Jean 3, 31

Celui qui vient d’en haut est au-dessus de tous. Celui qui est de la terre est terrestre, et il parle de façon terrestre. Celui qui vient du ciel est au-dessus de tous,

Celui qui vient d’en haut est au-dessus de tous. Celui qui est de la terre est terrestre, et il parle de façon terrestre. Celui qui vient du ciel est au-dessus de tous,
Louis-Claude Fillion
Nous retrouvons ici la même hypothèse qu’à propos des versets 16-21. La fin entière du chapitre (versets 31-36) contiendrait encore des réflexions de l’évangéliste, soudées par lui à la réponse de Jean-Baptiste. Des motifs analogues sont allégués : changement de style, aoristes (verset 33) ne pouvant s’appliquer que par une expérience plus tardive, révélations trop complètes (notamment le nom de Fils de Dieu, versets 35 et 36) pour qu’elles conviennent à la situation du Précurseur, etc. (Bengel, Olshausen, Tholuck, etc., et de nouveau les interprètes catholiques A. Maier, Bisping, Patrizi). Comme plus haut, nous protestons énergiquement, avec le plus grand nombre des exégètes anciens et modernes, contre cette division arbitraire, inutile, dangereuse. Les allures variées de style s’expliquent par les mouvements divers de la pensée ; l’expérience était suffisante ; les idées, toutes profondes qu’elles soient, ne sont nullement supérieures au rôle et à la mission de S. Jean-Baptiste, car il en avait émis antérieurement d’aussi relevées (Cf. 1, 15, 30 ; Matth. 3, 14-17) ; la cohésion entre ce passage et le précédent est parfaite, le Précurseur continuant d’exposer les motifs pour lesquels il est bien au-dessous de Jésus. Non, ce n’est pas l’évangéliste qui prend tout à coup la parole sans avertir ses lecteurs ; c’est Jean-Baptiste qui s’envole vers des hauteurs tout évangéliques. Que le narrateur, écrivant de longues années après les faits, ait mis çà et là le coloris de son propre langage, soit ! nous n’hésitons pas à l’admettre à la suite du Card. Newman (voyez A. Plummer, S. John, p. 93) ; c’est d’ailleurs une chose évidente pour quiconque rejette la théorie de l’inspiration verbale : mais cela n’empêche pas le fond et la forme du discours d’appartenir réellement à Jean-Baptiste. Le commentaire, nous l’espérons, ajoutera une nouvelle force à ces arguments. - L’enchaînement des pensées peut être marqué de la manière suivante : verset 31, l'origine de Jésus ; vv. 32-34, la perfection de son enseignement ; v. 35 ; sa divine filiation et sa souveraineté universelle ; v. 36, application pratique d'une grande gravité. - Le v. 31 est très expressif. Il se compose de trois petites périodes, dont la première et la dernière affirment de la manière la plus explicite l’origine céleste de Jésus, par conséquent sa prééminence absolue, universelle ; la période intermédiaire concerne Jean-Baptiste, auquel ne sont attribuées qu’une origine, une nature et des opérations terrestres. Nous avons donc ici un court, mais saisissant parallèle, entre le docteur céleste et le docteur terrestre. Quoique l’idée soit présentée en termes généraux, l’application se fait d’elle-même à N.-S. Jésus-Christ et à S. Jean. - Celui qui vient d’en haut (au présent). D’en haut, c'est-à-dire du ciel, comme nous lirons à la fin du verset. Cf. verset 13. S. Cyrille indique fort bien la vraie pensée par une rapide paraphrase : « Lui qui est né d'une racine céleste, lui qui est de la substance du Père ». Sur la dénomination de ἐρχόμενος (celui qui vient) appliquée au Messie par les Rabbins, voyez l’Evang. selon S. Matthieu, p. 218. - Est au-dessus de tous : il est, en vertu de son origine, au-dessus de tous les hommes, et plus spécialement, d’après l’idée fournie par le contexte, au-dessus de tous les autres docteurs, au-dessus de Jean-Baptiste lui-même. - Celui qui vient de la terre. De la terre, par opposition à « d’en haut », aux régions supérieures du ciel. Donc : celui qui a une origine terrestre, qui est un simple enfant d’Adam, ou un homme ordinaire. - Deux conséquences de cette origine inférieure sont ensuite marquées. D’abord et nécessairement cet homme-là est de la terre, expression qui n’est pas le moins du monde une tautologie ; car si les mots sont à peu près les mêmes extérieurement (le grec a une nuance légère), ils représentent en réalité deux notions distinctes, celle l’origine et celle de nature, la seconde étant conforme à la première. Comparez la locution analogue de S. Paul : « Pétri d’argile, le premier homme vient de la terre ; le deuxième homme, lui, vient du ciel ». 1 Cor. 15, 47. Voici donc l’interprétation exacte : Quiconque a tiré sa naissance de la terre en tire aussi sa manière de vivre, fût-il, comme l’était Jean-Baptiste, le plus grand « entre ceux qui sont nés d'une femme » (Matth. 11, 11). La formule εἶναι ἐϰ employée pour exprimer une relation morale, apparaît fréquemment dans les écrits de notre évangéliste. Cf. 7, 17 ; 8, 23, 44, 47 ; 15, 19 ; 17, 14, 16 ; 18, 36, 37 ; 1 Joan. 2, 16, 19, 21 ; 3, 8, 10, 12, 19 ; 4, 1-7 ; 5, 16 ; 3 Joan. 11. - Deuxième conséquence non moins rigoureuse que la première : Et parle de la terre. La terre est pareillement la source dont un tel homme tire sa façon de penser et de parler ; ses discours demeurent donc terrestres, s’il est livré à ses seules facultés. Pour qu’il puisse prononcer des paroles célestes, il faut que le souffle divin l’emporte vers des sphères supérieures, que la grâce et la révélation l’éclairent. « Jean, considéré en lui-même, vient de la terre, et parle le langage de la terre, et s'il vous a fait entendre le langage du ciel, ce n'est point de lui-même, mais par un effet de la grâce qui l'a rempli de ses lumières », S. Augustin. Et, même quand il avait reçu ces illuminations divines, il ne pouvait parler des choses du ciel que d’une façon terrestre, si l‘on compare son enseignement à celui de Jésus. Certes aucun prophète n’a tenu un langage comparable au langage de Notre-Seigneur. Seul, le Verbe incarné, qui connaît directement et par intuition les mystères célestes, a pu donner au monde la révélation complète, absolue. Notez le frappant effet des mots « de la terre » trois fois répétés coup sur coup. Cf. 17 ; 12, 36 ; 15, 19. - Celui qui vient du ciel. Le contraste est complet. Jean n’a qu’une origine terrestre ; mais Jésus vient du ciel, et, à ce titre, est au-dessus de tous, ainsi qu’il avait été déjà dit plus haut. - Cette dernière proposition a été omise par un assez grand nombre d’autorités (le manuscrit D, les versions armén., syriaq. Ancienne, Origène, Eusèb, S. Hilaire, etc.) ; son authenticité est pourtant suffisamment garantie. Il n’en est pas de même de la conjonction ϰαὶ (et), qui ouvre le verset 32 dans la Recepta et la Vulgate ; les critiques la rejettent de concert, parce qu’elle manque dans les meilleurs témoins (n, B, D, L, T, l’Itala, le copte, etc.).