Jean 7, 32
Les pharisiens entendirent la foule discuter ainsi à son propos. Alors les grands prêtres et les pharisiens envoyèrent des gardes pour l’arrêter.
Les pharisiens entendirent la foule discuter ainsi à son propos. Alors les grands prêtres et les pharisiens envoyèrent des gardes pour l’arrêter.
Mais ceux qu'aveuglaient la haine
et l'orgueil étaient loin d'un pareil raisonnement. - Murmurer ces choses… (ces paroles favorables à Jésus).
Retenus par la crainte qu'inspiraient universellement les hiérarques, les amis du Sauveur avaient échangé
leurs sentiments à voix basse (Cf. v. 12 et la note) ; néanmoins ils furent entendus, et quelque espion ou
délateur alla aussitôt avertir l'autorité. - Les chefs. La Vulgate est soutenue par les meilleures autorités. Les
princes des prêtres (qui font ici leur première apparition dans le quatrième évangile) et les Pharisiens
représentent le Sanhédrin ou grand Conseil. Comme nous l'avons dit ailleurs (Évangile selon S. Matth., p.
54), cette assemblée célèbre, qui avait la juridiction la plus étendue en matière religieuse et qui siégeait à
Jérusalem, se composait de trois catégories de membres : les princes des prêtres, les anciens ou notables, et
les docteurs de la Loi. Ces derniers appartenaient pour la plupart au parti pharisaïque ; c'est pour cela que S.
Jean les mentionne ici par l'appellation générale de pharisiens. Cf. v. 45 ; 11, 47, 57 ; 18, 3. Les notables sont
passés sous silence, comme en d'autres endroits des évangiles (Matth. 21, 45 ; 27, 62, etc.). Pour la première
fois, les ennemis de Jésus essaient de prendre contre lui des mesures actives et extérieures; du « le
cherchaient » ils vont passer aux faits. Leurs « ministres » étaient les employés secondaires qui formaient
leur police et exécutaient leurs mandats d'arrêt. - Pour l’arrêter. Non pas sur le champ, autrement on ne
comprendrait pas le retard qui fut mis à l'exécution de l'ordre (Cf. v. 44 et suiv.), mais dès qu'une heure
propice se présenterait.
L’Évangéliste expose d’abord l’étonnement des foules, puis une conjecture émise par elles , enfin leur objection contre ce qu’ils avaient supposé .
L’étonnement des foules apparaît à cause d’un dessein inique des princes des prêtres , et à cause de l’enseignement public du Christ .
1052. On a dit plus haut que le Christ, pour montrer la fragilité de la nature humaine, monta à la fête en se cachant; mais pour montrer la puissance de sa divinité, il enseigne publiquement dans le Temple et ne peut être saisi par ses persécuteurs. Et ainsi, comme le dit Augustin : "Ce qu’on prenait pour timidité s’est manifesté comme puissance" . Et c’est pourquoi DES GENS DE JERUSALEM DISAIENT : N’EST-CE PAS CELUI-CI QUE LES JUIFS CHERCHENTA TUER? comme avec un sentiment d’admiration, car eux-mêmes savaient bien avec quelle fureur il était recherché par les princes des prêtres, parce qu’ils étaient leurs familiers et habitaient Jérusalem. C’est pourquoi Chrysostome dit : "Ils étaient plus misérables que tous, ceux qui voyant un très grand signe de sa divinité, et remettant tout au jugement des princes corrompus, en avaient moins de vénération pour le Christ, — Tel le gouverneur de la cité, tels ses habitants .
Cependant, ils s’étonnaient avec admiration de la puissance qui empêchait qu’on le saisisse; voilà pourquoi ils disaient : N’EST-CE PAS CELUI-CI QUE LES JUIFS CHERCHENT A TUER? Les Juifs, c’est-à-dire les princes des prêtres, selon cette parole : Les Juifs le persécutaient parce qu'il faisait cela un jour de sabbat — L'iniquité est sortie des anciens du peuple qui semblaient le gouverner .
Ainsi apparaissent la vérité des paroles du Christ, et la fausseté des princes des prêtres. Plus haut en effet, alors que le Seigneur leur disait : Pourquoi cherchez-vous à me tuer. ils ont nié en disant : Tu as un démon, qui cherche à te tuer? Mais voici que ce que les chefs niaient, ceux-là le proclament en disant QUE LESJUIFS CHERCHENT A TUER. Ainsi donc, ils étaient dans l’étonnement à cause du dessein inique des princes des prêtres
1053. Ils s’étonnaient aussi que le Christ enseignât en public; c’est pourquoi ils disent VOICI QU’IL PARLE OUVERTEMENT, en enseignant, ce qui est l’indice d’une vérité qui n’a rien à craindre — Moi j’ai parlé ouvertement Et cependant, ILS NE LUI DISENT RIEN, comme refoulés par sa puissance divine. C’est en effet le propre de la puissance de Dieu d’empêcher que se développe dans le cœur des méchants la violence de leur malice — Quand les chemins d’un homme auront plu au Seigneur, il convertira aussi à la paix ses ennemis — Le cœur du roi est dans la main de Dieu; partout où il le veut, il l’inclinera
1054. L’Évangéliste expose ici la conjecture de la foule. C’est comme si elle disait : Auparavant, ils cherchaient à le tuer; maintenant ils l’ont trouvé, et cependant ILS NE LUI DISENT RIEN. Ce n’est pas qu’ils aient modifié leur propre jugement, car s’ils l’avaient connu, ils n'auraient jamais crucifié le Seigneur de gloire mais ils sont retenus par la puissance divine
1055. L’Évangéliste ajoute leur objection à cette conjecture : MAIS NOUS, NOUS SAVONS D’OÙ IL EST Ils raisonnaient pour ainsi dire de cette manière : le Christ doit avoir une origine cachée; mais celui-là a une origine manifeste, donc il n’est pas le Christ. Ici apparaît leur démence, parce qu’ayant supposé que même les princes croyaient au Christ, ils ne suivent cependant pas ce jugement, mais en avancent un autre, qui est faux — C’est là cette Jérusalem, que j’ai pourtant placée au milieu des nations Ils savaient en effet que le Christ venait de Marie, mais ils ignoraient le mode de cette origine — Il était, croyait-on, fils de Joseph. — Sa mère ne s’appelle-t-elle pas Marie?
1056. Mais puisqu’il est écrit : Et toi Bethléem Ephrata (...), de toi sortira un chef qui doit régner sur mon peuple Israël pourquoi disent-ils : LE CHRIST, QUAND IL SERA VENU, PERSONNE NE SAURA D'OÙ IL EST?
Il faut répondre qu’ils croient cela à cause de la parole d’Isaïe : Qui racontera sa génération? Ainsi donc, des Prophètes leur vient qu’à la fois ils savent d’où il est selon son origine humaine et l’ignorent selon sa génération divine
1057. Le Christ manifeste ici son origine : d’abord, il montre sous quel rapport son origine est connue, et sous quel autre elle est inconnue; pour cela il montre ce que les Juifs savaient de son origine , et ce qu’ils ignoraient de lui-même , puis il enseigne comment nous pou vons parvenir à la connaissance de son origine .
1058. Ils avaient appris l’origine humaine de Jésus. C’est pourquoi l'Evangéliste dit JESUS S’ECRIAIT Or le cri procède de l’intensité de ce que l’on éprouve. Et c’est pour quoi, parfois, le cri traduit au dehors l’agitation intérieure de l’âme; cela ne concerne pas le Christ, dont il est écrit : Il ne criera pas, ne fera pas acception de personne, sa voix ne sera pas entendue sur la place — Les paroles des sages se font entendre dans le silence Parfois aussi, le cri traduit l’intensité de la dévotion Dans ma détresse j’ai crié vers le Seigneur Parfois encore, on crie à cause de la grandeur des choses que l’on doit dire — Les séraphins criaient l’un à l’autre et disaient : Saint, Saint, Saint le Seigneur Dieu des armées — La Sagesse ne crie-t elle pas sur la place, et la prudence ne donne-t-elle pas de la voix? C’est ainsi que les prédicateurs sont exhortés à crier : Crie, ne t'arrête pas, fais retentir ta voix comme une trompette Et c’est ainsi que le Seigneur crie ici, ENSEIGNANT DANS LE TEMPLE ET DISANT : VOUS ME CONNAISSEZ, c’est-à-dire vous connaissez mon visage, ET VOUS SAVEZ D’OÙ JE SUIS, c’est-à-dire selon mon origine terrestre — lia été vu sur la terre et il a vécu chez les hommes Ils savaient en effet qu’il était né de Marie à Bethléem, et qu’il avait été élevé à Nazareth; mais ils ignoraient l’enfantement de la Vierge et qu’il avait été conçu par l’Esprit Saint, comme le dit Augustin Mis à part l’enfantement de la Vierge , ils connaissaient de Jésus tout ce qui appartient à un homme.
1059. Mais ils ignoraient son origine cachée; c’est pourquoi il dit : ET CE N’EST PAS DE MOI-MEME QUE JE SUIS VENU. D’abord le Christ donne à entendre quelle est son origine, puis il montre qu’elle avait été annoncée : enfin il dit qu’elle leur est cachée.
Il tient son origine du Père, de toute éternité : CE N’EST PAS DE MOI-MEME QUE JE SUIS VENU, autrement dit : je fus selon la divinité avant de venir dans le monde par l’humanité — Avant qu’Abraham fût, moi Je Suis D’ailleurs, il ne conviendrait pas que le Fils vienne, s’il n’avait pas été auparavant. Et cependant, du fait même que je suis venu, CE N’EST PAS DE MOI-MEME QUE JE SUIS VENU, parce que le Fils n’est pas de lui-même, mais du Père — Je suis sorti du Père, et je suis venu dans le monde
Son origine fut annoncée par le Père, qui promit de l’envoyer — De grâce Seigneur, envoie celui que tu dois envoyer — Je leur enverrai un Sauveur et un défenseur qui les libérera Et c’est pourquoi il dit MAIS IL EST VERIDIQUE, CELUI QUI M’A ENVOYE; autrement dit : ce n’est pas d’ail leurs que je suis venu, mais de celui qui a promis, et qui a accompli sa promesse parce qu’il est VERIDIQUE — Dieu est véridique et c’est pourquoi il convient que je dise la vérité, parce que j’ai été envoyé par le Véridique .
Et son origine leur est cachée, parce qu’ils ignorentCELUI QUI M’A ENVOYE : LUI QUE VOUS NE CONNAISSEZ PAS.
1060. Mais puisque tout homme, bien que né dans la chair, est de Dieu, il semble qu’il pourrait dire : Moije suis de Dieu, et par conséquent, VOUS SAVEZ D’OÙ JE SUIS.
Pour répondre à cela il faut dire, selon Hilaire que le Fils est de Dieu autrement que les autres hommes ne le sont, parce qu’il est de Dieu de telle manière qu’il est aussi Dieu; c’est pourquoi Dieu est son principe consubstantiel. Les autres réalités sont de Dieu de telle manière que cependant elles existent à partir de rien. Ainsi donc, on ignore d’où est le Fils, parce que la nature à partir de laquelle il est n’est pas connue; mais les hommes, on n’ignore pas d’où ils sont, parce que de tout ce qui subsiste à partir de rien, on ne peut ignorer l’origine.
1061. Ici, le Christ enseigne comment on peut parvenir à la connaissance de celui de qui il est. En effet, c’est de celui qui la connaît qu’il nous faut apprendre une chose; or seul le Fils connaît le Père et c’est pourquoi il dit : si vous voulez aussi la connaissance de celui qui m’a envoyé, il faut que vous la teniez de moi, parce que MOI, seul, JE LE CONNAIS. Il manifeste donc d’abord sa science , puis la perfection et la raison de sa science .
1062. Le Christ manifeste sa science en disant MOI, JE LE CONNAIS. Il est vrai que tous les hommes le voient ; cependant c’est d’une manière différente, parce que les hommes en cette pauvre vie le voient par le moyen des créatures — Les réalités invisibles de Dieu (...) se laissent voir à l’intelligence par le moyen des réalités qui ont été faites C’est pourquoi il est dit : Nous voyons maintenant comme dans un miroir, en énigme Mais les anges et les bienheureux qui sont dans la patrie le voient immédiatement par son essence — Leurs anges dans les cieux voient toujours la face de mon Père qui est dans les cieux. — Nous le verrons tel qu'il est Mais le Fils de Dieu le voit plus excellemment que tous, c’est-à-dire par une vision de compréhension — Dieu, personne ne l’a jamais vu, c’est-à-dire en le comprenant; le Fils unique, qui est dans le sein du Père, lui l’a fait connaître — Personne ne connaît le Père, si ce n’est le Fils . Et c’est de cette vision qu’il parle ici en disant : MOI, JE LE CONNAIS, c’est-à-dire d’une connaissance de compréhension.
1063. Il montre la perfection de sa science en disant : SI JE DIS QUE JE NE LE CONNAIS PAS, JE SERAI SEMBLABLE A VOUS, UN MENTEUR. Il avance cette affirmation pour deux raisons.
Les créatures spirituelles le connaissent, mais de loin, et imparfaitement, parce que chacun le regarde de loin En effet, la vérité divine excède toute notre connaissance — Dieu est plus grand que notre cœur . Donc, quiconque con naît Dieu peut dire sans aucun mensonge : JE NE LE CONNAIS PAS, parce qu’il ne le connaît pas autant qu’il peut être connu. Mais le Fils de Dieu le Père le connaît d’une manière absolument parfaite, comme lui-même se connaît parfaitement : c’est pourquoi il ne peut dire JE NE LE CONNAIS PAS.
De même, la connaissance de Dieu, et par-dessus tout celle que nous avons par la grâce, peut être perdue — Ils ont oublié Dieu qui les a rachetés . C’est pourquoi je puis dire que JE NE LE CONNAIS PAS, aussi longtemps que je suis en cette vie, parce que nul ne sait s’il est digne d’amour ou de haine . Mais le Fils possède une connaissance inamissible du Père, et c’est pourquoi il ne peut dire JE NE LE CONNAIS PAS.
Et dans ces paroles : JE SERAI SEMBLABLE À VOUS, UN MENTEUR, on doit voir une similitude qui provient de deux choses contraires . En effet, ils ne seraient pas menteurs s’ils disaient qu’ils ne connaissent pas Dieu, mais plu tôt s’ils disaient qu’ils connaissent Dieu alors qu’ils l’ignorent. Mais si le Christ disait qu’il ne le connaît pas, alors qu’il le connaît, il serait un menteur. Tel est donc le sens de cette parole : SI JE DIS QUE JE NE LE CONNAIS PAS, alors que je le connais, JE SERAIS EMBLABLE A VOUS, UN MENTEUR, vous qui dites que vous le connaissez alors même que vous l’ignorez.
1064. Mais le Christ ne pouvait-il pas dire JE NE LE CONNAIS PAS? Il semble que oui, puisqu’il pouvait remuer les lèvres et prononcer de telles paroles. Donc il peut être menteur.
Il faut dire que le Christ a prononcé des paroles de ce genre, et n’a cependant pas été menteur, parce qu’il faut comprendre ainsi cette parole : SI JE DIS avec assentiment QUE JE NE LE CONNAIS PAS; avec assentiment, c’est-à-dire de telle manière qu’il croie dans son cœur ce qu’il prononce de sa bouche. Or affirmer le faux à la place du vrai provient de deux défauts : d’un défaut de connaissance dans l’intelligence — qui ne pouvait se trouver dans le Christ, puisqu’il est la sagesse de Dieu — ; ou d’un défaut de volonté droite dans la puissance affective, ce qui, de la même façon, ne pouvait se trouver dans le Christ puisqu’il est la puissance de Dieu .
C’est pourquoi il ne pouvait dire avec assentiment JE NE LE CONNAIS PAS. Cependant la supposition n’est pas fausse, bien que son antécédent soit impossible, et de même son conséquent.
1065. L’Évangéliste expose la raison de la science unique et parfaite du Christ par ces paroles : MAIS JE LE CONNAIS PARCE QUE JE SUIS DE LUI, ET C’EST LUI QUI M’A ENVOYÉ.
En effet, toute connaissance se fait par une similitude, puisque rien n’est connu que dans la mesure où une similitude du connu est dans le connaissant; mais tout ce qui procède d’un autre possède une similitude de ce dont il procède; c’est pourquoi tous ceux qui connaissent vraiment possèdent la connaissance de Dieu de diverses manières, selon le degré divers de leur procession à partir de Dieu. L’âme spirituelle possède la connaissance de Dieu selon qu’elle participe à la similitude de Dieu, d’une manière certes plus imparfaite que les autres créatures spirituelles. L’ange, parce qu’il possède une similitude plus fidèle de Dieu, étant le sceau de sa ressemblance connaît Dieu d’une manière plus manifeste. Mais le Fils possède la similitude la plus parfaite du Père, puisqu’il est de la même essence et la même puissance que lui; et c’est pourquoi il le connaît très parfaitement, comme on l’a dit. Voilà pourquoi il dit : MAIS JE LE CONNAIS, c’est-à-dire autant qu’il peut être connu. Et la raison en est que JE SUIS DE LUI, ayant la même essence que lui par connaturalité. C’est pourquoi, de même que le Père se connaît parfaitement par son essence, de même aussi par la même essence JE LE CONNAIS, parfaitement. Mais pour que l’on ne rapporte pas cette parole à la mission par laquelle il est venu dans le monde, il ajoute aussitôt ET C’EST LUI QUI M’A ENVOYE, pour qu’ainsi cette parole : JE SUIS DE LUI soit rapportée à la génération éternelle, par laquelle il est consubstantiel au Père. Ainsi, la propriété de la connaissance lui vient de la propriété de la génération
Par cette parole, il donne à entendre que le Père est l’auteur de l’Incarnation — Dieu a envoyé son Fils né d'une femme, né sous la Loi . Or, de même que le Fils, étant du Père, possède une parfaite connaissance du Père, de même, l’âme du Christ, étant unie au Verbe d’une manière unique, possède une connaissance de Dieu unique et plus excellente que toutes les autres créatures, bien qu’elle ne le comprenne pas. Et c’est pourquoi le Christ peut dire en parlant de son âme : Je le connais plus excellemment que toutes les autres créatures, sans cependant le comprendre .
L’EFFET DE L’ENSEIGNEMENT DU CHRIST
1066. L’Évangéliste traite ensuite de l’effet de l’enseignement, d’abord sur les foules, puis sur les Pharisiens .
En ce qui concerne les foules, l’Évangéliste expose d’abord l’effet de l’enseignement du Christ sur les foules malveillantes, puis sur celles qui lui étaient acquises .
L’Évangéliste fait d’abord comprendre le dessein inique des foules , puis l’obstacle surgi dans la réalisation de ce dessein , enfin la raison de cet obstacle .
1067. L’iniquité de leur dessein est mise ici en pleine lumière. En effet, parce que le Seigneur avait dit : LUI QUE VOUS NE CONNAISSEZ PAS, les Juifs étaient irrités, eux qui faisaient semblant de le connaître; et c’est pourquoi ils projetaient quelque chose d’inique, à savoir se saisir de lui pour le crucifier et le tuer, selon cette parole : Poursuivez-le et saisissez-le
Mais il en est qui, ayant le Christ en eux, cherchent cependant à s’emparer de lui avec piété — Je monterai au palmier et je m’emparerai de son fruit C’est pourquoi aussi l’Apôtre disait : Je poursuis ma course pour tâcher de le saisir, ayant moi-même été saisi par le Christ Jésus
mmm
1068. L’Évangéliste expose ici l’obstacle surgi dans la réalisation de leur dessein. En effet, leur fureur fut réfrénée et contenue d’une manière invisible. Par là, il est évident que la volonté de nuire appartient à chacun de lui-même, mais que la puissance d’accomplir le mal vient de Dieu ; c’est ce que montrent les chapitres 1 et 2 du livre de Job, où Satan ne put frapper Job que dans la mesure où Dieu le lui permit
1069. L’Évangéliste signale ici la raison de l’obstacle. Il faut savoir qu’il y a un temps et un moment favorable pour toute affaire Or le temps de n’importe quelle chose est déterminé par sa cause. Donc, parce que les causes des effets matériels sont les corps célestes, dans les choses qui se déroulent d’une manière matérielle l’heure est déterminée à partir des corps célestes. Mais l’âme, puisqu’elle est de l’ordre de l’intelligence et de la raison, n’est soumise à aucun des corps célestes; et puisque, selon ce principe, elle transcende les causes temporelles, elle n’a pas d’heures déterminées par les corps célestes, mais par sa cause, c’est-à-dire Dieu, qui règle ce qu’il faut faire, à quel moment. — Pourquoi un jour en surpasse-t-il un autre, une lumière une autre lumière, une année une autre année, un soleil un autre soleil? Les choses ont été distinguées par la science du Seigneur, le soleil ayant été créé et gardant le commandement du Seigneur . Pour le Christ donc, l’heure est d’autant moins déterminée par ces corps célestes.
Ainsi donc, il ne faut pas comprendre SON HEURE comme étant fixée par une nécessité du destin, mais déterminée d’avance par toute la Trinité; car, comme le dit Augustin il ne faut pas même le croire de toi, à plus forte raison de celui par qui tu as été fait. Si ton heure c’est sa volonté — à savoir celle de Dieu —, quelle est son heure à lui sinon sa volonté? L’heure dont il a parlé n’est donc pas celle à laquelle il serait contraint de mourir, mais celle où il daignerait être mis à mort. "Mon heure n'est pas encore venue — Jésus, sachant que son heure était venue de passer de ce monde au Père...
1070. L’Évangéliste expose ici l’effet de l’enseignement du Christ sur les foules qui lui étaient acquises.
Il montre d’abord leur foi : PARMI LA FOULE, BEAUCOUP CRURENT EN LUL Il ne le dit pas des princes des prêtres, parce que plus ils étaient pénétrés de leur importance, plus ils étaient éloignés delui; et ainsi la sagesse n’avait pas sa place en eux, parce que, comme il est dit, là où est l’humilité, là est la sagesse . Mais la foule, qui s’aperçut rapidement de sa propre maladie, connut sans retard le remède du Seigneur — Tu as caché ces choses aux sages et aux prudents, et tu les as révélées aux tout-petits Et à cause de cela, les humbles et les pauvres furent les premiers à se convertir au Christ — Dieu a choisi ce qui dans le monde est sans naissance et méprisé, et ce qui n'est rien, pour détruire ce qui est quelque chose .
Ensuite, il montre le motif qui les a poussés à croire : LE CHRIST, QUAND IL SERA VENU, FERA-T-IL PLUS DE SIGNES QUE N’EN FAIT CELUI-CI? Les prophètes en effet avaient annoncé que le Christ, à son avènement, ferait de nombreux miracles : Dieu lui-même viendra et vous sauvera; alors les yeux des aveugles s'ouvriront et les oreilles des sourds entendront . C’est pourquoi, voyant les miracles que le Christ accomplissait, ils étaient amenés à croire en lui. Mais leur foi n’était pas encore ferme parce qu’ils étaient poussés à croire en lui non pas par l’enseignement, mais par les signes, alors que, étant déjà croyants et instruits par la Loi, ils auraient dû être poussés beaucoup plus par l’enseignement; car, comme il est dit, les signes sont donnés aux non-croyants; quant aux prophéties, elles sont données non aux non-croyants, mais à ceux qui croient En deuxième lieu, leur foi était faible parce qu’ils semblent attendre encore un autre Christ; c’est pourquoi ils disent : LE CHRIST, QUAND IL SERA VENU, FERA-T-IL PLUS DE SIGNES QUE N’EN FAIT CELUI-CI? Ainsi, il est évident qu’ils ne croyaient pas au Christ comme en Dieu, mais comme en un homme juste, ou un prophète. Ou bien, selon Augustin ils raisonnent ainsi : LE CHRIST, QUAND IL SERA VENU, FERA-T-IL PLUS DE SIGNES QUE N’EN FAIT CELUI-CI?, comme pour dire : on nous a promis que le Christ doit venir; mais il ne fera pas plus de signes que n’en fait celui-ci; donc, ou bien celui-ci est le Christ, ou bien il y aura plusieurs Christs.
1071. L’Évangéliste expose ici quel fut l’effet de l’enseignement du Christ sur les Pharisiens. Et comme le dit Chrysostome Le Christ a dit beaucoup de choses sans toutefois que cela suscite en eux une opposition à son égard. Mais voyant la foule avoir foi en lui, ils s’excitent aussitôt contre lui et, perdant la tête, ils cherchent à le tuer. Par là, on voitavec évidence que la violation du sabbat n’était pas la véritable cause de leur haine, mais que ce qui les piquait au vif par-dessus tout, c’était que les foules rendaient gloire au Christ. C’est ce que l’on voit plus loin : Vous voyez que vous n gagnez rien : voici que tout le monde s’en va après lui ! Mais parce qu’eux-mêmes, craignant le danger, n’osaient pas se saisir du Christ, ils envoient des serviteurs qui, eux, peuvent bien être exposés au danger.
1072. Après avoir exposé le principe de son origine , le Seigneur laisse entendre ici quelle est sa fin, c’est-à-dire là où il doit aller par la mort.
L’Evangéliste fait d’abord allusion au terme du chemin du Christ, puis il expose l’étonnement des foules à propos de ses paroles .
L’étonnement des foules apparaît à cause d’un dessein inique des princes des prêtres , et à cause de l’enseignement public du Christ .
1052. On a dit plus haut que le Christ, pour montrer la fragilité de la nature humaine, monta à la fête en se cachant; mais pour montrer la puissance de sa divinité, il enseigne publiquement dans le Temple et ne peut être saisi par ses persécuteurs. Et ainsi, comme le dit Augustin : "Ce qu’on prenait pour timidité s’est manifesté comme puissance" . Et c’est pourquoi DES GENS DE JERUSALEM DISAIENT : N’EST-CE PAS CELUI-CI QUE LES JUIFS CHERCHENTA TUER? comme avec un sentiment d’admiration, car eux-mêmes savaient bien avec quelle fureur il était recherché par les princes des prêtres, parce qu’ils étaient leurs familiers et habitaient Jérusalem. C’est pourquoi Chrysostome dit : "Ils étaient plus misérables que tous, ceux qui voyant un très grand signe de sa divinité, et remettant tout au jugement des princes corrompus, en avaient moins de vénération pour le Christ, — Tel le gouverneur de la cité, tels ses habitants .
Cependant, ils s’étonnaient avec admiration de la puissance qui empêchait qu’on le saisisse; voilà pourquoi ils disaient : N’EST-CE PAS CELUI-CI QUE LES JUIFS CHERCHENT A TUER? Les Juifs, c’est-à-dire les princes des prêtres, selon cette parole : Les Juifs le persécutaient parce qu'il faisait cela un jour de sabbat — L'iniquité est sortie des anciens du peuple qui semblaient le gouverner .
Ainsi apparaissent la vérité des paroles du Christ, et la fausseté des princes des prêtres. Plus haut en effet, alors que le Seigneur leur disait : Pourquoi cherchez-vous à me tuer. ils ont nié en disant : Tu as un démon, qui cherche à te tuer? Mais voici que ce que les chefs niaient, ceux-là le proclament en disant QUE LESJUIFS CHERCHENT A TUER. Ainsi donc, ils étaient dans l’étonnement à cause du dessein inique des princes des prêtres
1053. Ils s’étonnaient aussi que le Christ enseignât en public; c’est pourquoi ils disent VOICI QU’IL PARLE OUVERTEMENT, en enseignant, ce qui est l’indice d’une vérité qui n’a rien à craindre — Moi j’ai parlé ouvertement Et cependant, ILS NE LUI DISENT RIEN, comme refoulés par sa puissance divine. C’est en effet le propre de la puissance de Dieu d’empêcher que se développe dans le cœur des méchants la violence de leur malice — Quand les chemins d’un homme auront plu au Seigneur, il convertira aussi à la paix ses ennemis — Le cœur du roi est dans la main de Dieu; partout où il le veut, il l’inclinera
1054. L’Évangéliste expose ici la conjecture de la foule. C’est comme si elle disait : Auparavant, ils cherchaient à le tuer; maintenant ils l’ont trouvé, et cependant ILS NE LUI DISENT RIEN. Ce n’est pas qu’ils aient modifié leur propre jugement, car s’ils l’avaient connu, ils n'auraient jamais crucifié le Seigneur de gloire mais ils sont retenus par la puissance divine
1055. L’Évangéliste ajoute leur objection à cette conjecture : MAIS NOUS, NOUS SAVONS D’OÙ IL EST Ils raisonnaient pour ainsi dire de cette manière : le Christ doit avoir une origine cachée; mais celui-là a une origine manifeste, donc il n’est pas le Christ. Ici apparaît leur démence, parce qu’ayant supposé que même les princes croyaient au Christ, ils ne suivent cependant pas ce jugement, mais en avancent un autre, qui est faux — C’est là cette Jérusalem, que j’ai pourtant placée au milieu des nations Ils savaient en effet que le Christ venait de Marie, mais ils ignoraient le mode de cette origine — Il était, croyait-on, fils de Joseph. — Sa mère ne s’appelle-t-elle pas Marie?
1056. Mais puisqu’il est écrit : Et toi Bethléem Ephrata (...), de toi sortira un chef qui doit régner sur mon peuple Israël pourquoi disent-ils : LE CHRIST, QUAND IL SERA VENU, PERSONNE NE SAURA D'OÙ IL EST?
Il faut répondre qu’ils croient cela à cause de la parole d’Isaïe : Qui racontera sa génération? Ainsi donc, des Prophètes leur vient qu’à la fois ils savent d’où il est selon son origine humaine et l’ignorent selon sa génération divine
1057. Le Christ manifeste ici son origine : d’abord, il montre sous quel rapport son origine est connue, et sous quel autre elle est inconnue; pour cela il montre ce que les Juifs savaient de son origine , et ce qu’ils ignoraient de lui-même , puis il enseigne comment nous pou vons parvenir à la connaissance de son origine .
1058. Ils avaient appris l’origine humaine de Jésus. C’est pourquoi l'Evangéliste dit JESUS S’ECRIAIT Or le cri procède de l’intensité de ce que l’on éprouve. Et c’est pour quoi, parfois, le cri traduit au dehors l’agitation intérieure de l’âme; cela ne concerne pas le Christ, dont il est écrit : Il ne criera pas, ne fera pas acception de personne, sa voix ne sera pas entendue sur la place — Les paroles des sages se font entendre dans le silence Parfois aussi, le cri traduit l’intensité de la dévotion Dans ma détresse j’ai crié vers le Seigneur Parfois encore, on crie à cause de la grandeur des choses que l’on doit dire — Les séraphins criaient l’un à l’autre et disaient : Saint, Saint, Saint le Seigneur Dieu des armées — La Sagesse ne crie-t elle pas sur la place, et la prudence ne donne-t-elle pas de la voix? C’est ainsi que les prédicateurs sont exhortés à crier : Crie, ne t'arrête pas, fais retentir ta voix comme une trompette Et c’est ainsi que le Seigneur crie ici, ENSEIGNANT DANS LE TEMPLE ET DISANT : VOUS ME CONNAISSEZ, c’est-à-dire vous connaissez mon visage, ET VOUS SAVEZ D’OÙ JE SUIS, c’est-à-dire selon mon origine terrestre — lia été vu sur la terre et il a vécu chez les hommes Ils savaient en effet qu’il était né de Marie à Bethléem, et qu’il avait été élevé à Nazareth; mais ils ignoraient l’enfantement de la Vierge et qu’il avait été conçu par l’Esprit Saint, comme le dit Augustin Mis à part l’enfantement de la Vierge , ils connaissaient de Jésus tout ce qui appartient à un homme.
1059. Mais ils ignoraient son origine cachée; c’est pourquoi il dit : ET CE N’EST PAS DE MOI-MEME QUE JE SUIS VENU. D’abord le Christ donne à entendre quelle est son origine, puis il montre qu’elle avait été annoncée : enfin il dit qu’elle leur est cachée.
Il tient son origine du Père, de toute éternité : CE N’EST PAS DE MOI-MEME QUE JE SUIS VENU, autrement dit : je fus selon la divinité avant de venir dans le monde par l’humanité — Avant qu’Abraham fût, moi Je Suis D’ailleurs, il ne conviendrait pas que le Fils vienne, s’il n’avait pas été auparavant. Et cependant, du fait même que je suis venu, CE N’EST PAS DE MOI-MEME QUE JE SUIS VENU, parce que le Fils n’est pas de lui-même, mais du Père — Je suis sorti du Père, et je suis venu dans le monde
Son origine fut annoncée par le Père, qui promit de l’envoyer — De grâce Seigneur, envoie celui que tu dois envoyer — Je leur enverrai un Sauveur et un défenseur qui les libérera Et c’est pourquoi il dit MAIS IL EST VERIDIQUE, CELUI QUI M’A ENVOYE; autrement dit : ce n’est pas d’ail leurs que je suis venu, mais de celui qui a promis, et qui a accompli sa promesse parce qu’il est VERIDIQUE — Dieu est véridique et c’est pourquoi il convient que je dise la vérité, parce que j’ai été envoyé par le Véridique .
Et son origine leur est cachée, parce qu’ils ignorentCELUI QUI M’A ENVOYE : LUI QUE VOUS NE CONNAISSEZ PAS.
1060. Mais puisque tout homme, bien que né dans la chair, est de Dieu, il semble qu’il pourrait dire : Moije suis de Dieu, et par conséquent, VOUS SAVEZ D’OÙ JE SUIS.
Pour répondre à cela il faut dire, selon Hilaire que le Fils est de Dieu autrement que les autres hommes ne le sont, parce qu’il est de Dieu de telle manière qu’il est aussi Dieu; c’est pourquoi Dieu est son principe consubstantiel. Les autres réalités sont de Dieu de telle manière que cependant elles existent à partir de rien. Ainsi donc, on ignore d’où est le Fils, parce que la nature à partir de laquelle il est n’est pas connue; mais les hommes, on n’ignore pas d’où ils sont, parce que de tout ce qui subsiste à partir de rien, on ne peut ignorer l’origine.
1061. Ici, le Christ enseigne comment on peut parvenir à la connaissance de celui de qui il est. En effet, c’est de celui qui la connaît qu’il nous faut apprendre une chose; or seul le Fils connaît le Père et c’est pourquoi il dit : si vous voulez aussi la connaissance de celui qui m’a envoyé, il faut que vous la teniez de moi, parce que MOI, seul, JE LE CONNAIS. Il manifeste donc d’abord sa science , puis la perfection et la raison de sa science .
1062. Le Christ manifeste sa science en disant MOI, JE LE CONNAIS. Il est vrai que tous les hommes le voient ; cependant c’est d’une manière différente, parce que les hommes en cette pauvre vie le voient par le moyen des créatures — Les réalités invisibles de Dieu (...) se laissent voir à l’intelligence par le moyen des réalités qui ont été faites C’est pourquoi il est dit : Nous voyons maintenant comme dans un miroir, en énigme Mais les anges et les bienheureux qui sont dans la patrie le voient immédiatement par son essence — Leurs anges dans les cieux voient toujours la face de mon Père qui est dans les cieux. — Nous le verrons tel qu'il est Mais le Fils de Dieu le voit plus excellemment que tous, c’est-à-dire par une vision de compréhension — Dieu, personne ne l’a jamais vu, c’est-à-dire en le comprenant; le Fils unique, qui est dans le sein du Père, lui l’a fait connaître — Personne ne connaît le Père, si ce n’est le Fils . Et c’est de cette vision qu’il parle ici en disant : MOI, JE LE CONNAIS, c’est-à-dire d’une connaissance de compréhension.
1063. Il montre la perfection de sa science en disant : SI JE DIS QUE JE NE LE CONNAIS PAS, JE SERAI SEMBLABLE A VOUS, UN MENTEUR. Il avance cette affirmation pour deux raisons.
Les créatures spirituelles le connaissent, mais de loin, et imparfaitement, parce que chacun le regarde de loin En effet, la vérité divine excède toute notre connaissance — Dieu est plus grand que notre cœur . Donc, quiconque con naît Dieu peut dire sans aucun mensonge : JE NE LE CONNAIS PAS, parce qu’il ne le connaît pas autant qu’il peut être connu. Mais le Fils de Dieu le Père le connaît d’une manière absolument parfaite, comme lui-même se connaît parfaitement : c’est pourquoi il ne peut dire JE NE LE CONNAIS PAS.
De même, la connaissance de Dieu, et par-dessus tout celle que nous avons par la grâce, peut être perdue — Ils ont oublié Dieu qui les a rachetés . C’est pourquoi je puis dire que JE NE LE CONNAIS PAS, aussi longtemps que je suis en cette vie, parce que nul ne sait s’il est digne d’amour ou de haine . Mais le Fils possède une connaissance inamissible du Père, et c’est pourquoi il ne peut dire JE NE LE CONNAIS PAS.
Et dans ces paroles : JE SERAI SEMBLABLE À VOUS, UN MENTEUR, on doit voir une similitude qui provient de deux choses contraires . En effet, ils ne seraient pas menteurs s’ils disaient qu’ils ne connaissent pas Dieu, mais plu tôt s’ils disaient qu’ils connaissent Dieu alors qu’ils l’ignorent. Mais si le Christ disait qu’il ne le connaît pas, alors qu’il le connaît, il serait un menteur. Tel est donc le sens de cette parole : SI JE DIS QUE JE NE LE CONNAIS PAS, alors que je le connais, JE SERAIS EMBLABLE A VOUS, UN MENTEUR, vous qui dites que vous le connaissez alors même que vous l’ignorez.
1064. Mais le Christ ne pouvait-il pas dire JE NE LE CONNAIS PAS? Il semble que oui, puisqu’il pouvait remuer les lèvres et prononcer de telles paroles. Donc il peut être menteur.
Il faut dire que le Christ a prononcé des paroles de ce genre, et n’a cependant pas été menteur, parce qu’il faut comprendre ainsi cette parole : SI JE DIS avec assentiment QUE JE NE LE CONNAIS PAS; avec assentiment, c’est-à-dire de telle manière qu’il croie dans son cœur ce qu’il prononce de sa bouche. Or affirmer le faux à la place du vrai provient de deux défauts : d’un défaut de connaissance dans l’intelligence — qui ne pouvait se trouver dans le Christ, puisqu’il est la sagesse de Dieu — ; ou d’un défaut de volonté droite dans la puissance affective, ce qui, de la même façon, ne pouvait se trouver dans le Christ puisqu’il est la puissance de Dieu .
C’est pourquoi il ne pouvait dire avec assentiment JE NE LE CONNAIS PAS. Cependant la supposition n’est pas fausse, bien que son antécédent soit impossible, et de même son conséquent.
1065. L’Évangéliste expose la raison de la science unique et parfaite du Christ par ces paroles : MAIS JE LE CONNAIS PARCE QUE JE SUIS DE LUI, ET C’EST LUI QUI M’A ENVOYÉ.
En effet, toute connaissance se fait par une similitude, puisque rien n’est connu que dans la mesure où une similitude du connu est dans le connaissant; mais tout ce qui procède d’un autre possède une similitude de ce dont il procède; c’est pourquoi tous ceux qui connaissent vraiment possèdent la connaissance de Dieu de diverses manières, selon le degré divers de leur procession à partir de Dieu. L’âme spirituelle possède la connaissance de Dieu selon qu’elle participe à la similitude de Dieu, d’une manière certes plus imparfaite que les autres créatures spirituelles. L’ange, parce qu’il possède une similitude plus fidèle de Dieu, étant le sceau de sa ressemblance connaît Dieu d’une manière plus manifeste. Mais le Fils possède la similitude la plus parfaite du Père, puisqu’il est de la même essence et la même puissance que lui; et c’est pourquoi il le connaît très parfaitement, comme on l’a dit. Voilà pourquoi il dit : MAIS JE LE CONNAIS, c’est-à-dire autant qu’il peut être connu. Et la raison en est que JE SUIS DE LUI, ayant la même essence que lui par connaturalité. C’est pourquoi, de même que le Père se connaît parfaitement par son essence, de même aussi par la même essence JE LE CONNAIS, parfaitement. Mais pour que l’on ne rapporte pas cette parole à la mission par laquelle il est venu dans le monde, il ajoute aussitôt ET C’EST LUI QUI M’A ENVOYE, pour qu’ainsi cette parole : JE SUIS DE LUI soit rapportée à la génération éternelle, par laquelle il est consubstantiel au Père. Ainsi, la propriété de la connaissance lui vient de la propriété de la génération
Par cette parole, il donne à entendre que le Père est l’auteur de l’Incarnation — Dieu a envoyé son Fils né d'une femme, né sous la Loi . Or, de même que le Fils, étant du Père, possède une parfaite connaissance du Père, de même, l’âme du Christ, étant unie au Verbe d’une manière unique, possède une connaissance de Dieu unique et plus excellente que toutes les autres créatures, bien qu’elle ne le comprenne pas. Et c’est pourquoi le Christ peut dire en parlant de son âme : Je le connais plus excellemment que toutes les autres créatures, sans cependant le comprendre .
L’EFFET DE L’ENSEIGNEMENT DU CHRIST
1066. L’Évangéliste traite ensuite de l’effet de l’enseignement, d’abord sur les foules, puis sur les Pharisiens .
En ce qui concerne les foules, l’Évangéliste expose d’abord l’effet de l’enseignement du Christ sur les foules malveillantes, puis sur celles qui lui étaient acquises .
L’Évangéliste fait d’abord comprendre le dessein inique des foules , puis l’obstacle surgi dans la réalisation de ce dessein , enfin la raison de cet obstacle .
1067. L’iniquité de leur dessein est mise ici en pleine lumière. En effet, parce que le Seigneur avait dit : LUI QUE VOUS NE CONNAISSEZ PAS, les Juifs étaient irrités, eux qui faisaient semblant de le connaître; et c’est pourquoi ils projetaient quelque chose d’inique, à savoir se saisir de lui pour le crucifier et le tuer, selon cette parole : Poursuivez-le et saisissez-le
Mais il en est qui, ayant le Christ en eux, cherchent cependant à s’emparer de lui avec piété — Je monterai au palmier et je m’emparerai de son fruit C’est pourquoi aussi l’Apôtre disait : Je poursuis ma course pour tâcher de le saisir, ayant moi-même été saisi par le Christ Jésus
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1068. L’Évangéliste expose ici l’obstacle surgi dans la réalisation de leur dessein. En effet, leur fureur fut réfrénée et contenue d’une manière invisible. Par là, il est évident que la volonté de nuire appartient à chacun de lui-même, mais que la puissance d’accomplir le mal vient de Dieu ; c’est ce que montrent les chapitres 1 et 2 du livre de Job, où Satan ne put frapper Job que dans la mesure où Dieu le lui permit
1069. L’Évangéliste signale ici la raison de l’obstacle. Il faut savoir qu’il y a un temps et un moment favorable pour toute affaire Or le temps de n’importe quelle chose est déterminé par sa cause. Donc, parce que les causes des effets matériels sont les corps célestes, dans les choses qui se déroulent d’une manière matérielle l’heure est déterminée à partir des corps célestes. Mais l’âme, puisqu’elle est de l’ordre de l’intelligence et de la raison, n’est soumise à aucun des corps célestes; et puisque, selon ce principe, elle transcende les causes temporelles, elle n’a pas d’heures déterminées par les corps célestes, mais par sa cause, c’est-à-dire Dieu, qui règle ce qu’il faut faire, à quel moment. — Pourquoi un jour en surpasse-t-il un autre, une lumière une autre lumière, une année une autre année, un soleil un autre soleil? Les choses ont été distinguées par la science du Seigneur, le soleil ayant été créé et gardant le commandement du Seigneur . Pour le Christ donc, l’heure est d’autant moins déterminée par ces corps célestes.
Ainsi donc, il ne faut pas comprendre SON HEURE comme étant fixée par une nécessité du destin, mais déterminée d’avance par toute la Trinité; car, comme le dit Augustin il ne faut pas même le croire de toi, à plus forte raison de celui par qui tu as été fait. Si ton heure c’est sa volonté — à savoir celle de Dieu —, quelle est son heure à lui sinon sa volonté? L’heure dont il a parlé n’est donc pas celle à laquelle il serait contraint de mourir, mais celle où il daignerait être mis à mort. "Mon heure n'est pas encore venue — Jésus, sachant que son heure était venue de passer de ce monde au Père...
1070. L’Évangéliste expose ici l’effet de l’enseignement du Christ sur les foules qui lui étaient acquises.
Il montre d’abord leur foi : PARMI LA FOULE, BEAUCOUP CRURENT EN LUL Il ne le dit pas des princes des prêtres, parce que plus ils étaient pénétrés de leur importance, plus ils étaient éloignés delui; et ainsi la sagesse n’avait pas sa place en eux, parce que, comme il est dit, là où est l’humilité, là est la sagesse . Mais la foule, qui s’aperçut rapidement de sa propre maladie, connut sans retard le remède du Seigneur — Tu as caché ces choses aux sages et aux prudents, et tu les as révélées aux tout-petits Et à cause de cela, les humbles et les pauvres furent les premiers à se convertir au Christ — Dieu a choisi ce qui dans le monde est sans naissance et méprisé, et ce qui n'est rien, pour détruire ce qui est quelque chose .
Ensuite, il montre le motif qui les a poussés à croire : LE CHRIST, QUAND IL SERA VENU, FERA-T-IL PLUS DE SIGNES QUE N’EN FAIT CELUI-CI? Les prophètes en effet avaient annoncé que le Christ, à son avènement, ferait de nombreux miracles : Dieu lui-même viendra et vous sauvera; alors les yeux des aveugles s'ouvriront et les oreilles des sourds entendront . C’est pourquoi, voyant les miracles que le Christ accomplissait, ils étaient amenés à croire en lui. Mais leur foi n’était pas encore ferme parce qu’ils étaient poussés à croire en lui non pas par l’enseignement, mais par les signes, alors que, étant déjà croyants et instruits par la Loi, ils auraient dû être poussés beaucoup plus par l’enseignement; car, comme il est dit, les signes sont donnés aux non-croyants; quant aux prophéties, elles sont données non aux non-croyants, mais à ceux qui croient En deuxième lieu, leur foi était faible parce qu’ils semblent attendre encore un autre Christ; c’est pourquoi ils disent : LE CHRIST, QUAND IL SERA VENU, FERA-T-IL PLUS DE SIGNES QUE N’EN FAIT CELUI-CI? Ainsi, il est évident qu’ils ne croyaient pas au Christ comme en Dieu, mais comme en un homme juste, ou un prophète. Ou bien, selon Augustin ils raisonnent ainsi : LE CHRIST, QUAND IL SERA VENU, FERA-T-IL PLUS DE SIGNES QUE N’EN FAIT CELUI-CI?, comme pour dire : on nous a promis que le Christ doit venir; mais il ne fera pas plus de signes que n’en fait celui-ci; donc, ou bien celui-ci est le Christ, ou bien il y aura plusieurs Christs.
1071. L’Évangéliste expose ici quel fut l’effet de l’enseignement du Christ sur les Pharisiens. Et comme le dit Chrysostome Le Christ a dit beaucoup de choses sans toutefois que cela suscite en eux une opposition à son égard. Mais voyant la foule avoir foi en lui, ils s’excitent aussitôt contre lui et, perdant la tête, ils cherchent à le tuer. Par là, on voitavec évidence que la violation du sabbat n’était pas la véritable cause de leur haine, mais que ce qui les piquait au vif par-dessus tout, c’était que les foules rendaient gloire au Christ. C’est ce que l’on voit plus loin : Vous voyez que vous n gagnez rien : voici que tout le monde s’en va après lui ! Mais parce qu’eux-mêmes, craignant le danger, n’osaient pas se saisir du Christ, ils envoient des serviteurs qui, eux, peuvent bien être exposés au danger.
1072. Après avoir exposé le principe de son origine , le Seigneur laisse entendre ici quelle est sa fin, c’est-à-dire là où il doit aller par la mort.
L’Evangéliste fait d’abord allusion au terme du chemin du Christ, puis il expose l’étonnement des foules à propos de ses paroles .