Jean 9, 1

En passant, Jésus vit un homme aveugle de naissance.

En passant, Jésus vit un homme aveugle de naissance.
Louis-Claude Fillion
Il y a d'abord d'assez long préliminaires, vv. 1-5, puis le fait est raconté, vv. 6 et 7. - La formule de transition en passant (ϰαἱ παράγων) ne rattacherait pas d'une manière certaine et nécessaire ce nouvel épisode au précédent que si les mots ϰαἱ παρῆγεν oὔτως (« et il passe au travers »), par lesquels se termine le chap. VIII (v. 69, voyez la note), étaient bien authentiques ; car alors la répétition affectée du même verbe créerait une connexion indiscutable. Tel n'étant pas le cas, il est parfaitement licite de soutenir, comme le font d'assez nombreux exégètes, qu'il y eut quelque intervalle entre les deux événements. L'emploi ordinaire de « præterire » et cette acception générale n'ont rien d'incompatible. Cf. Marc. 2, 14. Si les faits se suivirent immédiatement, le calme des disciples (v. 2) après une pareille émotion (8, 57) est remarquable et tout apostolique. - Jesus vit. Ce dut être un regard particulier, sans doute sympathique et prolongé, puisque l'attention des disciples fut aussitôt excitée. Jésus ne contemplait jamais avec indifférence le spectacle des misères humaines, et, dans cet aveuglement, il voyait l'objet spécial des miséricordes et de la gloire de son Père. - Un homme aveugle de naissance. Notez cette circonstance, qui n'est pas mentionnée pour les cinq autres guérisons d'aveugles opérées par Notre-Seigneur (Matth. 9, 27, 31 ; 12, 22 ; 20, 30 ; 21, 14; Marc. 8, 22-26) ; elle a pour but de relever la grandeur du miracle. Ainsi qu'il sera dit plus bas (v. 32) en termes exprès, « Jamais encore on n’avait entendu dire que quelqu’un ait ouvert les yeux à un aveugle de naissance ». D'après le v. 8, le pauvre infirme était assis et mendiait.
Saint Thomas d'Aquin
1293. Après avoir montré la puissance illuminative de son enseignement par la parole , le Seigneur confirme maintenant cette puissance par un acte, en donnant la lumière du corps à un aveugle. Dans cette illumination de l’aveugle nous est montrée d’abord l’infirmité , puis sa guérison , puis la discussion des Juifs au sujet de cette guérison .

En ce qui concerne l’infirmité, on commence par l’exposer , puis on en cherche la cause .

1294. Au sujet du premier point, il faut savoir que Jésus, se cachant et s’éloignant du Temple, vit en passant cet aveugle. C’est ce que dit l’Evangéliste ET EN PASSANT, JÉSUS VIT UN HOMME AVEUGLE DEPUIS SA NAISSANCE. Trois choses sont à considérer ici . Jésus passait d’abord afin de se dérober à la fureur des Juifs — N’attise pas les braises des pécheurs en les reprenant, et tu ne seras pas dévoré par la flamme du feu de ces pécheurs . Ensuite pour adoucir la dureté des Juifs, provoquée par le miracle accompli et par celui qui allait être fait — Si je n'avais pas fait parmi eux des œuvres que personne d’autre n'a faites, ils n'auraient pas de péché Enfin pour confirmer ses paroles par l’accomplissement d’un signe. En effet, les actes du Seigneur produisent la foi à ce qui a été dit par lui — Et ceux-ci partirent prêcher partout, le Seigneur coopérant et confirmant la parole par les signes qui l’accompagnaient .

Au sens mystique, selon Augustin, "c’est le genre humain qui est cet aveugle", car le péché est une cécité spirituelle — Leur malice les a aveuglés . Et cet aveugle est bien aveugle depuis sa naissance, parce qu’il traîne le péché depuis son origine . En effet par le péché cette cécité a frappé le premier homme, dont nous avons tous tiré notre origine. "Vous étiez par nature," c’est-à-dire par l’origine naturelle, fils de la colère

1295. Par ces paroles, l’Évangéliste aborde la cause de l’infirmité. D’abord cette cause est recherchée par les disciples , puis elle est manifestée par le Christ .

1296. En ce qui concerne la cause de l’infirmité, trois choses sont à chercher. D’abord la cause [qui a poussé] les disciples à interroger le Christ. Selon Chrysostome c’est que Jésus, sortant du Temple et voyant cet aveugle, le regarda avec une très grande attention, comme s’il trouvait en lui matière à exercer sa puissance; si bien que les disciples, le voyant regarder attentivement l’aveugle, furent poussés à l’interroger.

Ensuite, l’attention empressée des disciples : RABBI, disent-ils, appelant Jésus "Maître" pour lui montrer comment ils cherchent : avec le désir d’apprendre .

Enfin, pourquoi, cherchant la cause du péché, ils disent : QUI A PÉCHÉ?

Selon Chrysostome on doit dire que, puisque le Seigneur, lorsqu’il avait guéri le paralytique, lui avait dit : Voilà que tu as été guéri, va et ne pèche plus , les disciples en avaient conclu que c’était à cause du péché que cette infirmité lui était arrivée, estimant d’une manière générale que toute infirmité humaine provient du péché, selon ce que dit Eliphaz : Un innocent a-t-il jamais péri ? Voilà pourquoi ils cherchaient s’il était né aveugle à cause de son péché ou de celui de ses parents. Mais il ne semble pas que ce soit à cause de son péché : personne, en effet, ne pèche avant de naître; puisque les âmes n’ont pas existé avant les corps, elles n’ont pas non plus péché, comme certains l’ont faussement cru, selon ce passage de l’épître aux Romains : Alors qu’ils n'étaient pas encore nés et n'avaient rien accompli ni de bien ni de mal, pour que demeure le dessein de Dieu selon son choix [qui ne dépend] pas des œuvres, mais de celui qui appelle, il lui fut dit : L'aîné servira le plus jeune . Il ne semble pas non plus qu’il ait subi cela à cause du péché de ses parents, puisqu’il est dit dans le Deutéronome Les pères ne mourront pas pour les fils, ni les fils pour les parents .

Mais il faut savoir que les hommes peuvent être punis de deux manières. D’une peine spirituelle, touchant l’âme, ou d’une peine corporelle, touchant le corps. De la peine spirituelle, le fils n’est jamais puni pour son père. La raison en est donnée en Ezéchiel : l’âme du fils n’est pas tirée du père mais vient de Dieu. Toutes les âmes, dit-il, sont à moi par la création; l’âme du fils aussi bien que l’âme du père est à moi; l’âme qui aura péché, c’est elle qui sera punie . Augustin le dit aussi dans une de ses lettres à Auxilius . Mais de la peine corporelle, le fils est puni pour le père puisque, quant à son corps, il est quelque chose du père . On trouve cela explicitement dans le livre de la Genèse , où les fils des Sodomites sont tués pour le péché de leurs parents dans la destruction de Sodome. Et même, bien des fois, le Seigneur a menacé les Juifs du meurtre de leurs enfants à cause des péchés des parents.

1297. Pourquoi, l’un péchant, l’autre est-il puni? Il faut savoir ici que la peine comprend deux aspects : le dommage et le remède. En effet, on coupe parfois un membre pour que le corps tout entier soit conservé; une telle peine produit un dommage pour autant que le membre est coupé, mais elle porte remède en tant qu’elle conserve le corps. Jamais, cependant, le médecin ne coupe un membre plus noble pour la conservation d’un moins noble, mais il fait l’inverse. Or, parmi les réalités humaines, l’âme est plus noble que le corps, et le corps plus noble que les réalités extérieures. C’est pourquoi il n’arrive jamais que quelqu’un, à cause du corps, soit puni dans son âme, mais il est plutôt puni dans son corps pour la guérison de son âme. Ainsi, Dieu inflige parfois des peines touchant les corps ou les réalités extérieures en vue du bien de l’âme; de telles peines ne sont pas alors envoyées pour le seul dommage qu’elles causent, mais comme remède, pour purifier. C’est pourquoi la mort même des enfants des Sodomites fut pour le bien de leur âme non certes pour qu’ils acquièrent un mérite [par cette peine], mais de peur que, imitant la malice de leurs parents par une vie où ils accumuleraient les péchés, ils ne soient punis plus atrocement. Il arrive même que, à cause des péchés de leurs parents, certains soient punis plusieurs fois.

1298. Le Seigneur manifeste ici la cause de l’infirmité. Il exclut d’abord la cause conjecturée , puis lui substitue la vraie , et ensuite manifeste celle-ci .

1299. Il exclut la cause conjecturée en répondant NI LUI N’A PÉCHÉ, NI SES PARENTS. Telle est en effet la cause de l’infirmité, selon l’opinion des disciples, comme on l’a dit.

Mais l’épître aux Romains affirme le contraire : Tous en effet ont péché et ont besoin de la gloire de Dieu. Et plus loin dans la même épître, il est dit que le péché, d’Adam, est passé en tous .

La solution est la suivante : tant l’aveugle que ses parents étaient sous l’emprise du péché originel et, en plus, ils lui avaient surajouté, en vivant, des péchés actuels; car si nous disons que nous n’avons pas de péché, nous nous trompons nous-mêmes et la vérité n’est pas en nous . NI LUI N’A PÉCHÉ, NI SES PARENTS, doit être compris en ce sens : ils n’ont pas péché de telle sorte que celui-ci soit né aveugle; autrement dit, sa cécité n’est pas la conséquence de leur péché.

1300. Le Seigneur donne ensuite la vraie cause en disant : MAIS C’EST POUR QUE SOIENT MANIFESTÉES EN LUI LES ŒUVRES DE DIEU. C’est en effet par les œuvres de Dieu que nous sommes conduits à le connaître — Les réalités invisibles de Dieu, saisies par l’intelligence depuis la création du monde par le moyen de celles qui ont été faites, se laissent voir . Plus haut, il est dit : Les œuvres que le Père m’a données pour que je les accomplisse, ces œuvres mêmes que je fais témoignent à mon sujet que c’est le Père qui m’a envoyé . Or la connaissance de Dieu est le bien souverain de l’homme, puisqu’en elle consiste la béatitude de l’homme — Telle est la vie éternelle : qu’ils te connaissent, toi le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ — Celui qui se glorifie, qu’il se glorifie en ceci : me connaître et m’aimer . Si donc une infirmité est arrivée à cet homme POUR QUE SOIENT MANIFESTÉES EN LUI LES ŒUVRES DE DIEU et que, par leur manifestation, il soit conduit à la connaissance de Dieu, il est manifeste que de telles infirmités corporelles arrivent en vue du bien.

1301. Il pourrait sembler à certains que la manifestation des œuvres de Dieu n’est pas une cause suffisante d’une telle infirmité, d’autant plus que ni l’aveugle ni ses parents n’avaient péché; et c’est pourquoi ils soutiennent que l’expression POUR QUE n’est pas employée dans un sens causal. Le sens serait alors : celui étant aveugle, les œuvres de Dieu qui le guérit sont manifestées.

Mais cette interprétation n’est pas juste; il vaut donc mieux dire que l’expression POUR QUE est employée dans un sens causal. Il existe en effet un double mal : le mal de faute et le mal de peine . Mais Dieu ne fait pas le mal de faute, il permet seulement qu’il arrive, ce qu’il ne permettrait pas s’il n’avait l’intention d’en tirer quelque bien. Pour cette raison, Augustin dit dans l’Enchiridion "Dieu est si bon qu’il ne permettrait jamais qu’un mal se produise s’il n’était assez puissant pour tirer un bien de n’importe quel mal." Ainsi donc, il permet, à partir de l’intention du bien qu’il a en vue, que certains péchés soient faits , comme il permet que sévissent les tyrans pour couronner les martyrs. A bien plus forte raison doit-on dire que le mal de peine que Dieu lui-même fait — selon ce que dit Amos : Y aura-t-il un mal dans une cité, que le Seigneur Dieu n’ait accompli —, il n’y soumet jamais l’homme si ce n’est en vue du bien. Et parmi les autres biens, le meilleur est QUE LES ŒUVRES DE DIEU SOIENT MANIFESTÉES, et qu’à partir d’elles Dieu se fasse connaître. Il n’est donc pas inconvenant qu’il envoie certaines épreuves ou permette que certains péchés soient faits, afin qu’il en résulte un bien.

1302. Il faut savoir que, au dire de Grégoire dans les Morales , Dieu envoie des épreuves aux hommes de cinq manières.

Parfois comme commencement de la damnation, selon cette parole de Jérémie. D’une double brisure brise-les . Et le pécheur est frappé de cette épreuve en cette vie de telle sorte qu’il soit puni sans retour ni fin en l’autre. Ainsi Hérode, qui a tué Jacques , a été puni en cette vie et de même dans l’autre .

Parfois, l’épreuve est envoyée comme correction. C’est de celle-ci que parle le psaume : Ta discipline [tes leçons] m’a corrigé jusqu’à la fin, et c’est encore ta discipline elle-même qui m'instruira . Et Isaïe : Dans la tribulation du murmure [il y avait] pour eux ton enseignement .

Parfois, quelqu’un est éprouvé non pas pour être corrigé de fautes passées mais pour être préservé de fautes futures, comme on le lit au sujet de Paul dans la seconde épître aux Corinthiens : Afin que la grandeur des révélations ne m'exalte pas, il m’a été donné une écharde dans ma chair, un ange de Satan qui me soufflette .

Parfois aussi l’épreuve est envoyée pour faire éclater la puissance divine , c’est-à-dire : quand il n’y a en quelqu’un ni faute passée à corriger, ni faute future à empêcher, et qu’un salut inopiné fait suite à la persécution, la puissance de celui qui sauve éclate et il en est aimé plus ardemment — La puissance se déploie dans la faiblesse — La patience porte un fruit parfait .

Mais parfois c’est pour la manifestation de la gloire divine, et c’est pourquoi il est dit ici : MAIS C’EST POUR QUE SOIENT MANIFESTÉES EN LUI LES ŒUVRES DE DIEU.

1303. En disant ensuite ces paroles, le Seigneur met en lumière la vraie cause qu’il a dévoilée; et puisqu’il avait fait mention des œuvres de Dieu, il établit d’abord l’opportunité de manifester les œuvres de Dieu , puis il donne la raison de l’opportunité ou de la nécessité . Enfin il explicite cette raison .

1304. Il dit donc il est né aveugle POUR QUE SOIENT MANIFESTÉES EN LUI LES ŒUVRES DE DIEU, œuvres qui devaient être manifestées. En effet, IL ME FAUT TRAVAILLER AUX ŒUVRES DE CELUI QUI M’A ENVOYÉ. Cela peut se rapporter soit au Christ selon qu’il est homme, et le sens est alors IL ME FAUT TRAVAILLER AUX ŒUVRES DE CELUI QUI M’A ENVOYÉ, c’est-à-dire aux œuvres qui m’ont été confiées par le Père — Les œuvres que le Père m’a données pour que je les accomplisse, ces œuvres mêmes témoignent à mon sujet Et il dit au Père : J’ai achevé l’œuvre que tu m’as donnée à faire . Soit au Christ selon qu’il est Dieu, et il montre ainsi l’égalité de sa puissance avec celle du Père. Le sens est alors : IL ME FAUT TRAVAILLER AUX ŒUVRES DE CELUI QUI M’A ENVOYÉ, c’est-à-dire faire des œuvres égales à celles que le Père fait — Tout ce que fait fie [le Père], le Fils aussi le fait pareillement —, et pour montrer l’autorité du Père, IL ME FAUT TRAVAILLER AUX ŒUVRES DE CELUI QUI M’A ENVOYÉ, c’est-à-dire aux œuvres que je tiens du Père . Car toutes les choses que fait le Fils, même selon la nature divine, il les tient du Père le Fils ne peut rien faire de lui-même, si ce n'est ce qu’il a vu faire au Père .

1305. IL FAUT, dis-je, AUSSI LONGTEMPS QU’IL FAIT JOUR... Le jour matériel est causé par la présence du soleil sur la terre. Or le soleil de justice est le Christ notre Dieu — Pour vous qui craignez mon nom, se lèvera le soleil de justice, avec la guérison sous ses ailes . Donc, aussi longtemps que ce soleil nous est présent, les œuvres de Dieu peuvent s’accomplir en nous, à notre égard et par nous. Or il nous fut présent à un certain moment d’une présence corporelle : c’était alors le jour — Voici le jour que fit le Seigneur, exultons et réjouissons-nous en lui . Voilà pourquoi il faut travailler aux œuvres de Dieu. Il nous est aussi présent par la grâce, et c’est alors le jour de la grâce, c’est-à-dire celui où il faut travailler aux œuvres de Dieu, AUSSI LONGTEMPS QU’IL FAIT JOUR — La nuit est avancée et le jour s'est approché. Rejetons donc les œuvres des ténèbres et revêtons les armes de lumière — Ceux qui dorment, dorment la nuit. Mais vous, frères, vous n’êtes pas dans les ténèbres, de sorte que ce jour vous surprenne comme un voleur .

1306. Mais il faut savoir que si la présence du soleil fait le jour, et son absence la nuit, pour le soleil lui-même c’est toujours le jour, puisqu’il est toujours présent à lui-même; et ainsi, pour le soleil, c’est toujours temps d’œuvrer et de luire. Mais pour nous, à qui il est parfois présent et parfois absent, il n’œuvre ni ne luit toujours. De la même manière pour le Christ, soleil de justice, c’est toujours le jour et le temps d’agir, mais pas pour nous parce que nous ne sommes pas toujours capables d'accueillir sa grâce, à cause d’obstacles venant de nous .

1307. Le Christ introduit ici la raison de l’opportunité susdite. De même que le jour est de deux sortes, de même la nuit peut être dite en deux sens. L’une de ces nuits consiste dans la disparition corporelle du soleil de justice, comme les Apôtres en ont fait l’expérience : lorsque la présence corporelle du Christ leur fut retirée au temps de la Passion, ils furent troublés — Tous vous serez scandalisés à mon sujet en cette nuit . Alors ce ne fut plus le temps d’agir, mais de pâtir.

Mais il vaut mieux dire que, même lorsque le Christ fut absent corporellement par l’Ascension, c’était le jour pour les Apôtres, dans la mesure où le soleil de justice les illuminait, et c’était donc aussi le temps d’agir. C’est pourquoi il faut entendre ce que dit ici le Christ de la nuit qui est réalisée par la séparation spirituelle d’avec le soleil de justice, c’est-à-dire le retrait de la grâce. Cette nuit elle-même est double : l’une vient du retrait de la grâce actuelle qu’entraîne le péché mortel — Ceux qui dorment, dorment la nuit. Et quand vient cette nuit, nul ne peut accomplir les œuvres méritoires de la vie éternelle. L’autre nuit est consommée quand on est privé non seulement de la grâce actuelle par le péché mortel, mais même de la faculté de se repentir, par la damnation éternelle en enfer où la nuit est profonde. Cette nuit qui sera pour ceux dont il est dit : Allez, maudits, au feu éternel et aussi : Jetez-les dans les ténèbres extérieures . Alors nul ne peut œuvrer, parce qu’il n’est plus temps de mériter mais de recevoir selon ses mérites. Donc, tant que tu vis, agis comme on agira pour toi. C’est pourquoi il est dit au livre de l’Ecclésiaste Tout ce que peut faire ta main, accomplis-le dans l’instant : car il n’y aura ni œuvre, ni raison, ni sagesse, ni science aux enfers vers lesquels tu te hâtes .

1308. Le Seigneur explicite ici la raison de son affirmation comme s’il disait : Si vous voulez savoir quel est le jour et quelle est la nuit dont je parle, moi, vous dis-je, JE SUIS LA LUMIÈRE DU MONDE. En effet ma présence produit le jour et mon absence, la nuit : Moi, je suis la lumière du monde . AUSSI LONGTEMPS QUE JE SUIS DANS LE MONDE, corporellement par ma présence — Je suis sorti du Père et je suis venu dans le monde. De nouveau je quitte le monde et je vais vers le Père — JE SUIS LA LUMIÈRE DU MONDE : c’est pourquoi ce jour a duré jusqu’à l’Ascension du Christ. De même, AUSSI LONGTEMPS QUE JE SUIS DANS LE MONDE, spirituellement par la grâce — Voici que je suis avec vous jusqu'à la consommation des siècles —, JE SUIS LA LUMIÈRE DU MONDE. C’est pourquoi ce jour s’étendra jusqu’à la consommation des siècles .