Jean 8, 25

Alors, ils lui demandaient : « Toi, qui es-tu ? » Jésus leur répondit : « Je n’ai pas cessé de vous le dire.

Alors, ils lui demandaient : « Toi, qui es-tu ? » Jésus leur répondit : « Je n’ai pas cessé de vous le dire.
Louis-Claude Fillion
Ils lui dirent donc : Qui êtes-vous ? Ils durent appuyer avec dédain sur le pronom « vous ». Toi qui fais dépendre la rémission des péchés et le salut éternel de la croyance en ta mission, qui es-tu donc ? - Jésus leur répondit. La réponse de Jésus, si simple en apparence, est d’une interprétation très difficile, comme on le voit en parcourant les principaux commentaires, où tant de sens divers sont exposés. Dans le texte grec, que nous devons parfois prendre pour base de nos explications, tous les mots, à part le dernier, ont été l’objet de discussions particulières. Nous ne voulons pas entrer à fond dans ce dédale d’opinions ; néanmoins il nous faudra bien indiquer les plus suivies, afin de choisir ensuite en pleine connaissance de cause. - Les anciens exégètes grecs et la plupart des auteurs modernes s’accordent à prendre adverbialement l’accusatif ἀρχὴν (en premier). Mais deux sens demeurent encore possibles : « en premier » (avec ses différentes nuances de traduction ; de toute éternité, d’abord, avant tout), et « tout à fait, précisément, etc ». - L’expression suivante est également susceptible de recevoir deux significations distinctes, suivant qu’on lit ὅ τι (ce que), le neutre du pronom grec ou ὅτι (parce que), comme portent d’anciens manuscrits de la Vulgate. On préfère généralement la leçon « ce que ». - La particule grecque καὶ ne doit pas être négligée dans cette proposition, car elle ajoute certainement à la force de la pensée ; elle équivaut plus probablement à « même si , quand même » . - Enfin λαλῶ n’est pas un simple synonyme de « dire » : la Vulgate a bien traduit ce verbe solennel par parler. - Cela posé, la critique des interprétations les plus en vogue devient relativement facile. 1° Quoique si belle et si profonde, celle de notre version latine n’est malheureusement pas admissible, car elle ne correspond pas au texte original. Le pronom qui ne peut s’expliquer en aucune manière ; de même, la locution grecque Τὴν ἀρχὴν ne saurait être représentée par principium au nominatif (Je suis le principe, le commencement ; par conséquent, l’Éternel. Cf. S. Augustin, h. l. ). 2° S. Jean Chrysostome, Théophylacte, Euthymius, de nos jours Lücke, Corluy, et les célèbres critiques Lachmann, Tischendorf, Westcott et Hort, mettent un point d’interrogation à la fin de la phrase, et traduisent : « A quoi bon vous parler, à vous qui refusez constamment de me croire ? Mais l’interrogation enlève à la pensée une grande partie de sa force. 3° D’autres remplacent par une virgule le point qui termine le verset 25, de manière à n’avoir ensuite qu’une phrase continue. Mais alors Jésus ne ferait aucune réponse, et surtout ce sens est vague et peu naturel. 4° Maldonat traduit et commente ainsi la pensée du Sauveur : « Je suis celui que je vous ai dit être, depuis le début ; que je vous dis toujours, que je vous ai toujours dit : le Christ ». Tholuck et d’autres se rangent à cette interprétation, qui nous paraît supérieure à toutes les précédentes, et dont on peut rapprocher le passage analogue de Plaute, Captiv. 3, 4, 91 : « Qui est donc celui-ci ? Celui que je t’ai dit dès le début ». 5° S. Cyrille, et de nos jours Fritzsche, Stier, etc., se rapprochent davantage de ce qui nous paraît être la meilleure explication. « Je suis, depuis le début des choses, de la nature que je déclare être ». 6° Nous croyons, avec un certain nombre d’interprètes contemporains, que pour recevoir sa véritable et complète signification, cette ligne profonde et délicate demande à être traduite comme il suit : « Je suis tout à fait cela même que je déclare ». Comme si Jésus disait : Vous me demandez qui je suis. Mais rien de plus facile à connaître. Écoutez ma parole ; elle me révèle absolument, car je suis tout ce que renferment mes propres discours : ma personne est identique à ma doctrine. Ainsi donc, « il en appelle à ses témoignages comme à l’expression adéquate de son être. Ils n’ont qu’à sonder la série de ses déclarations sur lui-même ; ils y trouveront l’analyse complète de son essence et de sa mission », Godet, h. l. Ce sens est justifié, et par la situation saillante de Τὴν ἀρχὴν, et par le pronom significatif « tout ce que », et par l’insertion de « aussi, même » qui appuie sur l’identité de la personne et de la parole du Sauveur, enfin par l’emploi du temps présent, duquel il ressort que les témoignages de Jésus ne sont pas encore à leur terme. Cf. Westcott, h. l.