Jean 3, 26

Ils allèrent trouver Jean et lui dirent : « Rabbi, celui qui était avec toi de l’autre côté du Jourdain, celui à qui tu as rendu témoignage, le voilà qui baptise, et tous vont à lui ! »

Ils allèrent trouver Jean et lui dirent : « Rabbi, celui qui était avec toi de l’autre côté du Jourdain, celui à qui tu as rendu témoignage, le voilà qui baptise, et tous vont à lui ! »
Louis-Claude Fillion
Et lui dirent. Leur langage est vivant, tout à fait naturel. C’est bien ainsi que durent parler des disciples tendrement dévoués à leur maître, jaloux de sa gloire, peinés de voir un rival surgir tout à coup à ses côtés et lui enlever une partie de ses admirateurs. De pareils détails ne s’inventent guère. - Maître, est le titre respectueux qui était ordinairement conféré à Jean-Baptiste comme à Jésus. Cf. Luc. 3, 12. - Celui qui était avec toi… Dans leur amer dépit, les amis du Précurseur ne daignent pas même appeler Jésus par son nom ; mais ils se servent, pour le désigner, de deux circonstances qui donnaient en apparence l’avantage à S. Jean relativement à lui. Première circonstance : « Celui qui était avec toi au-delà du Jourdain » (à Béthanie ou Béthabara. Cf. I, 28- 36). La formule est très expressive : c’est Jésus qui était avec Jean comme l’on est avec un personnage distingué, supérieur. Deuxième circonstance : Auquel tu as rendu témoignage : A toi donc il doit sa mission ; il ne serait rien sans toi ! - Après ce contraste rapide, qui établit la supériorité du Précurseur, la conduite de Jésus, conduite non moins ingrate qu’illégitime dans la pensée des disciples, est exposée en deux mots énergiques : baptise maintenant. Il baptise ! comme si ce n’était pas ta prérogative ! de quel droit ose-t-il usurper tes fonctions ? - La passion éclate davantage encore dans la phrase finale : Et tous vont à lui. Il y a ici une exagération considérable ; mais la jalousie ne s’exprime pas autrement : les plus petits succès d’un rival lui semblent être des conquêtes gigantesques. Voilà donc la manière dont le rôle de Jean-Baptiste a été compris par ses propres disciples ! Comparez Matth. 9, 14, où nous retrouvons un certain nombre d’entre eux dans les mêmes sentiments.
Saint Thomas d'Aquin
497. Plus haut , le Seigneur a donné son enseignement concernant la régénération spirituelle; ici, Il accomplit par des œuvres, en baptisant, ce qu’Il avait d’abord enseigné par des paroles.

Il est d’abord question ici de deux baptêmes, celui du Christ et celui de Jean , puis d’une discussion qui s’éleva à leur sujet, mettant l’un en comparai son avec l’autre .

498. APRES CELA, dit l’Evangéliste, c’est-à-dire après ce qui a été rapporté de l’enseignement du Christ sur la régénération spirituelle, JESUS VINT AVEC SES DIS CIPLES DANS LA TERRE DE JUDEE. Mais ici se pose une question d’ordre littéral; car plus haut (, ), l’Evangéliste avait dit que le Seigneur était venu de Galilée à Jérusalem, qui se trouve dans le territoire de Judée, où Il avait instruit Nicodème. Comment donc, après avoir instruit Nicodème, vint-Il en Judée, puisqu’Il y était déjà?

A cette question il y a deux réponses. D’après Bède , le Christ, après son entretien avec Nicodème, se rendit en Galilée, y demeura quelque temps, puis revint en Judée; il ne faut donc pas, lorsqu’il nous est dit : APRES CELA, JESUS VINT..., entendre qu’Il se rendit en Judée immédiatement après son entretien avec Nicodème.

Chrysostome comprend cette phrase d’une autre manière. Pour lui, il faut entendre que le Christ, APRES CELA, se rendit immédiatement DANS LA TERRE DE JUDEE. II voulait en effet prêcher là où la multitude se rassemblait, afin que beaucoup se convertissent : J’ai annoncé ta justice dans la grande assemblée . C’est ouvertement que j’ai parlé au monde . Or il y avait en Judée deux endroits où affluait la foule des Juifs. Jérusalem, où l’on montait pour les fêtes, et le Jourdain, où l’on accourait à cause de la prédication et du baptême de Jean. C’est pourquoi le Seigneur, qui fréquentait ces deux lieux, dès que furent achevés les jours de fête, quitta Jérusalem qui est située dans une partie de la Judée, et se rendit dans l’autre partie, celle du Jourdain, où Jean baptisait.

499. Au sens moral , le fait que Jésus vint en JUDEE mot dont le sens étymologique est "confession" — signifie que le Christ visite ceux qui confessent leurs péchés ou proclament la louange de Dieu — La Judée est devenue son sanctuaire Et Il demeure , parce qu’on ne visite pas en passant ceux qui agissent ainsi : Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole, et mon Père l’aimera, et nous viendrons à lui, et nous ferons chez lui notre demeure . Et là Il baptise, c’est-à-dire purifie des péchés; car si l’on ne confesse pas ses péchés, on n’en obtient pas la rémission : Celui qui cache ses crimes ne sera pas conduit dans la bonne voie, mais celui qui les confesse et les abandonne obtiendra miséricorde .

500. L’Evangéliste dépeint maintenant le baptême de Jean, en faisant connaître d’abord la personne de celui qui baptise , puis le lieu du baptême , puis son fruit et enfin le temps où a lieu ce baptême .

501. La personne qui baptise est Jean : OR JEAN AUSSI BAPTISAIT. Mais ici se pose une question. Puis que le baptême de Jean était ordonné au baptême du Christ, il semble que, le baptême du Christ une fois venu, Jean aurait dû cesser de baptiser, de même que, une fois venue la vérité, la figure cesse.

Il y a à cela trois réponses. La première se fonde sur la personne du Christ Jean a baptisé pour que le Christ fût baptisé par lui. Et il ne fallait pas que le Christ fût seul à être baptisé par lui, sinon le baptême de Jean, en raison de ce caractère unique, aurait pu paraître meilleur que le baptême du Christ et il était opportun que d’autres fussent baptisés par Jean avant le Christ, parce que, avant que l’enseignement du Christ ne fût connu de tous, il était nécessaire que les hommes fussent préparés à le Christ par le baptême de Jean. En ce sens, le baptême de Jean est à celui du Christ ce qu’est au vrai baptême la catéchèse, où l’on instruit de la foi les catéchumènes et où on les prépare au baptême. Il fut encore nécessaire que, après que le Christ eut été baptisé par Jean, d’autres fussent baptisés par lui, pour que l’on ne pensât pas que son baptême était à rejeter; de même que, une fois venue la vérité, la pratique des observances légales ne cessa pas tout de suite, mais il fut permis aux Juifs, selon Augustin, de les conserver pendant un certain temps .

La deuxième réponse se fonde sur la personne de Jean : si Jean, dès que le Christ avait commencé à baptiser, avait lui-même cessé aussitôt de baptiser, on aurait pu croire qu’il le faisait par jalousie ou par colère. Mais parce qu’il est dit que nous devons avoir soin de faire le bien, non seulement devant Dieu, mais aussi devant tous les hommes , Jean ne cessa pas tout de suite de baptiser.

Enfin, la troisième réponse se fonde sur les disciples de Jean, qui commençaient déjà à être jaloux du Christ et de ses disciples, parce qu’ils baptisaient. Si donc Jean avait aussitôt cessé complètement de baptiser, il aurait laissé ses disciples céder davantage encore à la jalousie et à l’hostilité envers le Christ et ses disciples. En effet, alors même que Jean baptisait, ils supportaient déjà difficilement le baptême du Christ, comme la suite le montre clairement; voilà pourquoi Jean ne cessa pas immédiatement de baptiser — Prenez garde que cette liberté que vous avez ne devienne pour les faibles une occasion de chute

502. Le lieu du baptême était AENON, PRES DE SALIM, PARCE QU’IL Y AVAIT LA BEAUCOUP D’EAU. SALIM est appelée aussi d’un autre nom SALEM, la ville dont Melchisédech fut roi L’Evangéliste dit ici SALIM parce que, chez les Juifs, le lecteur peut, à l’intérieur des mots, user des voyelles à son gré; si bien que, chez les Juifs, il importe peu que l’on dise Salim ou Salem. Et en ajoutant PARCE QU’IL Y AVAIT LA BEAUCOUP D’EAU, l’Evangéliste explique le nom du lieu, AENON, qui signifie "eau" .

503. Quant au fruit du baptême, c’est la rémission des péchés. C’est pourquoi l’Evangéliste dit : ET L’ON Y VENAIT, ET L’ON Y ETAIT BAPTISE, c’est-à-dire purifié; car, comme le disent Matthieu et Luc , une grande multitude allait à Jean.

504. L’Evangéliste situe enfin dans le temps ce qu’il rapporte, et par là donne à entendre qu’il fait commencer son récit des actions du Christ avant ceux des autres Evangélistes. Les autres, en effet, n’ont commencé le récit des œuvres du Christ qu’à partir du moment où Jean fut emprisonné. C’est ainsi que Matthieu commence son récit la vie apostolique du Christ par ces mots Ayant appris que Jean avait été livré, Jésus se retira en Galilée . Tous les actes du Christ antérieurs à l’emprisonnement de Jean avaient donc été passés sous silence; voilà pourquoi Jean, qui écrivit son Evangile en dernier lieu, combla cette lacune; et c’est ce qu’il fait comprendre en disant que JEAN N’AVAIT PAS ENCORE ETE MIS EN PRISON

505. Notons encore que c’est en raison de l’économie divine que Jean ne baptisa ni ne prêcha plus long temps à partir du moment où le Christ Lui-même commença à baptiser, cela pour éviter qu’un schisme ne se fît dans le peuple; toutefois il lui fut permis de le faire encore un certain temps, pour ne pas apparaître comme quelqu’un que l’on doit rejeter, comme on l’a dit plus haut . De même, c’est encore en raison de l’économie divine que, après la prédication de la foi et la conversion des croyants, le temple fut entièrement détruit, afin que toute la piété religieuse et l’espérance des croyants soient attirées vers le Christ.

506. L’Evangéliste introduit ici la discussion qui s’éleva à propos des baptêmes. II expose d’abord le fait de cette discussion, qui met en comparaison les deux baptêmes , puis le rapport qui en est fait à Jean , puis la manière dont celui-ci y met fin .

507. Le fait qu’ils étaient, comme on l’a dit, deux à baptiser, le Christ et Jean, fut pour les disciples de Jean, jaloux pour leur maître, une occasion de dissension IL S’ELEVA UNE DISCUSSION, une controverse, DE LA PART DES DISCIPLES DE JEAN, ce qui veut dire qu’ils en furent les instigateurs, AVEC LES JUIFS, auxquels les disciples de Jean reprochaient d’accourir vers le Christ à cause des miracles qu’Il faisait, plutôt que vers Jean, qui n’en faisait aucun.

Cette discussion s’éleva A PROPOS DE LA PURIFICATION, c’est-à-dire du baptême. Quant à la cause de la jalousie des disciples de Jean, qui les poussa à engager la controverse, ce fut le fait que Jean envoyait au Christ ceux qu’il baptisait, alors que le Christ, Lui, n’envoyait pas à Jean ceux qu’Il baptisait; ce qui laissait paraître — et peut-être les Juifs le disaient-ils — que le Christ était plus grand que Jean. C’est ainsi que les disciples de ce dernier, n’étant pas encore spirituels, se querellent avec les Juifs à ce sujet. — Puisqu’il y a parmi vous jalousie et querelle, n’êtes-vous pas charnels, et ne marchez-vous pas selon l’homme?

508. ILS VINRENT A JEAN, dit l’Evangéliste, pour lui rapporter la discussion qu’ils avaient suscitée. Et si i’on est très attentif texte de l’Evangile, on comprend que les disciples de Jean s’efforcèrent de provoquer chez celui-ci un sentiment d’opposition à l’égard du Christ, semblables en cela au délateur et à l’homme à la langue double dont parle l’Ecriture : Le délateur et l’homme à la langue double seront maudits, car ils en troubleront beaucoup qui avaient la paix .

Ces disciples mettent en avant quatre choses destinées à susciter dans l’âme de Jean une opposition à l’égard du Christ. Ils lui rappellent d’abord l’humble condition qui fut jusque-là celle du Christ , puis le fait que Jean s’est dépensé pour le bien du Christ ; après quoi ils soulignent que le Christ s’est approprié le ministère qu’exerçait Jean et, enfin, le dommage qui en résulte pour celui-ci .

509. Pour lui rappeler l’humble condition du Christ, ils disent : CELUI QUI E TAIT AVEC TOI, comme s’il s’agissait de l’un des disciples, et non pas "celui avec qui tu étais", comme avec un maître; car si l’on rend honneur à quelqu’un de plus grand que nous, cela n’est pas un si grand motif de jalousie; mais si l’on manifeste plus d’honneur à quelqu’un de plus petit que nous, c’est alors que nous sommes jaloux — J’ai vu des esclaves sur des chevaux, et des princes marchant sur la terre comme des esclaves — J’ai appelé mon serviteur et il ne m’a pas répondu Un maître, en effet, est plus troublé par la révolte d’un serviteur ou d’un sujet que par celle de quelqu’un d’autre.

510. Ensuite, voulant rappeler à Jean qu’il s’est dépensé pour le bien du Christ, ils ne disent pas "celui que tu as baptisé"; car ils auraient par là confessé la grandeur du Christ qui fut manifestée lors du baptême, ils auraient reconnu que l’Esprit Saint était descendu sur Lui sous la forme d’une colombe et que la voix du Père s’était fait entendre pour Lui; mais ils disent CELUI A QUI TU AS RENDU TEMOIGNAGE, c’est-à-dire celui que tu as glorifié et vers qui tu as fait se tourner tous les regards, voilà ce qu’il a l’audace de faire en retour — ce qui est de nature à susciter beaucoup d’irritation : Celui qui mangeait mon pain a levé insolemment le talon contre moi . Car ceux qui cherchent leur propre gloire , et qui visent leur propre avantage dans le ministère qu’ils exercent, éprouvent du mécontentement si un autre s’approprie ce ministère.

511. C’est pourquoi, en troisième lieu, ils soulignent que le Christ s’est approprié le ministère de Jean, en disant : LE VOILA QUI BAPTISE, c’est-à-dire qui exerce ton ministère — ce qui est de nature à susciter beau coup de trouble. On voit en effet, d’une façon générale, les hommes d’un même métier être à l’affût les uns des autres et se jalouser mutuellement. Le potier est jaloux du potier, et non du charpentier. C’est ainsi que les docteurs jaloux, qui cherchent leur propre honneur, sont eux aussi mécontents si un autre enseigne la vérité. C’est contre eux que Grégoire affirme : "L’âme d’un pasteur juste souhaite que d’autres enseignent la vérité qu’à lui seul il ne suffit pas à enseigner" . Tel fut Moïse : Puisse tout le peuple prophétiser, le Seigneur leur donnant son Esprit!

512. Cependant les disciples de Jean ne se contentèrent pas de le provoquer à propos de ce ministère assumé par le Christ. Ils lui exposent en quatrième lieu ce qui pouvait l’affecter davantage, le dommage que le Christ semblait lui causer en s’attribuant son ministère : ET TOUS, c’est-à-dire tous ceux qui avaient coutume de venir à toi, VIENNENT A LUI — autrement dit : "Tous courent à son baptême en t’abandonnant et te méprisant." Qu’auparavant ils aient eu coutume d’aller à Jean, cela ne fait pas de doute; le Seigneur Lui-même l’atteste : Qui êtes-vous allés voir au désert? Une jalousie semblable excitait les Pharisiens contre le Christ et leur faisait dire : Voilà que tout le monde court après Lui . Mais les propos des disciples de Jean ne réussirent pas à le dresser contre le Christ, car il n’était pas un roseau agité par le vent On le voit clairement dans la réponse qui suit, par laquelle il met fin à la discussion qui lui avait été rapportée.
Alcuin d'York
Le mot Judée signifie ceux qui confessent et qui reçoivent la visite de Jésus-Christ, car là où il trouve la confession des péchés ou des louanges divines, Jésus s'y rend avec ses disciples (c'est-à-dire suivi de sa doctrine et de ses lumières), et il demeure dans cette âme pour la purifier de ses crimes : « Et il y demeurait avec eux et il baptisait. »

C'est-à-dire, tous vous abandonnent et courent se foire baptiser par celui que vous avez baptisé.
Saint Bède le Vénérable
Ces paroles : « Après cela, » ne signifient pas immédiatement après l'entretien avec Nicodème, qui eut lieu à Jérusalem ; et il s'écoula un certain espace de temps, avant que Jésus revînt de la Galilée en Judée.

Jean continue de baptiser alors même que Jésus baptise, les ombres ne sont pas encore entièrement dissipées, et le précurseur ne doit cesser son ministère que lorsque la vérité se manifestera dans tout son jour : « Or, Jean baptisait à Ænon,» etc. Ænon veut dire eau, en hébreu et l'Evangéliste donne pour ainsi dire la signification de ce nom en ajoutant : « Parce qu'il y avait là beaucoup d'eau. » Salem est une petite ville située sur les bords du Jourdain, et où Melchisédech régna autrefois.

Le baptême de Jean avait avant le baptême de Jésus-Christ la même efficacité que les enseignements de-la foi qui sont donnés aux catéchumènes, Il prêchait la pénitence, annonçait le baptême de Jésus-Christ, et attirait les hommes à la connaissance de la vérité qui venait de se manifester au monde ; c'est ainsi que les ministres de l'Eglise commencent par enseigner ceux qui veulent embrasser la foi, ils leur font voir ensuite l'énormité de leurs péchés, leur en promettent la rémission par le baptême de Jésus-Christ, et les attire ainsi à la connaissance et à l'amour de la vérité.

Nous voyons ici clairement que cet Evangéliste raconte les faits de la vie de Jésus-Christ qui ont précédé la captivité de Jean-Baptiste. Ces faits ont été passés sous silence, par les autres Evangélistes qui commencent leur récit par les événements qui suivirent cette incarcération.
Saint Augustin
Le baptême que donnait le Sauveur après qu'il fut baptisé n'était pas celui qu'il avait reçu ; il avait voulu être baptisé par son serviteur pour nous tracer la voie de l'humilité et nous conduire jusqu'au baptême du Seigneur, c'est-à-dire à son baptême, mais Jésus baptisait comme étant lui-même Seigneur, le Fils de Dieu.

Les Juifs soutenaient probablement que Jésus était supérieur à Jean, et qu'on devait recevoir son baptême ; les disciples du précurseur, au contraire, ne comprenant pas encore cette supériorité, défendaient le baptême de leur maître. On vint donc trouver Jean-Baptiste pour qu'il décidât la question : « Les premiers étant venus trouver Jean, lui dirent : Maître, celui qui était avec vous au delà du Jourdain, baptise, » etc. 

Or pourquoi Jean baptisait-il ? Parce qu'il fallait que le Christ fût baptisé. Mais le Sauveur ne fut pas le seul qui fut baptisé par le précurseur, afin que le baptême de Jean ne parût point supérieur au baptême du Seigneur.
Saint Jérôme
Peu importe qu'on dise Salem ou Salim, les Hébreux emploient très rarement les voyelles au milieu des mots, et les mêmes mots ont une prononciation et un accent tout différents suivant la volonté personnelle des lecteurs ou la diversité des pays.
Saint Jean Chrysostome
Gomme l'Evangéliste déclare plus bas que Jésus ne baptisait pas, mais ses disciples, il est évident qu'il faut entendre également que ses disciples seuls baptisaient.

Rien qui marche plus à découvert, comme aussi rien de plus fort que la vérité ; elle ne cherche pas à se cacher, elle ne craint aucun danger, ne redoute aucune embûche, elle ne désire point la gloire que donne le grand nombre, et n'est soumise à aucune des faiblesses humaines. C'est ainsi que Nôtre-Seigneur venait à Jérusalem aux jours de fête, non pour se produire ou par amour de la gloire, mais pour communiquer à un plus grand nombre ses divins enseignements, et opérer des miracles dans leur intérêt. Après que les fêtes étaient passées, il se rendait ordinairement sur les bords du Jourdain, où une foule considérable se réunissait : « Après cela, Jésus vint avec ses disciples dans la terre de Judée, » etc.

Pourquoi encore continuait-il de baptiser jusqu'alors ? S'il avait cessé débaptiser, on eût attribué sa conduite à un sentiment de jalousie ou de mécontentement. Au contraire en continuant de baptiser, il ne cherchait point sa propre gloire, mais il envoyait de nouveaux disciples à Jésus-Christ ; et sa parole avait mille fois plus d'efficacité que celle des disciples du Sauveur, car son témoignage était à l'abri de tout soupçon, et sa réputation était beaucoup plus grande aux yeux de tous. Il baptisait encore pour ne pas augmenter l'esprit de rivalité de ses disciples. Je pense du reste que Dieu permit la mort de Jean-Baptiste, et que Jésus ne commença qu'après la mort du précurseur le cours de ses prédications, afin que l'affection du peuple tout entier lui fût acquise, les esprits n'étant plus partagés sur le mérite respectif de l'un et de l'autre. En effet, les disciples de Jean nourrissaient des sentiments de jalousie contre les disciples de Jésus-Christ, et contre Jésus-Christ lui-même ; dès qu'ils virent que les disciples du Sauveur baptisaient, ils engageront une discussion avec ceux qui recevaient leur baptême, discussion qui avait pour objet la supériorité du baptême de Jean sur celui des disciples de Jésus-Christ : « Or, il s'éleva une question entre les disciples de Jean et les Juifs, » etc. Ce furent les disciples de Jean et non les Juifs qui soulevèrent cette question. Ce que l'Evangéliste fait entendre en disant que cette question s'éleva, non parmi les Juifs, mais entre les disciples de Jean et les Juifs.

C'est-à-dire, celui que vous avez baptisé ; mais ils se gardent bien de s'exprimer de la sorte, car alors ils eussent été forcés de rappeler aussi la voix qui se fit entendre au-dessus de lui ; ils se contentent donc de dire : « Celui qui était avec vous, celui qui était confondu avec vos disciples, qui n'avait rien qui le distinguât de nous, se sépare maintenant de vous, et baptise lui-même. Ils ajoutent : A qui vous avez rendu témoignage. » C'est-à-dire celui dont vous avez manifesté la gloire, sur qui vous avez attiré les regards, ose remplir le même ministère que vous ; car que signifient ces paroles : « Voilà qu'il baptise ? » Et ce n'est point le seul grief qu'ils formulent contre Jésus auprès de son précurseur, ils se plaignent encore de voir ses disciples perdre de leur considération, et leur nombre diminuer de jour en jour. « Et tous vont à lui. »

Pendant que les disciples de Jésus baptisent, Jean Baptiste continue de baptiser lui-même jusqu'à son incarcération, comme l'indique l'Evangéliste en ajoutant : « Car Jean n'avait pas encore été mis en prison. »