Jean 3, 11

Amen, amen, je te le dis : nous parlons de ce que nous savons, nous témoignons de ce que nous avons vu, et vous ne recevez pas notre témoignage.

Amen, amen, je te le dis : nous parlons de ce que nous savons, nous témoignons de ce que nous avons vu, et vous ne recevez pas notre témoignage.
Louis-Claude Fillion
Ici commence le discours rattaché au dialogue. Nous y distinguons trois pensées principales : 1° le témoignage du Fils de Dieu, versets 11-13 ; 2° le salut par la croix, versets 14-17 ; 3° les damnés et les sauvés, versets 18-21. - En vérité, en vérité, je te le dis. C’est pour la troisième fois que nous rencontrons, depuis le début de l’entretien, cette déclaration solennelle (Cf. versets 3 et 5). Baeumlein a raison de dire (in h. l.) que, toutes les fois qu’elle apparaît dans le quatrième Évangile, le discours, tout en se maintenant dans l’ordre des vérités déjà affirmées, prend comme un nouvel essor pour s’élever à des régions supérieures. Cf. 6, 32 ; 10, 1, 7 ; 12, 24 ; 23, 16 ; 6, 20, 23. Bonne réponse à faire à Strauss, quand il prétend que Jésus procède ici par soubresauts et d’une manière anti-pédagogique. - Ce que nous savons, nous le disons. Aux affirmations antérieures de Jésus, Nicodème a objecté un « comment cela peut-il se faire ? » qui n’était pas complètement exempt de scepticisme ; le divin Maître lui rappelle ce principe incontestable que, relativement aux vérités supérieures, l’on doit croire des témoins dignes de foi, alors même qu’elles contiennent encore des points mystérieux. C’est par des termes fort énergiques qu’il met en relief la certitude parfaite de son enseignement. En grec « savons » désigne une connaissance sûre, qui permet de parler des choses (disons) en toute exactitude ; avons vu indique la source de cette même connaissance, qui est la vue claire et immédiate des faits, et non la simple réflexion, l’abstraction. « Chez nous, dit très à propos S. Jean Chrysostome (h. l.), le témoignage des sens le plus certain est celui de la vue, et si nous voulons faire admettre quelque chose par quelqu’un, nous disons que nous l’avons contemplé de nos propres yeux. C’est ainsi que le Christ, en parlant à Nicodème de cette façon humaine, le concilie à la foi de sa parole. » Le verbe attestons, mis en corrélation avec « avons vu », est plus expressif que « disons », de même que « avons vu » l’emporte en vigueur sur « savons ». Ce sont des idées qui se complètent, se corroborent mutuellement. - Dans la précédente partie de l’entretien (Cf. versets 3, 5, 7, 12), Jésus avait employé la première personne du singulier, et voici que tout à coup il parle au pluriel : Nous savons, nous avons vu, etc. Cette différence a naturellement attiré l’attention des exégètes anciens et modernes ; mais ils l’expliquent de manières très diverses. Toutes les sortes de pluriels mentionnées dans la grammaire ont été invoquées tour à tour : le pluriel de rhétorique, qui équivaudrait simplement au singulier ; le pluriel de majesté, dont se servent les grands personnages ; le pluriel de catégorie (moi et tous les maîtres qui me ressemblent, moi et les prophètes, moi et le Précurseur, etc. ) ; le pluriel de trinité (mon Père et moi, moi et l’Esprit saint ; telle est l’opinion de plusieurs Pères). Nous croyons aussi qu’il s’agit d’un pluriel véritable, représentant plusieurs personnes distinctes, d’autant mieux que, dès le verset suivant, Jésus reprendra le singulier ; toutefois il nous semble préférable d’admettre, à la suite d’un certain nombre de commentateurs, que ces personnes étaient, dans la pensée du divin Maître, les premiers disciples, demeurés constamment auprès de lui depuis qu’ils l’avaient reconnu pour le Messie, et venus avec lui à Jérusalem pour la Pâque. Cf. 1, 40 ; 2, 25. Déjà ils « savaient », car ils « avaient vu » ; eux aussi, ils pouvaient donc parler et rendre témoignage. Jésus daigne ainsi se les associer dans cette noble déclaration, et les opposer au triste groupe des Juifs demeurés incrédules : et vous ne recevez pas notre témoignage. Une expérience toute récente (2, 12 et ss) ne justifiait que trop cette plainte douloureuse. - Notez la cadence et le rythme qui règnent visiblement dans ce passage, ainsi qu’il arrive chez les Hébreux toutes les fois que la parole est émue. On dirait un vers à trois membres : ce que nous savons, nous le disons, ce que nous avons vu, nous l'attestons, et vous ne recevez pas notre témoignage. Grande promesse : Jésus apporte au monde un enseignement nouveau et parfait, qui sera basé sur la vue claire et immédiate de la vérité. Ce qu’il affirme de lui-même et de ses premiers apôtres persiste dans son Église, quoique, hélas ! il convienne peut-être plus que jamais de dire : «vous ne recevez pas notre témoignage ».