Marc 15, 38
Le rideau du Sanctuaire se déchira en deux, depuis le haut jusqu’en bas.
Le rideau du Sanctuaire se déchira en deux, depuis le haut jusqu’en bas.
« Après avoir raconté la passion et la mort du Christ, l’évangéliste continue avec ce qui est arrivé après la mort du Seigneur », Glossa ordinaria. S. Marc, comme S. Matthieu, mentionne trois sortes d’incidents ; mais
il abrège considérablement le premier car, se contentant de parler du voile du temple, il ne dit rien du
tremblement de terre, des rochers fendus, des morts ressuscités. — Premier fait : Le voile du temple se
déchira en deux. Ce fut là certainement un éclatant prodige et un profond symbole. Voyez l’Évangile selon S.
Matthieu, Matth. 27, 51. Grâce à la mort de Jésus, il n’y a désormais plus de barrière entre Dieu et les
hommes. La porte du royaume des cieux est largement ouverte. Le voile qui séparait les deux parties du
temple nommées Saint et Saint des Saints était magnifique : il était composé en grande partie de pourpre et
d’or ; des Chérubins brodés le recouvraient presque en entier.
Si c'eût été le temps régulier pour une éclipse, on pourrait dire que cette obscurité était naturelle, mais on était alors au quatorzième jour de la lune, époque où selon les lois ordinaires, une éclipse n'est pas possible.
Ou bien, c'est au nom de l'humanité, que le Sauveur crucifié adresse cette plainte à Dieu, car nous autres hommes, nous sommes abandonnés, mais pour, lui, il n'a jamais été abandonné de son Père. Ecoutez, c'est lui-même qui l'atteste: «je ne suis pas seul, mais mon Père est avec moi ( Jn 8). Ou bien encore, il parle ici au nom des Juifs qu'il représentait comme juif par sa naissance, et il semble dire: Pourquoi avez-vous abandonné le peuple hébreu, et l'avez-vous laissé crucifier votre Fils? Nous disons quelquefois: Dieu s'est revêtu de moi, c'est-à-dire, de ma nature humaine; ainsi nous devons entendre ces paroles: «Pourquoi m'avez-vous abandonné» de la nature humaine ou du peuple juif.
Celui qui tient la mort sous ses lois et qui lui commande, meurt aussi comme le maître de la mort. Or, quel fut ce cri que Jésus fît entendre? Saint Luc nous l'apprend: «Mon Père, je remets mon âme entre vos mains». Il a voulu par là nous apprendre que les âmes des saints s'élèvent dans les mains de Dieu, elles qui étaient retenues dans les enfers avant l'avènement de celui qui est venu annoncer aux captifs leur délivrance.
L'astre brillant du jour voila ses rayons pour ne pas voir le Seigneur attaché à la croix, ou pour ne pas laisser jouir de sa lumière ces impies blasphémateurs: «A la sixième heure du jour, les ténèbres se répandirent sur toute la terre jusqu'à la neuvième».
Lorsque Adam eut péché, il est écrit ( Gn 3) qu'il entendit la voix de Dieu, qui se promenait dans le paradis à l'heure du jour où la brise s'élève; or, ce fut à l'heure que le premier Adam fit entrer par son péché la mort dans le monde, que le second Adam détruisit par sa mort l'empire de la mort. Il est encore à remarquer que le Seigneur a été crucifié lorsque le soleil s'éloigne du centre du ciel, et qu'il a célébré le mystère de sa résurrection lorsque le soleil se lève, parce qu'il est mort pour nos péchés et qu'il est ressuscité pour notre justification ( Rm 4, 25). Ne soyez point surpris de l'humilité de ses paroles, de ce qu'il se plaigne d'être abandonné; la forme de serviteur qu'il a prise, vous le savez, est la cause du scandale de la croix. La faim, la soif, la fatigue, n'étaient pas les propriétés de sa divinité, mais les infirmités de la nature humaine; ainsi ce cri: «Pourquoi m'avez-vous abandonné»; c'est la plainte du corps, parce que le corps a une horreur souveraine et naturelle pour sa séparation d'avec la vie qui lui est unie. Sans doute, c'est le Sauveur lui-même qui parle ici, mais eu égard à la faiblesse de son corps, il parle comme homme et laisse la nature humaine en proie à ces agitations qui nous font craindre à nous-mêmes que Dieu nous abandonne au milieu des dangers.
Ce furent, à mon avis, des soldats romains, qui ne comprenaient point la langue hébraïque, et qui entendant crier Eloï, s'imaginèrent qu'il appelait Elie. Si vous voulez au contraire que ce soient les Juifs, ils interprètent ainsi le cri du Sauveur, pour insulter à sa faiblesse, qui implore le secours d'Elie: «Et l'un d'eux courut emplir une éponge de vinaigre»,etc. Saint Jean explique plus au long la raison pour laquelle on présenta du vinaigre à Jésus sur la croix: «Afin que les Écritures fussent accomplies, Jésus dit: J'ai soif; les soldats emplirent une éponge de vinaigre, et la présentèrent à sa bouche» ( Jn 19, 28, 29).
Saint Luc indique la cause de ces ténèbres, c'est-à-dire l'obscurcissement du soleil.
D'après saint Matthieu, ce n'est pas celui qui présenta l'éponge remplie de vinaigre qui interpréta ainsi les paroles du Seigneur, mais les autres qui étaient présents, d'où nous pouvons conclure que tous ont tenu ce langage.
C'est à la neuvième heure que la maison a été balayée, que la drachme qui était perdue est retrouvée ( Lc 15, 8).
C'est ici un symbole de ce qu'étaient les Juifs; ils emplissent de vinaigre, c'est-à-dire, de malice et de ruse, une éponge qu'ils placent au bout d'un roseau fragile, sec, destiné au feu.
Au moment où la chair s'affaiblit, la voix divine fait éclater sa puissance, cette voix qui dit par la bouche du Psalmiste: «Ouvrez-moi les portes de la justice» ( Ps 117) «Jésus ayant jeté un grand cri, expira». Nous qui sommes de la terre, nous n'avons en mourant qu'un reste de voix où la parole même expire sur nos lèvres, mais celui qui vient du ciel a jusqu'à la mort toute la puissance de sa voix.