Jean 3, 15

afin qu’en lui tout homme qui croit ait la vie éternelle.

afin qu’en lui tout homme qui croit ait la vie éternelle.
Pape Saint Jean-Paul II
En d'autres occasions, Jésus parle de vie éternelle, en utilisant un adjectif qui ne renvoie pas seulement à une perspective supratemporelle. « Eternelle » est la vie promise et donnée par Jésus, parce qu'elle est plénitude de participation à la vie de l'« Eternel ». Quiconque croit en Jésus et entre en communion avec lui a la vie éternelle (cf. Jn 3, 15; 6, 40), car c'est de lui qu'il entend les seules paroles capables de révéler et de communiquer une plénitude de vie pour son existence; ce sont les « paroles de la vie éternelle » que Pierre reconnaît dans sa profession de foi: « Seigneur, à qui irons-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle; nous croyons et nous avons reconnu que tu es le Saint de Dieu » (Jn 6, 68-69). La vie éternelle est définie par Jésus lui-même lorsqu'il s'adresse au Père dans la grande prière sacerdotale: « La vie éternelle, c'est qu'ils te connaissent, toi, le seul véritable Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus Christ » (Jn 17, 3). Connaître Dieu et son Fils, c'est accueillir le mystère de la communion d'amour du Père, du Fils et de l'Esprit Saint dans notre vie qui s'ouvre dès maintenant à la vie éternelle dans la participation à la vie divine.

Sur la Croix se renouvelle et se réalise, avec une perfection pleine et définitive, le prodige du serpent élevé par Moïse dans le désert (cf. Jn 3, 14-15; Nb 21, 8-9). Aujourd'hui encore, en tournant son regard vers Celui qui a été transpercé, tout homme menacé dans son existence trouve la ferme espérance d'obtenir sa libération et sa rédemption.

Les deux commandements, auxquels « se rattache toute la Loi, ainsi que les Prophètes » (Mt 22, 40), sont profondément unis entre eux et s'interpénètrent. Jésus rend témoignage de leur indivisible unité par ses paroles et par sa vie : sa mission culmine à la Croix rédemptrice (cf. Jn 3, 14-15), signe de son amour inséparable envers le Père et envers l'humanité (cf. Jn 13, 1).
Louis-Claude Fillion
But admirable et généreux de l’exaltation du Fils de l’homme : guérir les pauvres humains blessés à mort par le péché. « Quiconque » ne permet pas d’admettre une seule exception ; le salut est offert indistinctement à tous les hommes. A une condition pourtant, la foi au divin Rédempteur : qui croit en lui. Les mots ne meure pas seraient, au dire de plusieurs critiques modernes, un emprunt fait au verset suivant ; ils manquent dans les manuscrits B, L, Sinait. - Qu’il ait la vie éternelle. La vie éternelle, et pas seulement un prolongement de quelques mois ou de quelques années à passer sur la terre, ainsi qu’il arriva aux Hébreux guéris de la morsure des serpents.
Saint Thomas d'Aquin
449. Le Seigneur a prouvé plus haut par un raisonnement la nécessité de la génération spirituel le; Il donne maintenant une image.

Ces paroles laissent entendre que Nicodème, à ces mots : CE QUI EST NE DE L’ESPRIT EST ESPRIT, fut pris d’un doute qui le troubla; voilà pourquoi le Seigneur lui dit : NE T’ETONNE PAS QUE JE T’AIE DIT : IL VOUS FAUT NAITRE DE NOUVEAU.

. Spiritus spirat, traduisant le grec pneûma pneî. Les mots spiritus et pneûma (comme le mot hébreu ruah) peuvent signifier à la fois le souffle, le vent et l’esprit. La traduction de spiritus par "souffle" dans ce verset de saint Jean n’est pas satisfaisante, la signification du mot français étant plus restreinte que celle du mot latin; elle permet cependant de ne pas opter d’emblée pour une interprétation, ce qui serait gênant puisque l’exégèse de saint Thomas (reprenant celle des Pères) va distinguer deux sens du mot spiritus.

Précisons ici qu’il y a deux sortes d’étonnement. L’un relève d’une attitude intérieure de religion : c’est l’étonnement de celui qui, considérant les merveilles de Dieu , reconnaît qu’elles sont pour lui incompréhensibles, ce qui l’amène à s’étonner, à admirer Le Seigneur, dit le psalmiste, est admirable dans les hauteurs ; et encore : Tes témoignages sont admirables . A cet étonnement il faut amener les hommes, plutôt que de les en détourner.

L’autre sorte d’étonnement relève de l’incrédulité; c’est L'attitude de celui qui, ne croyant pas ce qui lui est dit, s’étonne. C’est en ce sens qu’il est dit que habitants de Nazareth, entendant Jésus enseigner dans leur synagogue, étaient saisis d’étonnement devant son enseignement et se scandalisaient à son sujet . C’est cet étonnement que le Seigneur veut éviter à Nicodème en prenant une image.

On peut, sans changer la teneur de ces paroles, les expliquer au sens littéral de deux manières.

450. Selon Chrysostome , le mot SOUFFLE désigne le vent, comme dans le psaume Souffles de tempête, qui accomplissez sa parole.... Selon cette interprétation, le Seigneur affirme quatre choses au sujet du vent. D’abord sa puissance : LE SOUFFLE SOUFFLE OU IL VEUT, c’est-à-dire : le vent souffle dans la direction qu’il veut. Et si l’on objecte que le vent n’a pas de volonté, il faut répondre que l’on parle ici de "vouloir" pour désigner un appétit naturel, qui n’est rien d’autre qu’une inclination naturelle. La "volonté" du vent est donc ici son inclination naturelle, dont il est dit : Dieu qui donna du poids aux vents . Le Seigneur men tionne ensuite un signe indiquant la présence du vent ET TU ENTENDS SA voix, autrement dit le bruit que fait le vent en heurtant un corps, et dont le psaume parle ainsi : Voix de ton tonnerre dans le tourbillon. Il parle ensuite de l’origine du vent, qui est cachée : MAIS TU NE SAIS D'OÙ IL VIENT, c’est-à-dire d’où il se lève tire le vent de ses trésors . Il parle enfin du terme son mouvement, qui est également caché : tu ne sais OU IL VA, c’est-à-dire jusqu’où il continue de souffler. Puis le Seigneur applique cette comparaison à ce qu’Il veut enseigner, en disant : AINSI EN EST-IL DE QUICONQUE EST NE DE L’ESPRIT. Autrement dit : Si le vent, qui est corporel, a une origine cachée, et si sa course ne peut être connue, comment t’étonnes-tu de ne pouvoir connaître le processus de la régénération spirituelle?

451. Cependant Augustin fait à cette interprétation l’objection suivante. En disant que LE SOUFFLE SOUFFLE OU IL VEUT, le Seigneur ne pensait pas au vent, car de n’importe quel vent nous savons D'OÙ IL VIENT et OU IL VA. Le vent du midi, en effet, vient du sud et va vers le nord; et, inversement, l’Aquilon va du nord au midi. Comment donc le Seigneur dirait-Il du vent corporel : TU NE SAIS D'OÙ IL VIENT NI OU IL VA?

452. Selon l’autre explication Littérale, le mot SOUFFLE désigne l’Esprit Saint, au sujet duquel le Christ affirme quatre choses. En premier lieu sa puissance, lorsqu’Il dit : LE SOUFFLE L'ESPRIT SOUFFLE OU IL VEUT. Car c’est en vertu du libre arbitre de sa puissance qu’Il souffle OU IL VEUT et quand Il veut, en illuminant les cœurs des hommes — Tout cela dit Paul en parlant des dons spirituels, c’est un seul et même Esprit qui l’opère, distribuant à chacun comme Il le veut Par là est réfutée l’erreur de Macédonius , qui soutenait que l’Esprit Saint est le serviteur du Père et du Fils; en effet, s'il l’était, Il ne soufflerait pas où Il veut, mais là où on Lui donnerait ordre de le faire.

453. Le Christ donne ensuite un signe indiquant la présence du Saint-Esprit, en disant : ET TU ENTENDS SA VOIX — Aujourd’hui disait le psaume, si vous en tendez sa voix, n’endurcissez pas vos cœurs Mais Chrysostome fait ici une objection. Ces paroles, estime-t-il, ne peuvent s’entendre de l’Esprit Saint; car le Seigneur parlait avec Nicodème qui ne croyait pas encore et qui, de ce fait, n’était pas capable d’entendre la voix de l’Esprit Saint Mais à cela il faut répondre, selon Augustin , en distinguant deux voix de l’Esprit Saint : l’une qui parle intérieurement, dans le cœur de l’homme, et que seuls les croyants et les saints entendent; c’est d’elle qu’il est question dans ce psaume : J’écouterai ou j’entendrai ce que dit en moi le Seigneur Dieu . L’autre par laquelle l’Esprit Saint parle dans l’Ecriture ou par la bouche des prédicateurs, selon ce qui est dit dans l’Evangile : Ce n’est pas vous qui parlez, mais l’Esprit de votre Père qui parle en et cette voix-là, les incroyants et les pécheurs eux-mêmes l’entendent.

454. Le Christ, en troisième lieu, évoque l’origine de l’Esprit Saint, qui est cachée : TU NE SAIS D’OÙ IL VIENT, bien que tu entendes sa voix. Pourquoi cela? Parce qu’Il vient du Père et du Fils — Quand viendra le Paraclet que moi, je vous enverrai d’auprès du Père, l’Esprit de vérité qui procède du Père.... Or le Père et le Fils habitent une lumière inaccessible qu’aucun homme n’a vue ni ne peut voir .

455. Le Christ parle enfin du terme de l’action de l’Esprit, qui est certes caché — TU NE SAIS OU IL VA —, parce qu’il conduit à une fin cachée : la béatitude éternelle. C’est pourquoi il est dit que l'Esprit Saint est le gage de notre héritage et que l’œil n’a pas vu, l’oreille n’a pas entendu, le cœur de l’homme n’a pas conçu ce que Dieu a préparé pour ceux qui L’aiment. Ou encore, les paroles TU NE SAIS D'OÙ IL VIENT NI OU IL VA peuvent vouloir dire : Tu ne sais comment Il pénètre dans l’homme, ni à quelle perfection il le con duit. — S’Il vient à moi, je ne Le verrai pas .

456. Autrement dit : celui qui est né de l’Esprit est comme l’Esprit Saint. Et cela n’a rien d’étonnant, puis que, comme le Christ l’avait dit précédemment, ce qui est né de l’Esprit est esprit v. En effet, l’homme spirituel a en lui les propriétés de l’Esprit Saint, comme le charbon ardent a en lui celles du feu; et celui qui est né de l’Esprit Saint a en lui les quatre propriétés de l’Esprit dont on a parlé plus haut. Il possède en effet, en premier lieu, la liberté . Où est l’Esprit du Seigneur, là est la liberté, car l’Esprit du Seigneur conduit à ce qui est droit : Ton bon esprit me conduira dans une voie droite , et Il libère de l’esclavage du péché et de la loi — La loi de l’Esprit de vie qui est dans le Christ Jésus m’a libéré de la loi du péché et de la mort . En second lieu, il y a un signe qui dénote l’homme spirituel c’est sa voix, l’intonation de ses paroles : en l’entendant on reconnaît qu’il est spirituel — La bouche parle de l’abondance du cœur . Enfin, l’homme spirituel a une origine et une fin cachées, car nul ne peut le juger : L’homme spirituel juge de tout et n’est lui-même jugé par personne .

On peut dire encore que TU NE SAIS D’OÚ IL VIENT NI OU IL VA signifie : Tu ignores le principe de sa naissance spirituelle, qui est la grâce baptismale, et tu ne sais pas de quoi il est rendu digne, c’est-à-dire la vie éternelle, qui t’est encore cachée.

457. L’Evangile va nous révéler maintenant la cause de la régénération spirituelle et sa raison ultime, cela à travers une interrogation de Nicodème et la réponse du Seigneur .

458. Cette interrogation montre bien que Nicodème, étant encore ignorant, étant encore un Juif enfermé dans le sensible, ne pouvait comprendre les mystères du Christ ni par des images, ni par des raisonnements.

Notons qu’il y a deux manières d’interroger. Certains, en effet, interrogent par manque de confiance. Ce fut le cas de Zacharie : A quoi connaîtrai-je cela? Car je suis vieux... ; et c’est pourquoi il fut puni — Dieu réduit à rien ceux qui scrutent ses secrets . D’autres au contraire interrogent parce qu’ils désirent intensément apprendre, comme le fit la Bienheureuse Vierge lorsqu’elle dit à l’ange : Comment cela se fera-t-il, puis que je ne connais pas d’homme? et ceux-ci sont instruits. C’est donc parce qu’il avait interrogé avec le désir intense d’apprendre que Nicodème mérita d’être instruit. La suite le montre bien.

459. Avant de répondre à l’interrogation de Nicodème , le Seigneur lui reproche sa lenteur d’esprit .

460. Il la lui reproche pour trois raisons. D’abord à cause de la condition même de la personne à qui Il s’adresse, en lui disant : TU ES DOCTEUR EN ISRAËL. Ce faisant, le Seigneur ne reprend pas Nicodème pour l’insulter; mais Il voulait, parce que Nicodème se fiait encore à sa fonction de docteur et comptait trop sur sa propre science, faire de lui, en l’humiliant, la demeure de l’Esprit Saint — Vers qui regarderai-je, sinon vers le pauvre, celui dont l’esprit est brisé et qui tremble à ma parole? Et Il souligne : TU ES DOCTEUR; car s’il est admissible qu’un homme simple ne puisse saisir les choses profondes, cela serait tout à fait répréhensible de la part d’un homme chargé d’enseigner, d’un docteur. Jésus dit donc à Nicodème : TU ES DOCTEUR, mais de la lettre qui tue , EN ISRAEL, et CES CHOSES, c’est-à-dire les choses spirituelles, TU LES IGNORES? — Alors qu’avec le temps vous devriez être devenus des maîtres des docteurs, vous avez encore besoin qu’on vous enseigne les premiers éléments des paroles de Dieu .

461. On pourrait objecter que le Seigneur aurait à juste titre reproché à Nicodème sa lenteur d’esprit s’Il lui avait parlé de l’ancienne loi et que Nicodème n’eût pas compris; mais que, ici, Il lui a parlé de la loi nouvelle. A cela il faut répondre que ce que le Seigneur dit de la génération spirituelle est contenu dans l’ancienne loi, mais en figure. Paul dit en effet que tous ont été baptisés en Moise dans la nuée et dans la mer ; et les prophètes aussi l’avaient dit : Je verserai sur vous une eau pure et vous serez purifiés de toutes vos souillures, et de toutes vos idoles je vous purifierai .

462. La seconde raison de reprocher à Nicodème sa lenteur est la condition de Celui qui lui parle. En effet, que l’on n’acquiesce pas aux paroles d’un ignorant, c’est admissible; mais s’opposer à ce que dit un homme sage et d’une grande autorité, cela est intolérable. Voilà pourquoi le Christ dit : AMEN, AMEN JE TE LE DIS, NOUS PARLONS DE CE QUE NOUS SAVONS ET NOUS TEMOIGNONS DE CE QUE NOUS AVONS VU; car ce qui est exigé pour qu’un témoin soit digne de foi, c’est qu’il rende témoignage de ce qu’il a entendu ou de ce qu’il a vu : Ce que nous avons vu et ce que nous avons entendu, nous vous l’annonçons . Aussi le Seigneur dit Il l’un et l’autre : NOUS PARLONS DE CE QUE NOUS SAVONS ET NOUS TEMOIGNONS DE CE QUE NOUS AVONS VU. Or le Seigneur, en tant qu’homme, sait tout — Seigneur, tu sais tout... Seigneur, toi qui possèdes la science sainte, tu le sais manifestement... . Mais, en outre, Il voit toutes choses par la connaissance qu’Il a en tant que Dieu : Ce que j’ai vu auprès de mon Père, je le dis . Du reste, Il dit au pluriel NOUS PARLONS DE CE QUE NOUS SAVONS ET NOUS TEMOIGNONS DE CE QUE NOUS AVONS VU, pour faire entendre par là le mystère de la Trinité — Le Père qui demeure en moi fait Lui-même les œuvres . Ou bien encore, en disant CE QUE NOUS SAVONS, Il parle de Lui-même et d’autres, de ceux qui ont été rendus spirituels, puisque Personne ne connaît le Père, si ce n’est le Fils et celui à qui le Fils aura voulu Le révéler Et cependant, ajoute-t-Il, notre témoignage, ainsi éprouvé et solidement établi, VOUS NE LE RECEVEZ PAS. Et de nouveau, plus loin, il sera dit : Il témoigne de ce qu’il a vu et entendu; et son témoignage, personne ne le reçoit .

463. Le Seigneur a ici une troisième raison de reprocher à Nicodème sa lenteur : c’est la nature des choses dont Il a parlé. En effet, que l’on ne saisisse pas des choses difficiles, cela n’a rien d’étonnant; mais que l’on ne comprenne pas des choses faciles, c’est inadmissible. C’est pourquoi le Christ dit : SI, QUAND JE VOUS PARLE DES CHOSES DE LA TERRE, VOUS NE CROYEZ PAS, QUAND JE VOUS PARLERAI DES CHOSES DU CIEL, COMMENT CROIREZ-VOUS? Autrement dit : Si tu ne comprends pas ces choses qui sont faciles, comment pourras-tu saisir la procession du Saint-Esprit? Nous avons peine à deviner ce qui est sur la terre (...); ce qui est dans les cieux, qui donc le découvrira ?

464. Mais on ne voit pas, dans ce qui précède, que le Seigneur ait parlé à Nicodème des CHOSES DE LA TERRE. A cette objection il faut répondre, selon Chrysostome , que les CHOSES DE LA TERRE dont parle ici le Seigneur doivent s’entendre de l’image du vent. Le vent, en effet, étant sujet à la génération et à la corruption, compte parmi les réalités terrestres. Ou bien l’on peut dire, toujours selon Chrysostome , que la régénération spirituelle réalisée par le baptême, si elle est céleste, certes, dans son principe qui sanctifie et régénère, est terrestre quant à son sujet : en effet, ce qui est régénéré, l’homme, est terrestre.

On peut encore répondre, avec Augustin , que par CHOSES DE LA TERRE il faut entendre ce que le Seigneur avait dit plus haut : Détruisez ce temple et en trois jours je le relèverai . C’est là chose terrestre, puisque le Seigneur parlait du temple de son corps, qu’Il avait reçu de la terre. Ainsi, en disant SI, QUAND JE VOUS PARLE DES CHOSES DE LA TERRE, VOUS NE CROYEZ PAS, QUAND JE VOUS PARLERAI DES CHOSES DU CIEL, COMMENT CROIREZ-VOUS?, le Christ veut dire Si vous ne croyez pas à la génération spirituelle temporelle, comment croirez-vous à la génération éternelle du Fils? Ou bien Si vous ne croyez pas ce que je dis de la puissance de mon corps, comment croirez-vous ce que je vous dirai de la puissance de ma divinité et de la puissance de l’Esprit Saint?

465. Le Seigneur répond maintenant à la question de Nicodème. Il commence par donner les causes de la régénération spirituelle , puis Il en dévoile la raison ultime .

La régénération spirituelle a deux causes : le mystère de l’Incarnation du Christ et celui de sa Passion; le Seigneur traite donc d’abord de l’Incarnation , puis de la Passion .

466. Mais comment cette réponse du Christ satisfait-elle à la question de Nicodème? Voilà ce qu’il faut examiner en premier lieu. En effet le Seigneur avait dit auparavant, parlant du souffle : TU NE SAIS D'OÙ IL VIENT NI OU IL VA, où Il donnait à entendre que la ré génération spirituelle a un principe et une fin cachés. Or les choses qui nous sont cachées sont celles qui sont dans les cieux, selon les mots du livre de la Sagesse cités plus haut : Ce qui est dans les cieux, qui donc le découvrira? . La question de Nicodème COMMENT CELA PEUT-IL SE FAIRE? doit donc être comprise de la manière suivante : Comment quelque chose pourrait-il venir du secret des cieux, ou aller au secret des cieux? Aussi le Christ, avant de répondre à la question, a-t-Il commencé par en expliciter le sens en disant : QUAND JE VOUS PARLERAI DES CHOSES DU CIEL, COMment CROIREZ-VOUS? Après quoi Il commence aussitôt à montrer à qui il appartient de monter au ciel; car celui qui descend du ciel, c’est celui-là qui monte au ciel : Celui qui est descendu est Celui-là même qui est monté au-dessus de tous les cieux, afin de remplir toutes choses . Dans les réalités de la nature aussi, on constate que tout corps tend vers un lieu, selon son origine ou sa nature. Ainsi, il peut se faire que quelqu’un, par l’esprit, aille en un lieu que les êtres charnels ignorent, et cela en montant au ciel, si cela se réalise par la puissance de Celui QUI EST DESCENDU DU CIEL; car Il est descendu pour, en montant, nous ouvrir la voie — Celui qui fait la brèche monte devant eux .

467. Ces paroles du Seigneur : CELUI QUI EST DESCENDU DU CIEL, LE FILS DE L’HOMME, ont été pour certains occasion d’erreur. L’expression FILS DE L’HOMME désignant en effet la nature humaine, qui est composée d’une âme et d’un corps, Valentin voulut, de ces paroles affirmant que le Fils EST DESCENDU DU CIEL, conclure qu’Il avait apporté du ciel même son corps et était passé par la Vierge sans rien recevoir d’elle, comme de l’eau passant par un canal; mais cela va contre la parole de l’Apôtre concernant le Fils, issu de la descendance de David selon la chair .

Origène, lui, soutient que le Christ est DESCENDU DU CIEL selon son âme, dont il dit qu’elle a été créée au commencement avec les anges et unie au Verbe, et qu’elle est ensuite descendue du ciel en prenant chair de la Vierge ; mais cela aussi est contraire à la foi catholique, qui enseigne que les âmes n’ont pas existé avant les corps.

468. Il ne faut donc pas comprendre que le Fils de l’homme serait descendu du ciel selon sa nature humai ne, mais qu’Il en est descendu selon la nature divine. En effet, puisqu’il y a dans le Christ un seul suppôt, ou hypostase, ou personne, de deux natures, la nature divine et la nature humaine, on peut attribuer à ce suppôt, quelle que soit la nature à partir de laquelle on le nom me, et ce qui est divin, et ce qui est humain. Ainsi nous pouvons affirmer que le Fils de l’homme a créé les étoiles et que le Fils de Dieu a été crucifié. Mais le Fils de Dieu n’a pas été crucifié selon la nature divine, il l’a été selon la nature humaine; et c’est selon la nature divine que le Fils de l’homme a créé les étoiles. Il en va ainsi de toutes les choses que l’on dit du Christ : il ne faut pas les distinguer à partir de la réalité concrète dont elles sont dites, parce que dans le Christ les choses divines et les choses humaines sont dites indifféremment de Dieu et de l’homme; mais il faut les distinguer en fonction de ce en raison de quoi elles sont dites, car les choses divines sont dites du Christ en rai son de la nature divine et les choses humaines en raison de la nature humaine. Descendre du ciel se dit donc du Fils de l’homme, non selon sa nature humaine, mais selon sa nature divine, en raison de laquelle il Lui appartient, avant l’incarnation, d’avoir été du ciel, comme le dit le psaume : Le ciel des cieux est au Seigneur; mais la terre, il l’a donnée aux fils des hommes .

469. Si l’on dit que le Fils de l’homme est descendu, il ne s’agit pas d’un mouvement local, sinon Il ne serait pas demeuré dans le ciel; car rien de ce qui se meut localement ne reste à l’endroit d’où il descend. C’est donc pour exclure le mouvement local que le Christ ajoute : QUI EST DANS LE CIEL, comme pour signifier : IL EST DESCENDU DU CIEL de telle manière que cependant Il EST DANS LE CIEL. Il est en effet descendu du ciel, non certes en cessant d’être en haut, mais en assumant une nature qui est d’en bas; et parce qu’Il n’est pas contenu ni enfermé en elle, durant le temps même où son corps vivait sur la terre Il était Lui-même, selon sa divinité, dans les cieux et partout. Afin donc de montrer que si l’on dit qu’Il EST DESCENDU, c’est parce qu’Il a pris cette nature, Il précise : CELUI QUI EST DESCENDU, LE FILS DE L’HOMME, c’est-à-dire en tant qu’il s’est fait Fils de l’homme.

470. On peut dire encore, avec Hilaire , qu’Il est descendu du ciel en ce qui concerne son corps; non que la matière du corps du Christ soit descendue du ciel, mais parce que la puissance qui l’a formé était du ciel.

471. Mais pourquoi dit-Il : PERSONNE N’EST MON TE AU CIEL, SI CE N’EST CELUI QUI EST DESCENDU DU CIEL, LE FILS DE L’HOMME QUI EST AU CIEL? Paul, Pierre et les autres saints ne sont-ils pas montés eux aussi, selon ce que Paul lui-même dit : Nous avons une maison qui est l’œuvre de Dieu, une demeure qui n’est pas faite de main d’homme, une demeure éternelle dans les cieux ? A cela je réponds que personne n’est monté au ciel que le Christ et ses membres, c’est-à-dire les croyants qui sont justes. Si donc le Fils de Dieu est descendu des cieux, c’est pour, en faisant de nous ses membres, nous préparer à monter aux cieux, maintenant en espérance, mais à la fin en réalité : Dieu (...) nous a ressuscités avec Lui et nous a fait asseoir ensemble dans les cieux en Jésus-Christ .

472. Le Seigneur évoque ici le mystère de sa Passion, dont la puissance donne au baptême son efficacité. Nous tous qui avons été baptisés dans le Christ Jésus, c’est dans sa mort que nous avons été baptisés . Il commence par donner une figure de sa Passion , puis Il en montre le mode et enfin le fruit .

473. Pour amener Nicodème à comprendre, le Christ prend une figure de l’ancienne loi. En effet, au peuple juif qui se déclarait dégoûté de cette nourriture sans consistance , le Seigneur envoya, en punition, des serpents. Le peuple accourut alors vers Moïse, et celui-ci supplia le Seigneur, qui lui ordonna de faire un serpent de bronze, lequel fut à la fois un remède contre les serpents et une figure de la Passion du Seigneur. Aussi est-il dit que Moïse l’exposa comme un signe . Le propre du serpent est d’avoir du venin; le serpent de bronze n’en avait pas, mais il figurait les serpents venimeux. De même le Christ n’eut pas en Lui le péché, qui est un venin — car le péché, une fois accompli, engendre la mort — mais Il eut la ressemblance du venin, c’est-à-dire du péché : car Dieu a envoyé son propre Fils dans une chair semblable à celle du péché . Voilà pourquoi le Christ posséda le pouvoir du serpent de bronze contre l’assaut et l’ardeur des concupiscences.

474. En parlant de cette élévation, qui doit s’entendre de son élévation sur la croix, le Christ annonce le mode de sa Passion. C’est pourquoi, lorsque plus tard, Il dira : Il faut que le Fils de l’homme soit élevé , l'Evangéliste ajoutera Il disait cela pour signifier de quelle mort Il allait mourir , et par là glorifier Dieu . Il voulut en effet mourir élevé, pour plusieurs raisons. D’abord pour purifier les cieux; déjà, en effet, par la sainteté de sa vie, Il avait purifié ce qui est sur la terre; il Lui restait, par sa mort, à purifier ce qui est dans les airs — Pacifiant par le sang de sa Croix soit ce qui est sur la terre, soit ce qui est dans les cieux . En second lieu, Il voulut être élevé pour triompher des démons qui préparent la guerre dans les airs — l’Apôtre parle du prince des puissances des airs . Il le voulut aussi pour attirer à Lui nos cœurs : Quand j’aurai été élevé de terre, j’attirerai tout à moi . Il le voulut encore parce qu’Il fut exalté dans la mort de la croix, car c’est là qu’Il triompha de ses ennemis; voilà pourquoi Il ne parle pas de mort, mais d’élévation, d’exaltation : Il boira au torrent sur le chemin, dit le psaume, et c’est pourquoi il relèvera exaltera la tête . Enfin, Il voulut mourir élevé parce que la croix fut la cause de son exaltation. Il s’est fait obéissant jus qu’à la mort, et la mort de la croix; c’est pourquoi Dieu L’a exalté et Lui a donné le nom qui est au-dessus de tout nom .

475. Le fruit de la Passion du Christ est la vie éternelle; voilà pourquoi Il dit : POUR QUE TOUT HOMME QUI CROIT EN LUI, en agissant bien, NE PERISSE PAS, MAIS QU’IL AIT LA VIE ETERNELLE. Ce fruit correspond au fruit du serpent qui préfigurait [le Christ crucifié]. En effet, quiconque regardait le serpent de bronze était délivré du venin et avait la vie sauve; or il regarde le Fils de l’homme élevé, celui qui croit au Christ crucifié, et il est par là libéré du venin du péché — Celui qui croit en moi ne mourra pas à jamais — et sauvé pour la vie éternelle — Ces choses ont été écrites pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu et que, en croyant, vous ayez la vie en son nom .
Saint Théophylacte d'Ohrid
Considérez maintenant le rapport de la figure à la vérité. Ce serpent d'airain avait la forme d'un serpent sans en avoir le venin, et c'est ainsi que Nôtre-Seigneur est venu avec la ressemblance de la chair de péché, mais sans le moindre péché. Il a été élevé, c'est-à-dire suspendu dans les airs, pour sanctifier l'air après avoir sanctifié la terre par les qu'il y avait imprimés. On peut encore entendre par cette élévation la gloire de Jésus-Christ ; car cette élévation de la croix sur laquelle il a été attaché, est devenue la gloire du Sauveur. Il veut être jugé par les hommes, et la sentence qu'ils prononcent contre lui devient le jugement qu'il porte lui-même contre le prince du monde. Adam a été soumis justement à la mort, parce qu'il a péché, mais le Seigneur, en souffrant injustement la mort, a triomphe de celui qui l’avait livré à la mort et a délivré ainsi Adam de la mort. Mais le démon s’est trouvé complètement vaincu ; car il n'a pu inspirer au Sauveur attaché sur la croix aucun sentiment de haine contre, ceux qui crucifiaient ; au contraire, son amour pour eux semblait s'en accroître, et le portait à prier son Père pour eux. C'est ainsi que la croix de Jésus-Christ est devenue son exaltation et sa gloire.
Saint Bède le Vénérable
Il fait titrer ce docteur de la loi mosaïque dans le sens spirituel de cette loi, et il lui rappelle un fait de l'ancienne histoire de sa nation qu'il lui présente comme la figure de sa passion et du salut du genre humain.
Saint Augustin
Il y a cette différence entre la figure et la réalité, que les Israélites étaient guéris de la mort pour cette vie temporelle, tandis que les autres le sont pour la vie éternelle.

Un grand nombre d'Israélites moururent par suite des morsures des serpents ; ce fut donc par ordre du Seigneur, que Moïse éleva dans le désert un serpent d'airain, et ceux qui le regardaient étaient aussitôt guéris. Ce serpent élevé, c'est le symbole de la mort de Jésus-Christ, avec cette particularité que c'est en qui produit le mal qui devient ici le signe de ce qui doit la réparer. C'est le serpent, en effet, qui a été l'auteur de la mort, en persuadant à l'homme le péché qui a été la cause de sa mort. Or, Notre-Seigneur n'a point transporté dans sa chair le péché qui était le venin du serpent, mais seulement la mort. Ainsi sa chair qui n'avait que la ressemblance du péché a souffert la peine séparée du péché, pour détruire dans la vraie chair du péché et la peine et la faute.

Ceux qui regardaient le serpent d'airain élevé dans les airs, étaient guéris de la maladie, et délivrés de la mort ; de même celui qui reproduit en lui la ressemblance de la mort de Jésus-Christ en croyant en lui et en recevant le baptême, est délivré tout à la fois du péché par la justification, et de la mort par la résurrection. C’est ce que le Sauveur exprime par les paroles suivantes : « Afin que tout homme qui croit en lui ne périsse point, mais qu'il ait la vie éternelle. » Quel besoin pour l’enfant de reproduire en lui la mort de Jésus-Christ par le baptême, si son âme n'était point infectée par la morsure du serpent ?
Saint Jean Chrysostome
Nôtre-Seigneur ne dit pas : Il faut que le Fils de l'homme soit suspendu, mais : « Il faut qu'il soit élevé, » cette dernière expression est plus convenable, et le Sauveur s'en sert pour montrer le rapport intime de l'Ancien Testament avec le Nouveau, nous apprendre que ce n'est point malgré lui qu'il a souffert la mort, et que cette mort a été pour un grand nombre un principe de vie et de salut.

Le Sauveur vient d'exposer les grands bienfaits du baptême, il en découvre maintenant la cause, c'est-à-dire la croix : « Et comme Moïse a élevé le serpent, » etc.

Il n'est pas sans intérêt de remarquer que Vôtre-Seigneur jette comme un voile sur sa passion, pour ne point répandre la tristesse dans l'âme de celui qui l'écoutait ; mais il parle ouvertement du fruit de sa passion ; car si ceux qui croient au crucifié ne périssent pas, à plus forte raison celui qui a été crucifié ne doit point périr.