Luc 22, 44

Entré en agonie, Jésus priait avec plus d’insistance, et sa sueur devint comme des gouttes de sang qui tombaient sur la terre.

Entré en agonie, Jésus priait avec plus d’insistance, et sa sueur devint comme des gouttes de sang qui tombaient sur la terre.
Pape Saint Jean-Paul II
L'Église naît du mystère pascal. C'est précisément pour cela que l'Eucharistie, sacrement par excellence du mystère pascal, a sa place au centre de la vie ecclésiale. On le voit bien dès les premières images de l'Église que nous donnent les Actes des Apôtres: « Ils étaient fidèles à écouter l'enseignement des Apôtres et à vivre en communion fraternelle, à rompre le pain et à participer aux prières » (2, 42). L'Eucharistie est évoquée dans la « fraction du pain ». Deux mille ans plus tard, nous continuons à réaliser cette image primitive de l'Église. Et tandis que nous le faisons dans la célébration de l'Eucharistie, les yeux de l'âme se reportent au Triduum pascal, à ce qui se passa le soir du Jeudi saint, pendant la dernière Cène, et après elle. En effet, l'institution de l'Eucharistie anticipait sacramentellement les événements qui devaient se réaliser peu après, à partir de l'agonie à Gethsémani. Nous revoyons Jésus qui sort du Cénacle, qui descend avec ses disciples pour traverser le torrent du Cédron et aller au Jardin des Oliviers. Dans ce Jardin, il y a encore aujourd'hui quelques oliviers très anciens. Peut-être ont-ils été témoins de ce qui advint sous leur ombre ce soir-là, lorsque le Christ en prière ressentit une angoisse mortelle et que « sa sueur devint comme des gouttes de sang qui tombaient jusqu'à terre » (Lc 22, 44). Son sang, qu'il avait donné à l'Église peu auparavant comme boisson de salut dans le Sacrement de l'Eucharistie, commençait à être versé. Son effusion devait s'achever sur le Golgotha, devenant l'instrument de notre rédemption: « Le Christ..., grand prêtre des biens à venir..., entra une fois pour toutes dans le sanctuaire, non pas avec du sang de boucs et de jeunes taureaux, mais avec son propre sang, nous ayant acquis une rédemption éternelle » (He 9, 11-12).
Louis-Claude Fillion
Et sa sueur devint… « Détail qui trahit le médecin », van Oosterzee. Mais dans quel sens faut-il l'interpréter ? Nous n'avons pas à nous occuper des théories faciles de Strauss, de Schleiermacher, etc., qui voient ici ou un mythe, ou un embellissement poétique : il s'agit seulement de savoir si la sueur arrachée au corps sacré de Jésus par les tortures de son agonie consista en gouttes épaisses et larges comme seraient des gouttes de sang, ou bien si les expressions de S. Luc désignent une sueur tout à fait extraordinaire, dans laquelle le sang entrait pour une partie notable. Théophylacte, Euthymius, Bynaeus, Olshausen, Hug, etc., adoptent la première opinion parce que, disent-ils, l'évangéliste montre lui-même, en employant la particule comme, qu'il ne voulait pas parler d'une vraie sueur de sang. Nous leur répondrons 1° que le mot essentiel de ce passage est sang : la manière dont il est employé le prouve, car c'est à lui que se rapportent toutes les autres expressions du verset ; or ce mot perd sa principale raison d'être s'il ne désigne pas la nature même de la sueur : comme le dit justement Bengel, « Si la sueur n’avait pas été de sang, on aurait pu se passer de mentionner le sang, car le mot gouttes suffisait à lui-même pour décrire l’écoulement de la sueur » ; 2° que la comparaison ne porte ici ni sur la couleur, ni sur la quantité, mais sur la qualité : la phrase « sa sueur fut comme du sang » suppose donc qu'il y eut du sang, et en partie notable, dans la sueur de Jésus. 3° que leur interprétation donne un sens très faible et émousse entièrement le trait. D'ailleurs les exégètes les plus anciens et les plus distingués, tels que S. Justin, S. Irénée (sa pensée est formulée aussi nettement que possible : il n'eût pas sué des gouttes de sang, adv. Haer, 3, 22, 2), S. Athanase, S. Hilaire, Théodoret, S. Jérôme, S. Augustin, Érasme, Maldonat, D. Calmet, Sylveira, et presque tous les contemporains, catholiques, protestants et rationalistes, prennent parti sans hésiter pour la seconde opinion, dont nous croyons la vérité indiscutable. En outre, des faits nombreux, constatés dès les temps les plus reculés, démontrent jusqu'à l'évidence la possibilité d'une sueur de sang dans des conditions analogues à celle où se trouvait Notre-Seigneur, c'est-à-dire parmi de mortelles angoisses. Cfr. Aristote, Histor. Animal. 3, 19 ; Théophraste, de Sudore, c. 12 ; Diodor. Sic. Hist. l. 17, c. 90 ; Calmet, Dissert. Sur la sueur de sang ; Gruner, Dissert. de morte Christi vera, p. 103-158 ; Rosenmüller, Alt. und neues Morgenland, t. 5, p. 218 ; Loenartz, de Sudore sanguinis, Bonn 1850 ; Smith, Diction. of the Bible, s. v. Sweat ; Schegg, Evangel. nach Lukas, t. 3, p. 271 et ss. ; Ebrard, Wissenschaftl. Kritik der evangel. Geschichte, p. 651 et ss. ; Stroud, Physical Cause of Christ's Death, p. 115 et ss., etc. Rappelons enfin que c'est un médecin qui a pris soin de noter ce fait, circonstance qui ajoute un poids considérable au témoignage du troisième Évangile. - Qui coulait jusqu'à terre : Jusqu'à terre, tant cette sueur était abondante ! « Que la goutte de sang qu’il a suée dans son agonie tombe sur la terre, que la terre ouvre sa bouche, qu’elle la boive et qu’elle crie au Père : meilleur que le sang d’Abel ! », Drago Ostiensis, 4 Gen. n. 10. « Il était allé là pour prier. Et il pria dans son agonie. Et il semblait alors qu’il ne pleurait pas seulement de ses yeux, mais de tous ses membres », S. Bernard, Serm. 3 de ramis. Voyez la Controverse, 1881, t. 1, p. 190-210.