Luc 2, 35
– et toi, ton âme sera traversée d’un glaive – : ainsi seront dévoilées les pensées qui viennent du cœur d’un grand nombre. »
– et toi, ton âme sera traversée d’un glaive – : ainsi seront dévoilées les pensées qui viennent du cœur d’un grand nombre. »
Pendant toute sa vie, et jusqu’à sa dernière épreuve (cf. Lc 2, 35), lorsque Jésus, son fils, mourut sur la croix, sa foi n’a pas vacillé. Marie n’a pas cessé de croire " en l’accomplissement " de la parole de Dieu. Aussi bien, l’Église vénère-t-elle en Marie la réalisation la plus pure de la foi.
La Croix est l’unique sacrifice du Christ " seul médiateur entre Dieu et les hommes " (1 Tm 2, 5). Mais, parce que, dans sa Personne divine incarnée, " il s’est en quelque sorte uni lui-même à tout homme " (GS 22, § 2), il " offre à tous les hommes, d’une façon que Dieu connaît, la possibilité d’être associés au mystère pascal " (GS 22, § 5). Il appelle ses disciples à " prendre leur croix et à le suivre " (Mt 16, 24) car " il a souffert pour nous, il nous a tracé le chemin afin que nous suivions ses pas " (1 P 2, 21). Il veut en effet associer à son sacrifice rédempteur ceux-là même qui en sont les premiers bénéficiaires (cf. Mc 10, 39 ; Jn 21, 18-19 ; Col 1, 24). Cela s’accomplit suprêmement pour sa Mère, associée plus intimement que tout autre au mystère de sa souffrance rédemptrice (cf. Lc 2, 35) :
Durant toute sa vie au côté du Christ et non seulement au Calvaire, Marie a fait sienne la dimension sacrificielle de l'Eucharistie. Quand elle porta l'enfant Jésus au temple de Jérusalem « pour le présenter au Seigneur » (Lc 2, 22), elle entendit le vieillard Syméon lui annoncer que cet Enfant serait un « signe de division » et qu'une « épée » devait aussi transpercer le cœur de sa mère (cf. Lc 2, 34-35). Le drame de son Fils crucifié était ainsi annoncé à l'avance, et d'une certaine manière était préfiguré le « stabat Mater » de la Vierge au pied de la Croix. Se préparant jour après jour au Calvaire, Marie vit une sorte « d'Eucharistie anticipée », à savoir une « communion spirituelle » de désir et d'offrande, dont l'accomplissement se réalisera par l'union avec son Fils au moment de la passion et qui s'exprimera ensuite, dans le temps après Pâques, par sa participation à la Célébration eucharistique, présidée par les Apôtres, en tant que « mémorial » de la passion.
Comme l'Eglise, Marie a dû vivre sa maternité sous le signe de la souffrance: « Cet enfant... doit être un signe en butte à la contradiction, — et toi-même, une épée te transpercera l'âme — afin que se révèlent les pensées intimes de bien des cœurs » (Lc 2, 34-35). Dans les paroles que Syméon adresse à Marie dès l'aube de l'existence du Sauveur, se trouve exprimé synthétiquement le refus opposé à Jésus et à Marie avec lui, qui culminera sur le Calvaire. « Près de la Croix de Jésus » (Jn 19, 25), Marie participe au don que son Fils fait de lui-même: elle offre Jésus, le donne, l'enfante définitivement pour nous. Le « oui » du jour de l'Annonciation mûrit pleinement le jour de la Croix, quand vient pour Marie le temps d'accueillir et d'enfanter comme fils tout homme devenu disciple, reportant sur lui l'amour rédempteur du Fils: « Jésus donc, voyant sa Mère et, se tenant près d'elle, le disciple qu'il aimait, dit à sa Mère: "Femme, voici ton fils" » (Jn 19, 26).
Un homme juste et craignant Dieu, du nom de Syméon, apparaît en ce commencement de «l'itinéraire» de la foi de Marie. Ses paroles, suggérées par l'Esprit Saint (cf Lc 2, 25-27), confirment la vérité de l'Annonciation. En effet, nous lisons qu'il «reçut dans ses bras» l'enfant qui- suivant la consigne de l'ange- «fut appelé du nom de Jésus» (cf. Lc 2, 21). Le discours de Syméon est accordé au sens de ce nom qui veut dire Sauveur: «Dieu est le salut». S'adressant au Seigneur, il s'exprime ainsi: «Mes yeux ont vu ton salut, que tu as préparé à la face de tous les peuples, lumière pour éclairer les nations et gloire de ton peuple Israël» (Lc 2, 30-32). Au même moment, Syméon s'adresse aussi à Marie en disant: «Vois! cet enfant doit amener la chute et le relèvement d'un grand nombre en Israël; il doit être un signe en butte à la contradiction -afin que se révèlent les pensées intimes de bien des cœurs»; et il ajoute en s'adressant directement à Marie: «Et toi-même, une épée te transpercera l'âme!» (Lc 2, 34-35). Les paroles de Syméon mettent dans une nouvelle lumière l'annonce que Marie a entendue de l'ange: Jésus est le Sauveur, il est «lumière pour éclairer» les hommes. N'est-ce pas cela qui a été manifesté, en quelque sorte, la nuit de Noël, quand les bergers sont venus à l'étable (cf. Lc 2, 8-20)? N'est-ce pas cela qui devait être manifesté davantage encore lorsque vinrent des Mages d'Orient (cf. Mt 2, 1-12)? Cependant, dès le début de sa vie, le Fils de Marie, et sa Mère avec lui, éprouveront aussi en eux-mêmes la vérité des autres paroles de Syméon: «Un signe en butte à la contradiction» (Lc 2, 34). Ce que dit Syméon apparaît comme une seconde annonce faite à Marie, car il lui montre la dimension historique concrète dans laquelle son Fils accomplira sa mission: dans l'incompréhension et dans la souffrance. Si, d'une part, une telle annonce confirme sa foi dans l'accomplissement des promesses divines du salut, d'autre part, elle lui révèle aussi qu'elle devra vivre l'obéissance de la foi dans la souffrance aux côtés du Sauveur souffrant, et que sa maternité sera obscure et douloureuse. Et de fait, après la visite des Mages, après leur hommage («se prosternant, ils lui rendirent hommage»), après l'offrande des présents (cf. Mt 2, 11), Marie avec l'enfant dut fuir en Egypte sous la protection attentive de Joseph, parce que «Hérode recherchait l'enfant pour le faire périr» (cf. Mt 2, 13). Et ils devront rester en Egypte jusqu'à la mort d'Hérode (cf. Mt 2, 15).
Cette union de la Mère avec son Fils dans l’œuvre du salut est manifeste dès l’heure de la conception virginale du Christ jusqu’à sa mort ; et d’abord quand Marie, partant en hâte pour visiter Élisabeth, est saluée par elle du nom de bienheureuse pour avoir cru au salut promis, tandis que le Précurseur tressaillait au sein de sa mère (cf. Lc 1, 41-45) ; lors de la Nativité ensuite, quand la Mère de Dieu présenta dans la joie aux pasteurs et aux mages son Fils premier-né, dont la naissance était non la perte mais la consécration de son intégrité virginale. Puis lorsque, dans le Temple, après avoir fait l’offrande des pauvres, elle présenta son Fils au Seigneur, elle entendit Siméon prophétiser en même temps que le Fils serait un signe de contradiction, et que l’âme de la mère serait transpercée d’un glaive : ainsi se révéleraient les pensées intimes d’un grand nombre (cf. Lc 2, 34-35). Ayant perdu l’Enfant Jésus et l’ayant cherché avec angoisse, ses parents le trouvèrent au Temple occupé dans la maison de son Père, et la parole du Fils ne fut pas comprise par eux. Sa mère cependant gardait tout cela dans son cœur et le méditait (cf. Lc 2, 41-51).
Un glaive, en grec romphaia, un grand glaive qu’on avait coutume de porter sur l’épaule droite, marque ici une grande douleur qui transpercera l’âme de Marie.
Objet de la haine et des contradictions d'un grand nombre, Jésus sera donc
abreuvé d'amertumes : cela ressort clairement du v. 34. Mais, à la « Passion » du Christ, correspondra
naturellement la « Compassion » de sa Mère, comme l'ajoute maintenant le saint vieillard. Un glaive vous
percera l'âme… L'âme est ici nommée pour le cœur, en tant qu'elle est le siège des affections, par conséquent
de l'amour maternel. Le glaive symbolise ici les vives et poignantes douleurs qui transpercèrent plus d'une
fois le cœur de Marie pendant la vie de son divin Fils, mais qui le déchirèrent surtout au Calvaire, comme le
chante l'Église :
« Le glaive a transpercé
son âme gémissante,
attristée et souffrante »
Voyez Euthymius, h. l. Cette belle métaphore est tout à fait classique. Cfr. Wetstein, Hor. Hebr. j. l.
C'est donc à tort que S. Épiphane dans l'antiquité, Lightfoot dans les temps modernes, et quelques autres
exégètes à leur suite, on pris le mot glaive dans un sens littéral, et conclu des paroles de Siméon que Marie
devait mourir de mort violente. Comme le dit fort bien le Vén. Bède expliquant ce passage, « Aucun récit ne
relate que la sainte Vierge à émigré de cette vie après avoir été transpercée par un glaive, surtout parce que
ce n’est pas l’âme mais le corps que le glaive transperce habituellement. ». Mais il est une autre
interprétation plus étrange encore : elle consiste à voir dans le glaive la désignation figurée d'un combat qui
devait se livrer en Marie entre le doute et la foi au sujet de son Fils, comme si Jésus devait être
momentanément un signe de contradiction même pour sa Mère ! Que plusieurs protestants contemporains
adoptent ce sentiment, nous n'en sommes pas surpris ; il est plus étonnant d'en rencontrer des traces chez
d'anciens orthodoxes (voir des citations dans D. Calmet), et jusque dans les écrits de S. Augustin, car il ne
peut s'appuyer ni sur le texte de S. Luc, ni sur le reste de l'histoire évangélique : aussi est-il justement rejeté
par la plupart des commentateurs, quelque soit du reste leur croyance. - Afin que les pensées de cœurs
nombreux soient dévoilées… Ces dernières paroles de la prophétie sont claires par elles-mêmes, mais les
commentateurs ne sont pas d'accord pour déterminer leur enchaînement avec les propositions qui précèdent.
Quelques-uns les rattachent seulement à « signe de contradiction ». Jésus, disent-ils, par cela même qu'il sera
un signe de contradiction, forcera ses ennemis de dévoiler les plus secrètes pensées de leur cœur. La
prédiction relative à Marie étant dès lors comme isolée entre deux membres de phrase auxquels elle ne se
rattache pas directement, on la met entre parenthèses. Mais nous croyons, avec d'autres exégètes, qu'il est
plus naturel et plus conforme à la liaison des pensées d'envisager cette proposition finale de Siméon comme
la conclusion, la conséquence des trois précédentes prises ensemble. Les trois premiers membres constituent
un tout inséparable : Marie aura beaucoup à souffrir à cause des contradictions dont son Fils sera l'objet ; ces
contradictions proviendront du rôle même de Jésus par rapport à Israël. Toutes ces choses réunies auront
pour conséquence la manifestation des cœurs. En prenant parti pour ou contre le Christ, les hommes
dévoileront nécessairement ce qu'ils pensent et ce qu'ils veulent, leurs intentions et leurs affections les plus
cachées.
Joseph est appelé le père du Sauveur, non qu'il soit véritablement son père (comme les photiniens l'ont osé blasphémer), mais parce que Dieu voulait qu'il passât aux yeux de tous pour son père, afin de sauvegarder la réputation de Marie.
Nous ne voyons dans aucune histoire que Marie ait fini ses jours par le glaive, d'ailleurs ce n'est pas l'âme, mais le corps qui est accessible aux coups mortels du glaive. Il nous faut donc entendre ici ce glaive dont le Psalmiste a dit: «Ils ont un glaive sur leurs lèvres ( Ps 58), et c'est ce glaive, c'est-à-dire la douleur que Marie éprouva de la passion du Sauveur, qui transperça son âme. Car bien qu'elle sût que Jésus-Christ, comme Fils de Dieu, mourait, parce qu'il le voulait, et qu'elle ne doutât nullement qu'il triompherait de la mort, cependant elle ne put voir crucifier le propre fils de ses entrailles sans un vif sentiment de douleur.
Jusqu'à la fin du monde, l'âme de l'Église est toujours traversée par le glaive de la plus amère tribulation, lorsqu'elle voit, en gémissant, que le signe de la foi est en butte aux contradictions des méchants, lorsqu'à la prédication de la parole de Dieu, elle en voit un grand nombre ressusciter à la vie avec Jésus-Christ, mais un grand nombre aussi tomber des hauteurs de la foi dans l'abîme de l'incrédulité; lorsque, pénétrant les pensées cachées dans le coeur d'une multitude de chrétiens, elle s'aperçoit que là où elle avait semé la bonne semence de l'Évangile, l'ivraie des vices l'emporte sur cette bonne semence, et quelque fois l'étouffe et la remplace entièrement.
Chaque fois que la connaissance des choses surnaturelles revient à la mémoire, chaque fois aussi elles produisent dans l'âme un nouveau sentiment d'admiration et d'étonnement: «Et le père et la mère de Jésus étaient dans l'admiration des choses que l'on disait de lui».
de Nysse. Le saint vieillard Siméon veut donc ici parler d'une ruine entière et profonde, c'est-à-dire que le châtiment des coupables ne devait pas être, après l'accomplissement du mystère de l'incarnation et la prédication de l'Évangile, le même qu'il était avant la venue du Sauveur. Et il a surtout en vue les enfants d'Israël qui devaient perdre tous les biens dont ils jouissaient, et encourir des châtiments plus terribles que toutes les autres nations, parce qu'ils ont refusé de recevoir celui que leurs prophètes avaient annoncé, celui qui a été adoré parmi eux, celui qui est né du milieu d'eux. Ils sont donc particulièrement menacés de ruine, non seulement parce qu'ils n'ont rien à espérer pour le salut de leurs âmes, mais parce qu'ils verront l'entière destruction de leur ville et de ses habitants. Au contraire, la résurrection est promise à tous ceux qui croient, tant à ceux qui sont comme abattus sous le joug de la loi et qui seront relevés de cette servitude, qu'à ceux qui sont ensevelis avec Jésus-Christ, et qui ressusciteront avec lui.
De l'admirable concordance de ces paroles avec les oracles prophétiques, apprenez que c'est un seul et même Dieu, un seul et même législateur qui a parlé dans les prophètes et dans le Nouveau Testament. En effet, les prophètes ont annoncé que le Christ serait une pierre de chute, une pierre de scandale ( Ps 117, 22; Mt 21, 42; Is 8, 14 ; Rm 9, 33), afin qu e ceux qui croient en lui ne soient pas confondus. Il est donc une cause de ruine pour ceux qui sont scandalisés de l'humilité de sa chair, et un principe de résurrection pour ceux qui ont reconnu la certitude de l'accomplissement des conseils divins.
Il peut être appelé d'ailleurs le père de Jésus dans le même sens qu'il est appelé l'époux de Marie, sans avoir avec elle aucun rapport charnel, et par le seul fait de l'union conjugale; et à ce titre il est son père d'une manière plus étroite que s'il l'avait adopté pour son enfant. Car pourquoi refuser à Joseph le nom de père de Jésus-Christ, parce qu'il ne l'avait pas engendré, alors qu'il pourrait être appelé très-bien le père d'un enfant qu'il aurait adopté, sans même que son épouse en fût la mère?
Ou bien enfin, peut-être veut-il signifier que Marie elle-même, par laquelle s'est accompli le mystère de l'incarnation, a eu à la mort du Seigneur, et sous l'impression de la douleur comme un moment de doute et d'hésitation, en voyant le Fils de Dieu réduit à ce degré d'humiliation qui le faisait mourir sur une croix. Et de même qu'un glaive qui ne fait qu'effleurer un homme, lui donne un vif sentiment de crainte, mais sans le blesser; ainsi le doute lui inspira un vif sentiment de tristesse, mais sans donner la mort, parce qu'il ne s'arrêta pas dans son âme, mais la traversa seulement comme une ombre.
La lumière, bien qu'elle fatigue et trouble les yeux débiles, ne laisse pas d'être toujours la lumière; ainsi le Sauveur ne cesse point d'être Sauveur, quoiqu'un grand nombre d'hommes se perdent. Leur ruine, en effet, n'est point son oeuvre, elle est l'oeuvre de leur folie. Aussi sa puissance éclate à la fois dans le salut des bons, et dans la ruine des méchants; car plus le soleil est brillant, plus il éblouit et trouble les yeux affaiblis.
Or, la résurrection, c'est une vie toute nouvelle; lorsqu'un impudique devient chaste, un avare miséricordieux, un homme violent, plein de douceur, c'est une véritable résurrection, où nous voyons le péché frappé de mort, et la justice ressuscitée.
La grâce de Dieu se répand sur tous avec abondance par la naissance du Sauveur, et si le don de prophétie est refusé aux incrédules, il est accordé aux justes; Siméon prophétise que Jésus est venu pour la ruine et la résurrection de plusieurs.
C'est-à-dire qu'il est venu pour apprécier et juger les mérites des justes et des pécheurs, et nous décerner, en juge équitable et intègre, des châtiments ou des récompenses, selon la nature de nos oeuvres.
Ou bien peut-être Siméon veut-il nous apprendre par ces paroles, que Marie n'ignorait point le secret des célestes mystères; car le Verbe de Dieu est vivant et efficace, et plus pénétrant que le glaive le plus aigu et le plus tranchant ( Hb 4).
Considérez attentivement avec quel heureux choix d'expressions il fait ressortir cette distinction; la révélation du salut doit se faire devant tout le peuple, mais la ruine et le salut ne sont le partage que d'un grand nombre. Dieu, en effet, se propose le salut de tous les hommes, et leur élévation à une gloire toute divine, mais le salut et la perte dépendent de la volonté d'un grand nombre, de ceux qui embrassent la foi, et de ceux qui la rejettent. Or, il n'y a rien d'absurde à croire que ceux qui sont abattus, et que les incrédules soient relevés.
L'ignominie se trouve ici mêlée à la gloire. Ce signe nous offre, à nous chrétiens, ce double caractère de contradiction, lorsque les uns n'y voient qu'un objet de dérision et d'horreur; de gloire, lorsqu'il est pour les autres un signe auguste et vénérable. Peut-être aussi est-ce Jésus-Christ lui-même qui est ce signe, lui qui est supérieur à toute la nature, et l'auteur de tous les signes miraculeux.
Cette prédiction concerne le Fils, mais elle s'adresse aussi à sa mère qui partage tous ses dangers comme toutes ses gloires, et le vieillard Siméon ne lui prédit pas seulement des joies, mais des afflictions et des douleurs: «Et votre âme sera percée d'un glaive».
La mère de Jésus n'est point la seule dont le vieillard Siméon nous prédit les sentiments au temps de la passion du Sauveur; il ajoute: «Afin que les pensées cachées dans le coeur de plusieurs soient découvertes». Cette manière de parler indique tout simplement le fait qui doit arriver, et nullement la cause qui le produit. En effet, à la suite de tous ces événements, le voile qui couvrait les intentions d'un grand nombre, fut découvert; les uns reconnaissaient un Dieu dans celui qui mourait sur la croix, les autres, malgré cet affreux supplice, ne cessaient de l'accabler d'injures et d'outrages. Ou bien ces paroles signifient qu'au temps de la passion, on vit à découvert les pensées d'un grand nombre de coeurs, à qui la résurrection inspira ensuite de meilleurs sentiments; ca r le doute de quelques instants fit bientôt place à une certitude inébranlable. Peut-être encore le mot révélation a ici le sens d'illumination, comme dans beaucoup d'autres endroits de l'Écriture.
La croix est appelée par l'Écriture, dans un sens véritable, un signe de contradiction; car il est dit que Moïse fit un serpent d'airain, et l'éleva pour être un signe. ( Nb 21).
En effet, un signe est comme un indice qui nous fait connaître une chose mystérieuse et cachée; les plus simples voient le signe extérieur, mais il n'est compris que de ceux qui ont l'intelligence exercée.
Des choses qui avaient été annoncées par l'ange et publiées par la multitude de l'armée céleste, aussi bien que par les bergers et par Siméon lui-même.
Si l'on désire une raison plus élevée, voici ce que l'on peut répondre: La suite de la généalogie descend de David à Joseph; or, on ne verrait pas trop pourquoi le nom de Joseph s'y trouve, puisqu'il n'est pas le père du Sauveur; il est donc appelé le père du Seigneur, pour ne point déranger l'ordre de la généalogie.
Après avoir offert à Dieu un juste tribut de louanges, Siméon bénit à leur tour ceux qui ont apporté l'enfant au temple: «Et Siméon les bénit». Cette bénédiction s'adresse à tous les deux, mais il réserve pour la mère de Jésus la prédiction des secrets divins. La bénédiction commune à Joseph et à Marie, respecte les droits que lui donne son titre de père; mais la prédiction que Siméon fait à Marie sente proclame hautement qu'elle est la véritable mère de Jésus: «Et il dit à Marie, sa mère», etc.
D'après l'explication la plus simple, on peut dire que Jésus-Christ est venu pour la ruine des infidèles et pour le salut de ceux qui croient.
Un interprète trop subtil objectera peut-être que nul ne peut tomber s'il n'était préalablement debout; qu'il me dise donc quel est celui que le Sauveur a trouvé debout, et pour la ruine duquel il serait venu.
Il y a encore ici une leçon plus élevée à l'adresse de ceux qui se récrient contre le Dieu créateur en disant: «Voyez quel est ce Dieu de la loi et des prophètes: C'est moi, dit-il, qui fais mourir, et c'est moi qui rend la vie». ( Dt 32). Or, si à cause de ces paroles vous le traitez de juge cruel et de créateur barbare, il est on ne peut plus évident que Jésus est son fils; car l'Écriture ne s'explique pas autrement à son égard, en disant qu'il est venu pour la fume et la résurrection de plusieurs.
Il n'est peut-être pas inutile de remarquer que le Sauveur n'est pas venu à l'égard de tous pour la ruine et pour la résurrection, entendues dans le même sens. En effet, comme je me tenais debout dans le péché, il a été d'abord dans mon intérêt de tomber, et de mourir au péché; et les prophètes eux-mêmes, quand une vision auguste se révélait à leurs yeux, tombaient la face contre terre, afin de se purifier davantage de leurs péchés par cette chute volontaire. Le Sauveur vous accorde d'abord la même grâce. Vous étiez pécheur; que le pécheur qui est en vous, tombe et meure, pour que vous puissiez ressusciter et dire: «Si nous mourons avec lui, nous vivrons aussi avec lui». ( 2Tm 2 ).
Or, tout ce que l'histoire évangélique nous raconte de Jésus-Christ est contredit, non pas, sans doute, par nous qui croyons en lui, et qui savons que tout ce qui est écrit de lui est la vérité, mais par les incrédules, pour lesquels tout ce que l'Écriture nous rapporte du Sauveur est un signe et un objet de contradiction.
Ily avait dans les hommes bien des pensées mauvaises qui ont été révélées, pour être détruites par celui qui a voulu mourir pour nous; car tant qu'elles demeuraient cachées, il était impossible de les détruire entièrement. Si donc nous avons péché, nous devons dire avec le Roi-prophète: «Je n'ai point caché mon iniquité» ( Ps 31, 3; cf. Job 31, 33); car si nous découvrons nos péchés, non seulement à Dieu, mais à ceux qui ont le pouvoir de guérir les blessures de notre âme, nos péchés seront complètement effacés.