Luc 7, 47

Voilà pourquoi je te le dis : ses péchés, ses nombreux péchés, sont pardonnés, puisqu’elle a montré beaucoup d’amour. Mais celui à qui on pardonne peu montre peu d’amour. »

Voilà pourquoi je te le dis : ses péchés, ses nombreux péchés, sont pardonnés, puisqu’elle a montré beaucoup d’amour. Mais celui à qui on pardonne peu montre peu d’amour. »
Louis-Claude Fillion
Ce verset est célèbre dans l'histoire de l'exégèse, à cause de la controverse ardente qu'il a suscitée entre les catholiques et les protestants. Pour ces derniers, qui prétendent que la foi seule justifie, il contient une parole extrêmement embarrassante, beaucoup de péchés lui sont remis parce qu'elle a beaucoup aimé : aussi ont-ils tout fait pour lui enlever sa signification naturelle ; mais en vain, car elle est de la plus grande clarté. Jésus ne pouvait dire en termes plus obvies que la pécheresse avait mérité son pardon par la perfection de son amour. Comp. Bellarmin, de Poenit. Lib. 1, c. 19. Du reste la même doctrine est exprimée ailleurs tout aussi nettement. Cfr. 1 Petr. 4, 8. Aujourd'hui, la discussion s'est notablement calmée, et plusieurs commentateurs protestants interprètent ce passage tout à fait comme nous. Voir dans Maldonat, in h. l., la manière dont se l'appropriaient autrefois les deux partis. Il est vrai que la conclusion, « Ses nombreux péchés lui sont remis parce qu'elle a beaucoup aimé », cause d'abord une certaine surprise, parce qu'elle n'est pas tout à fait celle que l'on attend. D'après le v. 42, la manifestation d'une charité plus vive semblerait devoir être la conséquence et non le motif d'un pardon plus intégral. Pour échapper à cette difficulté, on a parfois proposé le sens suivant : Elle a reçu la remise d'une dette considérable, c'est pourquoi elle a témoigné beaucoup d'amour. Mais cette interprétation, qui est peu conciliable avec les lois de la grammaire, a été généralement abandonnée. Au fond la difficulté est plus apparente que réelle, et, comme le dit fort bien M. Schegg, ce sont les exégètes eux-mêmes qui l'ont créée, en supposant d'une façon toute gratuite que Notre-Seigneur voulait suivre ici pas à pas la parabole qu'il avait exposée précédemment, rattacher d'une manière rigoureuse, anxieuse, l'application à l'exemple, tandis qu'il procède, comme toujours, avec l'ampleur et la liberté de l'Orient. Au surplus, il suffit d'un peu de réflexion pour se convaincre que l'enchaînement des pensées est parfait. Jésus vient de décrire les actes touchants qu'une vive charité unie à un repentir profond avait suggérés à l'humble femme agenouillée à ses pieds : n'était-il pas naturel et logique qu'au moment de notifier la rémission des péchés il indiquât quelle en avait été la cause la plus méritoire ? Il l'a fait pour nous consoler et nous instruire. Ainsi donc, l'amour précède le pardon comme un motif qui agit puissamment sur le cœur de Dieu ; d'un autre côté l'amour suit le pardon comme une conséquence toute légitime, étant excité dans notre cœur par la contemplation des divines miséricordes. On conçoit par là que les ardeurs de la charité, environnant le péché de toutes parts, finissent par en consumer la malice ; mais on ne voit pas de quelle manière les simples rayons de la foi réussiraient à produire cet heureux résultat. - Celui auquel on remet le moins… Grave « Nota bene » qui retombe en plein sur Simon, quoique Jésus, dans sa bonté, l'ai revêtu d'une forme générale. « Le Sauveur, en énonçant cette maxime, avait en vue ce Pharisien qui s'imaginait n'avoir que peu ou même pas de péchés… Si tu aimes si peu, ô Pharisien, c'est que tu te figures qu'on te remet peu; ce n'est pas que réellement on te remette peu, c'est que tu te le figures ». S. August., Serm. 99. En passant du fait concret à l’axiome, Notre-Seigneur renverse en outre sa pensée, pour lui donner plus de force sous ce nouvel aspect. Mais la vérité exprimée est bien la même, car la phrase : Celui à qui l'on pardonne peu, aime peu, ne diffère pas essentiellement de cette autre phrase : à celui qui aime peu, l'on pardonne peu. On trouve fréquemment dans les Livres sapientiaux de la Bible des interversions analogues, destinées à mieux mettre une idée en relief.