Jean 7, 30

On cherchait à l’arrêter, mais personne ne mit la main sur lui parce que son heure n’était pas encore venue.

On cherchait à l’arrêter, mais personne ne mit la main sur lui parce que son heure n’était pas encore venue.
Pape Saint Jean-Paul II
Marie est présente à Cana de Galilée en tant que Mère de Jésus et il est significatif qu'elle contribue au «commencement des signes» qui révèlent la puissance messianique de son Fils: «Or il n'y avait plus de vin. La Mère de Jésus lui dit: "Ils n'ont pas de vin". Jésus lui dit: "Que me veux-tu, femme? Mon heure n'est pas encore arrivée"» (Jn 2, 3-4). Dans l'Evangile de Jean, cette «heure» signifie le moment fixé par le Père où le Fils accomplit son œuvre et doit être glorifié (cf. Jn 7, 30; 8, 20; 12, 23. 27; 13, 1; 17, 1; 19, 27). Même si la réponse de Jésus à sa Mère paraît s'entendre comme un refus (surtout si l'on considère, plus que la question, l'affirmation tranchante: «Mon heure n'est pas encore arrivée»), Marie ne s'en adresse pas moins aux servants et leur dit: «Tout ce qu'il vous dira, faites-le» (Jn 2, 5). Jésus ordonne alors aux servants de remplir d'eau les jarres, et l'eau devient du vin meilleur que celui qui avait été d'abord servi aux hôtes du banquet nuptial.
Louis-Claude Fillion
Ils cherchaient donc... (Parce qu'il affirmait si nettement sa mission céleste)… C'est pour la troisième fois que nous trouvons cette formule. Cf. v. 1 et v. 18. Notez l'imparfait de la durée : se saisir de Jésus pour le mettre à mort, voilà désormais le désir constant de ses ennemis. Cf. v. 32, 44 ; 8, 20 ; 10, 39 ; 11, 55. Seule, sa ruine totale assouvira leur rage. Dans le texte grec, le verbe a pour primitif « presser, opprimer », c’est une des locutions favorites de S. Jean. - Personne ne mit la main sur lui. Expression pittoresque. Cf. Act. 12, 1, etc. Qu'est-ce donc qui empêcha les hiérarques de mettre sur Jésus leurs mains puissantes? Peut-être ne l'osèrent-ils pas, impressionnés qu'ils étaient par sa majesté, par le nombre croissant de ses adhérents. Mais l'évangéliste donne de leur échec une raison plus profonde : parce que son heure n’était pas encore venue. L'heure de Jésus, c'est ici le temps de sa passion (Cf. 8, 20 ; 13, 1, etc.) ; or cette heure n'avait pas encore sonné. Au fond, c'est donc le plan de Dieu lui-même qui contrariait le plan des pharisiens ; le Seigneur gouvernait les destinées de son Christ jusque dans les plus petits détails.
Saint Augustin
Le peuple qui ne comprenait point parfaitement encore la puissance du Sauveur, attribua cette modération des chefs de la nation à la connaissance qu’ils avaient que Jésus était le Christ : « Les princes du peuple, dirent-ils, auraient-ils reconnu qu'il est vraiment le Christ ? »

Je suis de lui, parce que je suis le Fils qui vient du Père, mais en tant que vous me voyez revêtu d'un corps mortel, c'est lui qui m'a envoyé, paroles où il faut voir non la diversité de nature, mais l'autorité de celui qui a engendré.

L'Evangéliste nous a dit précédemment que Nôtre-Seigneur se rendit à cette fête comme en secret, non pas dans la crainte qu'on se saisit de sa personne, lui qui, par sa puissance, était à l'abri de tonte violence, mais pour figurer qu'il était comme caché dans ce jour de fête célébré par les Juifs, et qu'elle renfermait son mystère. Il fait maintenant éclater son pouvoir qu'on regardait comme de la timidité, et il parle publiquement au milieu de la fête, de manière que le peuple en est tout étonné : « Alors quelques-uns de Jérusalem commencèrent à dire, » etc. Ils connaissaient avec quelle méchanceté on cherchait à s'emparer de lui, et ils s'étonnaient de la puissance qui le dérobait à la violence de ses ennemis.

Cette opinion ne s'était point produite sans fondement parmi les Juifs. Les Ecritures ont prédit que le Christ serait appelé Nazaréen ; (Mt 2) elles ont donc annoncé le lieu d'où il viendrait. Les Juifs, interrogés par Hérode, lui ont répondu qu'il devait naître à Bethléem, ville de Juda, et ont cité à l'appui un témoignage prophétique. D'où pouvait donc venir cette opinion parmi les Juifs, que lorsque le Christ viendrait, personne ne saurait d'où il viendrait ? C'est que les Ecritures avaient exprimé ces deux vérités, elles avaient prédit d'où il viendrait comme homme, mais en tant que Dieu, son avènement restait caché aux impies, et ne se dévoilait qu'aux âmes pieuses. Ce qui avait donné lieu à cette opinion parmi les Juifs, c'était cette prophétie d'Isaïe : « Qui racontera sa génération ? » (Is 8) Nôtre-Seigneur répond en affirmant les deux choses, et qu'ils savaient d'où il était, et qu'ils ne le savaient pas : « Jésus enseignait donc à haute voix dans le temple, disant : Et vous savez qui je suis, et vous savez d'où je suis ; » c'est-à-dire, vous savez d'où je suis, et vous ne le savez pas. Vous savez d'où je suis, Jésus de Nazareth dont vous connaissez les parents, car la seule chose qu'ils ignoraient ici, c'est l'enfantement virginal de sa mère, et sauf cette circonstance, ils connaissaient en Jésus tout ce qui avait rapport à son humanité. C'est donc avec raison qu'il leur dit : « Et vous savez qui je suis, et vous savez d'où je suis, » selon la chair, et cette forme humaine dont je suis revêtu, mais comme Dieu : « Je ne suis pas venu de moi-même, mais celui qui m'a envoyé est véritable. »

Enfin, il leur indique le moyen qu'ils doivent prendre pour savoir ce qu'il est et d'où il vient : « Moi je le connais, dit-il (celui qui m'a envoyé), c'est donc à moi qu'il faut vous adresser pour le connaître vous-mêmes ; » car personne ne connaît le Père, si ce n'est le Fils, et celui à qui le Fils aura voulu le révéler. (Mt 11) Et si je dis que je ne le connais point, je serai semblable à vous, c'est-à-dire un menteur.

C'est-à-dire, parce qu'il ne le voulait pas, car le Seigneur n'a pas été soumis au destin à sa naissance ; vous-même n'y avez pas été soumis, combien moins celui par lequel vous avez été fait ? Si votre heure n'est autre que sa volonté, que sera son heure si ce n'est cette même volonté ? L'heure dont il est ici question n'est donc pas celle où il serait forcé de mourir, mais où il daignerait se soumettre à la mort.
Saint Jean Chrysostome
Cependant loin de partager ce sentiment qu'ils prêtent aux princes du peuple, ils émettent leur opinion personnelle aussi fausse qu'insensée : « Celui-ci, cependant, nous savons d'où il est, mais quand le Christ viendra, personne ne saura d'où il est. »

Or, cela est impossible, celui qui m'a envoyé est véridique, il est donc nécessaire que son envoyé soit également véridique et digne de foi ; partout il s'attribue exclusivement la connaissance du Père, parce qu'il vient du Père. C'est pour cela qu'il ajoute : « Moi je le connais, parce que je suis de lui. » 

L'Evangéliste dit : « Quelques-uns de Jérusalem, » parce qu'en effet, c'étaient ceux sous les yeux desquels il avait opéré ses plus grands miracles, qui se conduisaient de la manière la plus misérable, et qui, témoins d'une des plus grandes preuves de sa divinité, laissaient toute liberté aux chefs corrompus de leur nation, pour l'accomplissement de leurs projets. Quelle plus grande preuve, en effet, de la puissance divine du Sauveur, que de voir ces hommes ivres de fureur, et qui cherchaient à le mettre à mort, s'arrêter tout à coup et laisser tomber leur colère, alors qu'il était en leur pouvoir ?

C'est ainsi qu'il révèle les secrètes pensées de leur cœur : Je ne suis pas, semble-t-il leur dire, du nombre de ceux qui sont venus sans mission comme sans raison, celui qui m'a envoyé est véridique, et s'il est véridique, il m'a envoyé dans la vérité, et par conséquent celui qu'il a envoyé doit être également digne de foi. Il les convainc ensuite par leurs propres paroles. Ils disaient : « Lorsque le Christ sera venu, personne ne saura d'où il vient, » et il leur prouve qu'il est véritablement le Christ, parce qu'il vient du Père qu'ils ne connaissaient pas, comme il le leur reproche : « Et vous ne le connaissez pas. »

Ou bien encore, Nôtre-Seigneur veut parler ici de l'ignorance qui se traduit par les œuvres, et dont saint Paul a dit : « Ils font profession de connaître Dieu, mais ils le renoncent par leurs œuvres. (Tt 1, 16.) Remarquez que le Sauveur les confond de deux manières : premièrement, il révèle an grand jour ce qu'ils n'osaient dire qu'en secret, et en second lieu il les enseigne et les confond à haute voix pour les couvrir de honte.

Les Juifs furent irrités de ce que le Sauveur leur reprochait de ne point connaître le Père, alors qu'ils faisaient semblant d'avoir cette connaissance : « Ils cherchaient donc à le prendre, » etc. Voyez comme leur fureur se trouve invisiblement enchaînée. Cependant l'Evangéliste, pour parler un langage plus rapproché de nos idées et plus conforme à l'humilité du Sauveur, et confirmer la foi à son incarnation, ne dit pas qu'il les retint par une puissance invisible, mais a parce que, dit-il, son heure n'était pas encore venue. »
Saint Hilaire de Poitiers
Est-ce que tout homme, bien qu'il ait reçu de Dieu une naissance qu'on peut appeler charnelle, ne vient pas de Dieu, selon l'opinion commune ? Comment donc le Sauveur peut-il nier que les Juifs sachent ce qu'il est, ou bien d'où il vient, s'il n'a ici dans l'esprit l'auteur même de sa nature ? Il fait voir la nature d'où il provient, en affirmant qu'ils ignorent d'où il vient. On ne peut ignorer, en effet, d'où vient ce qui est tiré du néant, car par là même qu'où sait que cette chose a été tirée du néant, on n'ignore pas le principe de son existence. Mais pour le Sauveur, ils ignorent ce qu'il est, parce qu'ils ignorent d'où il vient. Ce n'est point reconnaître le Fils, que de nier sa naissance éternelle, et on ne reconnaît point sa naissance quand on croit qu'il a été tiré du néant.

Je me demande si ce qui vient du Père, dans le sens du Sauveur, a le caractère de création ou de génération. Si c'est une création, toutes les choses créées viennent de Dieu, et comment se fait-il que toutes ces choses ne connaissent point le Père, alors que le Fils affirme qu'il le connaît, par cela seul qu'il vient de lui ? Si, au contraire, la connaissance du Père est le privilège spécial et réservé de ce qui vient de lui, comment ce qui vient de lui pourrait-il n'être pas le vrai Fils de Dieu ayant avec lui une même nature ? Le privilège de la connaissance vient donc ici du privilège de la génération, mais de peur que l'hérésie n'interprète ces paroles : « Parce que je suis de lui, » de son avènement temporel, il ajoute : « Et il m'a envoyé. » Il conserve ainsi l'ordre des mystères que nous révèle l'Evangile, il proclame à la fois sa naissance et sa mission.