Luc 7, 23

Heureux celui qui ne trébuchera pas à cause de moi ! »

Heureux celui qui ne trébuchera pas à cause de moi ! »
Louis-Claude Fillion
C'est la réponse proprement dite : brève, mais décisive. Elle est identiquement la même dans les deux Évangiles (voyez Matth. 11, 5, 6 et le commentaire). Comme le fait remarquer un exégète, sa force démonstrative ne ressort pas seulement des miracles opérés par Notre-Seigneur, mais plus encore du rapport étroit qui existait entre eux et le portrait du Messie tracé par les prophètes (Cfr. Is. 35, 4 et 5 ; 51, 1 et s.). Jésus semblait dire aux messagers de S. Jean : Voyez vous-mêmes. La prophétie, sous vos propres yeux, s'est transformée en histoire, en réalité. Celui que vous cherchez est donc devant vous. Mes œuvres ont occasionné votre question : pour vous répondre, je n'ai qu'à vous renvoyer à mes œuvres, car leur langage est manifeste.
Saint Théophylacte d'Ohrid
C'était à la vue de ces prodiges, qu'Isaïe disait: «Dieu viendra lui-même et vous sauvera. Alors les yeux des aveugles verront le jour, et les oreilles des sourds seront ouvertes; alors le boiteux bondira comme le cerf».
Saint Bède le Vénérable
Ce ne fut pas, je pense, dans une intention bien droite, mais par un sentiment de jalousie; car nous les voyons ailleurs se plaindre de Jésus en ces termes: «Maître, celui qui était avec vous au delà du Jourdain, et auquel vous avez rendu témoignage, voilà qu'il baptise, et que tous vont à lui» ( Jn 3).

Il ne dit pas: Êtes-vous celui qui êtes venu? mais: «Êtes-vous celui qui doit venir ?» c'est-à-dire: Je suis sur le point d'être mis à mort par Hérode, et de descendre aux enfers, faites-moi donc savoir si je dois annoncer votre arrivée dans les enfers, comme je l'ai annoncée sur la terre, ou bien si cette mission ne convenant pas au Fils de Dieu, vous devez en envoyer un autre pour l'accomplissement de ce mystère.

Et ce qui n'est pas un miracle moins éclatant: «Les pauvres sont évangélisés», c'est-à-dire que les pauvres d'esprit ou des biens de la terre sont éclairés intérieurement, de sorte que les pauvres et les riches ont également part à la grâce de la prédication. C'est là une preuve de la vérité du Maître, que tous ceux qu'il peut sauver soient égaux devant lui.
Saint Cyrille d'Alexandrie
Quelques-uns des disciples de Jean rapportèrent au saint Précurseur le miracle qu'avaient appris tous les habitants de la Judée et de la Galilée: «Cependant les disciples de Jean lui ayant annoncé», etc.

Mais cette explication doit être entièrement rejetée; nulle part, en effet, nous ne lisons dans les saintes Écritures que Jean-Baptiste ait annoncé la venue du Sauveur aux habitants des limbes. Il est vrai aussi de dire que le saint Précurseur connaissait toute l'étendue du mystère de l'incarnation du Fils de Dieu; il savait donc, entre autres choses, qu'il devait porter la lumière à ceux qui habitaient les enfers, puisqu'il est mort pour tous les hommes, aussi bien pour les morts que pour les vivants. Mais comme les oracles de la sainte Écriture avaient prédit qu'il viendrait comme chef et comme Seigneur, et que les autres avaient été envoyés comme de simples serviteurs avant la venue du Christ, le Sauveur et le Seigneur de tous les hommes est appelé par les prophètes: «Celui qui vient», ou «celui qui doit venir», comme dans ce passage des Psaumes: «Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur» ( Ps 117), et dans cet autre du prophète Habacuc: «Encore un peu de temps, et celui qui doit venir, viendra sans tarder» ( Ha 2). Jean-Baptiste emprunte donc cette manière de parler à la sainte Écriture, et envoie quelques-uns de ses disciples pour demander à Jésus s'il est celui qui vient, ou qui doit venir.

Ou bien, c'est avec un dessein particulier que Jean-Baptiste fait cette question. Il connaissait, en effet, comme précurseur, le mystère de la passion du Christ; mais il voulait que ses disciples apprissent par eux-mêmes l'excellence du Sauveur; il envoie donc vers lui les plus sages d'entre eux, en leur recommandant de s'informer et d'apprendre de la bouche même du Sauveur, s'il était celui qu'on attendait: «Ces hommes étant donc venus, lui dirent: Jean-Baptiste nous a envoyés vous demander: Êtes-vous celui qui doit venir», etc. Or, Jésus, sachant comme Dieu dans quelle intention Jean les avait envoyés et le motif de leur venue, opéra sous leurs yeux un grand nombre de miracles éclatants: «A cette heure même, Jésus guérit un grand nombre de personnes affligées», etc. Il ne leur dit pas en termes exprès: «Je suis celui qui doit venir», mais il leur en donne une plus grande certitude, et veut qu'ils puisent la foi en sa divinité dans des preuves sans réplique, avant de retourner vers celui qui les a envoyés. Il ne répond donc pas à la question, mais à l'intention de celui qui les a envoyés: «Alors il répondit aux envoyés: Allez rapporter à Jean ce que vous avez vu et entendu», c'est-à-dire: Racontez à Jean-Baptiste ce que vous avez entendu des prophètes, et ce que vous avez vu s'accomplir en moi-même. Il accomplissait, en effet, les merveilles que les prophètes avaient prédit de lui, et qu'il rappelle en leur disant: «Les aveugles voient, les boiteux marchent», etc.

Peut-être aussi voulait-il les convaincre par là, qu'aucune des pensées de leur coeur ne pouvait échapper à ses regards; car c'étaient eux-mêmes qui se scandalisaient de sa personne divine.
Saint Jean Chrysostome
C'est surtout lorsque la nécessité nous presse, que nous devons nous élever jusqu'à Jésus, c'est pour cette raison que Jean, retenu dans les fers, envoie ses disciples à Jésus, alors qu'ils en avaient un plus grand besoin: «Jean-Baptiste appela deux de ses disciples, et les envoya vers Jésus pour lui dire: «Êtes-vous celui qui doit venir», etc.
Saint Ambroise
Mais comment peut-il se faire qu'après avoir proclamé Jésus celui qui efface les péchés du monde, Jean-Baptiste ne reconnut pas encore en lui le Fils de Dieu? car, ou c'est une témérité impardonnable que d'attribuer sans raison les attributs de la divinité à celui qu'il ne connaît pas, ou c'est une coupable infidélité que de douter qu'il soit le Fils de Dieu. Quelques-uns ont vu dans Jean-Baptiste un grand prophète éclairé d'en haut, pour reconnaître le Christ; mais sans admettre que le doute soit entré dans son esprit, ils ont supposé que par un sentiment de pieuse affection, il avait cru que celui qu'il avait annoncé, ne serait pas sujet à la mort. Ce n'est donc point l'incrédulité, mais son amour pour le Sauveur qui est la cause de ce doute; c'est ainsi que nous voyons saint Pierre dire à Jésus-Christ «A Dieu ne plaise, Seigneur, cela ne vous arrivera point» ( Mt 16).

Ce témoignage était sans doute plus que suffisant pour que le saint Précurseur fût convaincu que Jésus était son Seigneur; car c'est de lui que les prophètes avaient prédit: «Le Seigneur donne la nourriture à ceux qui ont faim, le Seigneur délie les captifs, il éclaire les aveugles, il redresse ceux qui sont courbés, et celui qui opère ces prodiges, règnera dans l'éternité» ( Ps 145). Ce ne sont point les oeuvres de l'homme, mais les actes d'une puissance toute divine. De tels prodiges étaient rares, ou presque nuls avant l'Évangile; Tobie est le seul que nous voyons recouvrer la vue, et ce fut un ange et non pas un homme qui le guérit ( Tb 11). Élie a ressuscité des morts, mais à force de prières et de larmes (), ici Jésus n'a besoin que de commander; Élisée a guéri un lépreux, néanmoins ce ne fut point par l'autorité de son commandement, mais en figure d'un grand mystère.

Et cependant ce sont là encore de faibles témoignages de la divinité du Sauveur; ce qui donne à la foi toute sa plénitude, c'est la croix du Seigneur, sa mort, sa sépulture. Voilà pourquoi il ajoute: «Et bienheureux celui qui ne se sera pas scandalisé de moi». La croix, en effet, pourrait être un sujet de scandale, même pour les élus, et cependant c'est la plus grande preuve de la divinité du Christ; car il n'y a rien qui soit plus au-dessus de l'humanité que de s'être offert seul pour le salut du monde entier.

Nous avons dit plus haut que Jean était la figure de la loi qui a été comme le précurseur du Christ. Jean-Baptiste envoie donc ses disciples vers Jésus-Christ pour donner à leur science toute sa perfection; car le Christ est la plénitude de la loi. Ces deux disciples peuvent aussi figurer les deux peuples, les Juifs qui embrassèrent la foi, et les Gentils qui crurent après avoir entendu. Ils voulaient voir de leurs yeux, parce que bienheureux sont les yeux qui voient. Mais lorsqu'ils sont parvenus jusqu'à l'Évangile, et qu'ils ont reconnu que les aveugles ont recouvré la vue, que les boiteux marchent, etc.; alors ils diront: «Nous avons vu de nos yeux» ( 1Jn 1 ). Car nous nous figurons que nous voyons ce que nous lisons; ou bien encore, il nous semble que nous avons parcouru toute la suite de la passion du Sauveur dans quelque partie de notre corps; car c'est par quelques-uns seulement que la foi s'est étendue à la multitude des fidèles. Ainsi la loi annonçait le Christ qui devait venir, et l'Évangile confirme sa venue.