Luc 2, 1

En ces jours-là, parut un édit de l’empereur Auguste, ordonnant de recenser toute la terre –

En ces jours-là, parut un édit de l’empereur Auguste, ordonnant de recenser toute la terre –
Fulcran Vigouroux
César Auguste, premier empereur romain, fils de Caius Octavius et d’Atia, nièce de Jules César, né en 62 avant notre ère. Adopté par Jules César, il forma pour venger la mort de son grand oncle, tué en 44, le second triumvirat avec Marc-Antoine et Lépide. Ce dernier fut bientôt mis de côté et Antoine fut complètement battu à la bataille d’Actium, en 31 avant Jésus-Christ. Octave, après cette victoire, reçut du sénat le titre d’empereur. En 27 avant Jésus-Christ il eut le titre d’Auguste. Il rétablit la paix dans tout l’empire et l’administra avec sagesse. Il mourut à Nole en Campanie, à l’âge de 76 ans, l’an 14 de notre ère. Hérode le Grand avait été nommé roi des Juifs en 40 avant Jésus-Christ par Antoine, avec son assentiment. Devenu seul maître de l’empire, Auguste confirma à Hérode, qui était venu le visiter à Rhodes, son titre de roi et il le favorisa pendant toute sa vie. Hérode à son tour bâtit Césarée sur la Méditerranée en son honneur et fit élever à sa gloire des temples non seulement à Césarée, mais aussi à Samarie et ailleurs. Auguste, de son côté, probablement par politique, fit une fondation pour qu’on offrît tous les jours à ses dépens deux sacrifices en son nom dans le temple de Jérusalem, ce qui fut exécuté fidèlement jusqu’au moment où éclata la guerre juive, en 66 de notre ère. En l’an 6, Auguste incorpora la Judée à la province romaine de la Syrie.
Louis-Claude Fillion
En ces jours là. Cette date, vague en elle-même (comp. Matth. 3, 1 et l'explication), est précisée par le contexte, 1, 26, 36, 56 ; 2, 6 et 7 ; elle nous ramène au v. 79 du chap. 1, par conséquent aux jours qui suivirent la naissance de Jean-Baptiste. L'édit émanait de César Auguste, neveu du célèbre Jules César et le premier des empereurs romains. Il avait pour objet de recenser toute la terre. Cette expression représente parfois dans la Bible la seule Palestine, mais il n'est pas possible de lui donner ici avec Paulus, Kuinoel, Hug, etc., cette signification restreinte : la manière dont elle est rattachée au nom d'Auguste s'oppose à une telle interprétation. Il s'agit donc vraiment de l'empire romain, que les Latins appelaient fièrement le « disque de la terre » ; l'hyperbole n'avait au reste rien de trop exagéré, puisque la plus grande partie du monde connu subissait alors les lois de Rome. Par « recensement » il faut entendre l'action d'inscrire sur les registres civils le nom, l'âge, la condition, la fortune, la patrie de tous les habitants d'une contrée. Comp. Polyb. 10, 7. L'évangéliste n'a donc pas voulu parler d'une simple opération cadastrale, comme l'ont cru Kuinoel, Olshausen, Ebrard, Wieseler, etc. - Le fait si clairement énoncé par l'évangéliste dans ce premier verset soulève déjà de grosses difficultés, parce que, nous dit-on, 1° les historiens latins et grecs de l'époque gardent un silence absolu sur cet édit d'Auguste ; 2° le décret eût-il été porté, il ne pouvait s'appliquer à la Judée, qui n'était pas encore province romaine au moment de la naissance de Jésus-Christ puisqu'elle était gouvernée par Hérode. Pesons tour à tour ces deux objections : - 1° L'histoire profane fût-elle entièrement muette sur l'édit signalé par S. Luc, son silence ne constituerait qu'une preuve négative, qui ne saurait infirmer le témoignage si formel de l'évangéliste. Les annalistes contemporaines omettent de la même manière les recensements opérés antérieurement par Jules César, et pourtant leur existence ne crée par le moindre doute (voyez Wieseler, Beitraege zur richtig. Würdigung der Evangelien, 1869, p. 51). De plus, comment se fait-il que Celse et Porphyre, ces ennemis si acharnés du Christianisme, qui se sont fait un malin plaisir de relever les prétendues contradictions ou erreurs des Évangiles, n'aient rien objecté contre ce passage de S. Luc ? Mais nous avons des raisons plus positives à alléguer. Comme l'admettent aujourd'hui les archéologues, les juristes et les historiens les plus distingués (Savigny, Huschke, Ritschl, Peterson, Marquardt, etc.), la compilation de rapports et de documents statistiques forme un des traits distinctifs de la politique d'Auguste. Des pièces importantes, dont nous possédons au moins quelques fragments, prouvent jusqu'à l'évidence que le premier empereur romain dût faire pendant son règne plusieurs opérations analogues à celle que signale S. Luc. A sa mort, lisons-nous dans Suétone, Aug. 100 101, on trouva trois protocoles réunis à son testament. « Des trois volumes, un est consacré aux dispositions pour ses funérailles; l’autre à un exposé des choses qu’il a faites, à être gravé sur des tables d’airain placées devant le mausolée; le troisième à un résumé de son règne ». De l' « index rerum gestarum », il existe une copie célèbre, gravée à l'entrée du temple d'Ancyre en Galatie, qui avait été élevé en l'honneur d'Auguste) : il y est expressément question de trois recensements dont l'un eut lieu l'an de Rome 746, c'est-à-dire peu de temps avant la naissance de Notre-Seigneur Jésus-Christ (voyez Wallon, l. c. p. 300 et ss. ; Bougaud, Jésus-Christ, 2è édit. p. 158 et ss.). Le « Breviarium imperii » a disparu. Nous savons par les résumés qu'en donnent Tacite et Suétone de quelles matières il traitait : « C'était le tableau de la puissance publique : on y voyait combien de citoyens et d'alliés étaient en armes, le nombre des flottes, des royaumes, des provinces, l'état des tributs et des péages, l'aperçu des dépenses nécessaires et des gratifications » (Tacite, Annales, 1, 11). N'est-il pas évident que, pour réunir toutes ces notions, il avait fallu faire des dénombrements dans toute l'étendue de l'empire et même chez les peuples alliés ? Ajoutons enfin que les historiens postérieurs confirment de la façon la plus positive les données de S. Luc, et certainement d'après des sources indépendantes de l'Évangile, puisqu'ils ajoutent les plus minutieux détails. « César Auguste, écrit Suidas (ap. Wieseler, Beitraege, p. 53), ayant choisi vingt hommes d'entre les plus excellents, les envoya dans toutes les contrées des peuples soumis, et leur fit faire l'enregistrement des hommes et des biens. » De même S. Isidore de Séville, Cassiodore, etc. Voyez Wallon, l. c., p. 305 et ss. - 2° Au moment de la naissance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, la Judée, il est vrai, n'était pas encore province romaine, et Hérode-le-Grand, qui la gouvernait, avait le titre de « Rex socius » ; mais cette apparence de liberté n'empêchait pas le pays et son chef d'être d'humbles vassaux de l'empire, comme le prouve l'histoire juive de ces temps. L'indépendance de la nation théocratique était alors purement nominale, et l'on ne voit pas ce qui eût empêché Auguste de dénombrer le peuple d'Israël si cela entrait dans ses vues. Qui ne sait qu'en pratique Hérode ne cessa d'agir comme un serviteur très obéissant d'Auguste ? Un jour qu'il avait montré quelques velléités de s'affranchir de cette sujétion absolue, l'empereur ne craignit pas de lui écrire que si « jusque-là il l'avait traité en ami, désormais il le traiterait en sujet. ». Jos. Ant. 16, 9, 3. D'ailleurs, un exemple positif, celui des « Clitae », petit peuple de Cilicie (Tacit. Ann. 6, 41), nous apprend que les Romains forçaient parfois les nations alliées de subir le recensement.