Luc 11, 2
Il leur répondit : « Quand vous priez, dites : Père, que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne.
Il leur répondit : « Quand vous priez, dites : Père, que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne.
La demande chrétienne est centrée sur le désir et la recherche du Royaume qui vient, conformément à l’enseignement de Jésus (cf. Mt 6, 10. 33 ; Lc 11, 2. 13). Il y a une hiérarchie dans les demandes : d’abord le Royaume, ensuite ce qui est nécessaire pour l’accueillir et pour coopérer à sa venue. Cette coopération à la mission du Christ et de l’Esprit Saint, qui est maintenant celle de l’Église, est l’objet de la prière de la communauté apostolique (cf. Ac 6, 6 ; 13, 3). C’est la prière de Paul, l’Apôtre par excellence, qui nous révèle comment le souci divin de toutes les Églises doit animer la prière chrétienne (cf. Rm 10, 1 ; Ep 1, 16-23 ; Ph 1, 9-11 ; Col 1, 3-6 ; 4, 3-4. 12). Par la prière tout baptisé travaille à la Venue du Royaume.
Saint Jean nous dit que « Dieu est Amour » (1 Jn 4, 16). Tout homme est donc invité à « se convertir » et à « croire » à l'amour miséricordieux de Dieu pour lui: le Royaume croîtra dans la mesure où tous les hommes apprendront à se tourner vers Dieu comme vers un Père dans l'intimité de la prière (cf. Lc 11, 2; Mt 23, 9) et s'efforceront d'accomplir sa volonté (cf. Mt 7, 21).
Jésus accueille la requête des siens avec sa bonté ordinaire, et, lentement,
pieusement, il se met à réciter devant eux la formule divine à laquelle on a donné son nom (l' « oraison
dominicale », ou prière du Seigneur). C'était la seconde fois qu'il la prononçait, comme l'admettent la plupart
des interprètes. Déjà elle avait fait partie intégrante du Discours sur la montagne, Matth. 6, 9-13 ; il la répète
aujourd'hui, soit pour la mieux graver dans le cœur de ses disciples et de son Église, soit pour montrer qu'on n'en saurait composer de plus belle. Mais, en la répétant, il l'abrège et la modifie légèrement :
S. Matthieu S. Luc
Notre Père, qui es aux cieux,
que ton nom soit sanctifié,
que ton règne vienne,
que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel.
Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour.
Remets-nous nos dettes, comme nous-mêmes nous
remettons leurs dettes à nos débiteurs.
Et ne nous laisse pas entrer en tentation,
mais délivre-nous du Mal.
Père,
que votre nom soit sanctifié ;
que votre règne arrive ;
donnez-nous aujourd’hui notre pain de chaque jour.
Et remettez-nous nos péchés, puisque nous remettons,
nous aussi, à quiconque nous doit.
Et ne nous induisez pas en tentation.
Le second Pater n'a donc que cinq demandes au lieu de sept : mais la troisième et la septième, qu'il omet, ne
sont-elles pas comprises dans « Que votre règne arrive » et « ne nous induisez pas en tentation », comme le
faisait déjà remarquer S. Augustin (Enchirid. c. 116) ? Aussi, quand l'exégète protestant H.W. Meyer a voulu
conclure de ces variantes que l'Église primitive ne récitait pas l'Oraison dominicale, et que, pour ce motif, la
tradition oublieuse avait communiqué aux évangélistes deux textes différents du « Pater », un autre
protestant, Alford, lui la fermé la bouche par cette question habile : « Si l'Église apostolique n'employait pas
la Prière du Seigneur comme formule, quand donc a commencé l'usage du Pater, puisque nous le trouvons
dans toutes les liturgies connues ? ». C'est de Notre-Seigneur lui-même que proviennent les dissemblances
signalées plus haut. Il est vrai que, dans la Recepta grecque et dans plusieurs manuscrits anciens, ces
dissemblances sont à peine sensibles, les passages omis ayant été restitués à leur place. Mais, sur l'autorité de
la Vulgate, de la version arménienne, de plusieurs Pères (Origène, S. Augustin, S. Jérôme) et des célèbres
manuscrits Sinait., B, L, les critiques (entre autres Tischendorf) regardent à bon droit ces mots comme des
interpolations. Il était difficile qu'on retranchât volontairement la moindre expression d'une prière aussi
importante ; il était si naturel au contraire que des copistes indiscrets essayassent de compléter le Pater de S.
Luc par des emprunts faits à S. Matthieu ! - Pour l'explication détaillée, nous renvoyons le lecteur à notre
commentaire du premier Évangile, p. 129 et ss. Voir aussi les Méditations sur le Pater Noster et l'Ave Maria
composées en allemand par A.F. Lennig, traduites en français par M. l'abbé Mabire, Caen, 1878, excellent
opuscule qu'on ne saurait trop recommander. Nous nous bornerons ici à quelques notes rapides. Rappelons
d'abord que le Pater se divise en deux parties, les souhaits, et les supplications. Les souhaits correspondent,
dans la formule de S. Luc, aux deux premières demandes, les supplications aux trois dernières. La première
partie concerne donc les intérêts de Dieu, mis en avant d'une manière aussi juste que naturelle,
conformément à l'art de la prière dont nous avons de si beaux modèles dans les Psaumes ; la seconde se
rapporte à nos propres intérêts, car nous y conjurons le Seigneur, ou plutôt notre Père, de subvenir à nos
besoins matériels et spirituels. Ou encore : la pensée fondamentale du Pater peut se ramener à un désir ardent du royaume de Dieu. La première demande (toujours d'après S. Luc) expose le but de ce règne divin ; la
seconde se rapporte à son accomplissement ; les trois autres pressent le Seigneur d'enlever les obstacles qui
empêchent le royaume des cieux de se développer ici-bas. - Notre Père. « Dès les premières paroles, combien
de grâces ! Tu n’osais pas lever ton visage vers le ciel, et, tout d’un coup, tu as reçu la grâce du Christ. D’un
mauvais serviteur, tu es devenu un bon fils. Ne mets donc pas ta confiance dans tes œuvres, mais dans la
grâce du Christ... Lève maintenant tes yeux vers le Père… Dis Père, comme le fait un fils », S. Augustin, de
Verbis Dom. Serm. 27. S. Bonaventure commente admirablement aussi cette première parole : « O douceur
incroyable, o joie inestimable, o jubilation ineffable, miel et sucre dans ma bouche, quand je t’appelle Père
toi, mon Dieu ! O exultation, o admiration, o chant qui pénètre jusque la moelle des os : que tu sois, toi mon
père. Que chercher d’autre, que dire d’autre, qu’entendre d’autre ? Tu es mon père ! », Stim. amoris, p. 3, c.
14. Cfr. Joan. 3, 1. Nous devons donc tout d'abord nous adresser à Dieu avec un esprit filial, par conséquent
avec le sentiment de la plus vive confiance. « Que ne donnera-t-il pas à ses fils qui lui font des demandes,
puisqu’il leur a déjà donné d’être fils ? », S. Aug. - Que votre nom soit sanctifié. Tel est le premier souhait
que nous formons en l'honneur de notre Père bien-aimé. Il signifie, sous son vêtement oriental : Soyez
glorifié par tous les hommes ! - Notre second souhait, que votre règne arrive, appelle la diffusion du
royaume de Dieu, c'est-à-dire de l'Église, dans l'univers entier. Qu'il n'y ait qu'un seul troupeau et qu'un seul
pasteur !