Luc 14, 28
Quel est celui d’entre vous qui, voulant bâtir une tour, ne commence par s’asseoir pour calculer la dépense et voir s’il a de quoi aller jusqu’au bout ?
Quel est celui d’entre vous qui, voulant bâtir une tour, ne commence par s’asseoir pour calculer la dépense et voir s’il a de quoi aller jusqu’au bout ?
Deux exemples
admirablement choisis vont montrer maintenant à la foule enthousiaste qui suit Jésus à quelle humiliation, à
quels dangers s'exposerait quiconque abandonnerait la foi chrétienne après l'avoir pendant quelque temps
professée. Le premier est celui d'un constructeur imprévoyant, qui commence un édifice et se voit bientôt
dans la honteuse impossibilité de le continuer, faute de moyens suffisants. - Quel est celui de vous… Le tour
interrogatif et l'apostrophe directe donnent une grand vie à la pensée. « Car » établit la liaison entre ces deux
petites paraboles et l'idée qui précède. - Voulant bâtir une tour. Nous ne croyons pas, malgré l'avis contraire
de plusieurs interprètes, que le mot « tour » contienne la moindre allusion à la tour de Babel. Le mot grec
correspondant a du reste une signification assez large et peut s'entendre en général d'une construction
somptueuse et élevée. Quand donc on a une fois arrêté dans sa pensée le projet d'une construction, il est de la
prudence la plus élémentaire de faire quelques sérieux calculs pour voir d'une part combien elle coûtera,
d'autre part si l'on dispose de ressources suffisantes pour la mener à bonne fin. - Ne s'assied d'abord… détail
pittoresque, destiné à mettre en relief le caractère grave, approfondi, des calculs. Les hommes pressés restent
debout : au contraire, quand on s’assoit pour méditer sur une question, on témoigne déjà par cette seule
attitude que l'on est décidé à prendre tout le temps nécessaire.
Parmi ceux qui l'accompagnaient, il en était beaucoup qui ne le suivaient pas de tout coeur, mais avec une certaine tiédeur; il leur apprend donc les qualités que doit avoir son disciple.
L'âme s'enflamme en entendant parler des récompenses célestes, et elle désirerait déjà être transportée dans ce séjour d'éternelle félicité; mais on ne peut parvenir à ces grandes récompenses sans de grands efforts. C'est ce que Notre-Seigneur va nous apprendre: «Or, comme une grande foule de peuple allait avec lui, il se retourna vers eux et leur dit».
On peut demander comment Notre-Seigneur nous fait un devoir de haïr nos parents et ceux qui nous sont unis par les liens du sang, tandis qu'il nous est commandé d'ailleurs d'aimer jusqu'à nos ennemis? Mais si nous comprenons bien toute la force de ce précepte, nous pourrons pratiquer l'un et l'autre par un sage discernement; d'un côté, aimer ceux qui nous sont unis par les liens du sang et que nous reconnaissons pour nos proches; de l'autre, haïr et éviter ceux qui se déclarent contre nous dans la voie de Dieu, car en refusant d'écouter les mauvaises suggestions des hommes charnels, nous les aimons jusque dans notre haine.
Pour démontrer plus clairement que cette haine pour nos parents prenait son principe, non d'un mauvais sentiment ou de la passion, mais de la charité, Notre-Seigneur ajoute: «Et même sa propre vie». Il est donc évident que celui qui hait son prochain comme soi-même, doit l'aimer tout en le haïssant, car nous avons pour notre âme une haine vraiment louable, lorsque nous ne consentons pas à ses désirs charnels, lorsque nous brisons ses inclinations, lorsque nous luttons contre ses penchants voluptueux. Puisque nous la rendons meilleure en la traitant avec mépris, nous l'aimons donc jusque dans la haine que nous avons pour elle.
Mais comment cette haine pour notre propre vie doit-elle se manifester? Le voici: «Et celui qui ne porte pas sa croix», etc. Il ne veut pas dire que nous devions porter sur nos épaules une croix de bois, mais que nous devons avoir la mort toujours présente à nos yeux, comme saint Paul qui mourait tous les jours ( 1Co 15,31 ), et qui méprisait la mort.
Comme le mot croix vient de souffrance cruelle, nous portons la croix du Seigneur de deux manières; ou lorsque nous mortifions notre chair par la pénitence, ou lorsque la compassion pour le prochain nous identifie avec ses propres souffrances. Mais il en est quelques-uns qui pratiquent la mortification, non pour plaire à Dieu, mais par un motif de vaine gloire, et qui témoignent au prochain une compassion toute charnelle, Notre-Seigneur ajoute: «Et ne me suit pas». Car porter sa croix et suivre le Sauveur, c'est pratiquer la mortification de la chair, ou compâtir aux souffrances du prochain en vue de la récompense éternelle.
Nous ne devons pas chercher à quitter la vie que saint Paul lui-même a conservée dans son corps et dans son âme, pour l'employer tout entière à la prédication de Jésus-Christ, mais il nous déclare lui-même que lorsqu'il fallait exposer sa vie pour achever sa course, elle ne lui était plus alors d'aucun prix. ( Ac 20,24 ).
Le Seigneur, dans votre intérêt, a renoncé sa mère: «Quelle est ma mère, et quels sont mes frères ?» ( Mt 12,47 Mc 3,33 ). Et vous oseriez-vous préférer à votre Dieu? Le Seigneur ne veut, ni que nous méconnaissions les droits de la nature, ni que nous en soyons esclaves; nous devons leur accorder assez pour honorer l'auteur de la nature, mais ne jamais nous séparer de Dieu par amour pour nos parents.
En portant ainsi sa croix, il annonçait la mort du Seigneur et disait: «Le monde est crucifié pour moi, et je suis crucifié pour lui». ( Ga 6,14 ). Et c'est ce que nous commençons nous-mêmes à faire au baptême dans lequel «notre vieil homme a été crucifié avec lui, afin que le corps du péché soit détruit». ( Rm 6,6 ).