Jean 8, 20
Il prononça ces paroles alors qu’il enseignait dans le Temple, à la salle du Trésor. Et personne ne l’arrêta, parce que son heure n’était pas encore venue.
Il prononça ces paroles alors qu’il enseignait dans le Temple, à la salle du Trésor. Et personne ne l’arrêta, parce que son heure n’était pas encore venue.
Marie est présente à Cana de Galilée en tant que Mère de Jésus et il est significatif qu'elle contribue au «commencement des signes» qui révèlent la puissance messianique de son Fils: «Or il n'y avait plus de vin. La Mère de Jésus lui dit: "Ils n'ont pas de vin". Jésus lui dit: "Que me veux-tu, femme? Mon heure n'est pas encore arrivée"» (Jn 2, 3-4). Dans l'Evangile de Jean, cette «heure» signifie le moment fixé par le Père où le Fils accomplit son œuvre et doit être glorifié (cf. Jn 7, 30; 8, 20; 12, 23. 27; 13, 1; 17, 1; 19, 27). Même si la réponse de Jésus à sa Mère paraît s'entendre comme un refus (surtout si l'on considère, plus que la question, l'affirmation tranchante: «Mon heure n'est pas encore arrivée»), Marie ne s'en adresse pas moins aux servants et leur dit: «Tout ce qu'il vous dira, faites-le» (Jn 2, 5). Jésus ordonne alors aux servants de remplir d'eau les jarres, et l'eau devient du vin meilleur que celui qui avait été d'abord servi aux hôtes du banquet nuptial.
Jésus dit ces choses… Les
récentes paroles de Jésus (versets 12-19) ont une telle importance aux yeux de l’évangéliste, qu’il croit
devoir, par une de ces notes rapides dans lesquelles il excelle, indiquer au juste le lieu où elles furent
prononcées. - Au lieu où était le trésor. Sur cette expression voyez Marc. 12, 41 ; Luc. 21, 2, et nos commentaires. Elle ne désigne pas ici la chambre dans laquelle étaient enfermés les trésors du temple (Cf. I
Mach. 14,. 49 ; 2 Mach. 3, 6, 28, etc.), mais la partie spéciale du parvis des femmes où étaient suspendus les
troncs destinés à recevoir les pieuses offrandes du peuple - Enseignant dans le temple. Cf. verset 2. Le
témoignage du Sauveur eut donc toute sorte de circonstances pour le rehausser : la sainteté du lieu, un
nombreux auditoire, le rôle magistral de Jésus lui-même. - Et personne ne l’arrêta, « Refrain historique, avec
un certain accent de triomphe », dit très judicieusement Meyer. Cf. 7, 30, 44. Cependant, sous le rapport
extérieur, rien de plus facile aux Pharisiens que de mettre la main sur Notre-Seigneur. Mais de nouveau la
Providence veillait à l’immunité du Christ : parce que son heure n’était pas encore venue. Voyez la note de
7, 30.
1140. Après avoir introduit le Christ en train d’enseigner, l’Evangéliste montre ici la puissance illuminative de son enseignement; il expose d’abord la puissance illuminative elle-même , puis il met en lumière ce que le Christ en dit .
A. SA RÉVÉLATION DE NOUVEAU
A propos de la puissance illuminative elle-même, il pré sente d’abord le privilège de la lumière spirituelle, puis son effet , enfin son fruit .
1141. L’Évangéliste parle du privilège de la lumière spi rituelle comme appartenant au Christ, qui est la lumière : DE NOUVEAU DONC, JESUS LEUR PARLA EN DISANT : MOI JE SUIS LA LUMIERE DU MONDE. Cela peut d’une certaine manière être rattaché à ce qui a été dit juste avant. En effet, parce qu’il a dit moi non plus je ne te condamnerai pas, la déliant de son péché, il daigne, pour que personne ne puisse douter que lui-même peut pardonner et remettre les péchés, faire voir plus clairement la puissance de sa divinité en disant qu’il est la lumière qui repousse les ténèbres du péché .
Cela peut, d’une autre manière, être rattaché à ce qui a été dit plus haut : Scrute les Ecritures, et vois que de la Galilée il ne surgit pas de prophète . En effet, parce qu’ils le prenaient pour un homme de Galilée, ils refusaient son enseignement, comme si le Christ était dépendant d’un lieu déterminé; c’est pourquoi le Seigneur montre qu’il est la lumière universelle du monde entier, en disant MOI JE SUIS LA LUMIERE DU MONDE, et non de la Galilée, ni de la Pales tine, ni de la Judée .
1142. Les Manichéens comme le dit Augustin comprenaient cette parole d’une manière fausse. En effet, parce que leur vision était seulement celle des choses sensibles, ils ne supportaient pas de s’étendre aux réalités intellectuelles et spirituelles, et croyaient qu’il n’y a rien dans la nature au-dessus des réalités corporelles c’est pourquoi ils disaient que Dieu est un corps, et une certaine lumière infinie, et ils prétendaient que le Christ Seigneur est le soleil visible aux yeux de la chair; et à cause de cela lui-même a dit : MOI JE SUIS LA LUMIERE DU MONDE.
Mais cela ne peut tenir, et l’Église catholique condamne une telle fiction. Car le soleil corporel est la lumière que les sens peuvent atteindre, et c’est pourquoi il n’est pas la lumière suprême; mais cette lumière suprême est celle que l’intelligence touche, qui est la lumière spirituelle, propre à la créature spirituelle Le Christ dit ici de cette lumière : MOI JE SUIS LA LUMIERE DU MONDE. C’est d’elle qu’il avait été dit plus haut : Il était la lumière, la vraie, qui illumine tout homme venant en ce monde
Mais la lumière sensible est une certaine image de cette lumière par excellence, la lumière spirituelle : car tout sensible est pour ainsi dire quelque chose de particulier, et les intelligibles sont en quelque sorte des réalités universelles. Or de même que cette faible lumière particulière a un effet dans la réalité vue en tant qu’elle rend les couleurs visibles en acte, et aussi dans celui qui voit, car par elle l’œil est amené à la vision, de même, cette lumière spirituelle rend l’intellect connaissant enacte, parce que tout ce qu’il y a de lumière dans la créature spirituelle est dérivé tout entier de cette lumière suprême elle-même, qui illumine tout homme venant en ce monde De même, elle rend toutes les réalités intelligibles en acte, en tant que proviennent d’elle toutes les formes, qui donnent aux réalités d’être connues, comme toutes les formes des réalités artificielles proviennent de l’art et de la raison de l’artisan — Combien magnifique sont tes œuvres, Seigneur, tu les fis toutes avec sagesse... . Et c’est pour quoi il dit très justement : MOI JE SUIS LA LUMIERE DU MONDE, non pas le soleil qui a été fait, mais celui par qui il a été fait. Cependant, comme le dit Augustin ; il est la lumière qui a fait le soleil, apparue sous le soleil, et qui a été cachée sous un voile de chair, non pour être obscurcie mais pour être atténuée.
1143. Par cette parole est aussi repoussée l’hérésie de Nestorius , qui dit que le Fils de Dieu était uni à l’homme seulement par inhabitation. Il est clair en effet que celui qui disait MOIJE SUIS LA LUMIERE DUMONDE était homme. Si donc celui qui par lait et semblait être un homme n’avait pas été dans sa personne le Fils de Dieu, il n’aurait pas dit : MOI JE SUIS LA LUMIERE DU MONDE, mais "en moi habite la lumière du monde". Il était donc, dans la même personne, et homme, et Fils de Dieu, et lumière du monde.
1144. L’effet de cette lumière est de repousser les ténèbres : CELUI QUI ME SUIT NE MARCHE PAS DANS LES TENEBRES. Et parce que cette lumière est universelle, elle repousse universellement toutes les ténèbres
Or il y a trois sortes de ténèbres. D’abord celles de l’ignorance — ils n'ont ni savoir ni intelligence; ils marchent dans les ténèbres . Ces ténèbres sont celles de la raison en elle-même, en tant qu’elle est voilée par elle-même. Il y a aussi celles de la faute — Autrefois vous étiez ténèbres, mais à présent vous êtes lumière dans le Seigneur et ces ténèbres sont celles de la raison humaine non en elle-même, mais liée à l’appétit, en tant que celui-ci, mal disposé par les passions ou l’habitude, cherche à atteindre comme un bien quelque chose qui n’est pas vraiment un bien. Il y a enfin les ténèbres de la damnation éternelle — Jetez le serviteur inutile dans les ténèbres du dehors . Les deux premières sortes de ténèbres se trouvent en cette vie; quant aux dernières, elles se trouvent au terme du chemin. Donc, CELUI QUI ME SUIT NE MARCHE PAS DANS LES TENEBRES, c’est-à-dire dans les ténèbres de l’ignorance, car moi je suis la vérité, ni dans celles de la faute, car moi je suis le chemin, ni dans celles de la dam nation, car moi je suis la vie .
1145. L’Évangéliste poursuit en montrant quel est le fruit de l’enseignement : IL AURA LA LUMIERE DE LA VIE en effet, qui a cette lumière est en dehors des ténèbres de la damnation.
Mais il dit CELUI QUI ME SUIT, parce qu’il est nécessaire à quiconque ne veut pas errer dans les ténèbres de suivre celui qui porte la lumière; ainsi, il faut que quiconque veut être sauvé suive le Christ, qui est la lumière, en croyant en lui et en l’aimant; et c’est ainsi que les Apôtres l’ont suivi — Eux, laissant là leurs filets, le suivirent Mais parce que la lumière sensible peut faire défaut en déclinant, il arrive que celui qui la suit tombe dans les ténèbres. En revanche, cette lumière-là, qui ne connaît pas de déclin ne fait jamais défaut; c’est pourquoi celui qui la suit a la lumière inépuisable, c’est-à-dire la lumière DE LA VIE. En effet, la lumière visible ne donne pas la vie, mais assiste de l’extérieur les opérations de la vie sensible; tandis que cette autre lumière donne la vie, parce que nous vivons en tant que nous avons l’intelligence, qui est une certaine participation de cette lumière par excellence. Or lorsque cette lumière rayonnera parfaitement, nous aurons la vie en plénitude — Auprès de toi est la source de la vie, et dans ta lumière nous verrons la lumière autrement dit : alors nous aurons la vie elle-même en perfection, quand, de notre propre vue, nous verrons la lumière elle-même C’est pourquoi il est dit : La vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi le seul vrai Dieu et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ.
Mais notons que cette parole : CELUI QUI ME SUIT se rapporte au mérite, tandis que celle-ci : IL AURA LA LUMIERE DE LA VIE, a trait à la récompense .
B. SA MANIFESTATION
1146. L’Évangéliste met ensuite en lumière les trois affirmations du Christ à son propre sujet .
LE PRIVILÈGE DE LA LUMIÈRE SPIRITUELLE
La première est MOI JE SUIS LA LUMIÈRE DU MONDE, ce qui troublait les Juifs, et c’est pourquoi l'Evangéliste expose d’abord l’objection des Juifs, puis la réfuta tion de leur objection par le Christ, manifestant la vérité de sa parole .
1147. En ce qui concerne l’objection des Juifs, il est manifeste que ce qu’il a dit dans le Temple, il l’a dit sous le regard des foules, tandis qu’ici, c’est en présence des Pharisiens. Et c’est pourquoi LES PHARISIENS eux-mêmes lui ont dit : TU TE RENDS TEMOIGNAGE A TOl-MEME; TON TÉMOIGNAGE N’EST PAS VRAI – Autrement dit : du fait même que tu témoignes pour toi-même, ton témoignage n’est pas vrai.
Chez les hommes, il n’est en effet ni bienvenu ni convenable qu’un homme se loue lui-même — Qu’un autre te loue, et non ta propre bouche — ; car on n’est pas rendu recommandable en se louant soi-même, mais seulement si on est recommandé par Dieu — Ce n'est pas celui qui se recommande lui-même qui est un homme éprouvé; c’est celui que le Seigneur recommande -, parce que seul Dieu le connaît parfaitement. Or nul ne peut assez recommander Dieu, si ce n’est lui-même, et c’est pourquoi il convient que lui-même rende témoignage à son propre sujet, et même au sujet des hommes — Voici dans le ciel mon témoin Et c’est pourquoi les Juifs étaient surpris.
1148. Le Seigneur repousse d’abord leur objection par l’autorité du Père, puis écarte l’objection apparue au sujet du Père .
Or l’objection des Juifs était apparue à la suite d’un certain raisonnement. C’est pourquoi il montre tout d’abord que leur raisonnement ne tient pas, puis il prouve que son témoignage est vrai .
Pour montrer que leur raisonnement ne tient pas, il en montre d’abord la fausseté , puis il ajoute la cause de leur erreur .
1149. Leur raisonnement était celui-ci : du fait que le Christ se rendait témoignage à lui-même, son témoignage n’était pas vrai. Mais le Seigneur dit le contraire, à savoir que c’est pour cela qu’il est vrai. JESUS REPONDIT ET LEUR DIT : MEME SI MOI JE ME RENDS TEMOIGNAGE A MOI-MEME, VRAI EST MON TEMOIGNAGE, et ceci parce que JE SAIS D’OÙ JE SUIS VENU, ET OU JE VAIS. C’est comme s’il disait, selon Chrysostome parce que je suis de Dieu, je suis Dieu, et je suis le Fils de Dieu. Mais Dieu est véridique, comme il est écrit .
Il dit : JE SAIS D’OÙ JE SUIS VENU, c’est-à-dire je con nais mon principe, ET OU JE VAIS, c’est-à-dire vers le Père, que nul ne peut parfaitement connaître, si ce n’est le Fils de Dieu — Personne ne connaît le Père, si ce n'est le Fils, et celui à qui le Fils veut le révéler Mais il faut noter que quiconque sait, par la volonté aimante et l’intelligence, d’où il vient et où il va, ne peut rien dire d’autre que le vrai, car il vient de Dieu et va à Dieu; or Dieu est vérité : combien plus donc le Fils de Dieu, qui sait parfaitement d’où il vient et où il va, dit-il le vrai.
1150. Le Christ montre ici la cause de leur erreur, qui est l’ignorance de sa divinité. En effet, parce qu’ils ignoraient sa divinité, ils jugeaient de lui selon son humanité. Il y avait ainsi en eux une double cause d’erreur : d’une part ils ne connaissaient pas sa divinité, d’autre part ils jugeaient de lui seulement selon son humanité. C’est pourquoi il dit de la première : VOUS NE SAVEZ PAS D’OÙ JE VIENS, c’est-à-dire vous ne savez pas mon éternelle procession du Père, NI OU JE VAIS — Il est véridique, celui qui m’a envoyé et vous ne le connaissez pas — D'où vient donc la sagesse? — Qui racontera sa génération?
En ce qui concerne la seconde cause d’erreur, il dit : VOUS JUGEZ SELON LA CHAIR, c’est-à-dire vous jugez de moi en estimant que je suis seulement chair et non pas Dieu. Ou bien SELON LA CHAIR au sens de : mal et injustement. En effet, de même que vivre selon la chair est mal vivre, de même juger selon la chair est juger injustement
1151. Il montre ici que son témoignage est vrai, et qu’il est faux de dire que lui seul se rend témoignage. Et parce qu’il a été fait mention du jugement, il montre d’abord qu’il n’est pas seul à juger, puisqu’il n’est pas seul à rendre témoignage .
Pour montrer qu’il n’est pas seul à juger, il montre d’abord comment le jugement est différé ; puis il expose la vérité de ce jugement et la raison de sa vérité .
1152. Il expose ici le report du jugement; c’est comme s’il disait : vous me jugez mal, mais MOI JE NE JUGE PERSONNE, car Dieu n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui . — II ne brisera pas le roseau froissé Ou bien JE NE JUGE PERSONNE, c’est-à-dire selon la chair, comme vous, vous jugez — Il ne jugera pas selon ce que voient ses yeux, ni n'accusera selon ce qu'entendent ses oreilles
1153. Cependant un jour je jugerai, parce que le Père a remis tout jugement au Fils Et alors, MON JUGEMENT EST VRAI, c’est-à-dire juste : il jugera dans l’équité l’ensemble de la terre Nous savons que le jugement de Dieu s'exerce selon la vérité En cela est montrée la vérité du jugement.
1154. Il montre enfin la raison de la vérité du jugement lorsqu’il dit : PARCE QUE JE NE SUIS PAS SEUL. Mais ce qu’il dit plus haut — Le Père ne juge personne — doit être compris du Père séparément du Fils, ou bien de ce que le Père n’apparaîtra pas visiblement à tous lors du jugement; et c’est pourquoi il dit JE NE SUIS PAS SEUL, parce que je ne suis pas abandonné par lui; mais je suis en même temps que lui — Je suis dans le Père, et le Père est en moi
Cette parole exclut l’erreur de Sabellius pour qui le Père et le Fils sont une seule personne et ne diffèrent que par le nom. Si cela était, le Christ n’aurait pas dit JE NE SUIS PAS SEUL, MAIS MOI ET CELUI QUI M’A ENVOYÉ; il aurait dit : Je suis le Père, et moi, le même, je suis le Fils. Distinguons donc les personnes, et connaissons le Fils autre que le Père .
1155. Le Christ montre ici qu’il n’est pas seul à rendre témoignage; cependant il ne diffère pas le témoignage, comme il l’a fait pour le jugement.. C’est pourquoi il ne dit pas : "Je ne rends pas témoignage". Il expose d’abord la Loi , puis il conclut ce qu’il a mis en évidence .
1156. Il dit donc : DANS VOTRE LOI, c’est-à-dire celle qui vous a été donnée — Moïse donna une Loi IL EST ECRIT QUE LE TÉMOIGNAGE DE DEUX HOMMES EST VRAI; c’est en effet ce que dit ce texte : C’est de la bouche de deux ou trois témoins que toute parole sera établie .
Mais selon Augustin le fait qu’il dise LE TEMOIGNAGE DE DEUX HOMMES EST VRAI pose une question importante. Il peut en effet arriver que les deux mentent. En effet, la chaste Suzanne était accablée par deux faux témoins, comme on le voit au livre de Daniel Et c’est l’en semble du peuple qui mentit contre le Christ.
Je réponds : il faut comprendre ce qu’il dit — LE TÉMOIGNAGE DE DEUX HOMMES EST VRAI de ce qui doit être tenu pour un jugement vrai. La raison en est que dans les actes humains, on ne peut pas avoir de certitude totale; et c’est pourquoi on reçoit comme pouvant avoir un caractère plus certain ce qui vient d’une multitude de témoins : il est en effet beaucoup moins probable que plusieurs mentent, plutôt qu’un seul — Un fil triple est difficilement rompu .
Néanmoins, ce que dit le Deutéronome — C’est de la bouche de deux ou trois témoins que toute parole sera établie — nous ramène, selon Augustin à la considération de la Trinité, en laquelle se trouve la stabilité perpétuelle de la vérité, d’où provient toute vérité. Mais il dit deux ou trois parce que, dans l’Ecriture Sainte, tantôt trois personnes sont énumérées, tantôt deux, avec lesquelles doit être compris le Saint Esprit, qui est le lien des deux autres
1157. Si donc le témoignage de deux ou trois est vrai, mon témoignage est vrai, parce que MOI, JE ME RENDS TEMOIGNAGE A MOI-MEME, ET IL ME REND TEMOIGNAGE, CEL UI QUI M’A ENVOYE, LE PERE — Moi, j’ai un témoignage plus grand que celui de Jean .
Mais cela ne semble pas correspondre à ce qui est mis en évidence. D’abord parce que, certes, le Père du Fils de Dieu n’est pas un homme; et cependant, le Christ dit : LE TEMOIGNAGE DE DEUX HOMMES EST VRAI – Ensuite, parce qu’on parle de deux témoins de quelqu’un quand ils témoignent au sujet d’un troisième. Mais si l’un des deux témoigne à son propre sujet, il n’y a pas deux témoins. Donc, quand le Christ se rend lui-même témoignage, et pareillement quand le Père témoigne du Christ, il semble qu’il n’y ait pas deux témoins.
Il faut dire que le Christ, encitant ce passage, argumente ici à partir de quelque chose de moindre. Il est manifeste en effet que la vérité de Dieu est plus grande que celle de l’homme. Si donc on croit le témoignage des hommes, combien plus faut-il croire le témoignage de Dieu — Si nous recevons le témoignage des hommes, celui de Dieu est plus grand De plus, il dit cela pour montrer qu’il est consubstantiel au Père et n’a pas besoin d’un témoignage étranger, comme le dit Chrysostome
1158. Le Christ écarte ensuite la question soulevée au sujet du Père .
L’Évangéliste expose d’abord la question des Juifs , puis la réponse du Christ ; enfin, il montre la sécurité dont jouit le Christ en répondant .
1159. La question posée au Christ par les Juifs au sujet du Père était de savoir où il se trouvait : OU EST-IL, TON PERE? Ils croyaient en effet que le Christ avait pour père un homme, comme eux-mêmes en ont un; et parce qu’ils l’avaient entendu dire JE NE SUIS PAS SEUL; MAIS ILY A MOI ET CELUI QUI M’A ENVOYE, LE PERE, alors qu’ils le voyaient seul, ils disent : OU EST-IL, TON PERE? Ou bien il faut dire qu’ils parlent ici avec une certaine ironie, et en l’outrageant, comme s’ils disaient : Pourquoi nous mets-tu souvent ton père en scène? Est-il d’une telle puissance qu’il faille croire grâce à son témoignage? Il est en effet inconnu et de basse naissance. Ils comprenaient cette parole comme se rapportant à Joseph. Cependant, ils n’en ignoraient pas moins le Père — Pourquoi les nations diraient-elles : où donc est leur Dieu?
1160. Mais la réponse du Christ est voilée : JÉSUS REFONDIT : "VOUS NE ME CONNAISSEZ PAS, NI NON PLUS MON PERE. "En effet, parce qu’ils l’interrogeaient non par souci d’apprendre mais avec une mauvaise intention, le Christ ne leur dévoile pas la vérité; mais il montre d’abord leur ignorance, puis il montre comment ils pour raient parvenir à la connaissance de la vérité .
Il montre leur ignorance totale en disant : VO US NE ME CONNAISSEZ PAS, NI NON PLUS MON PERE, autrement dit : vous ne demandez rien au sujet du Père, parce que vous ne me connaissez pas. En effet, puisque vous estimez que je suis un homme, vous cherchez à connaître en mon Père un homme; mais parce que vous ne me reconnaissez pas, vous ne pouvez pas non plus connaître le Père
1161. Cependant il a dit plus haut : Et vous me connaissez, et vous savez d’où je suis Mais il faut dire qu’ils le connaissaient selon Son humanité, mais non selon sa divinité.
Il faut savoir, selon Origène que certains, trouvant dans cette parole l’occasion d’une erreur, dirent que le Père du Christ n’était pas le Dieu de l’Ancien Testament; car lui, les Juifs le connaissaient, selon cette parole : Dieu est connu en Judée .
On peut donner à cela quatre réponses. D’abord, le Seigneur dit que les Juifs ignorent le Père parce qu’ils se conduisent à la manière de ceux qui ne le connaissent pas, dans la mesure où ils ne gardent pas ses commandements. Et cette réponse a trait à l’action. Deuxièmement, ils sont dits ignorer Dieu parce qu’ils n’adhèrent pas à lui spirituellement par l’amour : en effet, celui qui cherche à connaître quelque chose s’y tient attaché. En troisième lieu, parce que bien qu’ils le connussent par la foi, ils n’en avaient cependant pas une pleine connaissance — Dieu, personne ne l’a jamais vu; le Fils unique qui est dans le sein du Père, lui, l'a fait connaître Enfin, parce que dans l’Ancien Testament, le Père s’est fait connaître en tant que Dieu tout-puissant — Moi, je leur suis apparu comme Dieu tout-puissant — et non en tant que Père c’est pourquoi, bien qu’ils le connussent comme Dieu tout-puissant, ils ne le connaissaient cependant pas comme Père du Fils consubstantiel
1162. Il dit [ensuite] qu’il est la voie pour parvenir à la connaissance du Père : SI VOUS ME CONNAISSIEZ, VOUS CONNAITRIEZ PEUT-ETRE AUSSI MON PERE! Autrement dit : parce que moi, caché, je vous parle de mon Père qui est caché, la première chose est que vous connaissiez, et alors VOUS CONNAITRIEZ PEUT-ETRE AUSSI MON PERE! Car le Fils est la voie de la connaissance de ce qui appartient au Père : Si vous me connaissiez, vous connaîtriez aussi mon Père En effet, selon Augustin qu’est-ce que la parole SI VOUS ME CONNAISSIEZ, VOUS CONNAITRIEZ PEUT-ETRE AUSSI MON PERE, si ce n’est : le Père et moi, nous sommes un . Il est courant de dire, quand on voit quel qu’un qui est semblable à un autre : qui voit celui-ci voit l’autre; non cependant que le Père soit le Fils, mais parce que le Fils est semblable au Père.
En outre, il dit PEUT-ETRE pour exprimer non un doute, mais un reproche; comme si tu t’indignais contre ton serviteur et lui disais : "Tu me tiens pour rien? Considère que je suis peut-être ton maître !"
1163. L’Évangéliste montre ici la sécurité dont jouit le Christ en répondant aux Juifs. D’abord à cause du lieu dans lequel il enseignait, parce que c’était dans la salle du Trésor et dans le Temple. "Gaza" est un mot persan qui signifie "richesses", et "phylaxe" signifie "conserver" : donc, gazophylacium est la même chose que "conservation des richesses" Parfois, gazophylacium est employé dans l’Ecriture pour désigner le coffre où l’on conserve les richesses. Et c’est dans ce sens qu’il faut le prendre au deuxième livre des Rois : Joïada le prêtre reprit un coffre, perça un trou dans le couvercle et le posa à côté de l’autel, à droite en entrant dans la Maison du Seigneur, et les prêtres gardiens du seuil y mettaient tout l’argent qu'on apportait à la Maison du Seigneur Mais parfois, ce terme est employé pour désigner la maison où l’on con serve les richesses, et c’est en ce sens qu’il est employé ici.
Ensuite, à cause du fait que ceux qui avaient été envoyés pour se saisir de lui ne purent le faire, parce que lui-même ne le voulait pas : ET PERSONNE NE SE SAISIT DE LUI, PARCE QUE SONHEUREN VENUE, l’heure à laquelle il devait souffrir; une heure non pas fixée par le destin, mais réservée d’avance, depuis toute éternité, par sa propre volonté. C’est pourquoi Augustin dit : "SON HEURE N’ETAIT PAS ENCORE VENUE, non pas celle où il serait contraint de mourir, mais celle à laquelle il jugerait bon d’être mis à mort"
1164. Mais il faut remarquer, avec Origène que chaque fois qu’on désigne un lieu où le Seigneur a fait quelque chose, c’est pour introduire au mystère. Le Christ a donc enseigné dans le Trésor, qui est le lieu des richesses, pour faire comprendre que les monnaies, qui sont les paroles de son enseignement, sont frappées à l’effigie du grand roi. Il faut encore remarquer que lorsqu’il enseignait, PERSONNE NE SE SAISIT DE LUI, parce que ses paroles étaient plus fortes que ceux qui voulaient se saisir de lui : mais quand il voulut être crucifié, il se tut .
Jean, 8, 21-30 – L’EFFET DE LA LUMIÈRE
1165. Après avoir manifesté à son sujet le privilège de la lumière , le Seigneur manifeste ici l’effet de la lumière, qui est de libérer des ténèbres.
Il montre d’abord qu’eux-mêmes sont retenus dans les ténèbres, puis il enseigne le remède par lequel ils pourraient en être libérés .
D’abord le Seigneur prédit son départ ; il montre ensuite le zèle pervers des Juifs , et enfin leur perdition .
1166. Le Seigneur dit ici que son départ se fera par la mort, par où il donne deux choses à entendre : d’abord, qu’il meurt volontairement, c’est-à-dire comme allant de lui-même, et non conduit par un autre — Je vais vers celui qui m’a envoyé — Personne ne m’enlève la vie, mais je la dépose de moi-même Ce passage se rattache donc à juste titre à ce qui pré cède. L’Evangéliste a dit en effet : Personne ne se saisit de lui. Et pourquoi? Parce qu’il s’en va de lui-même, c’est-à-dire volontairement. Ensuite, il montre que sa mort était une sorte de départ vers le lieu d’où il était venu et d’où il ne s’était pas éloigné en effet, de même qu’on passe de quel que part pour aller plus loin, ainsi le Christ, par la mort, est parvenu à la gloire de l’exaltation — Il s'est fait obéissant jus qu'à la mort, et la mort de la croix; c’est pourquoi Dieu l’a exalté… Jésus, sachant (...) qu’il est sorti de Dieu et qu’il s'en va vers Dieu...
1167. Le zèle pervers des Juifs est montré dans leur recherche mensongère du Christ : VOUS ME CHERCHEREZ. Certains en effet cherchent le Christ avec piété et par amour, et cette recherche est source de vie — Cherchez le Seigneur, et votre âme vivra Mais ceux-là le cherchent d’une manière impie, par haine, pour le persécuter — ils me faisaient violence, ceux qui recherchaient mon âme Et aussi, il dit VOUS ME CHERCHEREZ, c’est-à-dire en me poursuivant après ma mort dans ma réputation : Nous nous sommes souvenus que ce séducteur a dit, alors qu'il vivait encore : Après trois jours je ressusciterai et de même dans mes membres : Saul, Sau pourquoi me persécutes-tu?
1168. Et la mort résulte de cette recherche-là; c’est pourquoi il expose ensuite quelle est leur perdition; il la leur annonce en disant ET VOUS MOURREZ DANS VOTRE PECHE. Il annonce d’abord la perdition qui consiste à être condamné à mourir , puis celle qui consiste à être exclu de la gloire .
1169. Il leur dit donc : Parce que vous me cherchez d’une manière fausse, VOUS MOURREZ DANS VOTRE PÉCHÉ c’est-à-dire en y demeurant jusqu’au bout . Ce qui peut être compris d’une première façon, comme s’agissant de la mort corporelle; et ainsi meurt dans ses péchés celui qui y persévère jusqu’à sa mort. Ainsi, en disant VOUS MOURREZ DANS VOS PECHES, il met en évidence leur obstination — Il n'en est pas qui se repente de son péché en disant : qu’ai-je fait? — ils sont descendus aux enfers avec leurs armes .
Cela peut aussi être compris comme s’agissant de la mort du péché, dont il est dit : La mort des pécheurs est très mauvaise . Et de même que la maladie précède la mort corporelle, de même une certaine maladie précède cette mort-là. En effet, aussi longtemps que le péché est guérissable, alors il est comme une maladie — Aie pitié de moi, Seigneur, parce que je suis malade Mais lorsqu’on ne peut plus y remédier, soit de manière absolue, comme après cette vie, soit à cause du péché lui-même, le péché contre l’Esprit Saint, alors il cause la mort : Il y a un péché qui conduit à la mort . Et en ce sens, le Seigneur leur annonce que la maladie de leur péché conduit à la mort
1170. Il montre ici la perdition qui consiste à être exclu de la gloire. Le Seigneur s’en va, et eux aussi s’en vont par la mort; mais le Seigneur s’en va sans péché, eux par contre avec leurs péchés, parce qu’ils meurent dans leur péché, et c’est pourquoi ils ne parviennent pas à la vision dela gloire qui appartient au Père. C’est pourquoi il dit : LA OU MOI JE VAIS de mon propre mouvement par ma Passion, c’est-à-dire vers le Père et vers sa gloire, VOUS, VOUS NE POUVEZ VENIR, parce que vous ne le voulez pas. En effet, s’ils l’avaient voulu, et qu’ils ne l’aient pas pu, il ne leur dirait pas avec raison VOUS MOURREZ DANS VOS PECHES .
1171. Il y a deux raisons pour lesquelles on peut être dans l’impossibilité d’aller là où va le Christ.
Une raison d’opposition, et tel est l’état d’impossibilité des pécheurs : c’est de cela qu’on parle ici. Pour cela, il dit d’une manière absolue à ceux qui persévèrent dans leur péché : LA OU MOI JE VAIS, VOUS, VOUS NE POUVEZ VENIR — L'orgueilleux n'habitera pas au milieu de ma maison — On l’appellera la voie sainte, et nul impie n'y passera — Qui séjournera sous ta tente? Qui se tiendra dans son lieu saint? L'homme aux mains innocentes, au cœur pur
Une raison d’imperfection, ou d’opposition virtuelle, et tel est l’état d’impossibilité des justes, aussi longtemps qu’ils sont dans leur corps — Aussi longtemps que nous sommes dans un corps, nous cheminons loin du Seigneur Et à ces hommes, le Seigneur ne dit pas d’une manière absolue LA OU MOI JE VAIS, VOUS, VOUS NE POUVEZ VENIR, mais il ajoute une détermination dans le temps : Là où je vais, vous ne pouvez me suivre pour le moment .
1172. L’Évangéliste parle ensuite du remède par lequel les Juifs pourraient être libérés des ténèbres. En premier lieu, il expose le remède nécessaire pour échapper aux ténèbres, puis il en montre l’efficacité .
Pour montrer quel est l’unique remède qui doit les tirer des ténèbres, il expose l’occasion des paroles du Christ , puis les paroles qui sont cause de l’action du remède en eux .
Ensuite, l’Evangéliste montrera les raisons de prendre jusqu’au bout ce remède et annoncera enfin le moyen d’y parvenir .
1173. L’occasion des paroles du Christ se fonde sur la personne ou l’intelligence des Juifs. En effet, comme ils étaient soumis à la chair, ils comprenaient les paroles du Seigneur : LA OU MOI JE VAIS, VOUS, VOUS NE POUVEZ VENIR, en fonction de leurs préoccupations terrestres — L’homme naturel ne perçoit pas ce qui est de l’Esprit de Dieu . C’est pour cela que les Juifs disent VA-T-IL DONC SE TUER, ce qui est assurément, selon Augustin une opinion insensée. En effet, pouvaient-ils venir là où le Christ s’en allait s’il s’était tué lui-même? Ils le pouvaient certes, en se donnant eux-mêmes la mort. Ainsi donc, la mort n’était pas le terme vers lequel le Christ s’en allait, mais le chemin par lequel il allait vers le Père. C’est pourquoi le Christ ne dit pas qu’il leur serait impossible d’aller à la mort, mais que par la mort il leur serait impossible d’aller là où, par elle, lui serait exalté, c’est-à-dire à la droite de Dieu.
Mais, selon Origène les Juifs ne disent peut-être pas cela sans raison. Ils savaient en effet, d’après les traditions, que le Christ devait mourir volontairement, comme il l’a dit lui-même : Personne ne m’enlève la vie, mais je la dépose de moi-même . Les Juifs tenaient cela tout particulièrement d’Isaïe : Pour celui qui a livré son me à la mort, je donnerai beaucoup et il partagera le butin des puissants Donc, parce qu’ils se doutaient bien que jésus était le Christ, lorsque celui-ci eut dit : MOI JE M’EN VAIS, ils avancèrent cette opinion, selon laquelle il se livrerait volontairement à la mort. Mais ils le font d’une manière outrageuse, en disant : VA-T-IL DONC SE TUER? Sinon, ils auraient dit : son âme va-t-elle donc s’échapper en abandonnant son corps, quand il lui plaira, ce que nous, nous ne pouvons pas faire? Et c’est pour cela qu’il dit : LA OU MOI JE VAIS, VOUS, VOUS NE POUVEZ VENIR.
1174. Le Christ poursuiten exposant quel est le remède qui doit les libérer des ténèbres; il invoque d’abord son origine, et la leur ; puis il en tire les conclusions pour son propos .
1175. Il distingue son origine de la leur de deux manières. D’abord, lui-même est d’en haut, alors que ceux-là sont d’en bas. Ensuite, ceux-là sont de ce monde, dont le Christ n’est pas. Comme le dit Origène autre chose est d’être d’en bas, autre chose d’être de ce monde; car en haut et en bas sont des différences dans l’ordre du lieu. Donc, de peur que par "en haut", ils n’entendent qu’il est d’une partie supérieure de ce monde, le Christ dit qu’il n’est pas de ce monde. Cela revient à dire : je suis d’en haut, d’une façon telle que je suis totalement au-delà de ce monde.
1176. Certes, il est manifeste qu’eux sont de ce monde et d’en bas. Par contre, que le Christ soit d’en haut, et non de ce monde, il faut bien comprendre en quel sens.
En effet certains, comme les Manichéens émettant la théorie selon laquelle toutes les réalités visibles sont créées par le diable, dirent que le Christ, même quant à son corps, n’est pas de ce monde visible, mais du monde d’une autre création, le monde invisible. Valentin aussi, prenant cette parole d’une manière erronée, a dit que le Christ avait assumé un corps céleste. Mais ici il est clair que cela n’est pas la vraie compréhension, parce que le Seigneur dit aux Apôtres eux-mêmes : Vous n’êtes pas de ce monde Il faut donc dire que cette parole peut être entendue du Christ en tant que Fils de Dieu, et en tant qu’homme En effet le Christ, en tant que Fils de Dieu, est d’EN HAUT : Je suis sorti du Père, et je suis venu dans le monde Et de cette manière, il n’est pas de ce monde sensible, qui est celui des réalités sensibles; mais il est du monde spirituel, qui est dans la pensée de Dieu, parce qu’il est lui-même le Verbe de Dieu, en tant qu’il est la sagesse souveraine. En effet tout a été créé dans la sagesse c’est pourquoi il est dit du Christ : Le monde a été fait par lui .
En tant qu’il est homme, le Christ est d’en haut parce qu’il n’était pas attiré vers les choses de ce monde et les réalités les plus basses, mais vers celles d’en haut, dans lesquelles son âme demeurait — Notre conversation est dans les cieux. — Là où est ton trésor, là aussi est ton cœur Au contraire ceux qui sont d’en bas ont l’origine la plus basse, et sont de ce monde parce qu’ils attachent leur cœur aux réalités terrestres — Le premier homme, tiré de la terre, est terrestre .
1177.Le Christ conclut ici son propos : il explicite d’abord ce qu’il a dit au sujet de leur perdition , puis il leur montre le remède .
1178. Il faut savoir, à propos du premier point, que toute chose, dans son développement, suit la condition de son origine; ainsi les réalités qui ont une origine inférieure, si elles sont laissées à elles-mêmes, tendent naturellement vers le bas. Et rien ne tend naturellement vers le haut, si ce n’est ce qui a son origine en haut — Personne n'est monté au ciel, si ce n'est celui qui est descendu du ciel Le Seigneur dit donc : Voici la raison pour laquelle LA OU MOI JE VAIS, VOUS, VOUS NE POUVEZ VENIR : comme vous êtes d’en bas, par vous-mêmes vous ne pouvez que tomber; ce que j’ai dit : VOUS MOURREZ DANS VOS PECHES, est donc vrai, à moins que vous n’adhériez à moi.
1179. Pour ne pas exclure totalement l’espérance du salut le Christ expose quel est le remède en disant : SI EN EFFET VOUS NE CROYEZ PAS QUE MOI JE SUIS, VOUS MOURREZ DANS VOTRE PECHE; autrement dit : vous êtes nés dans le péché originel, dont vous ne pouvez être purifiés si ce n’est par la foi en moi, parce que SI VOUS NE CROYEZ PAS QUE MOI JE SUIS, VOUS MOURREZ. Et il dit SI VOUS NE CROYEZ PAS QUE MOI JE SUIS, et non pas "si vous ne croyez pas ce que je suis", pour rappeler ce qui a été dit à Moïse : Je suis celui qui suis car être soi-même son être est le propre de Dieu. En effet, dans toute autre nature que la nature divine, l’être diffère de ce qui est, puisque toute nature créée participe son être de celui qui est "ce qui existe par sa propre essence", c’est-à-dire de Dieu lui-même, qui est à lui-même son être, de telle manière que son essence est son être. C’est pourquoi lui seul se dénomme par l’être C’est pour cela que le Christ dit SI VOUS NE CROYEZ PAS QUE MOI JE SUIS, c’est-à-dire que je suis vraiment Dieu, qui a l’être par essence, VOUS MOURREZ DANS VOTRE PECHE.
II dit aussi QUE MOI JE SUIS pour montrer son éternité. En effet, dans toutes les réalités qui commencent, il y a une capacité de changement et une puissance au non-être, et par conséquent un passé et un futur : et pour cela, il n’y a pas en elles l’être véritable, c’est-à-dire par soi Mais en Dieu, il n’y a aucune puissance au non-être, ni un être qui commence, et c’est pourquoi il est à soi-même son être, ce qui est désigné proprement par le temps présent .
LES RAISONS CONDUISANT À LA FOI
1180. Ici, l’Évangéliste donne les raisons conduisant à la foi; il expose d’abord l’interrogation des Juifs , puis la réponse du Christ ; enfin, il montre l’aveuglement de leur intelligence .
1181. Parce que le Seigneur leur avait dit : SI VOUS NE CROYEZ PAS QUE MOI JE SUIS, il restait encore à demander qui il était; aussi lui disaient-ils TOI, QUI ES-TU? — Le pauvre a parlé et ils disent : qui es-tu? Autrement dit : d’où es-tu, pour que nous devions te croire?
1182. Et lorsqu’il dit : LE PRINCIPE, MOI QUI VOUS PARLE le Christ répond à leur interrogation en les amenant à croire; d’abord par la sublimité de sa nature , ensuite par son autorité en matière de justice , enfin par la vérité du Père .
LE PRINCIPE, MOI QUI VOUS PARLE.
1183. Certes, la sublimité de sa nature les conduit à croire au Christ, car lui-même est le principe. En latin, le mot principium est du genre neutre : il y a donc un doute pour savoir, s’il est ici au nominatif ou à l’accusatif Mais en grec, ce mot est du genre féminin, et à cet endroit, il est à l’accusatif. C’est pourquoi, selon Augustin il ne faut pas lire "Je suis principe", mais "Croyez-moi principe", pour ne pas mourir dans vos péchés.
Le Père aussi est dit principe. Certes, d’une première manière, le nom de principe est commun au Père et au Fils, en tant qu’ils sont un seul principe du Saint-Esprit par la spiration et les trois personnes sont en même temps, par la création, principe des créatures. D’une autre manière, le nom de principe est propre au Père, en tant que le Père est principe du Fils par la génération éternelle. Cependant, nous ne disons pas qu’il y a plusieurs principes, de même que nous ne disons pas non plus qu’il y a plusieurs dieux — A toi le principe au jour de ta puissance Ici, le Seigneur dit qu’il est principe par rapport à l’ensemble de la création : car ce qui est quelque chose par essence est principe et cause des réalités qui le sont par participation. Or lui-même est par essence, comme nous l’avons dit .
Mais parce que le Christ n’a pas seulement en lui la nature divine, mais aussi la nature humaine, il ajoute : MOI QUI VOUS PARLE. En effet, l’homme ne peut supporter directement la voix de Dieu, parce que, selon Augustin "les cœurs faibles ne peuvent entendre un verbe spirituel sans une voix sensible" C’est pourquoi il est dit : Qui est l’homme, pour entendre la voix du Seigneur son Dieu? Donc, pour que nous l’entendions directement, le Verbe divin a assumé la chair, comme instrument pour nous parler; c’est pourquoi il dit : MOI QUI VOUS PARLE, c’est-à-dire moi qui, m’étant fait humble à cause de vous, suis descendu jusqu’à vos pauvres paroles — Après avoir à bien des reprises et de bien des manières parlé jadis à nos pères par les prophètes, Dieu, en ces temps qui sont les derniers, nous a parlé par le Fils — Le Fils unique qui est dans le sein du Père, lui l’a fait connaître à vous.
1184. Ou bien, d’une autre manière, selon Chrysostome il dit LE PRINCIPE afin de blâmer la lenteur d’esprit des Juifs. Car, encore endurcis après les nombreux signes qu’ils l’avaient vu accomplir, ils demandent au Seigneur : TOI, QUI ES-TU? Et c’est pourquoi Jésus répond MOI JE SUIS LE PRINCIPE, moi qui vous ai parlé dès le commencement (a principio); autrement dit : vous n’avez pas besoin de continuer à chercher qui je suis, puisque cela devrait déjà être manifeste — Alors qu'avec le temps vous devriez être devenus des maîtres des docteurs, vous avez encore besoin qu’on vous enseigne les premiers éléments des paroles de Dieu
1185. En second lieu, l’autorité du Christ en matière de justice les conduire à croire en lui; J’AI BEAUCOUP A DIRE SUR VOUS, ET A JUGER; autrement dit : j’ai l’autorité pour vous juger.
Mais il faut savoir qu’autre chose est de nous parler, autre chose de parler à notre sujet. En effet, le Christ nous parle pour notre bien, c’est-à-dire pour nous attirer à lui; ainsi, tant que nous vivons, il nous parle en prêchant, en nous inspirant, et par des moyens de cette sorte. Et il parle à notre sujet, non pour notre bien, mais pour que soit manifestée sa justice; et c’est de cette façon qu’il parlera de nous au jugement futur; c’est dans ce sens-là qu’est pris ici J’AI BEAUCOUP A DIRE SUR VOUS.
1186. On lit cependant plus haut : Dieu n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde À cela je réponds : autre chose est de juger, autre chose de pouvoir juger. Juger exprime l’acte du jugement; et cela ne convient pas au premier avènement du Seigneur, comme il l’a dit plus haut : Moi, je ne juge personne c’est-à-dire au moment présent. Mais pouvoir juger exprime seulement la puissance de juger; et le Christ la possède : Le Père a remis tout jugement au Fils lui qui a été établi par Dieu juge des vivants et des morts Et c’est pourquoi il dit expressément : J’AI BEAUCOUP A DIRE SUR VOUS, ET A JUGER, mais lors du jugement à venir
1187. La vérité du Père aussi amène à croire au Christ; MAIS CELUI QUI M’A ENVOYE EST VERIDIQUE; autrement dit : le Père est véridique; or moi, je parle en harmonie avec lui; donc je dis des choses vraies, donc vous devez me croire. Il dit donc : CELUI QUI M’A ENVOYE, le Père, EST VERIDIQUE, non par participation, mais il est l’essence même de la vérité, et le Père de la vérité; autrement, le Fils, puisqu’il est la vérité elle-même, serait plus grand que le Père — Or Dieu est véridique MOI, CE QUE J’AI ENTENDU DE LUI, non en l’entendant d’une manière sensible, mais en recevant de lui la connaissance par la génération éternelle, C’EST CE QUE JE DIS DANS LE MONDE. Il est dit au livre d’Isaïe aïe : Ce que j’ai entendu du Seigneur des armées, le Dieu d’Israël, je vous l’ai annoncé Et le Fils ne peut rien faire de lui-même si ce n’est ce qu’il a vu faire au Père
1188. Cette parole : CELUI QUI M’A ENVOYÉ EST VERIDIQUE peut se rattacher à ce qui précède de deux manières. Ou bien ainsi : je dis que J’AI SUR VOUS À JUGER, mais mon jugement sera vrai, parce que celui qui m’a envoyé est vérité — Le jugement de Dieu est selon la vérité
Ou bien d’une autre manière, selon Chrysostome je dis que J’AI SUR VOUS A JUGER, mais je le diffère, non par impuissance, mais pour obéir à la volonté du Père; car CELUI QUI M’A ENVOYE EST VERIDIQUE. C’est pour quoi, comme il a promis d’envoyer un sauveur et un défenseur, il m’envoie maintenant pour sauver; et moi, c’est parce que je ne dis que ce que j’ai entendu de lui, que je vous dis des paroles de salut.
1189. En disant cela, l’Évangéliste blâme la lenteur d’intelligence des Juifs; en effet, ils n’avaient pas encore les yeux du cœur ouverts, par lesquels ils auraient saisi l’égalité du Père et du Fils et cela, parce qu’ils étaient soumis à la chair : L'homme naturel ne perçoit pas ce qui est de l'Esprit de Dieu
LE MOYEN POUR PARVENIR À LA FOI –
1190. Ici, le Christ annonce d’abord le moyen par lequel les Juifs doivent parvenir à la foi, moyen qui est le remède sauvant de la mort. En premier lieu, il montre par quoi ils doivent venir à la foi , puis il enseigne ce qu’on doit croire de lui-même .
1191. Il dit donc qu’ils doivent parvenir à la foi par sa Passion : QUAND VOUS AUREZ ELEVE LE FILS DE L'HOMME, ce qui revient à dire : maintenant, vous ne con naissez pas que mon Père est Dieu; mais QUAND VOUS AUREZ ELE VE LE FILS DE L’HOMME, c’est-à-dire quand vous m’aurez attaché au bois de la croix, alors VOUS CONNAITREZ..., c’est-à-dire certains d’entre vous connaîtront par la foi — Quand j’aurai été élevé de terre, j’attirerai tout à moi Selon Augustin, il mentionne la Passion de la croix pour donner l’espérance aux pécheurs, c’est-à-dire pour que personne, quelque crime qu’il ait commis, ne désespère par mauvaise conscience de lui-même, alors que ceux-là même qui ont crucifié le Christ sont libérés de leurs péchés par son sang Car il n’existe aucun pécheur qui le soit au point de ne pouvoir être libéré par le sang du Christ.
Ou bien, selon Chrysostome QUAND VOUS AUREZ ELEVE LE FILS DE L’HOMME, c’est-à-dire sur la croix, alors VOUS CONNAITREZ, c’est-à-dire vous pourrez connaître ce que je suis, non seulement par la gloire de ma Résurrection, mais aussi par le châtiment de votre captivité et de votre ruine.
1192. En ce qui concerne ce qu’on doit croire de lui, il enseigne trois choses; d’abord, la majesté de la divinité, puis son origine à partir du Père, enfin son union indissoluble avec le Père.
Il enseigne la majesté de la divinité en disant : MOI JE SUIS; c’est-à-dire, j’ai en moi la nature de Dieu, et je suis celui-là même qui a parlé à Moïse en disant : Moi je suis celui qui suis
Mais parce que l’être subsistant appartient à toute la Trinité, pour ne pas exclure la distinction des personnes il enseigne ensuite aux Juifs la foi en son origine à partir du Père en disant : ETDE MOI-MEME JE NE FAIS RIEN, MAIS COMME LE PERE M’A ENSEIGNE, C’EST CELA QUE JE DIS. Mais du fait que depuis le début il a réalisé des œuvres et a enseigné Jésus montre son origine à partir du Père, d’une part dans ce qu’il réalise, ET DE MOI-MEME JE NE FAIS RIEN — Le Fils ne peut rien faire de lui-même et d’autre part dans ce qu’il enseigne : MAIS COMME LE PERE M’A ENSEIGNE, c’est-à-dire m’a donné la science en m’engendrant dans la connaissance. Parce que la nature de la vérité est simple, pour le Fils c’est la même chose de connaître et d’être; et ainsi, de même que le Père, en l’engendrant, a donné au Fils d’être, de même, en l’engendrant, il lui a donné de connaître — Mon enseignement n'est pas le mien
Et pour qu’on ne comprenne pas qu’il a été envoyé d’auprès du Père comme s’il était distinct de lui, en troisième lieu il enseigne la foi en son union indissoluble avec le Père en disant : ET CELUI QUI M’A ENVOYE, c’est-à-dire le Père, EST AVEC MOI, d’une part par l’unité d’essence — Moi je suis dans le Père, et le Père est en moi -, d’autre part par une union d’amour — Le Père aime le Fils, et il lui montre tout ce qu’il fait Ainsi, le Père a envoyé le Fils de telle manière qu’il ne s’est pas éloigné de lui : ET IL NE M’A PAS LAISSE SEUL, parce que son amour m’enveloppe. Mais bien que dule point de vue de l’être les deux soient inséparables, l’un cependant est envoyé (missus), et l’autre envoie : car l’Incarnation est une mission, et elle appartient seulement au Fils, et non au Père
ET IL NE M’A PAS LAISSÉ SEUL; Jésus le manifeste parun signe : PARCE QUE MOI, CE QUI LUI PLAIT, JE LE FAIS TOUJOURS. Cela n’est pas dit comme étant une cause de mérite, mais à titre de signe; cela revient à dire : le fait que moi JE FAIS TOUJOURS, sans commencement ni fin, CE QUI LUI PLAIT, est le signe qu’il est toujours avec moi et qu’il ne m’a pas laissé — J’étais avec lui, disposant toutes choses Ou bien, d’une autre manière, IL NE M’A PAS LAISSE SEUL, c’est-à-dire en tant qu’homme, me protégeant PARCE QUE MOI, CE QUI LUI PLAIT, JE LE FAIS TOUJOURS. Et selon cette interprétation, ces paroles sont à entendre comme une cause de mérite.
1193. L’Évangéliste expose ici l’effet de l’enseignement; ceux qui doutent se convertissent à la foi parce qu’ils ont entendu l’enseignement du Christ : La foi vient de ce qu’on entend, et on entend par une parole du Christ
A. SA RÉVÉLATION DE NOUVEAU
A propos de la puissance illuminative elle-même, il pré sente d’abord le privilège de la lumière spirituelle, puis son effet , enfin son fruit .
1141. L’Évangéliste parle du privilège de la lumière spi rituelle comme appartenant au Christ, qui est la lumière : DE NOUVEAU DONC, JESUS LEUR PARLA EN DISANT : MOI JE SUIS LA LUMIERE DU MONDE. Cela peut d’une certaine manière être rattaché à ce qui a été dit juste avant. En effet, parce qu’il a dit moi non plus je ne te condamnerai pas, la déliant de son péché, il daigne, pour que personne ne puisse douter que lui-même peut pardonner et remettre les péchés, faire voir plus clairement la puissance de sa divinité en disant qu’il est la lumière qui repousse les ténèbres du péché .
Cela peut, d’une autre manière, être rattaché à ce qui a été dit plus haut : Scrute les Ecritures, et vois que de la Galilée il ne surgit pas de prophète . En effet, parce qu’ils le prenaient pour un homme de Galilée, ils refusaient son enseignement, comme si le Christ était dépendant d’un lieu déterminé; c’est pourquoi le Seigneur montre qu’il est la lumière universelle du monde entier, en disant MOI JE SUIS LA LUMIERE DU MONDE, et non de la Galilée, ni de la Pales tine, ni de la Judée .
1142. Les Manichéens comme le dit Augustin comprenaient cette parole d’une manière fausse. En effet, parce que leur vision était seulement celle des choses sensibles, ils ne supportaient pas de s’étendre aux réalités intellectuelles et spirituelles, et croyaient qu’il n’y a rien dans la nature au-dessus des réalités corporelles c’est pourquoi ils disaient que Dieu est un corps, et une certaine lumière infinie, et ils prétendaient que le Christ Seigneur est le soleil visible aux yeux de la chair; et à cause de cela lui-même a dit : MOI JE SUIS LA LUMIERE DU MONDE.
Mais cela ne peut tenir, et l’Église catholique condamne une telle fiction. Car le soleil corporel est la lumière que les sens peuvent atteindre, et c’est pourquoi il n’est pas la lumière suprême; mais cette lumière suprême est celle que l’intelligence touche, qui est la lumière spirituelle, propre à la créature spirituelle Le Christ dit ici de cette lumière : MOI JE SUIS LA LUMIERE DU MONDE. C’est d’elle qu’il avait été dit plus haut : Il était la lumière, la vraie, qui illumine tout homme venant en ce monde
Mais la lumière sensible est une certaine image de cette lumière par excellence, la lumière spirituelle : car tout sensible est pour ainsi dire quelque chose de particulier, et les intelligibles sont en quelque sorte des réalités universelles. Or de même que cette faible lumière particulière a un effet dans la réalité vue en tant qu’elle rend les couleurs visibles en acte, et aussi dans celui qui voit, car par elle l’œil est amené à la vision, de même, cette lumière spirituelle rend l’intellect connaissant enacte, parce que tout ce qu’il y a de lumière dans la créature spirituelle est dérivé tout entier de cette lumière suprême elle-même, qui illumine tout homme venant en ce monde De même, elle rend toutes les réalités intelligibles en acte, en tant que proviennent d’elle toutes les formes, qui donnent aux réalités d’être connues, comme toutes les formes des réalités artificielles proviennent de l’art et de la raison de l’artisan — Combien magnifique sont tes œuvres, Seigneur, tu les fis toutes avec sagesse... . Et c’est pour quoi il dit très justement : MOI JE SUIS LA LUMIERE DU MONDE, non pas le soleil qui a été fait, mais celui par qui il a été fait. Cependant, comme le dit Augustin ; il est la lumière qui a fait le soleil, apparue sous le soleil, et qui a été cachée sous un voile de chair, non pour être obscurcie mais pour être atténuée.
1143. Par cette parole est aussi repoussée l’hérésie de Nestorius , qui dit que le Fils de Dieu était uni à l’homme seulement par inhabitation. Il est clair en effet que celui qui disait MOIJE SUIS LA LUMIERE DUMONDE était homme. Si donc celui qui par lait et semblait être un homme n’avait pas été dans sa personne le Fils de Dieu, il n’aurait pas dit : MOI JE SUIS LA LUMIERE DU MONDE, mais "en moi habite la lumière du monde". Il était donc, dans la même personne, et homme, et Fils de Dieu, et lumière du monde.
1144. L’effet de cette lumière est de repousser les ténèbres : CELUI QUI ME SUIT NE MARCHE PAS DANS LES TENEBRES. Et parce que cette lumière est universelle, elle repousse universellement toutes les ténèbres
Or il y a trois sortes de ténèbres. D’abord celles de l’ignorance — ils n'ont ni savoir ni intelligence; ils marchent dans les ténèbres . Ces ténèbres sont celles de la raison en elle-même, en tant qu’elle est voilée par elle-même. Il y a aussi celles de la faute — Autrefois vous étiez ténèbres, mais à présent vous êtes lumière dans le Seigneur et ces ténèbres sont celles de la raison humaine non en elle-même, mais liée à l’appétit, en tant que celui-ci, mal disposé par les passions ou l’habitude, cherche à atteindre comme un bien quelque chose qui n’est pas vraiment un bien. Il y a enfin les ténèbres de la damnation éternelle — Jetez le serviteur inutile dans les ténèbres du dehors . Les deux premières sortes de ténèbres se trouvent en cette vie; quant aux dernières, elles se trouvent au terme du chemin. Donc, CELUI QUI ME SUIT NE MARCHE PAS DANS LES TENEBRES, c’est-à-dire dans les ténèbres de l’ignorance, car moi je suis la vérité, ni dans celles de la faute, car moi je suis le chemin, ni dans celles de la dam nation, car moi je suis la vie .
1145. L’Évangéliste poursuit en montrant quel est le fruit de l’enseignement : IL AURA LA LUMIERE DE LA VIE en effet, qui a cette lumière est en dehors des ténèbres de la damnation.
Mais il dit CELUI QUI ME SUIT, parce qu’il est nécessaire à quiconque ne veut pas errer dans les ténèbres de suivre celui qui porte la lumière; ainsi, il faut que quiconque veut être sauvé suive le Christ, qui est la lumière, en croyant en lui et en l’aimant; et c’est ainsi que les Apôtres l’ont suivi — Eux, laissant là leurs filets, le suivirent Mais parce que la lumière sensible peut faire défaut en déclinant, il arrive que celui qui la suit tombe dans les ténèbres. En revanche, cette lumière-là, qui ne connaît pas de déclin ne fait jamais défaut; c’est pourquoi celui qui la suit a la lumière inépuisable, c’est-à-dire la lumière DE LA VIE. En effet, la lumière visible ne donne pas la vie, mais assiste de l’extérieur les opérations de la vie sensible; tandis que cette autre lumière donne la vie, parce que nous vivons en tant que nous avons l’intelligence, qui est une certaine participation de cette lumière par excellence. Or lorsque cette lumière rayonnera parfaitement, nous aurons la vie en plénitude — Auprès de toi est la source de la vie, et dans ta lumière nous verrons la lumière autrement dit : alors nous aurons la vie elle-même en perfection, quand, de notre propre vue, nous verrons la lumière elle-même C’est pourquoi il est dit : La vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi le seul vrai Dieu et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ.
Mais notons que cette parole : CELUI QUI ME SUIT se rapporte au mérite, tandis que celle-ci : IL AURA LA LUMIERE DE LA VIE, a trait à la récompense .
B. SA MANIFESTATION
1146. L’Évangéliste met ensuite en lumière les trois affirmations du Christ à son propre sujet .
LE PRIVILÈGE DE LA LUMIÈRE SPIRITUELLE
La première est MOI JE SUIS LA LUMIÈRE DU MONDE, ce qui troublait les Juifs, et c’est pourquoi l'Evangéliste expose d’abord l’objection des Juifs, puis la réfuta tion de leur objection par le Christ, manifestant la vérité de sa parole .
1147. En ce qui concerne l’objection des Juifs, il est manifeste que ce qu’il a dit dans le Temple, il l’a dit sous le regard des foules, tandis qu’ici, c’est en présence des Pharisiens. Et c’est pourquoi LES PHARISIENS eux-mêmes lui ont dit : TU TE RENDS TEMOIGNAGE A TOl-MEME; TON TÉMOIGNAGE N’EST PAS VRAI – Autrement dit : du fait même que tu témoignes pour toi-même, ton témoignage n’est pas vrai.
Chez les hommes, il n’est en effet ni bienvenu ni convenable qu’un homme se loue lui-même — Qu’un autre te loue, et non ta propre bouche — ; car on n’est pas rendu recommandable en se louant soi-même, mais seulement si on est recommandé par Dieu — Ce n'est pas celui qui se recommande lui-même qui est un homme éprouvé; c’est celui que le Seigneur recommande -, parce que seul Dieu le connaît parfaitement. Or nul ne peut assez recommander Dieu, si ce n’est lui-même, et c’est pourquoi il convient que lui-même rende témoignage à son propre sujet, et même au sujet des hommes — Voici dans le ciel mon témoin Et c’est pourquoi les Juifs étaient surpris.
1148. Le Seigneur repousse d’abord leur objection par l’autorité du Père, puis écarte l’objection apparue au sujet du Père .
Or l’objection des Juifs était apparue à la suite d’un certain raisonnement. C’est pourquoi il montre tout d’abord que leur raisonnement ne tient pas, puis il prouve que son témoignage est vrai .
Pour montrer que leur raisonnement ne tient pas, il en montre d’abord la fausseté , puis il ajoute la cause de leur erreur .
1149. Leur raisonnement était celui-ci : du fait que le Christ se rendait témoignage à lui-même, son témoignage n’était pas vrai. Mais le Seigneur dit le contraire, à savoir que c’est pour cela qu’il est vrai. JESUS REPONDIT ET LEUR DIT : MEME SI MOI JE ME RENDS TEMOIGNAGE A MOI-MEME, VRAI EST MON TEMOIGNAGE, et ceci parce que JE SAIS D’OÙ JE SUIS VENU, ET OU JE VAIS. C’est comme s’il disait, selon Chrysostome parce que je suis de Dieu, je suis Dieu, et je suis le Fils de Dieu. Mais Dieu est véridique, comme il est écrit .
Il dit : JE SAIS D’OÙ JE SUIS VENU, c’est-à-dire je con nais mon principe, ET OU JE VAIS, c’est-à-dire vers le Père, que nul ne peut parfaitement connaître, si ce n’est le Fils de Dieu — Personne ne connaît le Père, si ce n'est le Fils, et celui à qui le Fils veut le révéler Mais il faut noter que quiconque sait, par la volonté aimante et l’intelligence, d’où il vient et où il va, ne peut rien dire d’autre que le vrai, car il vient de Dieu et va à Dieu; or Dieu est vérité : combien plus donc le Fils de Dieu, qui sait parfaitement d’où il vient et où il va, dit-il le vrai.
1150. Le Christ montre ici la cause de leur erreur, qui est l’ignorance de sa divinité. En effet, parce qu’ils ignoraient sa divinité, ils jugeaient de lui selon son humanité. Il y avait ainsi en eux une double cause d’erreur : d’une part ils ne connaissaient pas sa divinité, d’autre part ils jugeaient de lui seulement selon son humanité. C’est pourquoi il dit de la première : VOUS NE SAVEZ PAS D’OÙ JE VIENS, c’est-à-dire vous ne savez pas mon éternelle procession du Père, NI OU JE VAIS — Il est véridique, celui qui m’a envoyé et vous ne le connaissez pas — D'où vient donc la sagesse? — Qui racontera sa génération?
En ce qui concerne la seconde cause d’erreur, il dit : VOUS JUGEZ SELON LA CHAIR, c’est-à-dire vous jugez de moi en estimant que je suis seulement chair et non pas Dieu. Ou bien SELON LA CHAIR au sens de : mal et injustement. En effet, de même que vivre selon la chair est mal vivre, de même juger selon la chair est juger injustement
1151. Il montre ici que son témoignage est vrai, et qu’il est faux de dire que lui seul se rend témoignage. Et parce qu’il a été fait mention du jugement, il montre d’abord qu’il n’est pas seul à juger, puisqu’il n’est pas seul à rendre témoignage .
Pour montrer qu’il n’est pas seul à juger, il montre d’abord comment le jugement est différé ; puis il expose la vérité de ce jugement et la raison de sa vérité .
1152. Il expose ici le report du jugement; c’est comme s’il disait : vous me jugez mal, mais MOI JE NE JUGE PERSONNE, car Dieu n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui . — II ne brisera pas le roseau froissé Ou bien JE NE JUGE PERSONNE, c’est-à-dire selon la chair, comme vous, vous jugez — Il ne jugera pas selon ce que voient ses yeux, ni n'accusera selon ce qu'entendent ses oreilles
1153. Cependant un jour je jugerai, parce que le Père a remis tout jugement au Fils Et alors, MON JUGEMENT EST VRAI, c’est-à-dire juste : il jugera dans l’équité l’ensemble de la terre Nous savons que le jugement de Dieu s'exerce selon la vérité En cela est montrée la vérité du jugement.
1154. Il montre enfin la raison de la vérité du jugement lorsqu’il dit : PARCE QUE JE NE SUIS PAS SEUL. Mais ce qu’il dit plus haut — Le Père ne juge personne — doit être compris du Père séparément du Fils, ou bien de ce que le Père n’apparaîtra pas visiblement à tous lors du jugement; et c’est pourquoi il dit JE NE SUIS PAS SEUL, parce que je ne suis pas abandonné par lui; mais je suis en même temps que lui — Je suis dans le Père, et le Père est en moi
Cette parole exclut l’erreur de Sabellius pour qui le Père et le Fils sont une seule personne et ne diffèrent que par le nom. Si cela était, le Christ n’aurait pas dit JE NE SUIS PAS SEUL, MAIS MOI ET CELUI QUI M’A ENVOYÉ; il aurait dit : Je suis le Père, et moi, le même, je suis le Fils. Distinguons donc les personnes, et connaissons le Fils autre que le Père .
1155. Le Christ montre ici qu’il n’est pas seul à rendre témoignage; cependant il ne diffère pas le témoignage, comme il l’a fait pour le jugement.. C’est pourquoi il ne dit pas : "Je ne rends pas témoignage". Il expose d’abord la Loi , puis il conclut ce qu’il a mis en évidence .
1156. Il dit donc : DANS VOTRE LOI, c’est-à-dire celle qui vous a été donnée — Moïse donna une Loi IL EST ECRIT QUE LE TÉMOIGNAGE DE DEUX HOMMES EST VRAI; c’est en effet ce que dit ce texte : C’est de la bouche de deux ou trois témoins que toute parole sera établie .
Mais selon Augustin le fait qu’il dise LE TEMOIGNAGE DE DEUX HOMMES EST VRAI pose une question importante. Il peut en effet arriver que les deux mentent. En effet, la chaste Suzanne était accablée par deux faux témoins, comme on le voit au livre de Daniel Et c’est l’en semble du peuple qui mentit contre le Christ.
Je réponds : il faut comprendre ce qu’il dit — LE TÉMOIGNAGE DE DEUX HOMMES EST VRAI de ce qui doit être tenu pour un jugement vrai. La raison en est que dans les actes humains, on ne peut pas avoir de certitude totale; et c’est pourquoi on reçoit comme pouvant avoir un caractère plus certain ce qui vient d’une multitude de témoins : il est en effet beaucoup moins probable que plusieurs mentent, plutôt qu’un seul — Un fil triple est difficilement rompu .
Néanmoins, ce que dit le Deutéronome — C’est de la bouche de deux ou trois témoins que toute parole sera établie — nous ramène, selon Augustin à la considération de la Trinité, en laquelle se trouve la stabilité perpétuelle de la vérité, d’où provient toute vérité. Mais il dit deux ou trois parce que, dans l’Ecriture Sainte, tantôt trois personnes sont énumérées, tantôt deux, avec lesquelles doit être compris le Saint Esprit, qui est le lien des deux autres
1157. Si donc le témoignage de deux ou trois est vrai, mon témoignage est vrai, parce que MOI, JE ME RENDS TEMOIGNAGE A MOI-MEME, ET IL ME REND TEMOIGNAGE, CEL UI QUI M’A ENVOYE, LE PERE — Moi, j’ai un témoignage plus grand que celui de Jean .
Mais cela ne semble pas correspondre à ce qui est mis en évidence. D’abord parce que, certes, le Père du Fils de Dieu n’est pas un homme; et cependant, le Christ dit : LE TEMOIGNAGE DE DEUX HOMMES EST VRAI – Ensuite, parce qu’on parle de deux témoins de quelqu’un quand ils témoignent au sujet d’un troisième. Mais si l’un des deux témoigne à son propre sujet, il n’y a pas deux témoins. Donc, quand le Christ se rend lui-même témoignage, et pareillement quand le Père témoigne du Christ, il semble qu’il n’y ait pas deux témoins.
Il faut dire que le Christ, encitant ce passage, argumente ici à partir de quelque chose de moindre. Il est manifeste en effet que la vérité de Dieu est plus grande que celle de l’homme. Si donc on croit le témoignage des hommes, combien plus faut-il croire le témoignage de Dieu — Si nous recevons le témoignage des hommes, celui de Dieu est plus grand De plus, il dit cela pour montrer qu’il est consubstantiel au Père et n’a pas besoin d’un témoignage étranger, comme le dit Chrysostome
1158. Le Christ écarte ensuite la question soulevée au sujet du Père .
L’Évangéliste expose d’abord la question des Juifs , puis la réponse du Christ ; enfin, il montre la sécurité dont jouit le Christ en répondant .
1159. La question posée au Christ par les Juifs au sujet du Père était de savoir où il se trouvait : OU EST-IL, TON PERE? Ils croyaient en effet que le Christ avait pour père un homme, comme eux-mêmes en ont un; et parce qu’ils l’avaient entendu dire JE NE SUIS PAS SEUL; MAIS ILY A MOI ET CELUI QUI M’A ENVOYE, LE PERE, alors qu’ils le voyaient seul, ils disent : OU EST-IL, TON PERE? Ou bien il faut dire qu’ils parlent ici avec une certaine ironie, et en l’outrageant, comme s’ils disaient : Pourquoi nous mets-tu souvent ton père en scène? Est-il d’une telle puissance qu’il faille croire grâce à son témoignage? Il est en effet inconnu et de basse naissance. Ils comprenaient cette parole comme se rapportant à Joseph. Cependant, ils n’en ignoraient pas moins le Père — Pourquoi les nations diraient-elles : où donc est leur Dieu?
1160. Mais la réponse du Christ est voilée : JÉSUS REFONDIT : "VOUS NE ME CONNAISSEZ PAS, NI NON PLUS MON PERE. "En effet, parce qu’ils l’interrogeaient non par souci d’apprendre mais avec une mauvaise intention, le Christ ne leur dévoile pas la vérité; mais il montre d’abord leur ignorance, puis il montre comment ils pour raient parvenir à la connaissance de la vérité .
Il montre leur ignorance totale en disant : VO US NE ME CONNAISSEZ PAS, NI NON PLUS MON PERE, autrement dit : vous ne demandez rien au sujet du Père, parce que vous ne me connaissez pas. En effet, puisque vous estimez que je suis un homme, vous cherchez à connaître en mon Père un homme; mais parce que vous ne me reconnaissez pas, vous ne pouvez pas non plus connaître le Père
1161. Cependant il a dit plus haut : Et vous me connaissez, et vous savez d’où je suis Mais il faut dire qu’ils le connaissaient selon Son humanité, mais non selon sa divinité.
Il faut savoir, selon Origène que certains, trouvant dans cette parole l’occasion d’une erreur, dirent que le Père du Christ n’était pas le Dieu de l’Ancien Testament; car lui, les Juifs le connaissaient, selon cette parole : Dieu est connu en Judée .
On peut donner à cela quatre réponses. D’abord, le Seigneur dit que les Juifs ignorent le Père parce qu’ils se conduisent à la manière de ceux qui ne le connaissent pas, dans la mesure où ils ne gardent pas ses commandements. Et cette réponse a trait à l’action. Deuxièmement, ils sont dits ignorer Dieu parce qu’ils n’adhèrent pas à lui spirituellement par l’amour : en effet, celui qui cherche à connaître quelque chose s’y tient attaché. En troisième lieu, parce que bien qu’ils le connussent par la foi, ils n’en avaient cependant pas une pleine connaissance — Dieu, personne ne l’a jamais vu; le Fils unique qui est dans le sein du Père, lui, l'a fait connaître Enfin, parce que dans l’Ancien Testament, le Père s’est fait connaître en tant que Dieu tout-puissant — Moi, je leur suis apparu comme Dieu tout-puissant — et non en tant que Père c’est pourquoi, bien qu’ils le connussent comme Dieu tout-puissant, ils ne le connaissaient cependant pas comme Père du Fils consubstantiel
1162. Il dit [ensuite] qu’il est la voie pour parvenir à la connaissance du Père : SI VOUS ME CONNAISSIEZ, VOUS CONNAITRIEZ PEUT-ETRE AUSSI MON PERE! Autrement dit : parce que moi, caché, je vous parle de mon Père qui est caché, la première chose est que vous connaissiez, et alors VOUS CONNAITRIEZ PEUT-ETRE AUSSI MON PERE! Car le Fils est la voie de la connaissance de ce qui appartient au Père : Si vous me connaissiez, vous connaîtriez aussi mon Père En effet, selon Augustin qu’est-ce que la parole SI VOUS ME CONNAISSIEZ, VOUS CONNAITRIEZ PEUT-ETRE AUSSI MON PERE, si ce n’est : le Père et moi, nous sommes un . Il est courant de dire, quand on voit quel qu’un qui est semblable à un autre : qui voit celui-ci voit l’autre; non cependant que le Père soit le Fils, mais parce que le Fils est semblable au Père.
En outre, il dit PEUT-ETRE pour exprimer non un doute, mais un reproche; comme si tu t’indignais contre ton serviteur et lui disais : "Tu me tiens pour rien? Considère que je suis peut-être ton maître !"
1163. L’Évangéliste montre ici la sécurité dont jouit le Christ en répondant aux Juifs. D’abord à cause du lieu dans lequel il enseignait, parce que c’était dans la salle du Trésor et dans le Temple. "Gaza" est un mot persan qui signifie "richesses", et "phylaxe" signifie "conserver" : donc, gazophylacium est la même chose que "conservation des richesses" Parfois, gazophylacium est employé dans l’Ecriture pour désigner le coffre où l’on conserve les richesses. Et c’est dans ce sens qu’il faut le prendre au deuxième livre des Rois : Joïada le prêtre reprit un coffre, perça un trou dans le couvercle et le posa à côté de l’autel, à droite en entrant dans la Maison du Seigneur, et les prêtres gardiens du seuil y mettaient tout l’argent qu'on apportait à la Maison du Seigneur Mais parfois, ce terme est employé pour désigner la maison où l’on con serve les richesses, et c’est en ce sens qu’il est employé ici.
Ensuite, à cause du fait que ceux qui avaient été envoyés pour se saisir de lui ne purent le faire, parce que lui-même ne le voulait pas : ET PERSONNE NE SE SAISIT DE LUI, PARCE QUE SONHEUREN VENUE, l’heure à laquelle il devait souffrir; une heure non pas fixée par le destin, mais réservée d’avance, depuis toute éternité, par sa propre volonté. C’est pourquoi Augustin dit : "SON HEURE N’ETAIT PAS ENCORE VENUE, non pas celle où il serait contraint de mourir, mais celle à laquelle il jugerait bon d’être mis à mort"
1164. Mais il faut remarquer, avec Origène que chaque fois qu’on désigne un lieu où le Seigneur a fait quelque chose, c’est pour introduire au mystère. Le Christ a donc enseigné dans le Trésor, qui est le lieu des richesses, pour faire comprendre que les monnaies, qui sont les paroles de son enseignement, sont frappées à l’effigie du grand roi. Il faut encore remarquer que lorsqu’il enseignait, PERSONNE NE SE SAISIT DE LUI, parce que ses paroles étaient plus fortes que ceux qui voulaient se saisir de lui : mais quand il voulut être crucifié, il se tut .
Jean, 8, 21-30 – L’EFFET DE LA LUMIÈRE
1165. Après avoir manifesté à son sujet le privilège de la lumière , le Seigneur manifeste ici l’effet de la lumière, qui est de libérer des ténèbres.
Il montre d’abord qu’eux-mêmes sont retenus dans les ténèbres, puis il enseigne le remède par lequel ils pourraient en être libérés .
D’abord le Seigneur prédit son départ ; il montre ensuite le zèle pervers des Juifs , et enfin leur perdition .
1166. Le Seigneur dit ici que son départ se fera par la mort, par où il donne deux choses à entendre : d’abord, qu’il meurt volontairement, c’est-à-dire comme allant de lui-même, et non conduit par un autre — Je vais vers celui qui m’a envoyé — Personne ne m’enlève la vie, mais je la dépose de moi-même Ce passage se rattache donc à juste titre à ce qui pré cède. L’Evangéliste a dit en effet : Personne ne se saisit de lui. Et pourquoi? Parce qu’il s’en va de lui-même, c’est-à-dire volontairement. Ensuite, il montre que sa mort était une sorte de départ vers le lieu d’où il était venu et d’où il ne s’était pas éloigné en effet, de même qu’on passe de quel que part pour aller plus loin, ainsi le Christ, par la mort, est parvenu à la gloire de l’exaltation — Il s'est fait obéissant jus qu'à la mort, et la mort de la croix; c’est pourquoi Dieu l’a exalté… Jésus, sachant (...) qu’il est sorti de Dieu et qu’il s'en va vers Dieu...
1167. Le zèle pervers des Juifs est montré dans leur recherche mensongère du Christ : VOUS ME CHERCHEREZ. Certains en effet cherchent le Christ avec piété et par amour, et cette recherche est source de vie — Cherchez le Seigneur, et votre âme vivra Mais ceux-là le cherchent d’une manière impie, par haine, pour le persécuter — ils me faisaient violence, ceux qui recherchaient mon âme Et aussi, il dit VOUS ME CHERCHEREZ, c’est-à-dire en me poursuivant après ma mort dans ma réputation : Nous nous sommes souvenus que ce séducteur a dit, alors qu'il vivait encore : Après trois jours je ressusciterai et de même dans mes membres : Saul, Sau pourquoi me persécutes-tu?
1168. Et la mort résulte de cette recherche-là; c’est pourquoi il expose ensuite quelle est leur perdition; il la leur annonce en disant ET VOUS MOURREZ DANS VOTRE PECHE. Il annonce d’abord la perdition qui consiste à être condamné à mourir , puis celle qui consiste à être exclu de la gloire .
1169. Il leur dit donc : Parce que vous me cherchez d’une manière fausse, VOUS MOURREZ DANS VOTRE PÉCHÉ c’est-à-dire en y demeurant jusqu’au bout . Ce qui peut être compris d’une première façon, comme s’agissant de la mort corporelle; et ainsi meurt dans ses péchés celui qui y persévère jusqu’à sa mort. Ainsi, en disant VOUS MOURREZ DANS VOS PECHES, il met en évidence leur obstination — Il n'en est pas qui se repente de son péché en disant : qu’ai-je fait? — ils sont descendus aux enfers avec leurs armes .
Cela peut aussi être compris comme s’agissant de la mort du péché, dont il est dit : La mort des pécheurs est très mauvaise . Et de même que la maladie précède la mort corporelle, de même une certaine maladie précède cette mort-là. En effet, aussi longtemps que le péché est guérissable, alors il est comme une maladie — Aie pitié de moi, Seigneur, parce que je suis malade Mais lorsqu’on ne peut plus y remédier, soit de manière absolue, comme après cette vie, soit à cause du péché lui-même, le péché contre l’Esprit Saint, alors il cause la mort : Il y a un péché qui conduit à la mort . Et en ce sens, le Seigneur leur annonce que la maladie de leur péché conduit à la mort
1170. Il montre ici la perdition qui consiste à être exclu de la gloire. Le Seigneur s’en va, et eux aussi s’en vont par la mort; mais le Seigneur s’en va sans péché, eux par contre avec leurs péchés, parce qu’ils meurent dans leur péché, et c’est pourquoi ils ne parviennent pas à la vision dela gloire qui appartient au Père. C’est pourquoi il dit : LA OU MOI JE VAIS de mon propre mouvement par ma Passion, c’est-à-dire vers le Père et vers sa gloire, VOUS, VOUS NE POUVEZ VENIR, parce que vous ne le voulez pas. En effet, s’ils l’avaient voulu, et qu’ils ne l’aient pas pu, il ne leur dirait pas avec raison VOUS MOURREZ DANS VOS PECHES .
1171. Il y a deux raisons pour lesquelles on peut être dans l’impossibilité d’aller là où va le Christ.
Une raison d’opposition, et tel est l’état d’impossibilité des pécheurs : c’est de cela qu’on parle ici. Pour cela, il dit d’une manière absolue à ceux qui persévèrent dans leur péché : LA OU MOI JE VAIS, VOUS, VOUS NE POUVEZ VENIR — L'orgueilleux n'habitera pas au milieu de ma maison — On l’appellera la voie sainte, et nul impie n'y passera — Qui séjournera sous ta tente? Qui se tiendra dans son lieu saint? L'homme aux mains innocentes, au cœur pur
Une raison d’imperfection, ou d’opposition virtuelle, et tel est l’état d’impossibilité des justes, aussi longtemps qu’ils sont dans leur corps — Aussi longtemps que nous sommes dans un corps, nous cheminons loin du Seigneur Et à ces hommes, le Seigneur ne dit pas d’une manière absolue LA OU MOI JE VAIS, VOUS, VOUS NE POUVEZ VENIR, mais il ajoute une détermination dans le temps : Là où je vais, vous ne pouvez me suivre pour le moment .
1172. L’Évangéliste parle ensuite du remède par lequel les Juifs pourraient être libérés des ténèbres. En premier lieu, il expose le remède nécessaire pour échapper aux ténèbres, puis il en montre l’efficacité .
Pour montrer quel est l’unique remède qui doit les tirer des ténèbres, il expose l’occasion des paroles du Christ , puis les paroles qui sont cause de l’action du remède en eux .
Ensuite, l’Evangéliste montrera les raisons de prendre jusqu’au bout ce remède et annoncera enfin le moyen d’y parvenir .
1173. L’occasion des paroles du Christ se fonde sur la personne ou l’intelligence des Juifs. En effet, comme ils étaient soumis à la chair, ils comprenaient les paroles du Seigneur : LA OU MOI JE VAIS, VOUS, VOUS NE POUVEZ VENIR, en fonction de leurs préoccupations terrestres — L’homme naturel ne perçoit pas ce qui est de l’Esprit de Dieu . C’est pour cela que les Juifs disent VA-T-IL DONC SE TUER, ce qui est assurément, selon Augustin une opinion insensée. En effet, pouvaient-ils venir là où le Christ s’en allait s’il s’était tué lui-même? Ils le pouvaient certes, en se donnant eux-mêmes la mort. Ainsi donc, la mort n’était pas le terme vers lequel le Christ s’en allait, mais le chemin par lequel il allait vers le Père. C’est pourquoi le Christ ne dit pas qu’il leur serait impossible d’aller à la mort, mais que par la mort il leur serait impossible d’aller là où, par elle, lui serait exalté, c’est-à-dire à la droite de Dieu.
Mais, selon Origène les Juifs ne disent peut-être pas cela sans raison. Ils savaient en effet, d’après les traditions, que le Christ devait mourir volontairement, comme il l’a dit lui-même : Personne ne m’enlève la vie, mais je la dépose de moi-même . Les Juifs tenaient cela tout particulièrement d’Isaïe : Pour celui qui a livré son me à la mort, je donnerai beaucoup et il partagera le butin des puissants Donc, parce qu’ils se doutaient bien que jésus était le Christ, lorsque celui-ci eut dit : MOI JE M’EN VAIS, ils avancèrent cette opinion, selon laquelle il se livrerait volontairement à la mort. Mais ils le font d’une manière outrageuse, en disant : VA-T-IL DONC SE TUER? Sinon, ils auraient dit : son âme va-t-elle donc s’échapper en abandonnant son corps, quand il lui plaira, ce que nous, nous ne pouvons pas faire? Et c’est pour cela qu’il dit : LA OU MOI JE VAIS, VOUS, VOUS NE POUVEZ VENIR.
1174. Le Christ poursuiten exposant quel est le remède qui doit les libérer des ténèbres; il invoque d’abord son origine, et la leur ; puis il en tire les conclusions pour son propos .
1175. Il distingue son origine de la leur de deux manières. D’abord, lui-même est d’en haut, alors que ceux-là sont d’en bas. Ensuite, ceux-là sont de ce monde, dont le Christ n’est pas. Comme le dit Origène autre chose est d’être d’en bas, autre chose d’être de ce monde; car en haut et en bas sont des différences dans l’ordre du lieu. Donc, de peur que par "en haut", ils n’entendent qu’il est d’une partie supérieure de ce monde, le Christ dit qu’il n’est pas de ce monde. Cela revient à dire : je suis d’en haut, d’une façon telle que je suis totalement au-delà de ce monde.
1176. Certes, il est manifeste qu’eux sont de ce monde et d’en bas. Par contre, que le Christ soit d’en haut, et non de ce monde, il faut bien comprendre en quel sens.
En effet certains, comme les Manichéens émettant la théorie selon laquelle toutes les réalités visibles sont créées par le diable, dirent que le Christ, même quant à son corps, n’est pas de ce monde visible, mais du monde d’une autre création, le monde invisible. Valentin aussi, prenant cette parole d’une manière erronée, a dit que le Christ avait assumé un corps céleste. Mais ici il est clair que cela n’est pas la vraie compréhension, parce que le Seigneur dit aux Apôtres eux-mêmes : Vous n’êtes pas de ce monde Il faut donc dire que cette parole peut être entendue du Christ en tant que Fils de Dieu, et en tant qu’homme En effet le Christ, en tant que Fils de Dieu, est d’EN HAUT : Je suis sorti du Père, et je suis venu dans le monde Et de cette manière, il n’est pas de ce monde sensible, qui est celui des réalités sensibles; mais il est du monde spirituel, qui est dans la pensée de Dieu, parce qu’il est lui-même le Verbe de Dieu, en tant qu’il est la sagesse souveraine. En effet tout a été créé dans la sagesse c’est pourquoi il est dit du Christ : Le monde a été fait par lui .
En tant qu’il est homme, le Christ est d’en haut parce qu’il n’était pas attiré vers les choses de ce monde et les réalités les plus basses, mais vers celles d’en haut, dans lesquelles son âme demeurait — Notre conversation est dans les cieux. — Là où est ton trésor, là aussi est ton cœur Au contraire ceux qui sont d’en bas ont l’origine la plus basse, et sont de ce monde parce qu’ils attachent leur cœur aux réalités terrestres — Le premier homme, tiré de la terre, est terrestre .
1177.Le Christ conclut ici son propos : il explicite d’abord ce qu’il a dit au sujet de leur perdition , puis il leur montre le remède .
1178. Il faut savoir, à propos du premier point, que toute chose, dans son développement, suit la condition de son origine; ainsi les réalités qui ont une origine inférieure, si elles sont laissées à elles-mêmes, tendent naturellement vers le bas. Et rien ne tend naturellement vers le haut, si ce n’est ce qui a son origine en haut — Personne n'est monté au ciel, si ce n'est celui qui est descendu du ciel Le Seigneur dit donc : Voici la raison pour laquelle LA OU MOI JE VAIS, VOUS, VOUS NE POUVEZ VENIR : comme vous êtes d’en bas, par vous-mêmes vous ne pouvez que tomber; ce que j’ai dit : VOUS MOURREZ DANS VOS PECHES, est donc vrai, à moins que vous n’adhériez à moi.
1179. Pour ne pas exclure totalement l’espérance du salut le Christ expose quel est le remède en disant : SI EN EFFET VOUS NE CROYEZ PAS QUE MOI JE SUIS, VOUS MOURREZ DANS VOTRE PECHE; autrement dit : vous êtes nés dans le péché originel, dont vous ne pouvez être purifiés si ce n’est par la foi en moi, parce que SI VOUS NE CROYEZ PAS QUE MOI JE SUIS, VOUS MOURREZ. Et il dit SI VOUS NE CROYEZ PAS QUE MOI JE SUIS, et non pas "si vous ne croyez pas ce que je suis", pour rappeler ce qui a été dit à Moïse : Je suis celui qui suis car être soi-même son être est le propre de Dieu. En effet, dans toute autre nature que la nature divine, l’être diffère de ce qui est, puisque toute nature créée participe son être de celui qui est "ce qui existe par sa propre essence", c’est-à-dire de Dieu lui-même, qui est à lui-même son être, de telle manière que son essence est son être. C’est pourquoi lui seul se dénomme par l’être C’est pour cela que le Christ dit SI VOUS NE CROYEZ PAS QUE MOI JE SUIS, c’est-à-dire que je suis vraiment Dieu, qui a l’être par essence, VOUS MOURREZ DANS VOTRE PECHE.
II dit aussi QUE MOI JE SUIS pour montrer son éternité. En effet, dans toutes les réalités qui commencent, il y a une capacité de changement et une puissance au non-être, et par conséquent un passé et un futur : et pour cela, il n’y a pas en elles l’être véritable, c’est-à-dire par soi Mais en Dieu, il n’y a aucune puissance au non-être, ni un être qui commence, et c’est pourquoi il est à soi-même son être, ce qui est désigné proprement par le temps présent .
LES RAISONS CONDUISANT À LA FOI
1180. Ici, l’Évangéliste donne les raisons conduisant à la foi; il expose d’abord l’interrogation des Juifs , puis la réponse du Christ ; enfin, il montre l’aveuglement de leur intelligence .
1181. Parce que le Seigneur leur avait dit : SI VOUS NE CROYEZ PAS QUE MOI JE SUIS, il restait encore à demander qui il était; aussi lui disaient-ils TOI, QUI ES-TU? — Le pauvre a parlé et ils disent : qui es-tu? Autrement dit : d’où es-tu, pour que nous devions te croire?
1182. Et lorsqu’il dit : LE PRINCIPE, MOI QUI VOUS PARLE le Christ répond à leur interrogation en les amenant à croire; d’abord par la sublimité de sa nature , ensuite par son autorité en matière de justice , enfin par la vérité du Père .
LE PRINCIPE, MOI QUI VOUS PARLE.
1183. Certes, la sublimité de sa nature les conduit à croire au Christ, car lui-même est le principe. En latin, le mot principium est du genre neutre : il y a donc un doute pour savoir, s’il est ici au nominatif ou à l’accusatif Mais en grec, ce mot est du genre féminin, et à cet endroit, il est à l’accusatif. C’est pourquoi, selon Augustin il ne faut pas lire "Je suis principe", mais "Croyez-moi principe", pour ne pas mourir dans vos péchés.
Le Père aussi est dit principe. Certes, d’une première manière, le nom de principe est commun au Père et au Fils, en tant qu’ils sont un seul principe du Saint-Esprit par la spiration et les trois personnes sont en même temps, par la création, principe des créatures. D’une autre manière, le nom de principe est propre au Père, en tant que le Père est principe du Fils par la génération éternelle. Cependant, nous ne disons pas qu’il y a plusieurs principes, de même que nous ne disons pas non plus qu’il y a plusieurs dieux — A toi le principe au jour de ta puissance Ici, le Seigneur dit qu’il est principe par rapport à l’ensemble de la création : car ce qui est quelque chose par essence est principe et cause des réalités qui le sont par participation. Or lui-même est par essence, comme nous l’avons dit .
Mais parce que le Christ n’a pas seulement en lui la nature divine, mais aussi la nature humaine, il ajoute : MOI QUI VOUS PARLE. En effet, l’homme ne peut supporter directement la voix de Dieu, parce que, selon Augustin "les cœurs faibles ne peuvent entendre un verbe spirituel sans une voix sensible" C’est pourquoi il est dit : Qui est l’homme, pour entendre la voix du Seigneur son Dieu? Donc, pour que nous l’entendions directement, le Verbe divin a assumé la chair, comme instrument pour nous parler; c’est pourquoi il dit : MOI QUI VOUS PARLE, c’est-à-dire moi qui, m’étant fait humble à cause de vous, suis descendu jusqu’à vos pauvres paroles — Après avoir à bien des reprises et de bien des manières parlé jadis à nos pères par les prophètes, Dieu, en ces temps qui sont les derniers, nous a parlé par le Fils — Le Fils unique qui est dans le sein du Père, lui l’a fait connaître à vous.
1184. Ou bien, d’une autre manière, selon Chrysostome il dit LE PRINCIPE afin de blâmer la lenteur d’esprit des Juifs. Car, encore endurcis après les nombreux signes qu’ils l’avaient vu accomplir, ils demandent au Seigneur : TOI, QUI ES-TU? Et c’est pourquoi Jésus répond MOI JE SUIS LE PRINCIPE, moi qui vous ai parlé dès le commencement (a principio); autrement dit : vous n’avez pas besoin de continuer à chercher qui je suis, puisque cela devrait déjà être manifeste — Alors qu'avec le temps vous devriez être devenus des maîtres des docteurs, vous avez encore besoin qu’on vous enseigne les premiers éléments des paroles de Dieu
1185. En second lieu, l’autorité du Christ en matière de justice les conduire à croire en lui; J’AI BEAUCOUP A DIRE SUR VOUS, ET A JUGER; autrement dit : j’ai l’autorité pour vous juger.
Mais il faut savoir qu’autre chose est de nous parler, autre chose de parler à notre sujet. En effet, le Christ nous parle pour notre bien, c’est-à-dire pour nous attirer à lui; ainsi, tant que nous vivons, il nous parle en prêchant, en nous inspirant, et par des moyens de cette sorte. Et il parle à notre sujet, non pour notre bien, mais pour que soit manifestée sa justice; et c’est de cette façon qu’il parlera de nous au jugement futur; c’est dans ce sens-là qu’est pris ici J’AI BEAUCOUP A DIRE SUR VOUS.
1186. On lit cependant plus haut : Dieu n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde À cela je réponds : autre chose est de juger, autre chose de pouvoir juger. Juger exprime l’acte du jugement; et cela ne convient pas au premier avènement du Seigneur, comme il l’a dit plus haut : Moi, je ne juge personne c’est-à-dire au moment présent. Mais pouvoir juger exprime seulement la puissance de juger; et le Christ la possède : Le Père a remis tout jugement au Fils lui qui a été établi par Dieu juge des vivants et des morts Et c’est pourquoi il dit expressément : J’AI BEAUCOUP A DIRE SUR VOUS, ET A JUGER, mais lors du jugement à venir
1187. La vérité du Père aussi amène à croire au Christ; MAIS CELUI QUI M’A ENVOYE EST VERIDIQUE; autrement dit : le Père est véridique; or moi, je parle en harmonie avec lui; donc je dis des choses vraies, donc vous devez me croire. Il dit donc : CELUI QUI M’A ENVOYE, le Père, EST VERIDIQUE, non par participation, mais il est l’essence même de la vérité, et le Père de la vérité; autrement, le Fils, puisqu’il est la vérité elle-même, serait plus grand que le Père — Or Dieu est véridique MOI, CE QUE J’AI ENTENDU DE LUI, non en l’entendant d’une manière sensible, mais en recevant de lui la connaissance par la génération éternelle, C’EST CE QUE JE DIS DANS LE MONDE. Il est dit au livre d’Isaïe aïe : Ce que j’ai entendu du Seigneur des armées, le Dieu d’Israël, je vous l’ai annoncé Et le Fils ne peut rien faire de lui-même si ce n’est ce qu’il a vu faire au Père
1188. Cette parole : CELUI QUI M’A ENVOYÉ EST VERIDIQUE peut se rattacher à ce qui précède de deux manières. Ou bien ainsi : je dis que J’AI SUR VOUS À JUGER, mais mon jugement sera vrai, parce que celui qui m’a envoyé est vérité — Le jugement de Dieu est selon la vérité
Ou bien d’une autre manière, selon Chrysostome je dis que J’AI SUR VOUS A JUGER, mais je le diffère, non par impuissance, mais pour obéir à la volonté du Père; car CELUI QUI M’A ENVOYE EST VERIDIQUE. C’est pour quoi, comme il a promis d’envoyer un sauveur et un défenseur, il m’envoie maintenant pour sauver; et moi, c’est parce que je ne dis que ce que j’ai entendu de lui, que je vous dis des paroles de salut.
1189. En disant cela, l’Évangéliste blâme la lenteur d’intelligence des Juifs; en effet, ils n’avaient pas encore les yeux du cœur ouverts, par lesquels ils auraient saisi l’égalité du Père et du Fils et cela, parce qu’ils étaient soumis à la chair : L'homme naturel ne perçoit pas ce qui est de l'Esprit de Dieu
LE MOYEN POUR PARVENIR À LA FOI –
1190. Ici, le Christ annonce d’abord le moyen par lequel les Juifs doivent parvenir à la foi, moyen qui est le remède sauvant de la mort. En premier lieu, il montre par quoi ils doivent venir à la foi , puis il enseigne ce qu’on doit croire de lui-même .
1191. Il dit donc qu’ils doivent parvenir à la foi par sa Passion : QUAND VOUS AUREZ ELEVE LE FILS DE L'HOMME, ce qui revient à dire : maintenant, vous ne con naissez pas que mon Père est Dieu; mais QUAND VOUS AUREZ ELE VE LE FILS DE L’HOMME, c’est-à-dire quand vous m’aurez attaché au bois de la croix, alors VOUS CONNAITREZ..., c’est-à-dire certains d’entre vous connaîtront par la foi — Quand j’aurai été élevé de terre, j’attirerai tout à moi Selon Augustin, il mentionne la Passion de la croix pour donner l’espérance aux pécheurs, c’est-à-dire pour que personne, quelque crime qu’il ait commis, ne désespère par mauvaise conscience de lui-même, alors que ceux-là même qui ont crucifié le Christ sont libérés de leurs péchés par son sang Car il n’existe aucun pécheur qui le soit au point de ne pouvoir être libéré par le sang du Christ.
Ou bien, selon Chrysostome QUAND VOUS AUREZ ELEVE LE FILS DE L’HOMME, c’est-à-dire sur la croix, alors VOUS CONNAITREZ, c’est-à-dire vous pourrez connaître ce que je suis, non seulement par la gloire de ma Résurrection, mais aussi par le châtiment de votre captivité et de votre ruine.
1192. En ce qui concerne ce qu’on doit croire de lui, il enseigne trois choses; d’abord, la majesté de la divinité, puis son origine à partir du Père, enfin son union indissoluble avec le Père.
Il enseigne la majesté de la divinité en disant : MOI JE SUIS; c’est-à-dire, j’ai en moi la nature de Dieu, et je suis celui-là même qui a parlé à Moïse en disant : Moi je suis celui qui suis
Mais parce que l’être subsistant appartient à toute la Trinité, pour ne pas exclure la distinction des personnes il enseigne ensuite aux Juifs la foi en son origine à partir du Père en disant : ETDE MOI-MEME JE NE FAIS RIEN, MAIS COMME LE PERE M’A ENSEIGNE, C’EST CELA QUE JE DIS. Mais du fait que depuis le début il a réalisé des œuvres et a enseigné Jésus montre son origine à partir du Père, d’une part dans ce qu’il réalise, ET DE MOI-MEME JE NE FAIS RIEN — Le Fils ne peut rien faire de lui-même et d’autre part dans ce qu’il enseigne : MAIS COMME LE PERE M’A ENSEIGNE, c’est-à-dire m’a donné la science en m’engendrant dans la connaissance. Parce que la nature de la vérité est simple, pour le Fils c’est la même chose de connaître et d’être; et ainsi, de même que le Père, en l’engendrant, a donné au Fils d’être, de même, en l’engendrant, il lui a donné de connaître — Mon enseignement n'est pas le mien
Et pour qu’on ne comprenne pas qu’il a été envoyé d’auprès du Père comme s’il était distinct de lui, en troisième lieu il enseigne la foi en son union indissoluble avec le Père en disant : ET CELUI QUI M’A ENVOYE, c’est-à-dire le Père, EST AVEC MOI, d’une part par l’unité d’essence — Moi je suis dans le Père, et le Père est en moi -, d’autre part par une union d’amour — Le Père aime le Fils, et il lui montre tout ce qu’il fait Ainsi, le Père a envoyé le Fils de telle manière qu’il ne s’est pas éloigné de lui : ET IL NE M’A PAS LAISSE SEUL, parce que son amour m’enveloppe. Mais bien que dule point de vue de l’être les deux soient inséparables, l’un cependant est envoyé (missus), et l’autre envoie : car l’Incarnation est une mission, et elle appartient seulement au Fils, et non au Père
ET IL NE M’A PAS LAISSÉ SEUL; Jésus le manifeste parun signe : PARCE QUE MOI, CE QUI LUI PLAIT, JE LE FAIS TOUJOURS. Cela n’est pas dit comme étant une cause de mérite, mais à titre de signe; cela revient à dire : le fait que moi JE FAIS TOUJOURS, sans commencement ni fin, CE QUI LUI PLAIT, est le signe qu’il est toujours avec moi et qu’il ne m’a pas laissé — J’étais avec lui, disposant toutes choses Ou bien, d’une autre manière, IL NE M’A PAS LAISSE SEUL, c’est-à-dire en tant qu’homme, me protégeant PARCE QUE MOI, CE QUI LUI PLAIT, JE LE FAIS TOUJOURS. Et selon cette interprétation, ces paroles sont à entendre comme une cause de mérite.
1193. L’Évangéliste expose ici l’effet de l’enseignement; ceux qui doutent se convertissent à la foi parce qu’ils ont entendu l’enseignement du Christ : La foi vient de ce qu’on entend, et on entend par une parole du Christ
Il on est qui voient dans ces paroles des Juifs, une intention d'outrager le Sauveur et de le couvrir de mépris ; ils lui demandent insolemment où est son Père, comme s'il était le fruit de la fornication, ou comme s'il était le Fils d'un père inconnu ou d'un homme d'une condition obscure, tel qu'était Joseph, qui passait pour être son père. Ils semblent lui dire : Votre père est un homme sans considération, sans nom dans le monde, pourquoi nous parler sans cesse de votre Père ? Ce n'est point par le désir de s'instruire, mais pour éprouver le Sauveur qu'ils lui adressent cette question ; aussi ne veut-il pas y répondre, et il se contente de leur dire : « Vous ne me connaissez, ni moi ni mon Père. »
Que les ariens rougissent en entendant ces paroles, car si, comme ils le prétendent, le Fils est une simple créature, comment celui qui connaît cette créature peut connaître par là même Dieu. Est-ce que celui qui connaît la nature d'un ange, connaît par là même la nature divine ? Donc puisque celui qui connaît le Fils, connaît le Père, le Fils est nécessairement consubstantiel au Père.
Le mot gaza dans la langue persane signifie richesse, et le mot grec f????a? signifie conserver, c'était l'endroit du temple où l'on conservait les offrandes.
Ou bien encore, Jésus parle dans le parvis du Trésor, parce qu'il parlait aux Juifs en paraboles, et il commença à ouvrir le trésor, lorsqu'il découvrit à ses disciples les mystères des cieux. Or, le trésor était une dépendance du temple, parce que toutes les prophéties figuratives de la loi et des prophètes avaient le Sauveur pour objet.
Notre-Seigneur avait reproché aux Juifs de juger selon la chair, et ils justifient la vérité de ce reproche, en prenant dans un sens charnel le Père dont il leur parlait : « Ils lui dirent donc : Où est votre Père, » etc. C'est-à-dire, nous vous avons entendu dire : « Je ne suis pas seul, mais moi et le Père qui m'a envoyé ; » cependant nous ne voyons que vous, montrez-nous donc que votre Père est avec vous.
C'est-à-dire, vous me demandez où est mon Père, comme si vous me connaissiez déjà, comme si je n'étais que ce que vous voyez. Or, c'est parce que vous ne me connaissez pas, que je ne veux pas vous faire connaître mon Père ; vous ne voyez en moi qu'un homme, et par-là même vous me cherchez un Père qui ne soit aussi qu'un homme. Mais comme indépendamment de ce que vous voyez, je suis encore autre chose que vous ne voyez pas, et qu'inconnu de vous, je vous parle ; de mon Père qui vous est également inconnu, il faudrait que vous me connaissiez d'abord avant de connaître mon Père : « Si vous me connaissiez, ajoute-t-il, peut-être connaîtriez-vous mon Père. »
Que signifient ces paroles : « Si vous me connaissiez vous connaîtriez mon Père, » si ce n'est : « Mon Père et moi nous ne faisons qu'un. » (Jn 10, 30.) Lorsque vous rencontrez une personne qui ressemble à une autre, vous dites tous les jours : Si vous avez vu l'une, vous avez vu l'autre, et c'est la ressemblance parfaite de ces deux personnes qui vous fait tenir ce langage. Voilà aussi pourquoi Nôtre-Seigneur dit aux Juifs : Si vous me connaissiez, vous connaîtriez mon Père, non que le Père soit le Fils, mais parce que le Fils est semblable au Père.
Cette locution « peut-être, » qui parait être une expression dubitative, est une parole de reproche ; ainsi les hommes s'expriment d'une manière dubitative sur des choses qu'ils regardent comme certaines, par exemple, dans un mouvement d'indignation contre votre serviteur, vous lui dites : Tu me méprises, veuille y réfléchir, peut-être suis-je ton maître. C'est ainsi que Notre-Seigneur s'exprime vis-à-vis des Juifs infidèles, lorsqu'il leur dit : « Peut-être connaîtriez-vous aussi mon Père. »
Il montre une grande confiance sans mélange d'aucune crainte, car il pouvait ne rien souffrir, à moins qu'il ne le voulût : « Et personne ne se saisit de lui, dit l'Evangéliste, parce que son heure n'était pas encore venue. » Il en est qui, en entendant ces paroles, prétendent que Jésus était soumis aux lois du destin. Mais si le mot latin fatum (destin) vient du verbe fari, qui veut dire parler, comment admettre que le Verbe, la parole de Dieu, soit esclave du destin ? Où sont les destins ? Dans le ciel, direz-vous, où ils dépendent du cours et des révolutions des astres. Mais comment encore soumettre à ce destin celui qui a créé le ciel et les astres, alors que votre volonté à vous-même, si vous êtes conduit par la sagesse, s'élève bien au-dessus des astres. Est-ce parce que, vous avez appris que le corps de Jésus-Christ a vécu sous le ciel, que vous voulez soumettre sa puissance à l'influence des cieux ? Comprenez donc que « son heure n'était pas encore venue, » non pas l'heure où il souffrirait la mort malgré lui. mais l'heure où il daignerait l'accepter volontairement.
En leur parlant de la sorte, il leur fait voir qu'il ne leur sert de rien de connaître le Père, s'ils ne connaissent le Fils.
Le Sauveur parlait comme maître et docteur dans le temple, ce qui aurait dû les toucher davantage : mais ce qu'il disait les blessait, et ils l'accusaient de se faire égal à Dieu le Père.
Toutes les fois que l'Evangéliste mentionne cette circonstance : « Jésus parla de la sorte en tel lieu, » si vous voulez y faire attention, vous découvrirez que ce n'est pas sans raison qu'il s'exprime ainsi. Le Trésor était l'endroit où se conservait l'argent destiné au service du temple et à la subsistance des pauvres ; les pièces de monnaie sont les paroles divines qui sont marquées à l'effigie du grand roi. Or, chacun doit concourir à l'édification de l'Eglise, en déposant dans le trésor spirituel tout ce qui peut contribuer à l'honneur de Dieu, au bien général ; et puisque tous les Juifs déposaient leurs offrandes volontaires dans le trésor, il était juste aussi que Jésus mît son offrande dans le trésor, c'est-à-dire les paroles de la vie éternelle. Personne n'osa se saisir de la personne du Sauveur, tandis qu'il parlait dans le temple, parce que ses discours étaient plus forts que ceux qui voulaient s'emparer de lui, car il n'y a aucune faiblesse dans ceux qui sont les instruments et les organes du Verbe de Dieu.
Il semble y avoir contradiction entre ce que dit ici Nôtre-Seigneur : « Vous ne me connaissez ni moi ni mon Père, » et ce qu'il a dit plus haut : « Vous savez qui je suis et d'où je suis. » Mais cette espèce de contradiction disparaît, lorsqu'on fait attention que ces paroles : « Vous savez qui je suis, » s'adressent à quelques habitants de Jérusalem, qui disaient : « Est-ce que les chefs de la nation ont reconnu qu'il était le Christ ? » Tandis que c'est aux pharisiens que le Sauveur dit : « Vous ne me connaissez pas. » Cependant il est vrai que dans ce qui précède, nous voyons Jésus dire aux habitants de Jérusalem : Celui qui m'a envoyé est véridique, et vous ne le connaissez pas. On se demande donc, comment il a pu dire ici : « Si vous me connaissiez, vous connaîtriez aussi mon Père, » alors que les habitants de Jérusalem, à qui il dit ailleurs : « Vous savez qui je suis, » n'ont pas connu son Père. Nous répondons que le Sauveur parle tantôt de lui en tant qu'il est homme, et tantôt en tant qu'il est Dieu. Ces paroles : « Vous savez qui je suis, » doivent s'entendre de lui comme homme ; et ces autres : « Vous ne me connaissez pas, » veulent dire : Vous ne me connaissez pas comme Dieu.
Examinons ici l'opinion de certains hérétiques qui prétendent pouvoir prouver clairement par ces paroles, que le Dieu qu'adoraient les Juifs n'était pas le Père de Jésus-Christ; car, disent-ils, c'est aux pharisiens qui adoraient un Dieu maître du monde, que le Sauveur tenait ce langage. Or, il est certain que les pharisiens n'ont jamais connu un Père de Jésus différent du Créateur du monde. En parlant de la sorte, ces hérétiques ne réfléchissent pas sur le langage ordinaire des Ecritures. En effet, qu'un homme veuille nous exposer les notions sur la divinité, qu'il doit à l'instruction que lui ont donnée ses parents, sans prendre soin d'y conformer sa conduite ; nous disons qu'il n'a pas la connaissance de Dieu ; voilà pourquoi l'Ecriture dit des fils d'Héli, par suite de leur méchanceté, qu'ils ne connaissaient pas Dieu ; (1 R 2) c'est ainsi que les pharisiens eux-mêmes n'ont pas connu Dieu, parce qu'ils ne vivaient pas conformément aux préceptes du Créateur. Il y a d'ailleurs une autre manière d'entendre la connaissance de Dieu. En effet, connaître Dieu, c'est autre chose que de croire simplement en Dieu. Nous lisons dans le psaume 45 (vers. 10) : « Soyez dans le repos et considérez que c'est moi qui suis Dieu. » Qui ne reconnaîtra que ces paroles sont écrites pour le peuple, qui croit en Dieu créateur de cet univers ? Il y a une grande différence entre la foi jointe à la connaissance, et la foi seule. Jésus aurait pu avec raison dire aux pharisiens à qui il reproche de ne connaître ni son Père ni lui : Vous ne croyez pas à mon Père ; car celui qui nie l'existence du Fils, nie par là même l'existence du Père, c'est-à-dire qu'il n'admet le Père ni par la foi, ni par la connaissance. Suivant l'Ecriture, il y a encore une autre manière de connaître quelqu'un, c'est de lui être uni. Aussi Adam connut sa femme lorsqu'il lui fut uni ; (Gn 4) celui qui s'attache à une femme, connaît cette femme, et celui qui s'attache au Seigneur, devient un seul esprit avec lui, (1 Co 6, 17) et connaît Dieu. S'il en est ainsi, les pharisiens n'ont connu ni le Père, ni le Fils. Enfin il y a aussi une différence entre connaître Dieu, et connaître le Père, c'est-à-dire qu'on peut connaître Dieu sans connaître le Père. Ainsi dans le nombre presque infini de prières que nous trouvons dans l'ancienne loi, nous n'en trouvons aucune où Dieu soit invoqué comme Père, les Juifs le priaient et l'invoquaient comme Dieu et Seigneur, pour ne pas prévenir la grâce que Jésus devait répandre sur le monde entier, en appelant tous les hommes à l'honneur de la filiation divine, suivant ces paroles : « J'annoncerai votre nom à mes frères. » (Ps 21)