Jean 12, 6
Il parla ainsi, non par souci des pauvres, mais parce que c’était un voleur : comme il tenait la bourse commune, il prenait ce que l’on y mettait.
Il parla ainsi, non par souci des pauvres, mais parce que c’était un voleur : comme il tenait la bourse commune, il prenait ce que l’on y mettait.
Il disait cela... Réflexion entièrement
propre à S. Jean ; c'est un de ces traits psychologiques d'une grande profondeur qu'on rencontre assez
fréquemment dans sa narration. - Non parce qu’il se souciait des pauvres. Non qu'il s'intéressât aux pauvres,
qu'il eût à cœur de les soulager. - Mais parce qu’il était voleur. Tel était le vrai mot de la situation, et S. Jean
n'hésite pas à le prononcer. Or, comment un voleur à l'esprit bas et sordide aurait-il pu comprendre les
générosités de l'amour ? Mais il y a encore plus que cela, ainsi que le contexte va nous l'apprendre. Judas
aurait souhaité les 300 deniers dans la bourse commune, afin de s'en emparer. - Et ayant la caisse... Détail
plastique pour indiquer la manière dont Judas pratiquait ses vols sacrilèges ; il était le trésorier et l'économe
du collège apostolique (Cf. 13, 29), ce qui lui permettait de mettre la main sur une partie des biens communs.
L'expression grecque traduite par « caisse », γλωσσόκομον n'apparaît que deux fois dans le Nouveau
Testament, ici et 13, 29 ; sa forme plus classique était γλωσσόκομειον (comme beaucoup d'autres, elle avait
pénétré dans le langage talmudique : אמםסולנ, disaient les Rabbins. Cf. Delitzsch, Seht welch ein Mensch,
p. 34). D'après l'étymologie (γλωσση, lingua, lingula, et κομεω, servo), elle servait à désigner un casier où
l'on mettait des becs de flûte et autres embouchures d'instruments de musique (Hesychius : γλωττοκομον εν
ω οι αυλεται απετιθεσαν τας γλωσσιδας ) ; par dérivation, elle devint le nom de toutes les cassettes
portatives, et surtout de celles où l'on plaçait son argent, Cf. 2 Par. 28, 8, 10, 11 dans les Septante. Voyez,
dans l'Atlas archéologique de la bible, pl. 61, fig. 2, 3, 4, des représentations variées de bourses de voyage. --
La bourse de Judas, le vase d’albâtre de Marie ; les 300 deniers que valait le parfum, les trente deniers pour
lesquels Judas vendit son Maître : quelles antithèses! - Ce qu’on y mettait : ce qui était jeté, dans la bourse,
résultant le plus souvent de pieuses aumônes. - Il prenait (portabat) peut signifier simplement que Judas
« portait » la cassette où était enfermée l'humble fortune de Jésus et des siens ; mais traduire ainsi serait une
vraie tautologie après le trait qui précède : « ayant la caisse ». Porter la bourse, c'est à coup sûr porter l'argent
qu'elle contient. La véritable traduction est donc « il enlevait », admise déjà par Origène, et autorisée par
plusieurs exemples des classiques. Cf. aussi 20, 15. C'est une sorte d'euphémisme. S. Augustin ne manque
pas de faire ici un jeu de mots spirituel : « Il transportait ou il exportait ? Il transportait par le ministère, il
exportait en cachette ». Il réunit ainsi les deux sens. - M. Reuss, La théologie johannique, p. 255, fait à
propos de cette note de S. Jean une observation assez judicieuse : « En ce qui concerne les larcins de Judas,
nous supposons que l'accusation formelle ici contre ce disciple n'a été portée, que plus tard. Nous ne
comprendrions pas que ses collègues lui eussent laissé la gestion de leur caisse commune, si des soupçons de
ce genre avaient pu prévaloir avant cette époque. La trahison et ses motifs ont pu dessiller les yeux aux
intéressés, et expliquer des faits antérieurs dont on ne s'était pas d'abord rendu compte ». Il est possible,
cependant, que S. Jean ait nourri longtemps d'avance quelques soupçons et dévisagé en partie le traître ; car l'on voit si bien et l'on devine tant de choses quand on aime !