Jean 8, 12
De nouveau, Jésus leur parla : « Moi, je suis la lumière du monde. Celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, il aura la lumière de la vie. »
De nouveau, Jésus leur parla : « Moi, je suis la lumière du monde. Celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, il aura la lumière de la vie. »
Parfois, Jésus donne à la vie qu'il est venu apporter ce simple nom de « la vie »; et il présente la génération par Dieu comme une condition nécessaire pour pouvoir atteindre la fin en vue de laquelle Dieu a créé l'homme: « A moins de naître d'en haut, nul ne peut voir le Royaume de Dieu » (Jn 3, 3). Le don de cette vie constitue l'objet propre de la mission de Jésus: il est « celui qui descend du ciel et donne la vie au monde » (Jn 6, 33), si bien qu'il peut affirmer en toute vérité: « Celui qui me suit... aura la lumière de la vie » (Jn 8, 12).
Il ne s'agit pas seulement ici de se mettre à l'écoute d'un enseignement et d'accueillir dans l'obéissance un commandement ; plus radicalement, il s'agit d'adhérer à la personne même de Jésus, de partager sa vie et sa destinée, de participer à son obéissance libre et amoureuse à la volonté du Père. En suivant, par la réponse de la foi, celui qui est la Sagesse faite chair, le disciple de Jésus devient vraiment disciple de Dieu (cf. Jn 6, 45). En effet, Jésus est la lumière du monde, la lumière de la vie (cf. Jn 8, 12) ; il est le pasteur qui guide et nourrit les brebis (cf. Jn 10, 11-16) ; il est le chemin, la vérité et la vie (cf. Jn 14, 6) ; il est celui qui conduit au Père, de telle sorte que le voir, lui le Fils, c'est voir le Père (cf. Jn 14, 6-10). Par conséquent, imiter le Fils, « l'image du Dieu invisible » (Col 1, 15), signifie imiter le Père.
Jésus leur
parla de nouveau. « de nouveau » nous ramène au verset 2 de ce chapitre : Jésus reprend sa prédication
interrompue momentanément par l’épisode de la femme adultère. Le pronom « leur » désigne les auditeurs
d’une manière générale ; d’après le contexte, c’étaient au fond les mêmes que les jours précédents, c’est-à-
dire un mélange d’amis et d’ennemis, quoique ceux-ci paraissent avoir formé l’élément dominant (Cf.
versets 13, 20, 21, 30, 31, 44, 48, 52, 59). - Je suis. Ces premières paroles de Jésus, énergiquement
accentuées, seront aussi les dernières par lesquelles il terminera l’entretien, verset 58. - La lumière du
monde. (en grec, la lumière par excellence du monde entier, et point seulement de la nation théocratique).
Admirable symbole du salut apporté à la terre par N.-S. Jésus-Christ. Nous avons vu que le prologue était
rempli de cette idée (1, 4-9), mais le divin Maître n’en avait pas fait encore un usage personnel. Du reste,
l’Ancien Testament déjà comparait le Messie à une lumière éclatante (Cf. Is. 9, 1-2 ; 42, 6 ; 49, 6 ; 50, 3,
etc.), et c’est en s’appuyant sur les divins oracles que les évangiles synoptiques appellent le début de son
règne une belle et douce aurore (Cf. Matth. 4, 14-16 ; Luc. 1, 78 ; 2, 32, etc). Le Talmud fait aussi le même
rapprochement. « R. Biba Sangorius a dit : La lumière est le nom du Messie, comme il est dit dans Dan. 2,
22 ». Echah Rabbathi, f. 68, 4. Que si « le premier Adam était la lumière du monde », Hier. Schabbath, ch. 2,
à plus forte raison le second Adam ou le Christ. - Celui qui me suit… Mais il faut que chacun s’approprie,
individualise en quelque sorte la lumière qui brille pour tous. Et comment cela ? En suivant Jésus par la foi,
de même qu’on marche à la lumière du soleil. Voyez dans l’Imitation de Jésus-Christ, l. 1, ch. 1, un beau
commentaire pratique de cette parole. - A suivre ainsi Jésus on obtient deux merveilleux avantages, qui sont
exposés tour à tour en termes négatifs et positifs. Premier avantage : ne marche pas dans les ténèbres. Les
deux négations du texte grec appuient fortement sur la pensée : Il est impossible que… « marcher »
représente très bien le douloureux pèlerinage de la vie. L’article devant le mot grec oppose les ténèbres
morales du péché, de l’ignorance, à l’unique vraie lumière. - Avantage positif : mais (au contraire) il aura…
Cette lumière précieuse, les amis de Jésus n’auront pas seulement le bonheur de la contempler, ils la
posséderont en propre et l’auront toujours avec eux pour se faire guider par elle. - La lumière de la vie. « La
vie était la lumière des hommes », était-il dit plus haut, 1, 4 ; maintenant c’est la lumière qui est vie, qui
communique la vie supérieure. Voyez, 6, 35 ; Apoc. 21, 6 ; 22, 14, des locutions analogues : le pain de vie,
l’eau qui donne la vie, l’arbre de vie. - De même que l’on avait rattaché le passage 7, 37 et 38 à un rite de la
fête des Tabernacles, de même on attribue assez communément pour origine au noble témoignage que nous
venons d’expliquer une autre cérémonie de la solennité. Tous les soirs de l’octave, ou du moins le soir du
premier jour, on allumait dans le parvis des femmes quatre énormes candélabres d’or, hauts de cinquante
coudées, dont les lumières jetaient sur la ville entière un éclat resplendissant (voyez notre Atlas
archéologique de la Bible, pl. 83, fig. 9). Les prêtres, les anciens du peuple et un grand nombre de simples
Israélites, faisaient autour de ces luminaires gigantesques une procession aux flambeaux, en chantant
joyeusement des chants sacrés. Ce rite rappelait la colonne de feu qui avait éclairé les Hébreux à travers le
désert ; c’était en outre un type de l’illumination morale du monde par Israël, Is. 2, 2, etc ; Il est vrai que la fête était terminée depuis la veille, quand Jésus tint ce langage dans le temple ; mais les candélabres étaient
encore debout, et l’allusion ne perdait rien de sa vigueur.
1118. Après nous avoir entretenus de l’origine de l’enseignement du Christ , l'Evangéliste poursuit ici en parlant de la puissance de cet enseignement. Or l’enseignement du Christ a une puissance illuminative et vivificatrice, parce que ses paroles sont esprit et vie L’Evangéliste parle d’abord de la puissance illuminative; puis, au chapitre , de la puissance vivificatrice de cet enseignement .
Il montre la puissance illuminative de l’enseignement du Christ d’abord par la parole et ensuite, au chapitre 9, par un miracle .
Au sujet de la parole, l'Evangéliste introduit d’abord le Christ en train d’enseigner; puis il expose la puissance de son enseignement .
Deux caractères appartiennent au service de docteur. D’abord, qu’il enseigne ceux qui désirent recevoir son enseignement; ensuite, qu’il réfute les thèses des adversaires.
Le Christ instruit donc d’abord ceux qui attendent son enseignement; puis il réfute les thèses des adversaires
A propos du Christ qui instruit ceux qui attendent son enseignement, l’Evangéliste décrit d’abord le lieu de l’enseignement, puis l’auditoire , enfin, le docteur .
Le lieu de l’enseignement est le Temple. L’Évangéliste montre d’abord le Christ quittant le Temple , puis y retournant .
1119. L’Évangéliste parle ici du départ de Jésus. En effet le Seigneur, quand il était à Jérusalem pour les jours de fête, faisait ainsi, selon l’inclination secrète de son cœur : pendant la journée il prêchait dans le Temple, manifestait des signes et des miracles éclatants; et tard, il retournait à Béthanie, sur le Mont des Oliviers, où il était reçu chez Marthe et Marie, les sœurs de Lazare. L’Évangéliste nous dit donc que Jésus, selon cette habitude, étant resté dans le Temple le dernier jour de la grande fête et y ayant prêché, dans la soirée S’EN ALLA JUSQU’AU MONT DES OLIVIERS, où se trouvait Béthanie.
Et ceci s’accorde au mystère : en effet, comme le dit Augustin , où convenait-il que le Christ enseignât et manifestât sa miséricorde, si ce n’est sur le Mont des Oliviers, sur le Mont de l’huile parfumée, sur le Mont de l’onction? En effet, l’olive symbolise la miséricorde; du reste, en grec, le même mot signifie "olive" et "miséricorde". Dans l’Evangile de saint Luc il est dit du Samaritain qu’il versa de l’huile et du vin, c’est-à-dire la miséricorde et la rigueur du jugement. L’huile a aussi une vertu curative : Plaie, coup, blessure toute tuméfiée, qui ne sont pas pansés ni soulagés avec de l’huile ... L’huile symbolise encore le remède de la grâce spirituelle, qui nous vient du Christ : Dieu, ton Dieu t’a oint d’une huile d’allégresse, de préférence à tes compagnons — C’est comme une huile parfumée sur la tête, qui descend sur la barbe — La pierre versait pour moi des ruisseaux d’huile.
1120. Le retour de Jésus dans le Temple est présenté par l’Evangéliste comme étant très matinal. Ce retour signifie qu’il était sur le point de révéler, à ceux qui croyaient en lui, la connaissance et la manifestation de sa grâce, dans son temple — Nous avons accueilli, Dieu, ta miséricorde, au milieu de ton temple .
Qu’il soit revenu dès le point du jour signifie la naissance de la nouvelle grâce — Sa sortie est préparée comme l’aurore .
1121. Quant à l’auditoire, il s’agit de ceux qui attendent son enseignement; c’est pourquoi l’Evangéliste dit : ET TOUT LE PEUPLE VINT A LUI — L'assemblée des peuples t'environnera .
1122. Le docteur est présenté assis, c’est-à-dire se met tant au niveau de son auditoire, pour que son enseignement soit plus facilement reçu. En effet, le fait de s’asseoir symbolise l’état d’humilité de l’Incarnation — Tu sais quand je m’assieds et quand je me lève .
Au début, les réalités divines furent plus facilement enseignées aux hommes, parce qu’elles apparaissaient visiblement à travers l’humanité assumée par le Christ; c’est pourquoi il dit que S’ASSEYANT, IL LES ENSEIGNAIT, c’est-à-dire il enseignait les gens sans détour et ceux qui recevaient sa parole avec admiration — Il enseignera ses chemins aux doux, et dirigera les humbles dans la justice. — Il nous enseignera ses voies .
1123. L’Évangéliste montre ensuite que le Seigneurréfute les thèses des adversaires; en premier lieu, il expose la tentative de fausse accusation : il en montre d’abord l’occasion ; puis il la décrit ; enfin il souligne l’intention de ceux qui le tentaient .
En second lieu, l’Evangéliste montre comment Jésus rejette les calomniateurs .
1124. L’occasion saisie pour le mettre à l’épreuve est l’adultère commis par une femme; et d’abord, ils mettent la faute en évidence en l’amplifiant; puis ils produisent la personne accusée.
Comme le dit Augustin trois choses prédominaient dans le Christ : la vérité, la mansuétude et la justice; il avait été prédit à son sujet : Avance et règne, à cause de la vérité, de la mansuétude et de la justice . En effet, il apporta la vérité en tant que docteur, et cela, les Pharisiens et les Scribes l’avaient perçu alors qu’il enseignait. Saint Jean dit plus loin : Si je vous dis la vérité, pourquoi ne me croyez-vous pas? En effet, ils ne pouvaient aucunement reprocher à son enseignement et à ses paroles d’être faux; c’est pourquoi ils avaient cessé de l’accuser à ce sujet.
La mansuétude, il l’a apportée en tant que libérateur; les Scribes et les Pharisiens eurent connaissance de cela à ce qu’il ne s’émouvait pas contre ses ennemis et ses persécuteurs : Alors qu’il était maudit, lui ne maudissait pas . — Mettez-vous à mon école, car je suis doux et humble de cœur . C’est pour quoi, même à ce sujet, ils ne l’accusaient plus.
La justice, il l’a apportée comme celui qui en avait une connaissance parfaite (cognitor) , et cela parce que les Juifs ne l’avaient pas encore vraiment, particulièrement dans les jugements : ils lui tendirent donc un piège, voulant savoir s’il s’écarterait de la justice à cause de la miséricorde. Pour cela, ils lui soumettent un crime connu et honteux : l’adultère — Toute femme adultère sera foulée aux pieds sur le chemin comme du fumier Puis ils poussent en avant la personne accusée, pour faire davantage impression : ET ILS LA PLACERENT AU MILIEU — Elle sera amenée au milieu .
1125. L’Évangéliste poursuit en montrant la tentation elle-même; et d’abord, les Pharisiens manifestent la faute, puis ils font valoir la justice selon la Loi; enfin, ils réclament le jugement.
1126. Les Scribes et les Pharisiens manifestent ici la faute; ils la grossissent de trois manières destinées à émou voir le Christ, de façon à lui faire abandonner sa mansuétude. D’abord, parle caractère récent de la faute; c’est pour cela qu’ils disent A L’INSTANT En effet, quand la faute est ancienne, elle n’émeut pas autant, parce que celui qui l’a commise s’est peut-être corrigé. Ensuite, par son évidence : A ETE SURPRISE; les Pharisiens font en sorte qu’elle ne puisse se disculper, comme les femmes ont tendance à le faire — Elle voile son visage, disant : je n'ai pas fait le mal Enfin, par l’énormité de la faute : EN FLAGRANT DELIT D’ADULTÈRE, qui est un crime grave et cause de nombreux maux — Toute femme qui commet l’adultère (...) péchera, en premier lieu contre la Loi de son Dieu
1127. Ils allèguent ensuite la justice de la Loi en disant : DANS LA LOI c’est-à-dire dans le Lévitique et le Deutéronome MOISE NOUS A COMMANDE DE LAPIDER CES FEMMES-LÀ. TOI DONC, QUE DIS-TU?
1128. En posant cette question, les Pharisiens s’enquièrent du jugement; l’interrogation est pleine de ruse; c’est comme s’ils disaient : si seulement il ordonnait de la laisser aller, alors il ne respecterait pas la justice. Mais loin de nous la pensée que celui qui est venu chercher et sauver ce qui était perdu puisse la condamner — Car Dieu n'a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour qu’il soit sauvé La Loi même ne pouvait pas décréter ce qui était injuste. Et c’est pourquoi il ne dit pas : "qu’elle soit pardonnée", pour ne pas sembler agir contre la Loi
1129. Il s’agit ici de l’intention perverse de ceux qui le mettaient à l’épreuve; ils croyaient en effet que le Christ, pour ne pas perdre sa mansuétude, aurait dit de la laisser aller; et ainsi, ils l’auraient accusé d’être transgresseur de la Loi — Ne tentez pas le Christ, comme ceux-là l’ont tenté
1130. L’Évangéliste poursuit en montrant que le Christ repousse les adversaires par sa sagesse. Les Pharisiens le mettaient à l’épreuve sur deux points : la justice et la miséricorde. Or, dans sa réponse, il préserva l’une et l’autre.
D’abord, il nous est montré comment il préserva la justice ; ensuite, qu’il ne s’écarta pas de la miséricorde .
-Pour montrer comment le Christ préserva la justice, l’Evangéliste expose d’abord le jugement, puis l’effet de ce jugement .
A propos du jugement lui-même le Christ fait trois choses : il commence par l’écrire, puis il le prononce; enfin il continue à écrire.
1131. Il écrit donc le jugement sur la terre avec le doigt; selon certains, il écrivait ce qui est écrit au livre de Jérémie : Terre, terre, terre, écoute la parole de Yahvé; inscris cet homme sans enfant... Mais selon d’autres, et cela semble plus juste, il écrivit cela même qu’il a énoncé, à savoir : QUE CELUI D’ENTRE VOUS QUI EST SANS PECHE LUI JETTE LE PREMIER UNE PIERRE. Cependant, ni l’une ni l’autre de ces opinions n’est certaine. Mais il écrivait sur la terre pour trois raisons. D’abord, selon Augustin pour montrer que ceux qui le mettaient à l’épreuve devaient être inscrits dans la terre — Seigneur, que ceux qui s'éloignent de toi soient inscrits dans la terre Au contraire, les justes et les disciples qui le suivent sont inscrits dans les cieux — Réjouissez-vous et exultez parce que vos noms sont inscrits dans les cieux Ensuite, pour montrer qu’il faisait des signes sur la terre : celui qui écrit fait des signes; donc, écrire sur la terre, c’est faire des signes sur elle. C’est pourquoi l’Evangéliste dit SE BAISSANT, par le mystère de l’Incarnation à partir duquel, dans la chair qu’il avait assumée, il fit des miracles. Enfin, parce que l’ancienne Loi était écrite sur des tables de pierre comme on le lit au livre de l’Exode et dans la deuxième épître aux Corinthiens , ce qui symbolise sa dureté : Quelqu'un rejetant la Loi de Moïse était impitoyablement mis à mort Au contraire, la terre est meuble. Il écrivait donc SUR LA TERRE pour symboliser la douceur et la souplesse de la nouvelle Loi qui devait être apportée par lui.
A la suite de cela, nous devons être attentifs à trois qualités dans nos jugements. D’abord la bienveillance, en nous mettant proche de ceux qu’il faut corriger : c’est pour cela qu’il dit SE BAISSANT — Le jugement est sans miséricorde pour celui qui n’a pas fait miséricorde — Si quelqu’un était pris en faute, vous, les spirituels, redressez-le en esprit de douceur Ensuite, la finesse dans le discernement; c’est pour cela qu’il dit ECRIVAIT DU DOIGT le doigt, en effet, à cause de sa flexibilité, symbolise l’art du discernement — Apparurent des doigts, comme une main d’homme écrivant sur le mur — Ne fais rien sans un jugement préalable Enfin la certitude dans l’énonciation du jugement : c’est pour cela qu’il dit ECRI VAIT .
1132. Devant leur insistance, il prononce ici un jugement. Bien qu’étant eux-mêmes des transgresseurs de la Loi, les Pharisiens faisaient tout pour accuser le Christ de transgresser lui-même la Loi, et pour condamner la femme; c’est pourquoi le Christ prononce un jugement en disant : QUE CELUI D’ENTRE VOUS QUI EST SANS PECHE. C’est comme s’il disait : que la pécheresse soit condamnée, mais non par des pécheurs; que la Loi soit accomplie, mais non par des transgresseurs de la Loi, parce que en jugeant un autre, tu te condamnes toi-même Ou bien laissez aller cette femme, ou bien subissez avec elle la peine prévue par la Loi.
1133. Ici se pose une question : celui qui juge en étant lui-même en état de péché, pèche-t-il en portant un jugement contre une autre personne qui se trouve coupable du même péché? Il est manifeste que le juge pèche, en scandalisant, s’il prononce un jugement tout en étant publiquement en état de péché; et cela semble également être le cas s’il est secrètement en état de péché : Du fait même que tu juges un autre, tu te condamnes toi-même . Or il est évident que personne ne se condamne soi-même, si ce n’est en péchant : il semble donc que l’on pèche en jugeant un autre.
Il convient ici de faire une double distinction. En effet, ou bien celui qui juge persévère dans sa volonté de pécher, ou bien il se repent d’avoir péché. De même, il condamne ou bien en tant que serviteur de la Loi, ou bien en son nom propre.
Certes, s’il se repent d’avoir péché, le péché n’est déjà plus en lui; et ainsi, il peut énoncer un jugement sans commettre aucun péché. Par contre, s’il a toujours la volonté de pécher : ou bien il prononce un jugement en tant que serviteur de la Loi, et alors il ne pèche pas du fait qu’il rend ce jugement (cependant, il pèche du fait qu’il commet des actions pour lesquelles il mérite de subir la même peine que celle qu’il inflige); ou bien c’est en son nom propre qu’il rend ce jugement, et alors il pèche en le faisant, parce qu’il n’est pas mû par l’amour de la justice, mais par un mal profondément enraciné; autrement, il punirait d’abord en lui ce qu’il blâme chez les autres : Le juste est le premier à s'accuser lui-même
1134. Il continue à écrire, d’abord pour montrer la sûreté de son jugement — Dieu n'est pas homme pour mentir, ni fils d’homme pour changer Ensuite, pour montrer qu’ils n’étaient pas dignes de son regard. Alors qu’il les avait frappés par zèle pour la justice, il ne jugea pas convenable de leur prêter attention, mais détourna d’eux son regard Enfin, par égard pour la honte qu’ils éprouvaient, leur laissant ainsi la libre possibilité de s’en aller .
1135. L’effet du jugement est leur trouble; MAIS EUX, ENTENDANT CELA, SORTAIENT L'UN APRES L'AUTRE, EN COMMENÇANT PAR LES PLUS VIEUX, soit parce qu’ils étaient embarrassés par de plus graves péchés et parce que leur conscience leur donnait plus de remords — L'iniquité est sortie des anciens d'Israël, des juges qui passaient pour gouverner le peuple —, soit encore parce qu’ils connaissaient mieux l’équité du jugement prononcé — J’irai donc vers les grands et je leur parierai, car ils connaissent, eux, le chemin du Seigneur et le jugement de Dieu .
ET JÉSUS RESTA SEUL, AVEC LA FEMME; c’est la miséricorde avec la misère. Il resta seul, parce que seul il était sans péché — Il n'en est pas un qui fasse le bien, pas même un seul sauf le Christ. Et c’est pourquoi la femme fut sans doute terrorisée et croyait qu’il allait la condamner.
Mais, s’il resta seul, comment l'Evangéliste peut-il dire AU MILIEU? Il faut dire que la femme se tenait au milieu des disciples, et ainsi, SEUL exclut les étrangers, non les disciples. Ou bien AU MILIEU signifie qu’elle était dans le doute, ne sachant pas si elle serait pardonnée ou condamnée.
Ainsi donc, il est manifeste que le Seigneur, en répondant, respecta la justice.
1136. L’Évangéliste montre ici que le Seigneur ne s’est pas écarté de la miséricorde; et cela, en rendant un jugement de miséricorde : d’abord il interroge la femme , ensuite il lui pardonne , enfin il l’avertit .
1137. Il l’interroge au sujet de ses accusateurs; c’est pourquoi l’Evangéliste dit : JESUS, SE REDRESSANT, c’est-à-dire détournant son visage de la terre sur laquelle il écrivait pour se tourner vers la femme, LUI DIT : FEMME, OU SONT CEUX QUI T’ACCUSAIENT? Il fait de même à propos de la condamnation, en demandant : PERSONNE NE TA CONDAMNEE? et celle-ci répond : PERSONNE, SEIGNEUR
1138. Ensuite, Jésus lui pardonne : ALORS JÉSUS DIT : MOI NON PLUS, JE NE TE CONDAMNERAI PAS, moi par qui tu as peut-être craint d’être condamnée, parce que tu n’as pas trouvé de péché en moi Cela n’est pas étonnant, parce que Dieu n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que par lui le monde soit sauvé — Je ne veux pas la mort du pécheur Il lui pardonne sa faute sans lui infliger d’autre peine, parce que, s’il la justifiait tout entière en lui pardonnant selon la justice de la Loi, il pouvait bien, à plus forte raison, faire que son cœur soit transformé par une contrition suffisante de ses péchés, de telle sorte que toute peine lui soit épargnée.
Cependant il ne faut pas, sous prétexte de suivre l’exemple du Seigneur, tomber dans la routine d’absoudre quelqu’un sans confession, ou sans lui infliger de peine; le Christ eut en effet l’excellence dans les sacrements, et put conférer l’effet du sacrement sans le sacrement lui-même, ce que nul homme ordinaire ne peut faire.
1139. Mais il la met en garde quand il dit : VA, ET DESORMAIS NE PECHE PLUS. Il y avait en effet deux choses dans cette femme : la nature et la faute, et le Seigneur pouvait condamner l’une comme l’autre : la nature, s’il avait ordonné qu’elle soit lapidée; et la faute, s’il ne lui avait pas pardonné. Il pouvait aussi laisser aller l’une comme l’autre, par exemple en lui donnant la liberté de pécher, lui disant VA, vis comme tu veux, sois assurée de mon pardon; pèche tant que tu voudras, je te libérerai même de la géhenne et des bourreaux de l’enfer. Mais le Seigneur, n’aimant pas la faute et ne favorisant pas les péchés, condamne la faute elle-même, non la nature, en disant : DESORMAIS NE PECHE PLUS; pour qu’ainsi il apparaisse que le Seigneur est doux par sa mansuétude, et droit par sa vérité
Il montre la puissance illuminative de l’enseignement du Christ d’abord par la parole et ensuite, au chapitre 9, par un miracle .
Au sujet de la parole, l'Evangéliste introduit d’abord le Christ en train d’enseigner; puis il expose la puissance de son enseignement .
Deux caractères appartiennent au service de docteur. D’abord, qu’il enseigne ceux qui désirent recevoir son enseignement; ensuite, qu’il réfute les thèses des adversaires.
Le Christ instruit donc d’abord ceux qui attendent son enseignement; puis il réfute les thèses des adversaires
A propos du Christ qui instruit ceux qui attendent son enseignement, l’Evangéliste décrit d’abord le lieu de l’enseignement, puis l’auditoire , enfin, le docteur .
Le lieu de l’enseignement est le Temple. L’Évangéliste montre d’abord le Christ quittant le Temple , puis y retournant .
1119. L’Évangéliste parle ici du départ de Jésus. En effet le Seigneur, quand il était à Jérusalem pour les jours de fête, faisait ainsi, selon l’inclination secrète de son cœur : pendant la journée il prêchait dans le Temple, manifestait des signes et des miracles éclatants; et tard, il retournait à Béthanie, sur le Mont des Oliviers, où il était reçu chez Marthe et Marie, les sœurs de Lazare. L’Évangéliste nous dit donc que Jésus, selon cette habitude, étant resté dans le Temple le dernier jour de la grande fête et y ayant prêché, dans la soirée S’EN ALLA JUSQU’AU MONT DES OLIVIERS, où se trouvait Béthanie.
Et ceci s’accorde au mystère : en effet, comme le dit Augustin , où convenait-il que le Christ enseignât et manifestât sa miséricorde, si ce n’est sur le Mont des Oliviers, sur le Mont de l’huile parfumée, sur le Mont de l’onction? En effet, l’olive symbolise la miséricorde; du reste, en grec, le même mot signifie "olive" et "miséricorde". Dans l’Evangile de saint Luc il est dit du Samaritain qu’il versa de l’huile et du vin, c’est-à-dire la miséricorde et la rigueur du jugement. L’huile a aussi une vertu curative : Plaie, coup, blessure toute tuméfiée, qui ne sont pas pansés ni soulagés avec de l’huile ... L’huile symbolise encore le remède de la grâce spirituelle, qui nous vient du Christ : Dieu, ton Dieu t’a oint d’une huile d’allégresse, de préférence à tes compagnons — C’est comme une huile parfumée sur la tête, qui descend sur la barbe — La pierre versait pour moi des ruisseaux d’huile.
1120. Le retour de Jésus dans le Temple est présenté par l’Evangéliste comme étant très matinal. Ce retour signifie qu’il était sur le point de révéler, à ceux qui croyaient en lui, la connaissance et la manifestation de sa grâce, dans son temple — Nous avons accueilli, Dieu, ta miséricorde, au milieu de ton temple .
Qu’il soit revenu dès le point du jour signifie la naissance de la nouvelle grâce — Sa sortie est préparée comme l’aurore .
1121. Quant à l’auditoire, il s’agit de ceux qui attendent son enseignement; c’est pourquoi l’Evangéliste dit : ET TOUT LE PEUPLE VINT A LUI — L'assemblée des peuples t'environnera .
1122. Le docteur est présenté assis, c’est-à-dire se met tant au niveau de son auditoire, pour que son enseignement soit plus facilement reçu. En effet, le fait de s’asseoir symbolise l’état d’humilité de l’Incarnation — Tu sais quand je m’assieds et quand je me lève .
Au début, les réalités divines furent plus facilement enseignées aux hommes, parce qu’elles apparaissaient visiblement à travers l’humanité assumée par le Christ; c’est pourquoi il dit que S’ASSEYANT, IL LES ENSEIGNAIT, c’est-à-dire il enseignait les gens sans détour et ceux qui recevaient sa parole avec admiration — Il enseignera ses chemins aux doux, et dirigera les humbles dans la justice. — Il nous enseignera ses voies .
1123. L’Évangéliste montre ensuite que le Seigneurréfute les thèses des adversaires; en premier lieu, il expose la tentative de fausse accusation : il en montre d’abord l’occasion ; puis il la décrit ; enfin il souligne l’intention de ceux qui le tentaient .
En second lieu, l’Evangéliste montre comment Jésus rejette les calomniateurs .
1124. L’occasion saisie pour le mettre à l’épreuve est l’adultère commis par une femme; et d’abord, ils mettent la faute en évidence en l’amplifiant; puis ils produisent la personne accusée.
Comme le dit Augustin trois choses prédominaient dans le Christ : la vérité, la mansuétude et la justice; il avait été prédit à son sujet : Avance et règne, à cause de la vérité, de la mansuétude et de la justice . En effet, il apporta la vérité en tant que docteur, et cela, les Pharisiens et les Scribes l’avaient perçu alors qu’il enseignait. Saint Jean dit plus loin : Si je vous dis la vérité, pourquoi ne me croyez-vous pas? En effet, ils ne pouvaient aucunement reprocher à son enseignement et à ses paroles d’être faux; c’est pourquoi ils avaient cessé de l’accuser à ce sujet.
La mansuétude, il l’a apportée en tant que libérateur; les Scribes et les Pharisiens eurent connaissance de cela à ce qu’il ne s’émouvait pas contre ses ennemis et ses persécuteurs : Alors qu’il était maudit, lui ne maudissait pas . — Mettez-vous à mon école, car je suis doux et humble de cœur . C’est pour quoi, même à ce sujet, ils ne l’accusaient plus.
La justice, il l’a apportée comme celui qui en avait une connaissance parfaite (cognitor) , et cela parce que les Juifs ne l’avaient pas encore vraiment, particulièrement dans les jugements : ils lui tendirent donc un piège, voulant savoir s’il s’écarterait de la justice à cause de la miséricorde. Pour cela, ils lui soumettent un crime connu et honteux : l’adultère — Toute femme adultère sera foulée aux pieds sur le chemin comme du fumier Puis ils poussent en avant la personne accusée, pour faire davantage impression : ET ILS LA PLACERENT AU MILIEU — Elle sera amenée au milieu .
1125. L’Évangéliste poursuit en montrant la tentation elle-même; et d’abord, les Pharisiens manifestent la faute, puis ils font valoir la justice selon la Loi; enfin, ils réclament le jugement.
1126. Les Scribes et les Pharisiens manifestent ici la faute; ils la grossissent de trois manières destinées à émou voir le Christ, de façon à lui faire abandonner sa mansuétude. D’abord, parle caractère récent de la faute; c’est pour cela qu’ils disent A L’INSTANT En effet, quand la faute est ancienne, elle n’émeut pas autant, parce que celui qui l’a commise s’est peut-être corrigé. Ensuite, par son évidence : A ETE SURPRISE; les Pharisiens font en sorte qu’elle ne puisse se disculper, comme les femmes ont tendance à le faire — Elle voile son visage, disant : je n'ai pas fait le mal Enfin, par l’énormité de la faute : EN FLAGRANT DELIT D’ADULTÈRE, qui est un crime grave et cause de nombreux maux — Toute femme qui commet l’adultère (...) péchera, en premier lieu contre la Loi de son Dieu
1127. Ils allèguent ensuite la justice de la Loi en disant : DANS LA LOI c’est-à-dire dans le Lévitique et le Deutéronome MOISE NOUS A COMMANDE DE LAPIDER CES FEMMES-LÀ. TOI DONC, QUE DIS-TU?
1128. En posant cette question, les Pharisiens s’enquièrent du jugement; l’interrogation est pleine de ruse; c’est comme s’ils disaient : si seulement il ordonnait de la laisser aller, alors il ne respecterait pas la justice. Mais loin de nous la pensée que celui qui est venu chercher et sauver ce qui était perdu puisse la condamner — Car Dieu n'a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour qu’il soit sauvé La Loi même ne pouvait pas décréter ce qui était injuste. Et c’est pourquoi il ne dit pas : "qu’elle soit pardonnée", pour ne pas sembler agir contre la Loi
1129. Il s’agit ici de l’intention perverse de ceux qui le mettaient à l’épreuve; ils croyaient en effet que le Christ, pour ne pas perdre sa mansuétude, aurait dit de la laisser aller; et ainsi, ils l’auraient accusé d’être transgresseur de la Loi — Ne tentez pas le Christ, comme ceux-là l’ont tenté
1130. L’Évangéliste poursuit en montrant que le Christ repousse les adversaires par sa sagesse. Les Pharisiens le mettaient à l’épreuve sur deux points : la justice et la miséricorde. Or, dans sa réponse, il préserva l’une et l’autre.
D’abord, il nous est montré comment il préserva la justice ; ensuite, qu’il ne s’écarta pas de la miséricorde .
-Pour montrer comment le Christ préserva la justice, l’Evangéliste expose d’abord le jugement, puis l’effet de ce jugement .
A propos du jugement lui-même le Christ fait trois choses : il commence par l’écrire, puis il le prononce; enfin il continue à écrire.
1131. Il écrit donc le jugement sur la terre avec le doigt; selon certains, il écrivait ce qui est écrit au livre de Jérémie : Terre, terre, terre, écoute la parole de Yahvé; inscris cet homme sans enfant... Mais selon d’autres, et cela semble plus juste, il écrivit cela même qu’il a énoncé, à savoir : QUE CELUI D’ENTRE VOUS QUI EST SANS PECHE LUI JETTE LE PREMIER UNE PIERRE. Cependant, ni l’une ni l’autre de ces opinions n’est certaine. Mais il écrivait sur la terre pour trois raisons. D’abord, selon Augustin pour montrer que ceux qui le mettaient à l’épreuve devaient être inscrits dans la terre — Seigneur, que ceux qui s'éloignent de toi soient inscrits dans la terre Au contraire, les justes et les disciples qui le suivent sont inscrits dans les cieux — Réjouissez-vous et exultez parce que vos noms sont inscrits dans les cieux Ensuite, pour montrer qu’il faisait des signes sur la terre : celui qui écrit fait des signes; donc, écrire sur la terre, c’est faire des signes sur elle. C’est pourquoi l’Evangéliste dit SE BAISSANT, par le mystère de l’Incarnation à partir duquel, dans la chair qu’il avait assumée, il fit des miracles. Enfin, parce que l’ancienne Loi était écrite sur des tables de pierre comme on le lit au livre de l’Exode et dans la deuxième épître aux Corinthiens , ce qui symbolise sa dureté : Quelqu'un rejetant la Loi de Moïse était impitoyablement mis à mort Au contraire, la terre est meuble. Il écrivait donc SUR LA TERRE pour symboliser la douceur et la souplesse de la nouvelle Loi qui devait être apportée par lui.
A la suite de cela, nous devons être attentifs à trois qualités dans nos jugements. D’abord la bienveillance, en nous mettant proche de ceux qu’il faut corriger : c’est pour cela qu’il dit SE BAISSANT — Le jugement est sans miséricorde pour celui qui n’a pas fait miséricorde — Si quelqu’un était pris en faute, vous, les spirituels, redressez-le en esprit de douceur Ensuite, la finesse dans le discernement; c’est pour cela qu’il dit ECRIVAIT DU DOIGT le doigt, en effet, à cause de sa flexibilité, symbolise l’art du discernement — Apparurent des doigts, comme une main d’homme écrivant sur le mur — Ne fais rien sans un jugement préalable Enfin la certitude dans l’énonciation du jugement : c’est pour cela qu’il dit ECRI VAIT .
1132. Devant leur insistance, il prononce ici un jugement. Bien qu’étant eux-mêmes des transgresseurs de la Loi, les Pharisiens faisaient tout pour accuser le Christ de transgresser lui-même la Loi, et pour condamner la femme; c’est pourquoi le Christ prononce un jugement en disant : QUE CELUI D’ENTRE VOUS QUI EST SANS PECHE. C’est comme s’il disait : que la pécheresse soit condamnée, mais non par des pécheurs; que la Loi soit accomplie, mais non par des transgresseurs de la Loi, parce que en jugeant un autre, tu te condamnes toi-même Ou bien laissez aller cette femme, ou bien subissez avec elle la peine prévue par la Loi.
1133. Ici se pose une question : celui qui juge en étant lui-même en état de péché, pèche-t-il en portant un jugement contre une autre personne qui se trouve coupable du même péché? Il est manifeste que le juge pèche, en scandalisant, s’il prononce un jugement tout en étant publiquement en état de péché; et cela semble également être le cas s’il est secrètement en état de péché : Du fait même que tu juges un autre, tu te condamnes toi-même . Or il est évident que personne ne se condamne soi-même, si ce n’est en péchant : il semble donc que l’on pèche en jugeant un autre.
Il convient ici de faire une double distinction. En effet, ou bien celui qui juge persévère dans sa volonté de pécher, ou bien il se repent d’avoir péché. De même, il condamne ou bien en tant que serviteur de la Loi, ou bien en son nom propre.
Certes, s’il se repent d’avoir péché, le péché n’est déjà plus en lui; et ainsi, il peut énoncer un jugement sans commettre aucun péché. Par contre, s’il a toujours la volonté de pécher : ou bien il prononce un jugement en tant que serviteur de la Loi, et alors il ne pèche pas du fait qu’il rend ce jugement (cependant, il pèche du fait qu’il commet des actions pour lesquelles il mérite de subir la même peine que celle qu’il inflige); ou bien c’est en son nom propre qu’il rend ce jugement, et alors il pèche en le faisant, parce qu’il n’est pas mû par l’amour de la justice, mais par un mal profondément enraciné; autrement, il punirait d’abord en lui ce qu’il blâme chez les autres : Le juste est le premier à s'accuser lui-même
1134. Il continue à écrire, d’abord pour montrer la sûreté de son jugement — Dieu n'est pas homme pour mentir, ni fils d’homme pour changer Ensuite, pour montrer qu’ils n’étaient pas dignes de son regard. Alors qu’il les avait frappés par zèle pour la justice, il ne jugea pas convenable de leur prêter attention, mais détourna d’eux son regard Enfin, par égard pour la honte qu’ils éprouvaient, leur laissant ainsi la libre possibilité de s’en aller .
1135. L’effet du jugement est leur trouble; MAIS EUX, ENTENDANT CELA, SORTAIENT L'UN APRES L'AUTRE, EN COMMENÇANT PAR LES PLUS VIEUX, soit parce qu’ils étaient embarrassés par de plus graves péchés et parce que leur conscience leur donnait plus de remords — L'iniquité est sortie des anciens d'Israël, des juges qui passaient pour gouverner le peuple —, soit encore parce qu’ils connaissaient mieux l’équité du jugement prononcé — J’irai donc vers les grands et je leur parierai, car ils connaissent, eux, le chemin du Seigneur et le jugement de Dieu .
ET JÉSUS RESTA SEUL, AVEC LA FEMME; c’est la miséricorde avec la misère. Il resta seul, parce que seul il était sans péché — Il n'en est pas un qui fasse le bien, pas même un seul sauf le Christ. Et c’est pourquoi la femme fut sans doute terrorisée et croyait qu’il allait la condamner.
Mais, s’il resta seul, comment l'Evangéliste peut-il dire AU MILIEU? Il faut dire que la femme se tenait au milieu des disciples, et ainsi, SEUL exclut les étrangers, non les disciples. Ou bien AU MILIEU signifie qu’elle était dans le doute, ne sachant pas si elle serait pardonnée ou condamnée.
Ainsi donc, il est manifeste que le Seigneur, en répondant, respecta la justice.
1136. L’Évangéliste montre ici que le Seigneur ne s’est pas écarté de la miséricorde; et cela, en rendant un jugement de miséricorde : d’abord il interroge la femme , ensuite il lui pardonne , enfin il l’avertit .
1137. Il l’interroge au sujet de ses accusateurs; c’est pourquoi l’Evangéliste dit : JESUS, SE REDRESSANT, c’est-à-dire détournant son visage de la terre sur laquelle il écrivait pour se tourner vers la femme, LUI DIT : FEMME, OU SONT CEUX QUI T’ACCUSAIENT? Il fait de même à propos de la condamnation, en demandant : PERSONNE NE TA CONDAMNEE? et celle-ci répond : PERSONNE, SEIGNEUR
1138. Ensuite, Jésus lui pardonne : ALORS JÉSUS DIT : MOI NON PLUS, JE NE TE CONDAMNERAI PAS, moi par qui tu as peut-être craint d’être condamnée, parce que tu n’as pas trouvé de péché en moi Cela n’est pas étonnant, parce que Dieu n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que par lui le monde soit sauvé — Je ne veux pas la mort du pécheur Il lui pardonne sa faute sans lui infliger d’autre peine, parce que, s’il la justifiait tout entière en lui pardonnant selon la justice de la Loi, il pouvait bien, à plus forte raison, faire que son cœur soit transformé par une contrition suffisante de ses péchés, de telle sorte que toute peine lui soit épargnée.
Cependant il ne faut pas, sous prétexte de suivre l’exemple du Seigneur, tomber dans la routine d’absoudre quelqu’un sans confession, ou sans lui infliger de peine; le Christ eut en effet l’excellence dans les sacrements, et put conférer l’effet du sacrement sans le sacrement lui-même, ce que nul homme ordinaire ne peut faire.
1139. Mais il la met en garde quand il dit : VA, ET DESORMAIS NE PECHE PLUS. Il y avait en effet deux choses dans cette femme : la nature et la faute, et le Seigneur pouvait condamner l’une comme l’autre : la nature, s’il avait ordonné qu’elle soit lapidée; et la faute, s’il ne lui avait pas pardonné. Il pouvait aussi laisser aller l’une comme l’autre, par exemple en lui donnant la liberté de pécher, lui disant VA, vis comme tu veux, sois assurée de mon pardon; pèche tant que tu voudras, je te libérerai même de la géhenne et des bourreaux de l’enfer. Mais le Seigneur, n’aimant pas la faute et ne favorisant pas les péchés, condamne la faute elle-même, non la nature, en disant : DESORMAIS NE PECHE PLUS; pour qu’ainsi il apparaisse que le Seigneur est doux par sa mansuétude, et droit par sa vérité
Vous pouvez vous servir de ces paroles pour combattre l'erreur de Nestorius. Nôtre-Seigneur, en effet, n'a pas dit : La lumière du monde est en moi, mais : « Je suis la lumière du monde ; » car celui qui paraissait être un homme ordinaire, était en même temps le Fils de Dieu et la lumière du monde ; et le Fils de Dieu n'habitait pas seulement dans l'homme, comme le prétendait sans fondement Nestorius.
Le pardon que Notre-Seigneur venait d'accorder à cette femme, pouvait faire naître dans l'esprit de ceux qui ne voyaient en lui qu'un homme le doute qu'il pût remettre les péchés, aussi croit-il devoir mettre dans un plus grand jour sa puissance divine : « Jésus leur parla de nouveau, disant : Je suis la lumière du monde. »
Remarquez qu'il ne dit pas : Je suis la lumière des anges, ou la lumière du ciel, mais : « La lumière du monde, » c'est-à-dire des hommes qui demeurent dans les ténèbres, selon cette prophétie de Zacharie dans saint Luc : « Pour éclairer ceux qui sont assis dans les ténèbres et dans l'ombre de la mort. »
Les Manichéens ont cru que le soleil qui éclaire les yeux de notre corps était Nôtre-Seigneur Jésus-Christ ; mais l'Eglise catholique condamne cette interprétation, car Notre-Seigneur Jésus-Christ n'est point ce soleil qui a été créé, mais celui par lequel le soleil a été créé. Toutes choses, en effet, ont été faites par lui, et cette lumière qui a créé le soleil s'est faite visible pour nous sous le soleil, elle s'est couverte de la chair comme d'un nuage, non pour obscurcir, mais pour tempérer son éclat, c'est donc en parlant à travers le nuage de la chair, que la lumière indéfectible, la lumière delà sagesse a dit aux hommes : « Je suis la lumière du monde. »
Le Sauveur vous rappelle des yeux du corps aux yeux du cœur par les paroles qui suivent : « Celui qui me suit ne marche pas dans les ténèbres, mais il aura la lumière de vie ; car il ne lui suffisait pas de dire : « Il aura la lumière, » mais il ajoute : « De vie. » Ces paroles du Sauveur s'accordent avec ces autres du psaume 33 : « Nous verrons la lumière dans votre lumière, parce qu'en vous est une source de vie. » Dans les choses extérieures qui sont à l'usage du corps, la lumière est différente de la source. La gorge altérée cherche la source, les yeux demandent la lumière ; mais en Dieu la lumière est la même chose que la source, Dieu est tout à la fois la lumière qui brille pour vous éclairer, et la source qui coule pour étancher votre soif. L'effet de la promesse est au futur, dans les paroles du Sauveur, ce que nous devons faire est au présent : « Celui qui me suit, aura, » il me suit actuellement par la foi, il me possédera plus tard dans ma nature. Suivez ce soleil visible, vous irez nécessairement à l'Occident, où il se dirige lui-même ; et quand vous ne voudriez pas l'abandonner, il vous abandonnera lui-même. Votre Dieu, au contraire, est tout entier en tout lieu, et il n'aura jamais pour vous de couchant, si vous n'avez pas pour lui de défaillance. Les ténèbres les plus à craindre sont celles des mœurs et non les ténèbres des yeux, on du moins ce ne sont que les ténèbres des yeux intérieurs à l'aide desquels on distingue non le blanc du noir, mais le juste de l'injuste.
Ou bien encore, comme ils avaient toujours à la bouche la Galilée, et qu'ils doutaient s'il n'était pas un prophète, il veut leur prouver qu'il n'est pas un des prophètes, mais qu'il est le maître de l'univers entier : « Jésus leur parla de nouveau, disant : Je suis la lumière du monde, » et non pas seulement la lumière de la Galilée, de la Palestine, de la Judée.
C'est dans un sens spirituel qu'il faut entendre ces paroles : « Il ne demeure pas dans les ténèbres, » c'est-à-dire, il ne demeure pas dans l'erreur. Le Sauveur donne ici des éloges à Nicodème et aux serviteurs envoyés par les pharisiens, tandis que pour ces derniers il laisse à entendre qu'ils sont des artisans de ruses et de fraudes, qu'ils sont dans les ténèbres et dans l'erreur, mais que cependant ils ne triompheront point de la lumière.