Matthieu 12, 33

Prenez un bel arbre, son fruit sera beau ; prenez un arbre qui pourrit, son fruit sera pourri, car c’est à son fruit qu’on reconnaît l’arbre.

Prenez un bel arbre, son fruit sera beau ; prenez un arbre qui pourrit, son fruit sera pourri, car c’est à son fruit qu’on reconnaît l’arbre.
Louis-Claude Fillion
Jésus-Christ a déjà signalé au v. 27 l’inconséquence des Pharisiens ; il y revient encore à un autre point de vue. « Il leur montre que leurs accusations étaient entièrement déraisonnables, et qu’elles combattaient l’ordre naturel des choses.... Pour les confondre entièrement il leur dit: Si vous voulez reprendre mes actions, je ne vous en empêche pas : mais que vos accusations au moins paraissent un peu raisonnables, et qu’elles ne se contredisent point elles-mêmes », S. Jean Chrys. Hom. 42 in Matth. - Dites que l'arbre est bon. Dans le texte latin, le verbe « facere » (faire) est pris ici dans un sens déclaratoire, comme l’avaient déjà compris les anciens exégètes. Ou bien dites que l’arbre est bon et que son fruit l’est aussi ; ou bien dites que l’arbre est mauvais et que son fruit l’est pareillement. Cette interprétation est très classique, Cf. Raphel, Hersot. p. 154 ; Xénophon disait en ce sens : vous déclarez que ce sont des ennemis, Hist. 6, 3, 5 ; Cf. Joan. 8, 53 ; 10, 33 ; 19, 7 ; 1 Joan, 1, 10 ; 5. 10. - L’arbre, c’est Notre-Seigneur Jésus-Christ ; le fruit, c’est l’expulsion des démons. - Les Pharisiens admettaient que le Sauveur chassait réellement les démons, par conséquent, qu’il produisait des fruits excellents ; d’autre part ils déclaraient que l’arbre par lequel ces fruits étaient produits ne valait rien, c’est-à-dire que Jésus était l’instrument du démon lorsqu’il guérissait les possédés. Le divin accusé argumente contre eux « de l'effet à la cause » et leur démontre que leur reproche est simplement absurde. Est-ce que l’on récolte des raisins sur des épines et des figues sur les chardons ? « Si le démon est mauvais, il ne peut pas accomplir de bonnes œuvres; donc, si les œuvres que vous voyez sont bonnes, il s'ensuit que ce n'est pas le démon qui les a faites; car le bien ne peut provenir du mal, ni le mal du bien », S . Jérôme. Cependant quelques auteurs à la suite de S. Augustin et de S. Thomas, conservent à « facere » sa signification habituelle et appliquent les paroles de Jésus-Christ aux Pharisiens. « Jésus leur a reproché leur hypocrisie parce que, voulant paraître de bons arbres, ils produisaient de mauvais fruits, ou parce que étant de mauvais arbres, ils voulaient faire croire qu’ils produisaient de bons fruits. Et il leur ordonne d’être soit ouvertement mauvais, soit ouvertement bons. », Maldonat. Il est aisé de voir que cette explication enlève à la pensée une grande partie de sa force et qu’elle interrompt la suite des raisonnements de Jésus.
Saint Thomas d'Aquin
1453. Vient ensuite : OBSERVEZ UN ARBRE BON : SON FRUIT SERA BON ; OBSERVEZ UN ARBRE GÂTÉ : SON FRUIT SERA GÂTÉ. Plus haut, le Seigneur a réfuté les rites des Pharisiens parce qu’ils étaient en contradiction avec leur manière d’agir, et il a montré la gravité de leur péché. Maintenant, [il s’élève] contre eux parce qu’ils disent que son enseignement est mauvais.

1454. Premièrement, il présente une comparaison ; deuxièmement, il applique [celle-ci] ; troisièmement, il en donne l’explication. Le second point [se trouve] en cet endroit : ENGEANCE DE VIPÈRES, etc. [12, 34] ; le troisième point, en cet endroit : CAR LA BOUCHE PARLE DU TROP-PLEIN DU CŒUR, etc. [12, 34].

1455. À propos du premier point, [le Seigneur] fait deux choses : premièrement, il présente la comparaison ; deuxièmement, il amène la démonstration, en cet endroit : C’EST AU FRUIT QU’ON RECONNAÎT L’ARBRE [12, 33].

1456. [Le Seigneur] dit donc : OBSERVEZ UN ARBRE BON, etc. Ceci s’interprète de deux façons : une interprétation vient de Chrysostome et de Jérôme ; l’autre, d’Augustin. Selon Jean Chrysostome, l’interprétation est la suivante. [Le Seigneur] veut montrer que leur blâme est déraisonnable. Il compare donc l’acte à la vie, comme le fruit à l’arbre. Si quelqu’un voit un bon fruit, il juge que l’arbre est bon. Il en est de même, en sens contraire, [s’il voit] un mauvais [fruit]. Ceux-ci voyaient les actes du Christ, par exemple, l’expulsion des démons, et cela était bon. «Ce que vous dites est donc tout à fait déraisonnable.» Et il passe admirablement de l’effet à la cause, comme dit l’Apôtre, Rm 1, 20 : Ce qu’il y a d’invisible depuis la création du monde se laisse voir à l’intelligence à travers ses œuvres, etc.

1457. Il veut donc dire : «Ou bien VOUS, c’est-à-dire les Pharisiens, OBSERVEZ, c’est-à-dire, concédez, que, SI LE FRUIT EST BON, L’ARBRE EST BON ; ou bien vous PORTEZ ATTENTION, c’est-à-dire, vous dites que LE FRUIT EST MAUVAIS, ET ainsi L’ARBRE EST MAUVAIS. Et vous ne pouvez pas dire cela.» Mais Augustin s’en rapporte à l’intention. Ceux-ci disaient qu’il chassait les démons par Béelzéboul. Il veut donc montrer de quelle source [le comportement des Pharisiens] provenait, la malice du cœur. C’est pourquoi il dit : OBSERVEZ. Ici, deux choses sont présentées : l’une méritoire, l’action, «OBSERVEZ, etc., et portez soin et attention à être un arbre bon, ce que l’homme ne peut être sans préparation. Ainsi, faites en sorte d’être un arbre bon, et alors [votre] fruit sera bon et [vos] actions bonnes.» Ce qui suit [a été dit] afin qu’ils prennent garde, à savoir : «OBSERVEZ COMMENT UN ARBRE MAUVAIS PORTERA UN FRUIT GÂTÉ. Vous vous appliquerez à la malice, et vous serez ainsi un arbre mauvais et [votre] fruit [sera] mauvais», Jr 2, 21 : Je t’ai plantée comme ma vigne de prédilection ; comment es-tu devenue pour moi une vigne mauvaise et étrangère ?

1458. Selon les deux interprétations, la démonstration qui suit est probante : CAR C’EST AU FRUIT QU’ON RECONNAÎT L’ARBRE, etc., car au fruit bon [est reconnu] l’arbre bon, et au mauvais, le mauvais.