjà existante ». Plusieurs faits récents avaient réveillé les vieux préjugés des disciples ; par exemple, les paroles adressées par Jésus à S. Pierre après sa confession glorieuse, la faveur spéciale accordée à trois privilégiés de l’accompagner pour une mission demeurée secrète, et ces préférences avaient précisément coïncidé avec des expressions du Sauveur qui annonçaient, quoique d’une manière obscure, l’établissement de son royaume dans un prochain avenir. - Le plus grand. On peut donner à ce comparatif le sens du superlatif « le plus grand ». Quel est le premier, le majordome (de Wette), dans le royaume des cieux ? Ils parlent au présent, « est », parce qu’ils supposent que Jésus-Christ a déjà nommé en secret le vice-roi messianique. Selon d’autres, « grand » doit rester au comparatif ; alors les Apôtres demanderaient seulement quels devaient être les premiers en général, comparativement aux sujets inférieurs, quels étaient par conséquent les meilleurs moyens d’obtenir un rang élevé dans l’empire du Christ. - Dans le royaume des cieux. Ils ne pensent pas au ciel, tant s’en faut ; mais au règne terrestre du Messie, tel qu’ils se le représentaient d’après les idées populaires alors en vogue en Palestine. Leur erreur ne consiste pas à supposer qu’il y aura des premières et des dernières places dans le royaume des cieux, mais à croire que cette hiérarchie sera constituée d’après des idées tout humaines.
Saint Thomas d'Aquin
1946. Plus haut, le Seigneur a montré la gloire à venir dans sa transfiguration ; ici, il traite du cheminement vers cette gloire. Et cela se divise en deux : premièrement, il enseigne comment parvenir à celle-ci ; deuxièmement, certains, qui demandent de manière inappropriée une place d’honneur dans la gloire, sont rabroués, en commençant au chapitre XX.

À propos du premier point, [le Seigneur] enseigne comment parvenir à cette gloire par la voie commune ; deuxièmement, comment [y parvenir] par la voie de la perfection, en commençant au chapitre XIX.

1947. Tout d’abord, parce qu’on parvient à la gloire par l’humilité, il montre en premier lieu la manière d’être humble ; deuxièmement, il interdit de provoquer un scandale, en cet endroit : MAIS SI QUELQU’UN SCANDALISE L’UN DE CES PETITS, etc. [18, 6] ; troisièmement, il enseigne à écarter [le scandale] provoqué, en cet endroit : SI TA MAIN OU TON PIED EST UNE OCCASION DE PÉCHÉ, COUPE-LE ET JETTE-LE LOIN DE TOI [18, 8].

1948. À propos du premier point, l’interrogation des disciples est présentée ; deuxièmement, la réponse du Christ.

L’occasion de l’interrogation s’offre par le fait que [le Seigneur] a dit à Pierre d’aller vers la mer et d’acquitter le statère trouvé dans le poisson pour lui et pour Pierre. Il paraissait donc avoir donné préséance à Pierre. Et parce qu’ils étaient encore faibles, ils souffraient d’une certaine animosité et d’un mouvement d’envie. Mais remarquez comment, lorsqu’il en prit trois seulement sur la montagne, ils ne furent pas affectés comme c’est le cas ici, alors qu’il donne la préséance à un seul.

1949. Ils s’interrogeaient donc : QUI DONC EST LE PLUS GRAND DANS LE ROYAUME DES CIEUX ?, alors qu’on n’y parvient pas par la grandeur mais par l’esprit d’humilité. Ph 2, 3 : S’estimant supérieurs les uns aux autres par l’humilité, etc. Dans cette demande, il faut imiter le fait qu’ils ne désiraient pas des réalités terrestres, mais des réalités célestes. 2 Co 4, 18 : Nous ne contemplons pas ce qui est visible, mais ce qui n’est pas visible, etc.

Mais de quoi s’agit-il ? Ne faut-il pas rechercher l’excellence dans le royaume des cieux ? Il faut dire qu’on possède l’excellence dans le royaume des cieux de deux manières : soit que nous nous en estimions dignes, et cela est de l’orgueil et va à l’encontre des apôtres. Ph 1, 3 : S’estimant supérieurs les uns aux autres par l’humilité, etc. ; mais désirer une grâce plus grande afin que nous soit [donnée] une gloire plus grande n’est pas mal, comme en 1 Co 12, 31 : Recherchons les grâces les meilleures. De même, les apôtres savaient que, dans la gloire, il y a diverses demeures, comme une étoile diffère d’une autre par la clarté. Ils s’enquéraient donc parce qu’ils croyaient qu’une était meilleure que l’autre, à l’encontre de certains hérétiques qui ont affirmé le contraire.