Jean 9, 34
Ils répliquèrent : « Tu es tout entier dans le péché depuis ta naissance, et tu nous fais la leçon ? » Et ils le jetèrent dehors.
Ils répliquèrent : « Tu es tout entier dans le péché depuis ta naissance, et tu nous fais la leçon ? » Et ils le jetèrent dehors.
L'enquête se termine par un coup de violence sous lequel se
dissimule l'impuissance des juges. Mais que pouvaient-ils bien répondre à une argumentation si serrée ? - Né
tout entier dans le péché (notez ce pluriel, mis en avant de la phrase) (ὅλος, d'après tout ton être)... Cf. v. 2 et
le commentaire. De plus en plus aveuglés par la colère, ils lui jettent à la face son ancien malheur comme
une marque évidente de crimes nombreux et signalés. - Et tu (emphatique) veux nous enseigner (id.) : toi,
réprouvé, maudit, tu oses nous faire la leçon, à nous les docteurs de la nation ! Les orgueilleux Pharisiens ne
toléraient pas la moindre contradiction, ils méprisaient tous ceux qui n'étaient point de leur parti (Cf. 7, 49),
et voici qu'un tel homme se permettait de les instruire ! - Ils le jetèrent dehors (ἐξέδαλον αὐτὸν ἔξω).
Incapables de le réfuter, non seulement ils l'insultent mais ils le frappent de leurs foudres. Il est probable en
effet que ces dernières paroles du récit désignent l'excommunication proprement dite. Cf. 3 Joan. 10, où le
verbe εϰβαλλεῖν est précisément usité dans ce sens ; les classiques l'emploient de même pour signifier l'exil.
Toutefois, des commentateurs assez nombreux allèguent que l'aveugle n'était pas directement tombé sous la
menace des Juifs (v. 22), puisqu'il n'avait pas confessé le caractère messianique de Jésus ; en outre, que la
locution diffère notablement de celle du v. 22 (« chassé de la synagogue ») : d'où ils concluent qu'il s'agit
d'une simple, quoique brutale expulsion « du lieu où ils se trouvaient » (Maldonat. Cf. S. Jean Chrys., in h.l.,
etc.). Si l'on ne peut trancher d'une manière absolue cette petite question, qui a divisé les exégètes de tous les
temps, on peut du moins affirmer avec M. Schegg qu'en toute hypothèse c'était bien une sorte
d'excommunication « de fait ».
1353. Ici les pharisiens condamnent l’aveugle. Ce qui est sûr, c’est qu’en proférant cette condamnation ils tombent dans un triple défaut ou péché : de mensonge, d’orgueil et d’injustice.
De mensonge assurément, en lui reprochant sa cécité : TU ES NÉ TOUT ENTIER DANS LES PÉCHÉS. Il faut ici savoir que l’opinion des Juifs était que toutes les infirmités et les adversités temporelles survenaient aux hommes à cause de leurs péchés antérieurs. C’est cette opinion qu'Eliphaz soutient : Souviens-toi, je t’en prie : qui a jamais péri innocent? Et quand les hommes droits ont — ils été détruits. Bien au contraire, ceux qui font l’iniquité, qui sèment des douleurs et les moissonnent, je les ai vu périr au souffle de Dieu . La raison de cette opinion est que sous la Loi ancienne étaient promises à la fois des récompenses temporelles pour les bonnes [actions] et des peines temporelles pour les mauvaises Si vous aviez voulu et que vous m’ayez écouté, vous mangeriez les biens de la terre . En voyant donc que cet homme était né aveugle, ils croyaient que cela lui était arrivé à cause de ses péchés, et pour cette raison ils disent TU ES NÉ TOUT ENTIER DANS LES PÉCHÉS. Mais ils disent là quelque chose de faux, puisque plus haut le Seigneur a dit ni lui n’a péché, ni ses parents . La réprimande venant de la colère de l’insolent est un mensonge .
S’ils ajoutent TOUT ENTIER, c’est pour montrer que non seulement il est souillé dans son âme par les péchés, en tant que tous sont nés pécheurs, mais encore que les traces des péchés apparaissent dans son corps par la cécité . Ou encore, selon Chrysostome , TOUT ENTIER, c’est-à-dire toute ta vie durant, depuis ton plus jeune âge, tu es dans les péchés.
Les pharisiens courent au péché d’orgueil en méprisant ce qu’enseigne l’aveugle, lorsqu’ils disent : TU NOUS ENSEIGNES? — sous-entendu : Tu n’en es pas digne. En cela apparaît leur orgueil. Aucun homme, en effet, si sage soit-il, ne doit rejeter l’enseignement d’un petit, quel qu’il soit. C’est pourquoi l’Apôtre enseigne que si quelque chose a été révélé, même au plus petit, alors les anciens doivent se taire et l’écouter . Il est également dit en Daniel que tout le peuple et les anciens écoutèrent le jugement de l’enfant le plus jeune — Daniel, précisément — dont le Seigneur avait éveillé l’esprit .
Enfin ils tombent dans le péché d’injustice, en le jetant injustement dehors — ILS LE JETÈRENT DEHORS — pour avoir confessé la vérité. En l’aveugle s’accomplit déjà ce que le Seigneur avait prédit aux disciples : Bienheureux serez-vous quand les hommes vous haïront, vous écarteront, vous injurieront et rejetteront votre nom comme mauvais à cause du Fils de l’homme .
B. L’AVEUGLE EST INSTRUIT ET MIS EN VALEUR PAR LE CHRIST (Jean 9, 36-38)
1354. Après avoir exposé la manière dont les Juifs ont jeté l’aveugle dehors alors qu’il persistait dans la vérité, l’Evangéliste montre maintenant la manière dont Jésus l’a reçu et instruit. Il expose en premier lieu l’instruction du Christ, puis montre l’attachement sans réserve [devotion] de l’aveugle il montre enfin comment le Christ met en lumière cet attachement sans réserve .
L’instruction du Christ.
En ce qui concerne le premier point, l’Evangéliste met d’abord en avant le soin apporté par le Christ à instruire l’aveugle, puis le désir de croire qui anime l’aveugle , et enfin l’enseignement de la foi qui vient réaliser [le désir de l’aveugle] .
1355. Le soin apporté par le Christ à instruire l’aveugle est décrit de trois manières. D’abord par la considération attentive de tout ce qui s’était passé concernant l’aveugle. De même qu’un prince considère avec attention ce que son athlète supporte à cause de lui, de même le Christ, lui aussi, a considéré avec attention ce que l’aveugle supportait à cause de la vérité et de la confession qu’il fit de lui [Jésus]. C’est pourquoi l’Evangéliste dit : JÉSUS ENTENDIT — c’est-à-dire fut très attentif au fait — QU’ILS, les pharisiens, L’AVAIENT JETÉ DEHORS, c’est-à-dire hors du Temple — Sois attentif à moi, Seigneur, et entends la voix de mes adversaires .
La seconde chose [qui manifeste le soin que met le Christ à instruire l’aveugle] est la recherche diligente qu’il mène à son égard ET QUAND IL L’EUT TROUVÉ, IL LUI DIT... On dit "être trouvé" ce qui est cherché avec diligence : la femme qui a perdu une drachme la cherche avec diligence jusqu’à ce qu’elle la trouve . De là il apparaît que le Christ ne cherche que lui [l'aveugle] parce qu’en lui seul il trouve plus de foi qu’en tous les autres. De cela on peut conclure qu’un seul juste est plus aimé de Dieu qu’une dizaine de milliers de pécheurs, considérés en tant que tels : L’homme [vir] sera plus précieux que l’or, et l’être humain [homo] que l’or d’Ophir . Le livre de la Genèse nous dit que le Seigneur, pour dix justes, voulut préserver toute la cité, celle de Sodome.
La troisième chose est la grave interrogation [que le Christ adresse à l’aveugle] : CROIS-TU EN LE FILS DE DIEU? Cet aveugle était le prototype de tous ceux qui devaient recevoir le baptême. C’est pourquoi la coutume s’est établie dans l’Eglise que les candidats au baptême soient interrogés sur leur foi — Le baptême nous sauve, non par l’enlèvement d’une souillure de la chair, mais par la demande à Dieu d’une bonne conscience par la Résurrection de Jésus-Christ . L’interrogeant sur sa foi, il ne dit pas : Crois-tu en le Christ? mais EN LE FILS DE DIEU, parce que, comme le dit Hilaire , il allait arriver que certains confesseraient le Christ tout en niant qu’il soit Fils de Dieu et Dieu. C’est ce qu’Arius imagina. Ce passage de l’évangile exclut manifestement cette erreur. Car si le Christ n’était pas Dieu, il ne faudrait pas croire en lui puisque Dieu seul est objet de la foi, qui trouve son repos dans la Vérité première. Aussi est-ce à juste titre que le Christ dit EN LE FILS. Car je peux bien croire une quelconque créature, Paul ou Pierre par exemple, mais cependant [je ne peux pas croire] en Pierre, mais en Dieu seul comme en celui qui est l’objet de ma foi . Il est donc clair que le Fils de Dieu n’est pas une créature : Vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi .
1356. Ici est exposé le désir de croire qui anime l’aveugle. Il faut savoir, à ce sujet, que cet aveugle n’avait pas encore vu le Christ de ses yeux de chair; car, lorsque le Christ avait enduit ses yeux et l’avait envoyé à la piscine de Siloé, il ne l’avait pas encore vu; et avant de revenir à lui après s’être lavé et avoir recouvré la vue, il fut retenu par les pharisiens et les Juifs. Mais bien qu’il ne l’eût pas vu de ses yeux de chair, il croyait cependant que celui qui lui avait ouvert les yeux était le Fils de Dieu. Et c’est pourquoi il s’épanche en paroles [qui sont celles] d’une âme de désir et avide de savoir . QUI EST-IL, c’est-à-dire le Fils de Dieu qui m’a ouvert les yeux, SEIGNEUR, POUR QUE JE CROIE EN LUI? Ceci révèle que pour une part il le connaissait, et pour une part il l’ignorait. En effet, s’il ne l’avait pas connu, il n’aurait pas soutenu avec une telle constance la discussion en sa faveur, et s’il n’avait, pas été dans l’ignorance à son sujet, il n’aurait pas non plus demandé : QUI EST-IL? — Mon âme t’a désiré dans la nuit , celle de l’ignorance.
1357. Mais parce qu’elle prévient ceux qui la désirent ardemment la Sagesse se révèle à l’aveugle qui la désire en disant : MAIS TU L’AS VU, ET CELUI QUI PARLE AVEC TOI, C’EST LUI – Par ces mots, le Christ expose l’enseignement de la foi par lequel il est en train de l’instruire. D’abord il lui remémore le bienfait reçu, en disant : MAIS TU LE VOIS, c’est-à-dire de tes yeux de chair, toi qui auparavant ne voyais personne. Comme s’il disait : C’est de lui que tu as reçu la faculté devoir — Bienheureux les yeux qui voient ce que vous voyez — Maintenant tu peux laisser s’en aller ton serviteur, Seigneur, selon ta parole, car mes yeux ont vu ton salut . Il expose ensuite l’enseignement ET CELUI QUI PARLE AVEC TOI, C’EST LUI — En ces temps qui sont les derniers, il nous a parlé par le Fils .
Ces paroles [suffisent à] réfuter l’erreur de Nestorius qui a dit que, dans le Christ, autre est le suppôt du Fils de Dieu, autre celui du Fils de l’homme. Car celui qui parlait est bien né de Marie, et Fils de l’homme; et le même qui parle est aussi le Fils de Dieu, comme il l’affirme, lui, le Seigneur. Les suppôts ne sont donc pas autres, bien que leurs natures ne soient pas identiques.
L’attachement sans réserve de l’aveugle.
1358. L’Évangéliste exprime ici l’attitude de l’aveugle qui se livre à Dieu sans réserve, dans sa foi . D’abord il la confesse de sa bouche : JE CROIS, SEIGNEUR. On croit par le cœur en vue de la justice, et la confession des lèvres se fait en vue du salut . C’est pourquoi il confesse de sa bouche la foi qu’il a en son cœur, puis il l’atteste par un geste : ET, SE PROSTERNANT, IL L’ADORA, par où il montre qu’il croit à sa puissance divine, lui qui, dans sa conscience désormais purifiée, le connaît non seulement comme étant uniquement Fils de l’homme, ce qui apparaissait de l’extérieur, mais comme Fils de Dieu ayant assumé la chair. L’adoration, en effet, est due à Dieu seul : Tu adoreras le Seigneur ton Dieu et c’est lui seul que tu serviras .
Le Christ met en valeur l’aveugle.
1359. L’attachement sans réserve [devotio] de l’aveugle est ici mis en lumière par le Christ. L’Evangéliste expose d’abord la mise en valeur, par le Christ, de l’attachement de l’aveugle, puis le murmure des Juifs , puis la manière dont le Christ réduit au silence ceux qui murmurent .
1360. L’aveugle est mis en valeur en raison de l’illumination de la foi : C’EST POUR UN JUGEMENT QUE MOI JE SUIS VENU DANS CE MONDE.
A cela semble s’opposer ce qui est dit plus haut : Car Dieu n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui .
Je réponds en disant qu’au chapitre il est question du jugement de condamnation, dont il est dit au chapitre Ils en sortiront, ceux qui auront fait le bien pour une résurrection de vie, mais ceux qui auront fait le mal pour une résurrection de jugement , c’est-à-dire de condamnation, jugement pour lequel Dieu n’a pas envoyé son Fils au temps de sa première venue. Il l’a alors plutôt envoyé pour nous sauver. Ici, il est question du jugement de discernement dont parle le psaume : Juge-moi, Seigneur, et discerne ma cause . Car il est venu pour discerner les bons des méchants, comme le montrent les paroles qui suivent : POUR QUE CEUX QUI NE VOIENT PAS VOIENT, ET QUE CEUX QUI VOIENT DEVIENNENT AVEUGLES. Selon Augustin , ceux-là voient qui estiment ne pas voir, alors que ceux qui estiment voir ne voient pas. Or les hommes sont dits aveugles spirituellement en tant qu’ils sont dans le péché : Leur malice les a aveuglés Celui-là donc estime voir, qui ne reconnaît pas ses péchés; mais celui qui se reconnaît pécheur estime ne pas voir. La première attitude est propre aux orgueilleux, la seconde aux humbles.
Le sens de cette parole : C’EST POUR UN JUGEMENT QUE MOI JE SUIS VENU est donc : Je suis venu afin de discerner les humbles des orgueilleux. En effet, [celui qui est] le Jour opérait un discernement entre la lumière et les ténèbres POUR QUE CEUX, les humbles, QUI NE VOIENT PAS, c’est-à-dire s’estiment pécheurs, VOIENT, illuminés par la foi, ET QUE CEUX QUI VOIENT, les orgueilleux, DEVIENNENT AVEUGLES, c’est-à-dire demeurent dans les ténèbres.
1361. Selon Chrysostome , il s’agit du jugement de condamnation, à condition toutefois que l’affirmation du Christ : C’EST POUR UN JUGEMENT QUE MOI JE SUIS VENU DANS CE MONDE ne soit pas prise comme exprimant une cause mais une conséquence, comme s’il disait : Ma venue dans le monde a eu pour conséquence chez certains un jugement de condamnation, en tant que, che elle aura accru la cause de condamnation. Quelque chose de semblable est dit en Luc : Voici qu’il a été établi pour la ruine et la résurrection d’un grand nombre . Non qu’il soit lui-même une cause de ruine, mais parce que sa venue a eu cette conséquence. Et il ajoute : POUR QUE CEUX QUI NE VOIENT PAS, c’est-à-dire les païens à qui manque la lumière de la connaissance divine, VOIENT, c’est-à-dire soient admis à la connaissance de Dieu — Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière — ET QUE CEUX QUI VOIENT, c’est-à-dire les Juifs possédant la connaissance de Dieu — Dieu est connu en Juda — DEVIENNENT AVEUGLES, c’est-à-dire se séparent de la connaissance même de Dieu. L’Apôtre fait expressément allusion à cela : Les païens qui ne cherchaient pas la justice ont embrassé la justice, celle qui vient de la foi; tandis qu'Israël, qui suivait une loi de justice, n'est pas parvenu à la loi de justice .
1362. L’Évangéliste expose ici le mur mure des Juifs. En effet, parce qu’ils avaient compris d’une manière charnelle les paroles du Seigneur, voyant que l’aveugle avait recouvré la lumière du corps et pensant que le Seigneur ne faisait état, à son sujet, que de la seule lumière du visage et non de celle de l’esprit, ils crurent de la même manière qu’il les menaçait de la cécité corporelle et les blâmait en leur disant : POUR QU’ILS DEVIENNENT AVEUGLES. C’est pourquoi l’Evangéliste dit que QUELQUES-UNS DES PHARISIENS QUI ÉTAIENT AVEC LUI ENTENDIRENT les paroles susdites.
Il dit QUI ÉTAIENT AVEC LUI pour montrer leur instabilité; car parfois ils sont avec lui à cause des miracles qu’ils voient, mais ils s’éloignent cependant de lui lorsque la vérité leur est découverte Ils croient pour un temps, et au temps de la tentation ils se retirent ILS LUI DIRENT "EST-CE QUE NOUS AUSSI, NOUS SOMMES AVEUGLES?" c’est-à-dire dans notre corps, bien qu’ils fussent aveugles d’esprit — Laissez-les, ce sont des aveugles et des guides d’aveugles.
1363. L’Évangéliste expose ici la manière dont le Christ met fin [au murmure des Juifs}. Selon l’interprétation d’Augustin , l’intention des propos précédents y est révélée, de sorte que soit manifesté de quelle cécité le Seigneur parle, c’est-à-dire de la cécité spirituelle. Il dit donc : SI VOUS ÉTIEZ AVEUGLES, c’est-à-dire, si vous vous estimiez aveugles, reconnaissant, grâce à l’humilité, votre péché, VOUS N’AURIEZ PAS DE PÉCHÉ, parce que vous iriez en courant vers le médecin. Le — péché, en effet, est remis par la grâce, qui n’est donnée qu’aux humbles : Aux humbles il donne la grâce . MAIS MAINTENANT VOUS DITES : "NOUS VOYONS", c’est-à-dire, estimant orgueilleusement que vous voyez, vous ne vous reconnaissez pas pécheurs. VOTRE PÉCHÉ DEMEURE, c’est-à-dire qu’il n’est pas remis : Dieu résiste aux orgueilleux .
Selon Chrysostome , il s’agit de la cécité corporelle et le sens est le suivant : SI VOUS ÉTIEZ AVEUGLES corporellement, VOUS N’AURIEZ PAS DE PÉCHÉ du fait que vous seriez aveugles; car une telle cécité, étant un défaut du corps, n’implique pas en elle-même ce qui constitue comme tel le péché . MAIS MAINTENANT, parce que VOUS DITES : "NOUS VOYONS", votre péché est grandement aggravé puisque, voyant de vos yeux de chair les miracles que j’accomplis, vous ne me croyez pas — Aveugle le cœur de ce peuple .
[Ces paroles peuvent encore avoir un autre sens SI VOUS ÉTIEZ AVEUGLES, c’est-à-dire ignorant les jugements de Dieu et les sacrements de la Loi, VOUS N’AURIEZ PAS DE PÉCHÉ, sous-entendu : un si grand péché. Comme s’il disait : Si vous péchiez par ignorance, votre péché ne serait pas grave à ce point. MAIS MAINTENANT, parce que VOUS DITES : "NOUS VOYONS", c’est-à-dire que vous vous arrogez la science de la Loi et la connaissance de Dieu et que cependant vous péchez, VOTRE PÉCHÉ DEMEURE, c’est-à-dire qu’il est rendu plus grave : Le serviteur qui a connu la volonté de son maître et qui ne s’est pas tenu prêt, et qui n’a pas agi selon sa volonté, recevra un grand nombre de coups .
De mensonge assurément, en lui reprochant sa cécité : TU ES NÉ TOUT ENTIER DANS LES PÉCHÉS. Il faut ici savoir que l’opinion des Juifs était que toutes les infirmités et les adversités temporelles survenaient aux hommes à cause de leurs péchés antérieurs. C’est cette opinion qu'Eliphaz soutient : Souviens-toi, je t’en prie : qui a jamais péri innocent? Et quand les hommes droits ont — ils été détruits. Bien au contraire, ceux qui font l’iniquité, qui sèment des douleurs et les moissonnent, je les ai vu périr au souffle de Dieu . La raison de cette opinion est que sous la Loi ancienne étaient promises à la fois des récompenses temporelles pour les bonnes [actions] et des peines temporelles pour les mauvaises Si vous aviez voulu et que vous m’ayez écouté, vous mangeriez les biens de la terre . En voyant donc que cet homme était né aveugle, ils croyaient que cela lui était arrivé à cause de ses péchés, et pour cette raison ils disent TU ES NÉ TOUT ENTIER DANS LES PÉCHÉS. Mais ils disent là quelque chose de faux, puisque plus haut le Seigneur a dit ni lui n’a péché, ni ses parents . La réprimande venant de la colère de l’insolent est un mensonge .
S’ils ajoutent TOUT ENTIER, c’est pour montrer que non seulement il est souillé dans son âme par les péchés, en tant que tous sont nés pécheurs, mais encore que les traces des péchés apparaissent dans son corps par la cécité . Ou encore, selon Chrysostome , TOUT ENTIER, c’est-à-dire toute ta vie durant, depuis ton plus jeune âge, tu es dans les péchés.
Les pharisiens courent au péché d’orgueil en méprisant ce qu’enseigne l’aveugle, lorsqu’ils disent : TU NOUS ENSEIGNES? — sous-entendu : Tu n’en es pas digne. En cela apparaît leur orgueil. Aucun homme, en effet, si sage soit-il, ne doit rejeter l’enseignement d’un petit, quel qu’il soit. C’est pourquoi l’Apôtre enseigne que si quelque chose a été révélé, même au plus petit, alors les anciens doivent se taire et l’écouter . Il est également dit en Daniel que tout le peuple et les anciens écoutèrent le jugement de l’enfant le plus jeune — Daniel, précisément — dont le Seigneur avait éveillé l’esprit .
Enfin ils tombent dans le péché d’injustice, en le jetant injustement dehors — ILS LE JETÈRENT DEHORS — pour avoir confessé la vérité. En l’aveugle s’accomplit déjà ce que le Seigneur avait prédit aux disciples : Bienheureux serez-vous quand les hommes vous haïront, vous écarteront, vous injurieront et rejetteront votre nom comme mauvais à cause du Fils de l’homme .
B. L’AVEUGLE EST INSTRUIT ET MIS EN VALEUR PAR LE CHRIST (Jean 9, 36-38)
1354. Après avoir exposé la manière dont les Juifs ont jeté l’aveugle dehors alors qu’il persistait dans la vérité, l’Evangéliste montre maintenant la manière dont Jésus l’a reçu et instruit. Il expose en premier lieu l’instruction du Christ, puis montre l’attachement sans réserve [devotion] de l’aveugle il montre enfin comment le Christ met en lumière cet attachement sans réserve .
L’instruction du Christ.
En ce qui concerne le premier point, l’Evangéliste met d’abord en avant le soin apporté par le Christ à instruire l’aveugle, puis le désir de croire qui anime l’aveugle , et enfin l’enseignement de la foi qui vient réaliser [le désir de l’aveugle] .
1355. Le soin apporté par le Christ à instruire l’aveugle est décrit de trois manières. D’abord par la considération attentive de tout ce qui s’était passé concernant l’aveugle. De même qu’un prince considère avec attention ce que son athlète supporte à cause de lui, de même le Christ, lui aussi, a considéré avec attention ce que l’aveugle supportait à cause de la vérité et de la confession qu’il fit de lui [Jésus]. C’est pourquoi l’Evangéliste dit : JÉSUS ENTENDIT — c’est-à-dire fut très attentif au fait — QU’ILS, les pharisiens, L’AVAIENT JETÉ DEHORS, c’est-à-dire hors du Temple — Sois attentif à moi, Seigneur, et entends la voix de mes adversaires .
La seconde chose [qui manifeste le soin que met le Christ à instruire l’aveugle] est la recherche diligente qu’il mène à son égard ET QUAND IL L’EUT TROUVÉ, IL LUI DIT... On dit "être trouvé" ce qui est cherché avec diligence : la femme qui a perdu une drachme la cherche avec diligence jusqu’à ce qu’elle la trouve . De là il apparaît que le Christ ne cherche que lui [l'aveugle] parce qu’en lui seul il trouve plus de foi qu’en tous les autres. De cela on peut conclure qu’un seul juste est plus aimé de Dieu qu’une dizaine de milliers de pécheurs, considérés en tant que tels : L’homme [vir] sera plus précieux que l’or, et l’être humain [homo] que l’or d’Ophir . Le livre de la Genèse nous dit que le Seigneur, pour dix justes, voulut préserver toute la cité, celle de Sodome.
La troisième chose est la grave interrogation [que le Christ adresse à l’aveugle] : CROIS-TU EN LE FILS DE DIEU? Cet aveugle était le prototype de tous ceux qui devaient recevoir le baptême. C’est pourquoi la coutume s’est établie dans l’Eglise que les candidats au baptême soient interrogés sur leur foi — Le baptême nous sauve, non par l’enlèvement d’une souillure de la chair, mais par la demande à Dieu d’une bonne conscience par la Résurrection de Jésus-Christ . L’interrogeant sur sa foi, il ne dit pas : Crois-tu en le Christ? mais EN LE FILS DE DIEU, parce que, comme le dit Hilaire , il allait arriver que certains confesseraient le Christ tout en niant qu’il soit Fils de Dieu et Dieu. C’est ce qu’Arius imagina. Ce passage de l’évangile exclut manifestement cette erreur. Car si le Christ n’était pas Dieu, il ne faudrait pas croire en lui puisque Dieu seul est objet de la foi, qui trouve son repos dans la Vérité première. Aussi est-ce à juste titre que le Christ dit EN LE FILS. Car je peux bien croire une quelconque créature, Paul ou Pierre par exemple, mais cependant [je ne peux pas croire] en Pierre, mais en Dieu seul comme en celui qui est l’objet de ma foi . Il est donc clair que le Fils de Dieu n’est pas une créature : Vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi .
1356. Ici est exposé le désir de croire qui anime l’aveugle. Il faut savoir, à ce sujet, que cet aveugle n’avait pas encore vu le Christ de ses yeux de chair; car, lorsque le Christ avait enduit ses yeux et l’avait envoyé à la piscine de Siloé, il ne l’avait pas encore vu; et avant de revenir à lui après s’être lavé et avoir recouvré la vue, il fut retenu par les pharisiens et les Juifs. Mais bien qu’il ne l’eût pas vu de ses yeux de chair, il croyait cependant que celui qui lui avait ouvert les yeux était le Fils de Dieu. Et c’est pourquoi il s’épanche en paroles [qui sont celles] d’une âme de désir et avide de savoir . QUI EST-IL, c’est-à-dire le Fils de Dieu qui m’a ouvert les yeux, SEIGNEUR, POUR QUE JE CROIE EN LUI? Ceci révèle que pour une part il le connaissait, et pour une part il l’ignorait. En effet, s’il ne l’avait pas connu, il n’aurait pas soutenu avec une telle constance la discussion en sa faveur, et s’il n’avait, pas été dans l’ignorance à son sujet, il n’aurait pas non plus demandé : QUI EST-IL? — Mon âme t’a désiré dans la nuit , celle de l’ignorance.
1357. Mais parce qu’elle prévient ceux qui la désirent ardemment la Sagesse se révèle à l’aveugle qui la désire en disant : MAIS TU L’AS VU, ET CELUI QUI PARLE AVEC TOI, C’EST LUI – Par ces mots, le Christ expose l’enseignement de la foi par lequel il est en train de l’instruire. D’abord il lui remémore le bienfait reçu, en disant : MAIS TU LE VOIS, c’est-à-dire de tes yeux de chair, toi qui auparavant ne voyais personne. Comme s’il disait : C’est de lui que tu as reçu la faculté devoir — Bienheureux les yeux qui voient ce que vous voyez — Maintenant tu peux laisser s’en aller ton serviteur, Seigneur, selon ta parole, car mes yeux ont vu ton salut . Il expose ensuite l’enseignement ET CELUI QUI PARLE AVEC TOI, C’EST LUI — En ces temps qui sont les derniers, il nous a parlé par le Fils .
Ces paroles [suffisent à] réfuter l’erreur de Nestorius qui a dit que, dans le Christ, autre est le suppôt du Fils de Dieu, autre celui du Fils de l’homme. Car celui qui parlait est bien né de Marie, et Fils de l’homme; et le même qui parle est aussi le Fils de Dieu, comme il l’affirme, lui, le Seigneur. Les suppôts ne sont donc pas autres, bien que leurs natures ne soient pas identiques.
L’attachement sans réserve de l’aveugle.
1358. L’Évangéliste exprime ici l’attitude de l’aveugle qui se livre à Dieu sans réserve, dans sa foi . D’abord il la confesse de sa bouche : JE CROIS, SEIGNEUR. On croit par le cœur en vue de la justice, et la confession des lèvres se fait en vue du salut . C’est pourquoi il confesse de sa bouche la foi qu’il a en son cœur, puis il l’atteste par un geste : ET, SE PROSTERNANT, IL L’ADORA, par où il montre qu’il croit à sa puissance divine, lui qui, dans sa conscience désormais purifiée, le connaît non seulement comme étant uniquement Fils de l’homme, ce qui apparaissait de l’extérieur, mais comme Fils de Dieu ayant assumé la chair. L’adoration, en effet, est due à Dieu seul : Tu adoreras le Seigneur ton Dieu et c’est lui seul que tu serviras .
Le Christ met en valeur l’aveugle.
1359. L’attachement sans réserve [devotio] de l’aveugle est ici mis en lumière par le Christ. L’Evangéliste expose d’abord la mise en valeur, par le Christ, de l’attachement de l’aveugle, puis le murmure des Juifs , puis la manière dont le Christ réduit au silence ceux qui murmurent .
1360. L’aveugle est mis en valeur en raison de l’illumination de la foi : C’EST POUR UN JUGEMENT QUE MOI JE SUIS VENU DANS CE MONDE.
A cela semble s’opposer ce qui est dit plus haut : Car Dieu n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui .
Je réponds en disant qu’au chapitre il est question du jugement de condamnation, dont il est dit au chapitre Ils en sortiront, ceux qui auront fait le bien pour une résurrection de vie, mais ceux qui auront fait le mal pour une résurrection de jugement , c’est-à-dire de condamnation, jugement pour lequel Dieu n’a pas envoyé son Fils au temps de sa première venue. Il l’a alors plutôt envoyé pour nous sauver. Ici, il est question du jugement de discernement dont parle le psaume : Juge-moi, Seigneur, et discerne ma cause . Car il est venu pour discerner les bons des méchants, comme le montrent les paroles qui suivent : POUR QUE CEUX QUI NE VOIENT PAS VOIENT, ET QUE CEUX QUI VOIENT DEVIENNENT AVEUGLES. Selon Augustin , ceux-là voient qui estiment ne pas voir, alors que ceux qui estiment voir ne voient pas. Or les hommes sont dits aveugles spirituellement en tant qu’ils sont dans le péché : Leur malice les a aveuglés Celui-là donc estime voir, qui ne reconnaît pas ses péchés; mais celui qui se reconnaît pécheur estime ne pas voir. La première attitude est propre aux orgueilleux, la seconde aux humbles.
Le sens de cette parole : C’EST POUR UN JUGEMENT QUE MOI JE SUIS VENU est donc : Je suis venu afin de discerner les humbles des orgueilleux. En effet, [celui qui est] le Jour opérait un discernement entre la lumière et les ténèbres POUR QUE CEUX, les humbles, QUI NE VOIENT PAS, c’est-à-dire s’estiment pécheurs, VOIENT, illuminés par la foi, ET QUE CEUX QUI VOIENT, les orgueilleux, DEVIENNENT AVEUGLES, c’est-à-dire demeurent dans les ténèbres.
1361. Selon Chrysostome , il s’agit du jugement de condamnation, à condition toutefois que l’affirmation du Christ : C’EST POUR UN JUGEMENT QUE MOI JE SUIS VENU DANS CE MONDE ne soit pas prise comme exprimant une cause mais une conséquence, comme s’il disait : Ma venue dans le monde a eu pour conséquence chez certains un jugement de condamnation, en tant que, che elle aura accru la cause de condamnation. Quelque chose de semblable est dit en Luc : Voici qu’il a été établi pour la ruine et la résurrection d’un grand nombre . Non qu’il soit lui-même une cause de ruine, mais parce que sa venue a eu cette conséquence. Et il ajoute : POUR QUE CEUX QUI NE VOIENT PAS, c’est-à-dire les païens à qui manque la lumière de la connaissance divine, VOIENT, c’est-à-dire soient admis à la connaissance de Dieu — Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière — ET QUE CEUX QUI VOIENT, c’est-à-dire les Juifs possédant la connaissance de Dieu — Dieu est connu en Juda — DEVIENNENT AVEUGLES, c’est-à-dire se séparent de la connaissance même de Dieu. L’Apôtre fait expressément allusion à cela : Les païens qui ne cherchaient pas la justice ont embrassé la justice, celle qui vient de la foi; tandis qu'Israël, qui suivait une loi de justice, n'est pas parvenu à la loi de justice .
1362. L’Évangéliste expose ici le mur mure des Juifs. En effet, parce qu’ils avaient compris d’une manière charnelle les paroles du Seigneur, voyant que l’aveugle avait recouvré la lumière du corps et pensant que le Seigneur ne faisait état, à son sujet, que de la seule lumière du visage et non de celle de l’esprit, ils crurent de la même manière qu’il les menaçait de la cécité corporelle et les blâmait en leur disant : POUR QU’ILS DEVIENNENT AVEUGLES. C’est pourquoi l’Evangéliste dit que QUELQUES-UNS DES PHARISIENS QUI ÉTAIENT AVEC LUI ENTENDIRENT les paroles susdites.
Il dit QUI ÉTAIENT AVEC LUI pour montrer leur instabilité; car parfois ils sont avec lui à cause des miracles qu’ils voient, mais ils s’éloignent cependant de lui lorsque la vérité leur est découverte Ils croient pour un temps, et au temps de la tentation ils se retirent ILS LUI DIRENT "EST-CE QUE NOUS AUSSI, NOUS SOMMES AVEUGLES?" c’est-à-dire dans notre corps, bien qu’ils fussent aveugles d’esprit — Laissez-les, ce sont des aveugles et des guides d’aveugles.
1363. L’Évangéliste expose ici la manière dont le Christ met fin [au murmure des Juifs}. Selon l’interprétation d’Augustin , l’intention des propos précédents y est révélée, de sorte que soit manifesté de quelle cécité le Seigneur parle, c’est-à-dire de la cécité spirituelle. Il dit donc : SI VOUS ÉTIEZ AVEUGLES, c’est-à-dire, si vous vous estimiez aveugles, reconnaissant, grâce à l’humilité, votre péché, VOUS N’AURIEZ PAS DE PÉCHÉ, parce que vous iriez en courant vers le médecin. Le — péché, en effet, est remis par la grâce, qui n’est donnée qu’aux humbles : Aux humbles il donne la grâce . MAIS MAINTENANT VOUS DITES : "NOUS VOYONS", c’est-à-dire, estimant orgueilleusement que vous voyez, vous ne vous reconnaissez pas pécheurs. VOTRE PÉCHÉ DEMEURE, c’est-à-dire qu’il n’est pas remis : Dieu résiste aux orgueilleux .
Selon Chrysostome , il s’agit de la cécité corporelle et le sens est le suivant : SI VOUS ÉTIEZ AVEUGLES corporellement, VOUS N’AURIEZ PAS DE PÉCHÉ du fait que vous seriez aveugles; car une telle cécité, étant un défaut du corps, n’implique pas en elle-même ce qui constitue comme tel le péché . MAIS MAINTENANT, parce que VOUS DITES : "NOUS VOYONS", votre péché est grandement aggravé puisque, voyant de vos yeux de chair les miracles que j’accomplis, vous ne me croyez pas — Aveugle le cœur de ce peuple .
[Ces paroles peuvent encore avoir un autre sens SI VOUS ÉTIEZ AVEUGLES, c’est-à-dire ignorant les jugements de Dieu et les sacrements de la Loi, VOUS N’AURIEZ PAS DE PÉCHÉ, sous-entendu : un si grand péché. Comme s’il disait : Si vous péchiez par ignorance, votre péché ne serait pas grave à ce point. MAIS MAINTENANT, parce que VOUS DITES : "NOUS VOYONS", c’est-à-dire que vous vous arrogez la science de la Loi et la connaissance de Dieu et que cependant vous péchez, VOTRE PÉCHÉ DEMEURE, c’est-à-dire qu’il est rendu plus grave : Le serviteur qui a connu la volonté de son maître et qui ne s’est pas tenu prêt, et qui n’a pas agi selon sa volonté, recevra un grand nombre de coups .
Ou bien encore on peut dire que Dieu n'exauce point les pécheurs, en ce sens qu'il ne leur accorde pas le pouvoir de faire des miracles, mais lorsqu'ils implorent le pardon de leurs fautes, ils passent de l'état de pécheurs à celui de pénitents.
Mais ils voulaient qu'il rendit gloire à Dieu à leur façon, c'est-à-dire en reconnaissant que Jésus-Christ était un pécheur : « Nous savons, disent-ils, que cet homme est un pécheur. »
Cet homme, qui ne voulait ni donner lieu à la calomnie, ni cacher la vérité, ne dit pas : Je sais qu'il est juste, mais il leur dit : « S'il est pécheur, je n'en sais rien. »
C'est, en effet, la coutume des grands, de dédaigner de rien apprendre de la bouche de leurs inférieurs.
Que veulent dire ces paroles : « Est-ce que vous aussi ? » Quant à moi, je suis déjà son disciple, voulez-vous aussi le devenir ? Je vois, mais je jouis sans envie du bienfait de la vue. C'est avec cette noble fermeté que cet homme, autrefois aveugle, et qui ne peut plus supporter les aveugles, condamne la dureté opiniâtre des Juifs.
Il ne pourrait rien faire avec liberté, avec constance, avec vérité ; car, comment les choses que le Seigneur a faites auraient-elles pu exister si Dieu lui-même n'en était l'auteur ? et comment ses disciples pourraient-ils opérer de semblables prodiges, si le Seigneur lui-même n'habitait en eux pour les revêtir de sa puissance ?
Ils l'avaient eux-mêmes établi comme maître, ils l'avaient interrogé à plusieurs reprises, comme pour s'instruire, et après qu'il leur a enseigné la vérité, ils le chassèrent avec une superbe ingratitude.
Niez le bienfait que vous avez reçu ; ce qui n'est point rendre gloire à Dieu, mais se rendre coupable de blasphème envers lui.
Il parle ici comme un homme qui n'a pas encore reçu l'onction, car Dieu exauce les pécheurs ; et, s'il ne les exauçait pas, c'est donc en vain que le publicain lui aurait fait cette prière : « Seigneur, soyez-moi propice, à moi, qui ne suis qu'un pécheur. » Mais au contraire il mérita, par cette confession, d'être justifié, comme l'aveugle mérita que la lumière lui fût rendue.
Voyez à la fois la force de la vérité, et la faiblesse du mensonge. La vérité rend les hommes illustres et les couvre de gloire, quelque méprisés qu'ils soient d'ailleurs ; et le mensonge, eût-il pour organe les puissants du monde, dévoile toute leur faiblesse.
Pourquoi donc ne lui avez-vous point prouvé qu'il était un pécheur lorsqu'il vous a fait ce défi : « Qui de vous me convaincra de péché ? »
Les parents ayant renvoyé les pharisiens à celui-là même qui avait été guéri, ils l'appelèrent une seconde fois, comme le dit l'Evangéliste : « Ils appelèrent donc de nouveau l'homme qui avait été aveugle. » Ils ne lui dirent pas ouvertement : Niez que Jésus-Christ vous ait guéri ; mais ils veulent l'y amener indirectement, sous prétexte de religion : « Rendez gloire à Dieu, » lui dirent-ils ; c'est-à-dire, avouez que Jésus ne vous a rien fait.
Comment celui qui avait reconnu précédemment que Jésus était un prophète, peut-il dire maintenant : « S'il est un pécheur, je ne sais ? » Est-ce qu'il se laisse influencer par la crainte ? Non ; mais il veut justifier Jésus-Christ contre ses accusateurs par le témoignage du miracle lui-même, et rendre ses paroles dignes de foi par le bienfait qu'il a reçu : « Je sais seulement que j'étais aveugle, et qu'à présent je vois. » C'est-à-dire, je ne m'explique point sur cette question s'il est pécheur ou non, mais je dis ce que je sais à n'en pouvoir douter. Les pharisiens ne pouvant détruire la vérité du fait miraculeux, reviennent à leurs premières questions, et s'informent de nouveau de la manière dont cette guérison a eu lieu, semblables à des chiens qui cherchent sans discontinuer leur proie, tantôt d'un côté tantôt d'un autre : « Sur quoi ils lui dirent : Que vous a-t-il fait ? Comment vous a-t-il ouvert les yeux ? » C'est-à-dire, est-ce au moyen de quelque prestige ? Ainsi ils ne lui disent pas : Comment avez-vous vu ? mais : « Comment vous a-t-il ouvert les yeux ? » pour lui offrir l'occasion de calomnier le miracle opéré par Jésus. Tant que les éclaircissements avaient été nécessaires, l'aveugle s'était expliqué avec modération ; mais comme la vérité est désormais triomphante, il leur parle avec une généreuse liberté : « Il leur répondit : Je vous l'ai déjà dit, et vous l'avez entendu, pourquoi voulez-vous l'entendre encore ? » C'est-à-dire : Vous ne tenez aucun cas de ce que je vous ai dit, je ne répondrai donc plus à des questions qui n'ont aucun but, et que vous faites non pour apprendre, mais pour trouver dans mes réponses un sujet de critique ou d'accusation. Il ajoute : « Est-ce que, vous aussi, vous voulez devenir ses disciples ? »
« Ils le maudirent alors et lui dirent : Sois son disciple, toi. » Que cette malédiction soit sur nous et sur nos enfants, car elle n'existe que dans leur cœur, et non dans leurs paroles : « Pour nous, ajoutent-ils, nous sommes disciples de Moïse ; nous savons que Dieu a parlé à Moïse. » Plût à Dieu que vous sachiez que Dieu a parlé à Moise, vous sauriez également alors que Moïse a prédit l'avènement d'un Dieu ; puisque c'est le Seigneur lui-même qui vous dit : « Si vous croyiez à Moïse, vous croiriez aussi en moi ; car il a parlé de moi dans ses écrits. » Ainsi vous vous faites gloire de suivre le serviteur, et vous tournez le dos au Maître ? Car vous ajoutez : « Mais celui-ci, nous ne savons d'où il est »
C'est-à-dire que ce que vous voyez de vos yeux vous paraît moins véritable que ce que vous avez entendu dire ; en effet ce que vous dites savoir, vous le tenez de vos ancêtres. Mais n'est-il pas bien plus digne de foi, celui qui vous a prouvé qu'il venait de Dieu par des miracles, dont vous n'avez pas seulement entendu parler, mais que vous avez vus de vos propres yeux ? C'est ce que leur répond cet homme : « Il est vraiment surprenant que vous ne sachiez pas d'où il est, et qu'il m'ait ouvert les yeux. » Il ne cesse de leur rappeler ce miracle, parce qu'ils ne pouvaient en contester la réalité, et qu'il portait avec lui sa conviction ; et comme ils avaient déclaré qu'un pécheur ne pouvait opérer de semblables prodiges, il s'appuie sur cet aveu, et leur remet en mémoire leurs propres paroles : « Nous savons, leur dit-il, que Dieu n'exauce point les pécheurs ; » c'est-à-dire, vous et moi nous sommes d'accord sur ce point.
Et, remarquez que les paroles qui précèdent : « S'il est un pécheur, je ne sais, » n'expriment pas un doute de la part de cet homme ; car ici, non-seulement il le justifie de tout péché, mais il montre combien il est agréable à Dieu. « Mais celui qui l'honore, et fait sa volonté, c'est celui-là qu'il exauce ; » ainsi il ne suffît pas de connaître Dieu, il faut encore accomplir sa volonté. «Voyez encore comme il relève le miracle dont il vient d'être l'objet : « Jamais on n'a ouï dire que personne ait ouvert les yeux à un aveugle-né. » C'est-à-dire : Si vous reconnaissez que Dieu n'exauce point les pécheurs, et que cet homme cependant ait fait un miracle comme jamais aucun homme n'en a fait, il est évident que la puissance en vertu de laquelle il a fait ce miracle est supérieure à toute puissance humaine : « Si cet homme n'était pas de Dieu, ajouta-t-il, il ne pourrait rien faire. »
Cet homme a donc confessé la vérité sans la moindre crainte, et cependant au lieu d'admirer sa noble fermeté, les pharisiens le condamnent, « Ils lui répondirent : Tu es né tout entier dans le péché, et tu nous enseignes ! » Que veulent dire ces mots : « Tout entier ? » Avec les yeux fermés ; mais celui qui lui a ouvert les yeux l'a guéri aussi tout entier.
Ou bien ces paroles : « Tout entier, » signifient : Vous êtes dans le péché depuis vos premières années. Ils lui reprochent donc sa cécité, comme la suite et la punition de ses péchés, ce qui était dénué de fondement. Tant qu'ils ont espéré qu'il nierait cette guérison miraculeuse, ils l'ont juge digne de foi ; maintenant ils le repoussent loin d'eux. « Et ils le chassèrent dehors. »