Jean 7, 53

Puis ils s’en allèrent chacun chez soi.

Puis ils s’en allèrent chacun chez soi.
Louis-Claude Fillion
Conclusion du récit. Embarrassés malgré leur rage violente, les Sanhédristes levèrent la séance et s'en allèrent chacun chez soi, sans prendre aucune décision contre Jésus. Ce trait final rend leur défaite très saillante. On a parfois rattaché "et ils s'en retournèrent" à "foule" du v. 43 ; mais alors le verbe serait bien séparé du sujet. Nous avons suivi le sentiment le plus naturel et le plus commun. Ce verset 53 étant omis, ainsi que les suivants, dans un grand nombre de manuscrits, c'est ici le lieu de discuter la question controversée de leur authenticité. Nous signalerons les arguments défavorables avec autant de franchise et de loyauté que les arguments favorables, et nous verrons lesquels l'emportent dans la balance de la critique. Disons d'abord que la foi ne nous semble pas engagée en cette affaire. Sans doute, le concile de Trente (Sess. 4) a défini que la Vulgate entière est authentique ; mais il ne semble pas que les Pères de cette illustre assemblée aient voulu désigner par ces mots une série quelconque de versets : ils avaient directement en vue les livres ou parties deutérocanoniques des Saintes Écritures que les protestants rejetaient comme apocryphes. Or, l'épisode de la femme adultère (7, 53-8, 11) ne rentre pas dans cette catégorie. Voyez Vercellone, Sulla autenticita delle singole parti della Biblia Vulgata secondo il decreto Tridentino, Rome 1866 (la Revue catholique de Louvain en a donné une traduction en 1866-1867) ; en sens contraire on pourra consulter Franzelin, Tractat. de Scriptura, thesis 19, p. 466 et s., et les Études religieuses, philosoph., historiq., par des Pères de la Compagnie de Jésus, nov. 1876. - Nous examinerons en premier lieu les arguments extrinsèques, en second lieu les arguments intrinsèques qui sont proposés soit par les adversaires, soit par les défenseurs de l'authenticité. 1. Les arguments extrinsèques consistent dans les manuscrits, les versions et les écrits des Pères. 1° Les manuscrits anciens les plus importants, c'est-à-dire les plus anciens, omettent complètement les douze versets dont nous parlons (א, A, B, C, L, T, X, Δ ; il est vrai que A et C sont incomplets et mutilés en cet endroit ; mais on a calculé que les pages disparues seraient insuffisantes pour contenir l'épisode). De nombreux manuscrits en écriture cursive (soixante environ) les ont pareillement omis ; de même une trentaine d'évangéliaires. Là où on les trouve, tantôt ils sont notés comme douteux au moyen de l'astérisque ou de l'obèle (par exemple dans E, M, S, Λ, II,) ; tantôt ils occupent des places extraordinaires (les minuscules 1, 19 et 20 les renvoient à la fin du quatrième évangile ; 13, 69, 124, 346 les insèrent après Luc 21, 38) ; toujours le texte en est très flottant et présente des variantes multiples : nouvelle preuve, assure-t-on, du peu de cas que l'on faisait de tout ce passage. - A cela que répondre ? Sans doute, parmi les manuscrits de premier ordre, nous n'en pouvons citer qu'un seul, le Codex D, qui contienne l'histoire de la femme adultère, et encore ne remonte-t-il qu'au 6ème siècle ; mais il est à peu près démontré qu'il est lui-même une copie d'un texte très antique, du 3ème ou du second siècle (voyez des preuves dans Hug, Einleitung in die Schriften des N. Test., t. 1, p. 124 et ss. ; Études relig., philos., historiq., 1877, n° de février, p. 147 et ss.) : son autorité est donc réellement très sérieuse. D'autres manuscrits anciens contiennent aussi notre fragment (F, G, H, K, V, T, du 7ème au 9ème siècle). Quant aux "minuscules" nous en pouvons alléguer plus de trois cents. Plusieurs évangéliaires et livres liturgiques prescrivent la lecture de ces douze versets aux fêtes de quelques saintes pénitentes. Certes, tout cela vaut bien quelque chose. Et les manuscrits qui déplacent l'épisode ou qui le notent d'un signe quelconque sont-ils donc si défavorables à l'authenticité ? Le fait de l'insertion n'est-il pas le principal ? Même remarque pour L et Δ, qui laissent un espace blanc après 7, 52 ; les copistes montraient ainsi que l'omission leur causait une certaine répugnance. Les variantes du texte n'ont rien d'étonnant dans un pareil état de choses. 2° Les versions. Un fait analogue se reproduit ici, comme il est naturel de s'y attendre, les versions dépendant des manuscrits qui leur servirent de base. La Peschito et la traduction syriaque de Philoxène, le copte, l'arabe, l'arménien, le gothique, le sahidique et plusieurs manuscrits très anciens de l'Itala n'ont pas ce célèbre récit ; par contre on le trouve dans la Vulgate, dans la plupart des exemplaires de l'Itala, dans les versions persane, éthiopienne, syriaque de Jérusalem, etc. 3° Même phénomène encore pour les Pères ; leur autorité se contrebalance extérieurement, car si l'Orient est muet pendant un certain temps, l'Occident parle très haut en faveur de l'authenticité. Voici du reste la manière dont les voix se répartissent. Rien dans les écrits de Tertullien et de S. Cyprien, là même, nous dit-on où ils auraient dû citer notre fragment s'ils l'eussent connu (Tertull. de Pudicit, 6; S. Cypr. Ep. 55); rien dans Origène, dans Théodore de Mopsueste, dans S. Jean Chrysostome, dans S. Cyrille d'Alexandrie, dans S. Basile, dans Nonnus, dans Théophylacte, quoique plusieurs d'entre eux aient commenté le quatrième évangile ; rien non plus dans les anciennes "Catenae" grecques. Euthymius (au 12ème siècle) explique ce passage, en ayant soin toutefois de dire qu'il manque dans les manuscrits les plus exacts ou qu'il y est marqué d'un obèle. D'autre part le recueil intitulé Constitutions apostoliques, qui date du 3ème siècle, mentionne en propres termes (2, 24, 4) le pardon accordé à la femme adultère. Non seulement S. Jérôme cite le morceau contesté, mais il a soin d'ajouter, Adv. Pelag. 2, 17 :« Dans plusieurs manuscrits grecs et latins de l’évangile de saint Jean, on trouve le récit de la femme adultère qui a été accusée devant le Seigneur ». On le trouve à la même époque dans les œuvres de S. Pacien (Ep. ad Sympr. 3a, n°2), de S. Augustin, de S. Ambroise, de S. Léon le Grand, de Jacques de Sarug (5ème siècle). Le silence des autres peut avoir été simplement accidentel : ainsi, S. Jean Chrysostome a omis de commenter le passage 7, 46-8, 21, et Théodore de Mopsueste ne nous a également laissé que des fragments de commentaires. Mais voici qui est tout à fait positif et significatif. La Providence a permis que S. Augustin et S. Ambroise, non contents de rendre témoignage à l'authenticité de cet épisode, indiquassent en outre le motif pour lequel un si grand nombre de documents l'ont éliminé. « Qui ne comprend pas que le mari doit pardonner ce qu’il voit que le Seigneur a pardonné. Mais cela, le sens des infidèles l’a en horreur. Au point que certains dont la foi est faible, ou qui sont plutôt des ennemis de la vraie foi, ayant peur, je crois, d’accorder à leurs femmes une impunité dans le péché, enlèvent de leurs bibles l’indulgence dont a fait montre le Seigneur envers la femme adultère, comme s’il avait accordé la rémission du péché, quand il a dit : ne pèche plus désormais ! » Cf. S. Ambroise Epist. 26, 2. L'omission provint donc, au début, de la crainte exagérée que les incrédules, ou les ignorants, et surtout les faibles, ne vinssent à abuser de cette histoire. Nicon, quoique venu beaucoup plus tard (13ème siècle), confirme le fait lorsqu'il reproche aux Arméniens d'avoir supprimé dans leurs traductions l'épisode en question. On comprend, après cela, que, dans certains manuscrits grecs, l'omission ne commence qu'à partir de 8, 3. - De tout ce qui précède, il résulte que "dès le 3ème et même dès le 2ème siècle, l'histoire de la femme adultère faisait partie de l'évangile de S. Jean ; que, vers le commencement du 6ème siècle au plus tôt, elle disparut peu à peu de la plupart des exemplaires grecs et de quelques exemplaires latins ; que plus tard, c'est- à-dire au 7ème siècle, on recommença à la reprendre, de manière qu'au 10ème siècle elle se retrouvât en possession de la place que lui avait autrefois assignée l'antiquité ecclésiastique". Corluy, Études religieuses, 1. c., p. 153. Or, jamais une pareille réintégration n'a eu lieu pour un texte apocryphe une fois éliminé. Si les versets 7, 53-8, 11 furent rayés pendant quelque temps dans un certain nombre de manuscrits, ce n'est donc point parce qu'on les croyait d'une autre main que celle de S. Jean. 2. Les arguments intrinsèques allégués par les adversaires de l'authenticité concernent le style et le sujet traité. 1° Le style de ce fragment, a-t-on dit, ne serait pas en rapport avec la manière habituelle de S. Jean comme écrivain. Les particules οὖν et ϰαὶ, si fréquentes partout ailleurs, sont à peine employées ici (une seule fois), et c'est δέ qui prend leur place (onze fois). Les autres expressions favorites de notre évangéliste feraient également défaut, tandis qu'on en trouve plusieurs autres dont il ne se sert jamais ou qu'en de rares circonstances (nous signalerons les principales dans le commentaire). Mais ces sortes d'arguments sont d'ordinaire très subjectifs, pour ne pas dire arbitraires ; aussi plusieurs des critiques qui rejettent ce passage comme apocryphe, ont-ils avoué que beaucoup d'exemples cités ne prouvent absolument rien (voyez une bonne réfutation dans Patrizi, In Joannem comment., p. 94 et 95). Combien d'autres épisodes du quatrième évangile où l'on rencontre des mots qui ne reviennent plus ensuite! 2° A propos du sujet traité, nous avons d'abord à recueillir plusieurs aveux précieux, échappés à des auteurs qui traitent cette histoire d'apocryphe. "Malgré les difficultés archéologiques, le récit contient tant de choses conformes au caractère et à la conduite accoutumées de Jésus, qu'on incline à le regarder comme un fragment de tradition orale, qui aura eu pour base un fait réel." Lücke. "C'est un fragment de la tradition apostolique, de l'authenticité duquel personne n'eût jamais douté, si on l'avait trouvé dans un des évangiles synoptiques". Keil. "Il porte tout à fait le cachet de la vérité intrinsèque, et ne présente pas la moindre trace d'une invention tardive". Weiss-Meyer. "C'est une portion authentique de l'histoire évangélique". Plummer. On s'étonne, après cela, d'entendre formuler des objections. Voici les principales, avec l'indication de la réponse. - Première objection. L'épisode de la femme adultère rompt l'organisme des chap. 7 et 8, qui contiennent un sommaire perpétuel des discours de Jésus-Christ durant la fête des Tabernacles. Réponse : l'épisode n'interrompt absolument rien, car il est placé au début d'une nouvelle journée, 8, 1-3, et ce n'est qu'après l'avoir raconté que l'évangéliste se met à résumer d'autres discours, 8, 12 et ss. - Deuxième objection. Le conflit entre Jésus et ses ennemis est devenu de plus en plus vif, au point que ceux-ci ont voulu faire arrêter N. -S. ; ils ne sauraient donc être rentrés si promptement en rapports avec lui. Réponse : au contraire, le récit abonde en vérité psychologique. Les Pharisiens, frustrés dans leur espoir, 7, 40-53, font maintenant une démarche personnelle pour « tenter » Jésus (8, 6) ; leur conduite est très naturelle, et ils agiront de même aux derniers moments, alors que le conflit se sera bien autrement accentué. Cf. Matth. 21, 23, et parall. - Troisième objection. Jamais, dans le quatrième évangile, les Juifs ne tentent Jésus en lui posant des questions légales. Réponse : Et qu’importe ? Qui avait interdit à S. Jean de citer un exemple de ce genre, si conforme à la conduite habituelle des Pharisiens ? Cf. Matth. XXII, 15, 34, etc. Pour conclure cette longue mais nécessaire discussion, qu’on nous permette de donner la parole à un écrivain qui, le plus souvent, n’éprouve pas beaucoup de gêne relativement aux questions d’authenticité. S’il ne rejette pas notre épisode, c’est qu’il aura eu de fortes raisons pour cela. « Le récit de la femme adultère laisse place à de grands doutes critiques. Ce passage manque dans les meilleurs manuscrits ; je crois cependant qu’il faisait partie du texte primitif. Les données topographiques des versets 1 et 2 ont de la justesse. Rien dans le morceau ne fait disparate avec le style du quatrième évangile. Je pense que c’est par un scrupule déplacé, venu à l’esprit de quelque faux rigoriste, sur la morale en apparence relâchée de l’épisode, qu’on aura coupé ces lignes qui pourtant, vu leur beauté, se seront sauvées, en s’attachant à d’autres parties des textes évangéliques… On comprend en tout cas beaucoup mieux qu’un tel passage ait été retranché qu’ajouté. » E. Renan, Vie de Jésus, 13e édit., p. 500 et s. On voit par là si Tregelles, Tischendorf, MM. Westcott et Hort étaient en droit de retrancher nos douze versets du texte sacré, comme ils l’ont fait d’un trait de plume dans leurs récentes éditions.
Saint Thomas d'Aquin
1083. Après avoir traité de l’origine de son enseignement — puis de l’origine de celui qui enseigne (ainsi que de son terme ) —, le Seigneur poursuit ici en conviant à recevoir son enseignement.

L’Evangéliste nous expose l’invitation du Christ, avant de nous montrer la dissension des foules .

L’INVITATION DU CHRIST

L’Évangéliste donne d’abord le mode de l’invitation du Christ, quant au moment , quant à la position du Christ qui nous convie , et quant à l’effort qu’il fait en nous appelant . Puis l'Evangéliste nous expose l’invitation elle-même , avant d’y ajouter un commentaire .

1084. L’Évangéliste nous donne ici le moment de cette Invitation du Christ; comme on l’a dit en effet, cette fête était célébrée pendant sept jours; le premier et le dernier jour étaient les plus solennels, de même que pour nous le premier jour de la fête et celui de l’octave sont plus solennels.

Donc, ce qui nous est raconté ici, le Seigneur ne le fit pas le premier jour, parce qu’il n’était pas encore monté à Jérusalem, ni pendant les jours intermédiaires, mais bien le tout dernier jour; et cela, parce qu’il y a peu de gens qui célèbrent les fêtes d’une manière spirituelle. C’est pourquoi le Christ ne les convie pas à son enseignement dès le commencement, de peur que celui-ci ne soit effacé de leur cœur par les vanités des jours de fête qui suivent, parce que, comme il est dit dans saint Luc, la parole du Seigneur est étouffée par les épines mais il les convie le dernier jour, pour que son enseignement soit gravé d’une manière plus tenace dans leurs cœurs

1085. Il faut savoir à ce propos que le Christ a enseigné tantôt assis, tantôt debout. Assis, il a enseigné les disciples comme on le voit au chapitre 5 de saint Matthieu mais debout, il a enseigné les foules, comme ici. C’est pourquoi l’habitude s’est développée dans l’Eglise de prêcher aux fou les en se tenant debout, et aux clercs et aux religieux en siégeant. La raison en est que la prédication aux foules, qui a pour fin de les convertir, se fait par mode d’exhortation; mais comme la prédication aux clercs s’adresse à eux comme à ceux qui habitent déjà dans la maison de Dieu, elle est comme un mémorial

1086. L’Évangéliste nous fait connaître ici l’effort du Christ : IL CRIAIT pour manifester son assurance — Elève avec force ta voix, toi qui apportes la bonne nouvelle à Jérusalem! Élève-là, ne crains pas pour être entendu de tous — Crie, ne t'arrête pas, élève ta voix comme une trompette et pour montrer la grandeur de ses paroles — Ecoutez-moi, parce que je vais parier de grandes choses

1087. L’Évangéliste expose ici l’invitation du Christ. Il commence par montrer quels sont ceux qui sont invités et à quoi ils sont conviés , puis quel est le fruit de cette invitation .

1088. Ceux qui sont invités, ce sont ceux qui ont soif : SI QUELQU’UN A SOIF, QUL VIENNE A MOI -Vous tous qui avez soif, venez vers les eaux . Il les appelle "ceux qui ont soif", parce que c’est l’état de ceux qui désirent servir Dieu. Mais Dieu n’accepte pas qu’on le serve par contrainte — Dieu aime celui qui donne joyeusement Et c’est pour cela que le Psalmiste disait : Je t'offrirai volontairement un sacrifice. De ceux-là, il est dit : Bienheureux ceux qui ont faim et soif de la justice . Ceux-là, le Seigneur ne les appelle pas en faisant des distinctions, mais il les appelle tous; c’est pourquoi il dit : SI QUELQU’UN A SOIF, comme pour dire : quel qu’il soit. — Venez à moi, vous tous qui me désirez, et rassasiez-vous de mes fruits .- Il veut que tous les hommes soient sauvés .

Il les invite à se désaltérer : ET QU’IL BOIVE. Cette bois son est une réfection spirituelle, dans la connaissance de la sagesse et de la vérité divines, et aussi dans la satisfaction complète des désirs — Mes serviteurs boiront, et vous, vous aurez soif — Venez et dévorez mon pain, et buvez le vin que j’ai mêlé pour vous — Elle l’abreuve de l’eau de la sagesse qui sauve

1089. Le fruit de cette invitation, c’est le rejaillissement de ces biens dans les autres : CELUI QUI CROIT EN MOI – COMME DIT L’EGRITURE, DE SON SEIN COULERONT DES FLEUVES D’EAU VIVE.

Selon Chrysostome , cette parole doit être lue ainsi : CELUI QUI CROITENMOI, COMME DIT L’ECRITURE, en coupant la phrase ici; et il enchaîne ensuite : DE SON SEIN COULERONT DES FLEUVES D’EAU VIVE, car si on dit : CELUI QUI CROIT EN MOI et qu’on enchaîne ensuite : COMME DIT L’ECRITURE, DE SON SEIN COULERONT DES FLEUVES D’EAU VIVE, cela ne semble pas convenir parce qu’on ne trouve nulle part dans un livre de l’Ancien Testament cette parole : DE SON SEIN COULERONT DES FLEUVES D'EAU VIVE. Donc, il faut dire de cette manière : CELUI QUI CROIT EN MOI, COMME DIT L’ÉCRITURE, c’est-à-dire selon les enseignements de l’Ecriture — Scrutez les Ecritures (...) ce sont elles-mêmes qui me rendent témoignage alors DE SON SEIN COULERONT DES FLEUVES D’EAU VIVE. Et il dit CELUI QUI CROIT EN MOI comme il avait dit plus haut : celui qui vient à moi parce que c’est la même chose de croire et de venir — Venez à lui, et vous êtes illuminés .

Mais selon Jérôme le texte est ponctué ainsi : SI QUELQU’UN A SOIF, QU’IL VIENNE A MOI, ET QU'IL BOIVE CELUI QUI CROIT EN MOI – COMME DIT L’ECRITURE, DE SON SÈIN COULERONT DES FLEUVES D’EAU VIVE, ce qui, comme lui-même le dit, est tiré du livre des Proverbes : Bois l’eau de ta citerne, et l’eau jaillissante de ton puits : que tes sources se répandent au dehors .

1090. Selon Augustin il faut savoir que les fleuves procèdent des sources comme d’un principe (a principio). Et celui qui boit d’une eau matérielle ne possède en lui ni la source , ni le fleuve, parce qu’il n’en goûte qu’une petite partie; mais celui qui boit en croyant au Christ puise la source; et lors même qu’il a puisé, sa conscience — qui est le sein de l’homme intérieur — commence à vivre et sera elle-même une source. C’est pourquoi il est dit : Celui qui boira de cette eau (...), elle deviendra en lui une source d’eau jaillissante Et cette source qu’on puise, c’est l’Esprit Saint, dont il est dit : Auprès de toi est la source de vie Celui donc qui boit de telle manière que cela profite à lui seul, l’eau vive ne coule pas de son sein en dons de la grâce, symbolisés par les fleuves; mais celui qui se hâte de prendre soin du prochain, et de communiquer aux autres les divers dons de la grâce de Dieu qu’il a reçus, DE SON SEIN COULER ONT DES FLEUVES D'EAU VIVE. C’est à cause de cela que Pierre dit : Chacun selon la grâce qu'il a reçue, en la mettant mutuellement au service des autres...

Il parle de FLEUVES, pour signifier l’abondance des dons spirituels promise en retour aux fidèles — Le fleuve de Dieu a été comblé d’eau ; de même, leur impétuosité — Ceux qui marchent avec impétuosité vers Jacob : Israël fleurira et germera, et ils rempliront de leur fruit la face de la terre — L'impétuosité du fleuve réjouit la cité de Dieu Et parce qu’il était mû par l’instinct et la ferveur de l’Esprit Saint, l’Apôtre disait : La charité du Christ nous presse et Ceux qui sont mus par l’Esprit de Dieu, ceux-là sont fils de Dieu Les FLEUVES symbolisent encore la répartition des dons de l’Esprit Saint, parce que A l’un la diversité des langues, à l’autre le don de guérison, etc.

Mais ces FLEUVES sont des eaux vives, parce qu’elles sont unies à leur source, c’est-à-dire à l’Esprit Saint habitant en nous.

1091. L’Évangéliste poursuit en commentant ce que le Christ a dit. Il donne d’abord son commentaire , puis la raison de ce commentaire .

1092. Le Christ dit donc que DE SON SEIN COULERONT DES FLEUVES D’EAU VIVE. Mais l’Evangéliste dit que l’on doit comprendre cela DE L’ESPRIT, QUE DE VAlENT RECEVOIR CEUX QUI CROIRAIENT EN LUI, parce que l’Esprit Saint est la source et le fleuve. La source, dont il est dit : Auprès de toi est la source de vie Mais le fleuve, parce qu’il procède du Père et du Fils — L'ange me montra un fleuve d'eau vive resplendissant comme du cristal, procédant du trône de Dieu et de l’Agneau — Il a donné l’Esprit à ceux qui lui obéissent .

1093. Saint Jean donne ici la raison de ce commentaire; il dit en fait deux choses : que L’ESPRIT N’AVAIT PAS ENCORE ETE DONNE, et que le Christ N’AVAIT PAS ENCORE ETE GLORIFIE

A propos de la première parole, il y a deux opinions : Chrysostome dit que l’Esprit Saint ne fut pas donné aux Apôtres avant la Résurrection du Christ, pour ce qui est des dons de prophétie et des miracles. Ainsi cette grâce, qui était donnée aux Prophètes, avait manqué à la terre jusqu’à l’avènement du Christ et par la suite elle ne fut donnée à personne avant le moment que l’on a dit. Et s’il est dit que les Apôtres expulsaient les démons avant la Résurrection, il faut comprendre qu’ils ne les expulsaient pas par l’Esprit, mais par la puissance qui venait du Christ. En effet, quand il les envoyait, on ne nous dit pas : "Il leur donna l’Esprit Saint", mais : Il leur donna la puissance

Mais cette opinion semble aller à l’encontre de ce que dit le Seigneur : Si moi je chasse les démons au nom de Béelzéboul, vos fils, au nom de qui les chassent-ils? Or il est certain que c’est dans l’Esprit Saint que lui-même expulsait les démons, ainsi que le fils, c’est-à-dire les Apôtres : il est donc manifeste qu’eux aussi avaient reçu l’Esprit Saint.

Voilà pourquoi il faut dire, selon Augustin que les Apôtres possédèrent l’Esprit Saint avant la Résurrection, même pour ce qui est des dons de prophétie et des miracles. Et ce qui est dit ici, à savoir que L’ESPRIT N’AVAIT PAS ENCORE ETE DONNE, doit être compris de l’abondance du don dans des signes visibles; elle leur fut donnée après la Résurrection et l’Ascension en des langues de feu .

1094. Mais puisque l’Esprit Saint sanctifie l’Église, et qu’il est aussi reçu maintenant par les fidèles, pourquoi n’y a-t-il personne qui parle les langues de toutes les nations comme à ce moment-là?

Il faut répondre que cela n’est pas nécessaire, selon ce que dit Augustin. L’Eglise envoyée en mission parle dans les langues des nations, parce que la charité est donnée par l’Esprit Saint — La charité de Dieu a été d usée dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné Et la charité, rendant toutes choses communes, fait que tout homme parle à tout homme. Voilà pourquoi Augustin dit : "Si tu aimes l’unité, quiconque possède quelque chose en elle c'est-à-dire dans l’Eglise] le possède aussi pour toi. Chasse l’envie, et ce que j’ai est tien. (...) La jalousie sépare, la charité unit (...). Aie la charité et tu auras toutes choses" Mais au commencement, avant que l’Eglise se soit étendue à travers le monde, comme ils étaient peu nombreux, il fallait qu’ils parlent les langues de tous, pour fonder ainsi l’Eglise en tous.

1095. Selon Augustin il faut comprendre cette parole de la gloire de la Résurrection; autrement dit : il n’était pas encore ressuscité des morts, il n’était pas encore monté aux cieux. De cette gloire il est dit : Glorifie-moi, Père, auprès de toi . Et la cause de ce qu’il voulut être glorifié avant de donner l’Esprit Saint, est que l’Esprit Saint nous est donné pour élever nos cœurs de l’amour du monde à une résurrection spirituelle et les faire courir totalement en Dieu. Parce que donc il a promis la vie éternelle à ceux qui brûlent ardemment de la charité de l’Esprit Saint, là où nous ne mourrons pas, où nous n’aurons rien à craindre, il n’a pas voulu donner l’Esprit Saint lui-même sans avoir été glorifié, pour nous montrer dans son corps la vie que nous espérons dans la résurrection.

1096. Selon Chrysostome il ne faut pas comprendre cela de la gloire de la Résurrection mais de la glorification de la Passion, dont le Seigneur dit plus loin, alors que l’heure de la Passion était imminente : Maintenant a été glorifié le Fils de l’homme Et selon cette interprétation, l’Esprit Saint est donné en premier lieu quand il dit aux Apôtres après la Passion : Recevez l’Esprit Saint Et l’Esprit Saint ne fut pas donné avant la Passion, parce que, comme il est un don il ne devait pas être donné à des ennemis, mais à des amis. Or nous, nous étions des ennemis Il fallait donc d’abord que l’hostie soit offerte sur l’autel de la croix et que l’inimitié soit détruite en sa chair afin qu'ainsi par la mort de son Fils nous soyons réconciliés avec Dieu et qu’alors, devenus des amis, nous recevions le don de l’Esprit Saint.

LA DISSENSION DES FOULES

1097. Ayant exposé l’invitation du Christ à nous désaltérer spirituellement, l’Evangéliste poursuit en nous montrant la dissension des foules : d’abord celle des foules entre elles, puis la dissension surgie chez les princes des prêtres .

L’Évangéliste nous donne d’abord différentes paroles de ceux qui s’opposent entre eux, avant de nous exposer en quoi consiste la dissension .

Or la diversité des paroles de la foule provenait de la diversité des opinions au sujet du Christ, et c’est pourquoi l’Evangéliste nous expose trois opinions de la foule : celles — il y en a deux — de ceux qui s’approchent déjà de la boisson spirituelle, et celle de ceux qui s’en écartent.

1098. Les premiers estimaient que le Christ était un prophète; c’est pourquoi l’Evangéliste dit : A PARTIR DE CETTE HEURE-LA DONC, c’est-à-dire à partir du où il avait parlé ainsi, le grand jour de la fête, LES FOULES, COMME ELLES AVAIENT ENTENDU CES PAROLES DE JÉSUS, DISAIENT — il s’agit de ceux qui avaient déjà commencé à puiser spirituellement de cette eau — : CELUI-CI EST VRAIMENT LE PROPHETE. Ils le disent, non seulement prophète, mais surtout le vrai Prophète, comme par antonomase pensant qu’il est celui dont Moïse avait parlé par avance : Dieu suscitera pour vous d’entre vos frères un Prophète : c’est lui que vous écouterez comme moi

1099. D'AUTRES DISAIENT : CELUI-CI EST LE CHRIST; ceux-là s’étaient approchés plus encore, et avaient davantage quitté la soif de ceux qui ne croient pas. Et cela, Pierre aussi l’a confessé — Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant

1100. La troisième opinion, contraire à la précédente, est celle de ceux qui s’écartent la boisson spirituelle. Ils s’opposent d’abord à l’opinion de ceux qui disent qu’il est le Christ, avant de confirmer leur objection par le recours à une autorité .

L’Evangéliste dit donc : MAIS CERTAINS, demeurant dans l’aridité de leur incroyance, DISAIENT : EST-CE DE GALILEE QUE VIENT LE CHRIST? Ils savaient en effet que les Prophètes n’avaient pas dit que le Christ viendrait de la Galilée; et croyant qu’il était né à Nazareth (car ils ignoraient que le lieu de sa nativité était Bethléem), ils prononcent ces paroles. Il était en effet manifeste qu’il avait été élevé à Nazareth, mais le lieu de sa nativité n’était connu que de peu de gens. Cependant, bien que l’Ecriture ne dise pas qu’il devait naître en Galilée, elle a pourtant annoncé qu’il devait d’abord se tourner vers elle : Au premier temps, la terre de Zabulon et la terre de Nephtali ont été délaissées; et au tout dernier temps, la route de la mer qui passe au-delà du Jourdain, la Galilée des nations, a été surchargée. Le peuple des nations qui marchait dans les ténèbres a vu une grande lumière, et pour les habitants de la région de l’ombre de la nuit une lumière s’est levée L’Ecriture avait aussi annoncé qu’il viendrait de Nazareth, selon cette prophétie d’Isaïe : Une fleur montera de la racine de fessé, ce qui se lit en hébreu : Le Nazaréen montera de sa racine

1101. Ils confirment leur objection par l’autorité de l’Ecriture en disant : L’ECRITURE NE DIT-ELLE PAS QUE C'EST DE LA RACE DE DAVID, ET DE LA CITADELLE DE BETHLÉEM OÙ ÉTAIT DAVID, QUE VIENT LE CHRIST?

C’est Jérémie qui dit que Jésus devait venir de la race de David : Je susciterai à David un germe juste Et il est dit de David : Parole de l’homme établi pour être le Christ de Dieu... Et de ce que le Christ viendrait de Bethléem, il est écrit : Et toi Bethléem, terre de Juda, de toi sortira pour moi celui qui doit être le dominateur en Israël

1102. L’Évangéliste expose d’abord la dissension de la foule, puis la tentative de certains d’entre eux contre le Christ ; enfin, la répression de cette tentative .

1103. IL SE FIT UNE DISSENSION DANS LA FOULE À CAUSE DE LUI, c’est-à-dire à cause du Christ. En effet, il arrive fréquemment que trouble et dissension soient causés dans le cœur des méchants par la manifestation de la vérité Et c’est pourquoi Jérémie dit, en tant que figure du Christ : Malheur à moi, ma mère, pourquoi m’as-tu enfanté homme de querelle, homme de discorde sur toute la terre? Et c’est à cause de cela que le Seigneur disait : Je ne suis pas venu apporter la paix, mais le glaive .

1104. La tentative, celle de certains, était de se saisir de lui; ET CERTAINS D’ENTRE EUX (à savoir ceux qui avaient dit : EST-CE DE GALILEE QUE VIENT LE CHRIST? VOULAIENT SE SAISIR DE LUI pour le tuer, à cause de leur inimitié : Poursuivez-le et saisissez-le — L’ennemi a dit : "Je poursuivrai et je saisirai". Cependant, lesbons, et ceux qui ont la foi, veulent se saisir du Christ pour jouir de sa présence — Je monterai au palmier, et je m’emparerai de son fruit .

1105. La répression de leur tentative vient de la puissance du Christ : MAIS PERSONNE NE PORTA LA MAIN SUR LUI, parce que le Christ ne le voulait pas; cela était en son pouvoir — Personne ne me prend mon âme; mais moi je la dépose de moi-même . C’est pourquoi, quand il voulut souffrir, il ne les attendit pas, mais lui-même s’offrit à eux : Il sortit et leur dit : Qui cherchez-vous?

1106. L’Évangéliste expose ensuite la division des princes des prêtres : d’abord leur division d’avec les serviteurs, puis ce qui les divise entre eux .

On voit d’abord le reproche que les princes des prêtres font aux serviteurs , puis le témoignage que les serviteurs rendent au Christ , enfin ce que tentent les princes des prêtres pour rabrouer les serviteurs .

1107. Il faut d’abord remarquer l’iniquité des princes des prêtres quand ils disent — LES GRANDS PRETRES ET LES PHARISIENS — POURQUOI NE L'AVEZ-VOUS PAS AMENE? En effet, ils étaient tellement mauvais que les serviteurs ne pouvaient les satisfaire sans porter préjudice au Christ — Le sommeil est ravi de leurs yeux s'ils n'ont pas supplanté quelqu'un .

Mais ici surgit une question concernant le sens littéral : on a dit plus haut que les serviteurs furent envoyés pour se saisir de Jésus au milieu de la fête, c’est-à-dire le quatrième jour; or leur retour est situé après le septième jour, quand l’Evangéliste a dit : LE TOUT DERNIER JOUR LE GRAND JOUR DE LA FETE; il semble donc que les serviteurs furent désœuvrés durant les jours intermédiaires.

Il y a à cela une double réponse : l’une consiste à dire que l’Evangéliste a anticipé le murmure des foules. Ou bien il faut répondre que les serviteurs revinrent peut-être à ce moment-là; mais l’Evangéliste en fait mention maintenant, pour montrer la cause de la dissension entre les princes des prêtres.

1108. Il faut remarquer ensuite la bonté des serviteurs dans le témoignage favorable qu’ils rendirent au Christ en disant : JAMAIS UN HOMME N’A PARLE AINSI, COMME PARLE CET HOMME. Ils se rendent par là dignes de louange pour trois raisons.

D’abord pour la cause de leur admiration, parce qu’ils admiraient le Christ non pas à cause des miracles, mais à cause de son enseignement ce qui les rend plus proches de la vérité et les éloigne de l’habitude des Juifs, qui cherchent des signes, comme on le lit dans la première épître aux Corinthiens Ensuite pour la facilité de leur conversion, parce que quelques paroles du Christ ont suffi à les saisir et à les attacher à son amour. Enfin pour l’assurance de leur esprit, parce qu’aux Pharisiens qui luttaient contre le Christ, ils disent de lui : JAMAIS UN HOMME N’A PARLE AINSI –

Et ils disent tout cela avec raison, parce que le Christ était non seulement un homme, mais aussi le Verbe de Dieu; et c’est pourquoi ses paroles avaient la puissance de mouvoir les cœurs] — Mes paroles ne sont-elles pas comme un feu, dit le Seigneur, et comme un marteau qui brise la pierre? C’est pourquoi aussi il est dit qu’il enseignait comme quelqu'un ayant la puissance . Ses paroles avaient aussi une saveur propre à adoucir : Que ta voix résonne à mes oreilles, car ta voix est douce — Que tes paroles sont douces à mon palais Il était encore bon de les retenir, parce qu’elles promettaient les biens éternels — Seigneur, à qui irons-nous? Tu as les paroles de la vie éternelle — Moi le Seigneur, qui t'enseigne ce qui est bon...

En troisième lieu, il faut remarquer la détestable perfidie des Juifs, par laquelle ils s’efforcent de détacher les serviteurs du Christ. ILS LE UR REPONDIRENT, c’est-à-dire aux serviteurs : AVEZ-VOUS ETE SEDUITS, VOUS AUSSI?

Ils commencent par blâmer l’erreur qu’ils attribuaient aux serviteurs . Ils exposent ensuite l’exemple des princes des prêtres , enfin celui des foules .

1110. Ils provoquent les serviteurs en disant : AVEZ VOUS ETE SEDUITS, VOUS AUSSI? Autrement dit : nous voyons que vous vous êtes réjouis dans la parole de cet homme. "Effectivement, ils avaient été séduits d’une manière louable parce qu’ayant rejeté le mal de l’incroyance, ils furent conduits à la vérité de la foi", dont il est dit : Tu m’as séduit Seigneur, et j’ai été séduit

1111. Ils exposent ici l’exemple des princes des prêtres pour détourner encore plus les serviteurs. Ils disent cela parce qu’on est rendu digne de foi pour deux raisons : l’autorité et la religion. Ils se servent donc de ces deux arguments contre le Christ pour affirmer : si le Christ devait être reçu, les princes des prêtres l’auraient accueilli sans aucun doute, eux en qui réside l’autorité; et de même les Pharisiens, en qui la religion était manifeste; mais aucun de ceux-là n’a cru en lui; donc, vous non plus vous ne devez pas croire en lui. Là s’accomplit ce qui est écrit : La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs, c’est-à-dire les princes des prêtres et les Pharisiens, celle-là est devenue la tête d’angle, c’est-à-dire dans le cœur des peuples. Mais cela a été fait par le Seigneur parce que sa bonté l’emporte sur la malice des hommes.

1112. Ils repoussent ensuite le témoignage de la foule, parce qu’elle confond leur malice. MAIS CETTE FOULE QUI NE CONNAIT PAS LA LOI, CE SONT DES MAUDITS, et c’est pourquoi il ne faut pas tenir la même position qu’eux. Car il est écrit : Maudit soit celui qui ne sera pas demeuré dans la Loi et ne l’aura pas mise en pratique Mais ils comprenaient mal cette parole, parce que ceux-là même qui n’ont pas la science de la Loi et qui cependant pratiquent ses œuvres demeurent plus dans la Loi que ceux qui, ayant la science de la Loi, ne l’observent cependant pas c’est de ceux-là qu’il est dit : Ce peuple m’honore des lèvres, mais son cœur est loin de moi — Soyez de ceux qui accomplissent la Loi, et non seulement de ceux qui l’écoutent

1113. L’Évangéliste poursuit en montrant la dissension des chefs entre eux. Il expose l’intervention de Nicodème , après avoir cité quelques traits à son propos ; puis il montre l’opposition des princes des prêtres , et enfin l’aboutissement de la dispute .

1114. L’Évangéliste évoque trois choses à propos de Nicodème : deux d’entre elles montrent l’intention de celui qui va parler, et la troisième, la fourberie des princes des prêtres.

La première de ces choses concerne la foi de Nicodème : CELUI QUI ETAIT VENU A LUI, c’est-à-dire celui qui avait cru, car c’est la même chose devenir au Christ et de croire en lui

La seconde concerne l’imperfection de sa foi, parce qu’IL VINT DE NUIT. Car s’il avait cru d’une manière par faite, il n’aurait pas craint — Beaucoup parmi les chefs crurent en lui, mais à cause des Pharisiens il ne se déclaraient pas, pour ne pas être exclus de la synagogue Nicodème était l’un de ceux-là.

La troisième chose évoquée par l’Évangéliste est le mensonge des princes des prêtres. En effet, ils avaient dit : aucun parmi les princes et les Pharisiens n’a c au Christ; et c’est pourquoi l’Evangéliste dit : IL ETAIT L’UN D'ENTRE EUX; autrement dit : si Nicodème, qui est l’un des princes, a cru en lui, il est manifeste que ce que les princes et les Pharisiens disent — à savoir qu’aucun des princes n’a cru en lui — est faux — II a vraiment dit un mensonge

1115. L’Évangéliste expose ici comment Nicodème les rappelle à l’ordre. Selon les lois civiles en effet, une enquête diligente doit précéder la sentence — Ce n'est pas l’habitude des Romains de condamner un homme avant que l’accusé n'ait ses accusateurs en sa présence, et qu'on lui ait donné lien de se défendre pour se laver des crimes [dont on l’accuse] . Aussi Job disait-il : Je m’instruisais avec un soin extrême de la cause que j’ignorais

C’est pourquoi il est dit dans la Loi de Moïse : Tu ne con damneras pas l’innocent et le juste, parce que j’abhorre l’impie .

Mais Nicodème dit ces paroles parce qu’ayant la foi il voulait les convertir au Christ. Cependant, parce qu’il était timide, il faisait cela d’une manière voilée. Il croyait en effet que si seulement ils voulaient écouter le Christ, sa parole serait d’une telle efficacité que peut-être ils deviendraient semblables à ceux qui avaient été envoyés pour se saisir de Jésus, et qui s’étaient convertis à ses paroles en faisant ce pour quoi ils avaient été envoyés

1116. L’Évangéliste expose ici l’opposition des princes des prêtres. En disant cela, ils regardent Nicodème comme un homme séduit, puis comme quelqu’un qui ignore la Loi.

Ils disent d’abord TOI AUSSI, ES-TU GALILEEN ?, c’est-à-dire, es-tu séduit par le Galiléen Ils décrétaient en effet que le Christ était Galiléen, parce qu’il avait vécu en Galilée : et c’est pourquoi tous ceux qui reconnaissaient le Christ étaient appelés Galiléens, comme par mode d’injure — La servante dit à Pierre : Es-tu Galiléen, toi aussi? — Vous aussi, voulez-vous devenir ses disciples?

Puis ils disent : SCRUTE LES ECRITURES, ET VOIS. Mais puisqu’il était docteur de la Loi, il n’avait nul besoin de la scruter de nouveau; c’est comme s’ils disaient : bien que tu sois docteur, tu ignores cela! — Tu es maître en Israël, et tu ignores ces choses? Mais quoique dans l’Ancien Testament il ne soit pas dit qu’un prophète surgirait de Galilée, on y lit cependant que de là devait sortir le Seigneur des prophètes — Une fleur, c’est-à-dire le Nazaréen, naîtra de la racine de fessé, et l'Esprit du Seigneur reposera sur lui .

1117. L’Evangéliste nous montre que l’aboutissement de la dispute est infructueux. ET ILS RETOURNERENT, n’ayant pas réalisé leur dessein, CHACUN CHEZ SOI, c’est-à-dire chez les siens, vides de foi et frustrés dans leur mauvais désir — Le Seigneur dissipe le conseil des pervers — Le Seigneur dissipe le conseil des princes et les pensées des peuples . Ou bien, CHACUN CHEZ SOI signifie : dans la malice de son refus de la foi et de son impiété — Je sais où tu habites, là où est le trône de Satan .
Saint Théophylacte d'Ohrid
C'est-à-dire, le prophète que l'on attendait. Les autres, au contraire, c'est-à-dire le peuple, disaient : C'est le Christ.

Ce n'étaient pas les princes du peuple, ils étaient trop bien d'accord pour ne pas le reconnaître comme le Christ. Ceux dont la malice était moins profonde, se contentaient d'attaquer par leurs paroles la gloire du Sauveur, mais ceux dont la méchanceté était extrême, désiraient vivement se saisir de sa personne, et c'est de ces derniers dont l'Evangéliste ajoute : « Quelques-uns d'entre eux voulaient le prendre. »

Les pharisiens gardent quelque modération et quelque douceur dans leur réponse à ceux qu'ils avaient envoyés, dans la crainte de les voir se séparer complètement d'eux pour s'attacher à Jésus-Christ.
Alcuin d'York
Ils n'ont pu eux-mêmes se saisir de sa personne lorsqu'ils ont voulu le lapider, et ils reprochent à leurs émissaires de ne l'avoir point amené.

C'est-à-dire qu'ils eu furent empêchés par celui qui avait la puissance de réprimer leurs efforts.

Ils avaient déjà commencé à puiser à cette source spirituelle, ils n'étaient plus tourmentés par la soif de l'infidélité, tandis que les autres demeuraient dans la sécheresse de leur incrédulité : « Mais, disaient les autres, est-ce que le Christ viendra de la Galilée ? L'Ecriture ne dit-elle pas que c'est de la race de David et de la petite ville de Bethléem, où naquit David, que le Christ doit venir ? » Ils connaissaient donc les prophéties qui avaient le Christ pour objet, mais ils ne savaient pas qu'elles avaient leur accomplissement en Jésus, ils savaient qu'il avait été élevé à Nazareth, mais ils ne songeaient pas à s'informer du lieu de sa naissance, et ils ne croyaient pas que la prophétie qu'ils avaient sous les yeux était accomplie en lui.

Et en effet, ils avaient été heureusement séduits, parce qu'ils avaient renoncé au malheur de l'incrédulité pour embrasser la foi.

Leur attention ne se portait que sur le lieu où il passait sa vie, et non sur le lieu de sa naissance, c'est pourquoi ils refusaient de le reconnaître, non-seulement pour le Messie, mais pour un simple prophète. »

Ils retournèrent dans la maison de leur incrédulité et de leur impiété, sans avoir rien fait, vides de foi et sans aucun résultat utile pour le salut de leurs âmes.
Saint Augustin
Lorsque le Seigneur eut invité ceux qui croyaient en lui, à venir s'abreuver aux sources de l'Esprit saint, le peuple fut divisé à son sujet : « Dès ce moment, parmi cette multitude qui avait entendu ses paroles, quelques-uns disaient : Celui-ci est vraiment le prophète. »

Ceux qui avaient été envoyés pour se saisir de Jésus, revinrent sans s'être souillés de ce crime et remplis d'admiration : « Lors donc que les gardes revinrent vers les pontifes et les pharisiens, ceux-ci leur dirent : Pourquoi ne l'avez-vous pas amené ? » 

Or, il parlait de la sorte, parce qu'il était Dieu et homme tout ensemble.

Mais les pharisiens ne se rendirent point à leur témoignage : « Les pharisiens leur répliquèrent : Avez-vous été séduits, vous aussi ? » C'est-à-dire, nous voyons que vous avez trouvé un véritable charme dans ses discours.

Ceux qui n'avaient point la connaissance de la loi, croyaient en celui qui avait donné la loi, et les docteurs de la loi ne craignaient pas de condamner l'auteur même de la loi, accomplissant ainsi ces paroles du Seigneur : « Je suis venu en ce monde pour le jugement, afin que ceux qui ne voient point voient, et que ceux qui voient deviennent aveugles. »(Jn 9, 39.)

Il n'était pas incrédule mais timide dans sa foi, c'est pour cela qu'il était venu de nuit trouver la lumière ; il voulait être éclairé, mais il craignait d'être connu. Il répondit donc aux Juifs : « Notre loi condamne-t-elle un homme sans l'avoir entendu et sans avoir instruit sa cause ? Il espérait que si les pharisiens consentaient seulement à l'entendre patiemment, ils éprouveraient la même impression que ceux qu'ils avaient envoyés pour se saisir de lui, et qui aimèrent mieux croire en lui ; mais ces hommes, profondément pervers, voulaient condamner avant de connaître.

Nicodème appelle la loi de Dieu, « notre loi, » parce que Dieu l'a donnée aux hommes.

C'est-à-dire, séduit par le Galiléen, car le Sauveur était appelé Galiléen, parce que ses parents habitaient Nazareth ; je dis ses parents du côté de Marie et non du côté d'un père qu'il n'eut point sur la terre.

La Galilée ne voit point sortir de prophète de son sein, mais elle a vu s'élever au milieu d'elle le Seigneur, des prophètes.
Saint Jean Chrysostome
Comment peut-on appeler maudits ceux qui se laissent persuader par la loi (ou qui obéissent à la loi) ? Les maudits sont bien plutôt ceux qui, comme vous, n'observent pas la loi.

L'Evangéliste fait cette remarque, pour montrer qu'ils ne manifestaient dans leur langage ni le désir de chercher la vérité, ni le désir de la dire : « Mais personne ne mit la main sur lui. »

Cette seule circonstance aurait dû suffire pour leur inspirer un profond repentir, ils n'en firent rien. Tel est le caractère propre de la méchanceté, elle ne veut céder à personne, et n'a qu'une chose en vue, c'est de mettre à mort celui à qui elle tend des embûches.

Admettons toutefois qu'ils ignoraient le lieu de sa naissance, pouvaient-ils ignorer également la race d'où il sortait, sa naissance de la maison et de la famille de David ? Pourquoi donc cette réflexion : « Est-ce que le Christ ne doit pas sortir de la race de David ? » Mais c'est justement cette circonstance qu'ils voulaient cacher, en alléguant son éducation à Nazareth, et toutes leurs paroles sont inspirées par une profonde malice. Aussi voyez, ils ne viennent pas trouver Jésus pour lui faire cette observation : Les Ecritures disent que le Christ doit sortir de Bethléem, comment se fait-il que vous venez de la Galilée ? Non encore une fois, et la malignité seule conduit leur langue et dicte leurs paroles. Comme ils ne prêtaient aucune attention aux enseignements du Sauveur et qu'ils n'avaient aucun désir de s'instruire, Jésus-Christ ne leur fit aucune réponse, tandis qu'il avait donné les plus grands éloges à Nathanaël, qui lui disait : « Est-ce qu'il peut venir quelque chose de bon de Nazareth ? » (Jn 1) Parce qu'il était un vrai Israélite, qu'il cherchait la vérité et qu'il était instruit à fond dans la science des Ecritures de 1'ancionne loi.

Les pharisiens et les scribes, témoins des miracles de Jésus, et versés dans la science des Ecritures, n'en tirent aucun profit; leurs gardes, qui n'ont en aucun de ces avantages, sont gagnés par un seul des discours du Sauveur; ils étaient envoyés pour le charger de chaînes, et ils reviennent enchaînés par l'admiration dont ils sont remplis. Et ils ne disent pas : Nous n'avons pu nous saisir de sa personne à cause de la foule, mais ils proclament hautement la sagesse de Jésus-Christ : « Jamais homme n'a parlé comme cet homme. »

Nous ne devons pas seulement admirer la prudence de ces hommes qui, sans avoir besoin de miracles, se laissent gagner par l'attrait de la doctrine du Sauveur (en effet, ils ne disent pas : Jamais homme n'a fait de tels miracles, ils disent : « Jamais homme n'a parlé comme cet homme, ») mais encore leur courage, la liberté avec laquelle ils s'expliquent de la sorte devant les pharisiens qui étaient les ennemis de Jésus-Christ. Le Sauveur cependant ne leur avait point parlé longuement, mais lorsque l'âme n'est pas viciée, elle n'a pas besoin de longs discours.

Voyez quel raisonnement insensé et pitoyable leur font les pharisiens : « Est-il quelqu'un d'entre les chefs du peuple ou d'entre les pharisiens qui aient cru en lui ? Pour cette populace qui ne connaît point la loi, ce sont des gens maudits. »Mais c'est justement le plus grand chef d'accusation contre eux, que la foule ait cru en Jésus-Christ, tandis qu'ils ont eux-mêmes refusé de croire.

Ils venaient d'objecter qu'aucun des princes du peuple n'avait cru en Jésus, raison dont l'Evangéliste fait voir la fausseté, en ajoutant : « Nicodème, l'un d'entre eux, celui qui était venu de nuit trouver Jésus, leur dit : »

Nicodème leur prouve donc à la fois qu'ils ne connaissent point la loi et qu'ils ne l'observent point. Mais les pharisiens, au lieu de montrer, comme ils auraient dû le faire, qu'ils avaient eu raison d'envoyer se saisir de la personne de Jésus, se laissent aller aux propos injurieux et outrageants : « Ils lui répondirent : Est-ce que vous êtes aussi Galiléen ? »

Ils ajoutent ce reproche blessant pour Nicodème, d'ignorer les Ecritures : « Examinez les Ecritures, lui disent-ils, et vous verrez que de la Galilée il ne sort point de prophète ; » absolument comme s'ils lui disaient : Allez et instruisez-vous.