Jean 12, 47
Si quelqu’un entend mes paroles et n’y reste pas fidèle, moi, je ne le juge pas, car je ne suis pas venu juger le monde, mais le sauver.
Si quelqu’un entend mes paroles et n’y reste pas fidèle, moi, je ne le juge pas, car je ne suis pas venu juger le monde, mais le sauver.
De sa
personne, le Sauveur passe maintenant à sa doctrine. Il fait d'abord deux suppositions : les uns écouteront son
enseignement, mais ne s'y conformeront pas dans la pratique ; v. 47 ; d'autres iront jusqu'à refuser de
l'entendre, ils le mépriseront, v. 48. Quel sera le sort des uns et des autres ? - Si quelqu’un entend mes
paroles. La phrase grecque est beaucoup plus énergique, avec le pronom placé en avant. - Et ne les garde
pas. Entendre la divine parole serait loin de suffire (Cf. Matth. 13, 18 et ss.) : il faut de plus la conserver au
fond de son cœur, pour qu'elle devienne le mobile perpétuel d'une sainte vie. - Ce n’est pas moi qui le juge.
De nouveau Jésus appuie sur moi (Cf. v. 46). Ce n'est pas moi qui le juge. Et il ajoute aussitôt la cause de
cette abstention : Je ne suis pas venu pour juger..., mais...Voyez 3, 17 ; 5, 25-27 ; 8, 15, et les commentaires.
1715. Le Christ laisse entendre le châtiment des incrédules : ET SI QUELQU'UN ENTEND MES PAROLES ET NE LES GARDE PAS, MOI JE NE LE JUGE PAS - châtiment qu'ils encourraient en vertu du jugement de condamnation.
Il montre qu'il remet le jugement, puis il annonce qu'il y aura un jugement [n° 1718]. Enfin, il donne la raison pour laquelle il le remet [n° 1719].
1716. Il faut donc remarquer que ceux-là sont rendus bienheureux qui entendent la parole de Dieu et la gardent, en croyant intérieurement dans leur cœur, et en la mettant en pratique extérieurement par une œuvre. Mais ceux qui l'entendent et ne s'efforcent pas de la garder sont, à cause de cela, d'autant plus à blâmer - Ce ne sont pas les auditeurs de la Loi qui sont justes devant Dieu, mais les observateurs de la Loi qui seront justifiés . - Soyez de ceux qui accomplissent la Loi, et non seulement de ceux qui l'écoutent. Et c'est pourquoi SI QUELQU'UN ENTEND MES PAROLES ET NE LES GARDE PAS, MOI JE NE LE JUGE PAS.
Mais cela semble contraire à ce qui est dit plus haut : Le Père a remis tout jugement au Fils. C'est pourquoi il faut comprendre : JE NE LE JUGE PAS, c'est-à-dire pas maintenant. En effet cela aurait pu lui être imputé comme une faiblesse de laisser aller ceux qui le méprisent. Et, pour cette raison, il dit qu'ils seront jugés de cette manière, mais pas maintenant - Tout ce que Dieu a fait, il le mène au jugement. - Fuyez à la face de l'iniquité, car il y a un glaive vengeur de l'iniquité, et sachez qu'il y a un jugement.
1717. Il donne ensuite la cause de ce délai qui entraîne le doute : EN EFFET, JE NE SUIS PAS VENU POUR JUGER LE MONDE, MAIS POUR SAUVER LE MONDE.
En effet, il y a deux venues du Fils de Dieu. L'une où il vient comme Sauveur, l'autre où il vient comme juge. Mais parce que tous étaient dans le péché, s'il était venu d'abord comme juge il n'aurait sauvé personne, car tous nous étions des fils de la colère. Et c'est pourquoi il fallait qu'il vînt d'abord pour sauver les croyants et ensuite pour juger et les fidèles et les pécheurs. Et c'est bien ce qu'il dit : c'est pourquoi je ne le juge pas tout de suite, parce que JE NE SUIS PAS VENU - lors de ma première venue - POUR JUGER LE MONDE, MAIS POUR SAUVER LE MONDE - Car Dieu n'a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui.
1718. Il annonce le jugement à venir ; comme s'il disait : bien que ceux qui ne gardent pas mes paroles ne soient pas jugés maintenant, cependant ils ne resteront pas impunis, quels qu'ils soient, parce que QUI ME REJETTE ET NE REÇOIT PAS MES PAROLES, en y croyant et en les mettant en pratique, A QUELQU'UN QUI LE JUGE. La raison est que si on ne reçoit pas les paroles du Fils, on méprise les paroles de Dieu dont il est le Verbe, comme celui qui n'obéit pas au commandement de son maître [n° 1716] - Fuyez à la face de l'iniquité car il y a un glaive vengeur de l'iniquité, et sachez qu'il y a un jugement. - Quant à toutes les choses que Dieu fait, il les appellera en jugement. - Malheur à toi qui méprises, est-ce que tu ne seras pas toi-même méprisé ? - Ceux au contraire qui me méprisent seront avilis.
1719. Il indique ensuite la cause de la remise du jugement, et après l'avoir indiquée, il montre que cette cause est suffisante [n° 1721].
1720. Il dit donc : je dis qu'un tel homme a quelqu'un qui le juge. Mais qui sera celui-ci ? LA PAROLE, dit-il, QUE J'AI DITE, C'EST ELLE QUI LE JUGERA AU DERNIER JOUR. Et cela revient au même, comme le dit Augustin, que s'il avait dit : Moi je le jugerai au dernier jour. C'est vraiment lui-même que le Christ a exprimé dans sa parole, lui-même qu'il a annoncé. Il est donc lui-même la parole qu'il a dite parce que c'est de lui qu'il a parlé - Même si moi je me rends témoignage à moi-même, vrai est mon témoignage, parce que je sais d'où je suis venu et où je vais. Autrement dit : cela même que je leur ai dit et qu'ils ont pourtant méprisé, voilà ce qui les jugera - C'est lui qui a été établi par Dieu juge des vivants et des morts.
1721. Il montre que cette cause est suffisante ; d'abord d'après l'origine de cette parole, puis à partir de sa dignité [n° 1725].
En ce qui concerne le premier point, il exclut ce qui est faux, puis il établit la vérité [n° 1723].
1722. Il est faux, certes, de penser que le Fils opère, parle ou existe uniquement par lui-même et non par un autre, car ce serait affirmer que le Fils n'est pas par le Père. Or voici ce qu'il dit : Je dis que la parole que j'ai prononcée, c'est elle qui les jugera, parce que moi, CE N'EST PAS DE MOI-MÊME QUE J'AI PARLÉ - Le Fils ne peut rien faire de lui-même. - Les paroles que moi je vous dis, je ne les dis pas de moi-même. Or c'est la même chose de dire : CE N'EST PAS DE MOI-MÊME QUE J'AI PARLÉ que de dire : « Moi, je ne suis pas né de moi-même mais du Père », comme s'il disait : « Je le jugerai au dernier jour, apparaissant sous les traits d'un esclave » - Il lui a donné le pouvoir d'exercer le jugement parce qu'il est le Fils de l'homme. Mais cependant je ne le jugerai pas par un pouvoir humain, à savoir en tant que je suis le Fils de l'homme, mais par un pouvoir divin, en tant que je suis le Fils de Dieu. Je ne jugerai donc pas de moi-même mais à partir du Père, de qui je tiens la puissance de juger.
1723. Il établit là la vérité. Mais ces paroles, si on ne les comprenait pas avec une piété filiale, donneraient lieu à deux erreurs.
Une première erreur, parce que celui qui commande est plus grand que celui à qui il commande. C'est donc pour cela que les ariens prétendaient : le Père commande, donc le Père est plus grand que le Fils. Une deuxième, parce que ce qui est donné à quelqu'un n'était pas en sa possession avant que cela lui soit donné ; et par conséquent il ne le connaissait pas. Si donc le Père donne un commandement à son Fils, il s'ensuit que le Fils auparavant ne l'a pas eu et par conséquent l'a ignoré : c'est quelque chose qui lui a été ajouté. Donc le Fils n'est pas vraiment Dieu.
Là il faut savoir que tous les commandements divins sont dans la pensée du Père, puisque ces commandements mêmes ne sont rien d'autre que l'intelligibilité (rationes) de ce qui doit être fait. Donc, de même que se trouve dans la pensée du Père l'intelligibilité de toutes les créatures qui sont produites par Dieu - ce que nous appelons les « idées » -, de même aussi c'est dans ces commandements que se trouve l'intelligibilité de tout ce que nous devons faire. Donc, de même que l'intelligibilité de toutes les réalités se transmet du Père au Fils, qui est la Sagesse du Père, de même aussi l'intelligibilité de tout ce qui doit être fait. Ainsi donc le Fils dit : MAIS LE PÈRE QUI M'A ENVOYÉ M'A LUI-MÊME - en tant que Dieu - COMMANDÉ - c'est-à-dire : m'a communiqué par une génération éternelle - CE QUE JE DOIS DIRE - intérieurement - ET CE DONT JE DOIS PARLER - extérieurement, comme aussi notre parole (si nous voulons dire des choses vraies) énonce ce que l'intelligence conçoit.
1724. Chrysostome, quant à lui, explique tout cela autrement et d'une manière plus claire : SI QUELQU'UN ENTEND MES PAROLES ET NE LES GARDE PAS, MOI JE NE LE JUGE PAS, comme s'il disait : moi je ne le condamne pas. En effet on peut dire de deux manières que quelqu'un condamne un autre : ou bien comme le juge, ou bien comme la cause de condamnation. En effet, l'homicide est condamné à la pendaison et par le juge qui profère la sentence, et par l'homicide même qu'il a commis et qui est cause de sa condamnation. Il dit donc : MOI JE NE LE JUGE PAS, c'est-à-dire : je ne suis pas cause de sa condamnation, mais c'est lui-même
- Ta perte, Israël, provient de toi. Et cela parce que JE NE SUIS PAS VENU POUR JUGER LE MONDE, à savoir : je n'ai pas été envoyé pour condamner mais pour sauver.
Mais un tel homme ne sera-t-il pas jugé ? Si, parce que QUI ME REJETTE ET NE REÇOIT PAS MES PAROLES A QUELQU'UN QUI LE JUGE. Or, qui est celui qui juge, il le montre : LA PAROLE QUE J'AI DITE, que nous avons entendue, qui se tiendra au rang d'accusateur, C'EST ELLE QUI LE JUGERA AU DERNIER JOUR - Si je n'étais pas venu, et que je ne leur avais pas parlé, ils n'auraient pas de péché, mais maintenant ils n'ont pas d'excuse à leur péché. Il montre que la parole qu'il a dite les jugera PARCE QUE MOI CE N'EST PAS DE MOI-MÊME QUE J'AI PARLÉ. Cela certes n'est pas pris au sens causal, mais pour ainsi dire matériellement, et le sens est donc : Tu dis que ta parole le jugera, c'est-à-dire le condamnera ; mais quelle est cette parole ? Celle que j'ai dite, puisque moi ce n'est pas de moi-même que j'ai parlé ; c'est-à-dire la parole que j'ai dite au nom du Père, et ce qu'il m'a donné à dire et à faire entendre. D'ailleurs, si j'avais parlé contre le Père ou dit des choses que je n'ai pas tenues de lui, et s'ils ne m'avaient pas cru, ils auraient une excuse ; mais puisque j'ai parlé ainsi, il est certain que ce n'est pas moi seulement, mais mon Père aussi qu'ils ont méprisé.
1725. Et selon cette explication, ce qu'il a dit : LE PÈRE QUI M'A ENVOYÉ M'A LUI-MÊME COMMANDÉ CE QUE JE DOIS DIRE ET CE DONT JE DOIS PARLER doit être entendu du Christ en tant qu'homme. Par conséquent, lorsqu'il dit : ET JE SAIS QUE SON COMMANDEMENT EST VIE ÉTERNELLE, cela montre que cette cause est suffisante, en raison de la dignité de sa parole. Et tout d'abord il montre sa dignité, puis, en conclusion, la réalisation de cette parole.
Il montre sa dignité en disant : ET JE SAIS QUE SON COMMANDEMENT EST VIE ÉTERNELLE - par essence, si on comprend ce commandement selon qu'il est dans l'Esprit divin ; car tout ce qui est en Dieu est vie éternelle - C'est lui h véritable Dieu et la vie éternelle. En effet le Fils lui-même est le commandement du Père, ou bien il est vie éternelle, c'est-à-dire celui qui conduit à la vie éternelle - Si tu veux entrer dans la vie, observe les commandements.
Donc, parce que le Père m'a donné ce commandement, et que ce commandement est vie éternelle, moi c'est pour cela que je suis venu, pour conduire les hommes à la vie éternelle ; c'est pourquoi à travers tout j'accomplis le commandement du Père. Et c'est ce qu'il dit : ET DONC CE QUE MOI JE DIS, COMME LE PÈRE ME L'A DIT AINSI JE LE DIS. Ce qui, selon Chrysostome, est évident et signifie : CE QUE MOI JE DIS, en prêchant extérieurement, COMME LE PÈRE ME L'A DIT AINSI JE LE DIS, c'est-à-dire : en tant que j'ai reçu de lui la connaissance ; on le comprend alors du Christ en tant qu'homme.
1726. Mais, selon Augustin, si on l'entend du Christ en tant que Fils de Dieu, comment le Père le lui dit-il, puisqu'il est lui-même le Verbe ?
Il faut dire qu'il ne le lui a pas dit comme si c'était avec des paroles (verba) qu'il s'adressait à son unique Verbe, mais le Père a parlé au Fils comme il l'a engendré et lui a donné d'avoir la vie en lui-même - Le Seigneur m'a dit : Tu es mon fils. Moi, aujourd'hui, je t'ai engendré.
Il montre qu'il remet le jugement, puis il annonce qu'il y aura un jugement [n° 1718]. Enfin, il donne la raison pour laquelle il le remet [n° 1719].
1716. Il faut donc remarquer que ceux-là sont rendus bienheureux qui entendent la parole de Dieu et la gardent, en croyant intérieurement dans leur cœur, et en la mettant en pratique extérieurement par une œuvre. Mais ceux qui l'entendent et ne s'efforcent pas de la garder sont, à cause de cela, d'autant plus à blâmer - Ce ne sont pas les auditeurs de la Loi qui sont justes devant Dieu, mais les observateurs de la Loi qui seront justifiés . - Soyez de ceux qui accomplissent la Loi, et non seulement de ceux qui l'écoutent. Et c'est pourquoi SI QUELQU'UN ENTEND MES PAROLES ET NE LES GARDE PAS, MOI JE NE LE JUGE PAS.
Mais cela semble contraire à ce qui est dit plus haut : Le Père a remis tout jugement au Fils. C'est pourquoi il faut comprendre : JE NE LE JUGE PAS, c'est-à-dire pas maintenant. En effet cela aurait pu lui être imputé comme une faiblesse de laisser aller ceux qui le méprisent. Et, pour cette raison, il dit qu'ils seront jugés de cette manière, mais pas maintenant - Tout ce que Dieu a fait, il le mène au jugement. - Fuyez à la face de l'iniquité, car il y a un glaive vengeur de l'iniquité, et sachez qu'il y a un jugement.
1717. Il donne ensuite la cause de ce délai qui entraîne le doute : EN EFFET, JE NE SUIS PAS VENU POUR JUGER LE MONDE, MAIS POUR SAUVER LE MONDE.
En effet, il y a deux venues du Fils de Dieu. L'une où il vient comme Sauveur, l'autre où il vient comme juge. Mais parce que tous étaient dans le péché, s'il était venu d'abord comme juge il n'aurait sauvé personne, car tous nous étions des fils de la colère. Et c'est pourquoi il fallait qu'il vînt d'abord pour sauver les croyants et ensuite pour juger et les fidèles et les pécheurs. Et c'est bien ce qu'il dit : c'est pourquoi je ne le juge pas tout de suite, parce que JE NE SUIS PAS VENU - lors de ma première venue - POUR JUGER LE MONDE, MAIS POUR SAUVER LE MONDE - Car Dieu n'a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui.
1718. Il annonce le jugement à venir ; comme s'il disait : bien que ceux qui ne gardent pas mes paroles ne soient pas jugés maintenant, cependant ils ne resteront pas impunis, quels qu'ils soient, parce que QUI ME REJETTE ET NE REÇOIT PAS MES PAROLES, en y croyant et en les mettant en pratique, A QUELQU'UN QUI LE JUGE. La raison est que si on ne reçoit pas les paroles du Fils, on méprise les paroles de Dieu dont il est le Verbe, comme celui qui n'obéit pas au commandement de son maître [n° 1716] - Fuyez à la face de l'iniquité car il y a un glaive vengeur de l'iniquité, et sachez qu'il y a un jugement. - Quant à toutes les choses que Dieu fait, il les appellera en jugement. - Malheur à toi qui méprises, est-ce que tu ne seras pas toi-même méprisé ? - Ceux au contraire qui me méprisent seront avilis.
1719. Il indique ensuite la cause de la remise du jugement, et après l'avoir indiquée, il montre que cette cause est suffisante [n° 1721].
1720. Il dit donc : je dis qu'un tel homme a quelqu'un qui le juge. Mais qui sera celui-ci ? LA PAROLE, dit-il, QUE J'AI DITE, C'EST ELLE QUI LE JUGERA AU DERNIER JOUR. Et cela revient au même, comme le dit Augustin, que s'il avait dit : Moi je le jugerai au dernier jour. C'est vraiment lui-même que le Christ a exprimé dans sa parole, lui-même qu'il a annoncé. Il est donc lui-même la parole qu'il a dite parce que c'est de lui qu'il a parlé - Même si moi je me rends témoignage à moi-même, vrai est mon témoignage, parce que je sais d'où je suis venu et où je vais. Autrement dit : cela même que je leur ai dit et qu'ils ont pourtant méprisé, voilà ce qui les jugera - C'est lui qui a été établi par Dieu juge des vivants et des morts.
1721. Il montre que cette cause est suffisante ; d'abord d'après l'origine de cette parole, puis à partir de sa dignité [n° 1725].
En ce qui concerne le premier point, il exclut ce qui est faux, puis il établit la vérité [n° 1723].
1722. Il est faux, certes, de penser que le Fils opère, parle ou existe uniquement par lui-même et non par un autre, car ce serait affirmer que le Fils n'est pas par le Père. Or voici ce qu'il dit : Je dis que la parole que j'ai prononcée, c'est elle qui les jugera, parce que moi, CE N'EST PAS DE MOI-MÊME QUE J'AI PARLÉ - Le Fils ne peut rien faire de lui-même. - Les paroles que moi je vous dis, je ne les dis pas de moi-même. Or c'est la même chose de dire : CE N'EST PAS DE MOI-MÊME QUE J'AI PARLÉ que de dire : « Moi, je ne suis pas né de moi-même mais du Père », comme s'il disait : « Je le jugerai au dernier jour, apparaissant sous les traits d'un esclave » - Il lui a donné le pouvoir d'exercer le jugement parce qu'il est le Fils de l'homme. Mais cependant je ne le jugerai pas par un pouvoir humain, à savoir en tant que je suis le Fils de l'homme, mais par un pouvoir divin, en tant que je suis le Fils de Dieu. Je ne jugerai donc pas de moi-même mais à partir du Père, de qui je tiens la puissance de juger.
1723. Il établit là la vérité. Mais ces paroles, si on ne les comprenait pas avec une piété filiale, donneraient lieu à deux erreurs.
Une première erreur, parce que celui qui commande est plus grand que celui à qui il commande. C'est donc pour cela que les ariens prétendaient : le Père commande, donc le Père est plus grand que le Fils. Une deuxième, parce que ce qui est donné à quelqu'un n'était pas en sa possession avant que cela lui soit donné ; et par conséquent il ne le connaissait pas. Si donc le Père donne un commandement à son Fils, il s'ensuit que le Fils auparavant ne l'a pas eu et par conséquent l'a ignoré : c'est quelque chose qui lui a été ajouté. Donc le Fils n'est pas vraiment Dieu.
Là il faut savoir que tous les commandements divins sont dans la pensée du Père, puisque ces commandements mêmes ne sont rien d'autre que l'intelligibilité (rationes) de ce qui doit être fait. Donc, de même que se trouve dans la pensée du Père l'intelligibilité de toutes les créatures qui sont produites par Dieu - ce que nous appelons les « idées » -, de même aussi c'est dans ces commandements que se trouve l'intelligibilité de tout ce que nous devons faire. Donc, de même que l'intelligibilité de toutes les réalités se transmet du Père au Fils, qui est la Sagesse du Père, de même aussi l'intelligibilité de tout ce qui doit être fait. Ainsi donc le Fils dit : MAIS LE PÈRE QUI M'A ENVOYÉ M'A LUI-MÊME - en tant que Dieu - COMMANDÉ - c'est-à-dire : m'a communiqué par une génération éternelle - CE QUE JE DOIS DIRE - intérieurement - ET CE DONT JE DOIS PARLER - extérieurement, comme aussi notre parole (si nous voulons dire des choses vraies) énonce ce que l'intelligence conçoit.
1724. Chrysostome, quant à lui, explique tout cela autrement et d'une manière plus claire : SI QUELQU'UN ENTEND MES PAROLES ET NE LES GARDE PAS, MOI JE NE LE JUGE PAS, comme s'il disait : moi je ne le condamne pas. En effet on peut dire de deux manières que quelqu'un condamne un autre : ou bien comme le juge, ou bien comme la cause de condamnation. En effet, l'homicide est condamné à la pendaison et par le juge qui profère la sentence, et par l'homicide même qu'il a commis et qui est cause de sa condamnation. Il dit donc : MOI JE NE LE JUGE PAS, c'est-à-dire : je ne suis pas cause de sa condamnation, mais c'est lui-même
- Ta perte, Israël, provient de toi. Et cela parce que JE NE SUIS PAS VENU POUR JUGER LE MONDE, à savoir : je n'ai pas été envoyé pour condamner mais pour sauver.
Mais un tel homme ne sera-t-il pas jugé ? Si, parce que QUI ME REJETTE ET NE REÇOIT PAS MES PAROLES A QUELQU'UN QUI LE JUGE. Or, qui est celui qui juge, il le montre : LA PAROLE QUE J'AI DITE, que nous avons entendue, qui se tiendra au rang d'accusateur, C'EST ELLE QUI LE JUGERA AU DERNIER JOUR - Si je n'étais pas venu, et que je ne leur avais pas parlé, ils n'auraient pas de péché, mais maintenant ils n'ont pas d'excuse à leur péché. Il montre que la parole qu'il a dite les jugera PARCE QUE MOI CE N'EST PAS DE MOI-MÊME QUE J'AI PARLÉ. Cela certes n'est pas pris au sens causal, mais pour ainsi dire matériellement, et le sens est donc : Tu dis que ta parole le jugera, c'est-à-dire le condamnera ; mais quelle est cette parole ? Celle que j'ai dite, puisque moi ce n'est pas de moi-même que j'ai parlé ; c'est-à-dire la parole que j'ai dite au nom du Père, et ce qu'il m'a donné à dire et à faire entendre. D'ailleurs, si j'avais parlé contre le Père ou dit des choses que je n'ai pas tenues de lui, et s'ils ne m'avaient pas cru, ils auraient une excuse ; mais puisque j'ai parlé ainsi, il est certain que ce n'est pas moi seulement, mais mon Père aussi qu'ils ont méprisé.
1725. Et selon cette explication, ce qu'il a dit : LE PÈRE QUI M'A ENVOYÉ M'A LUI-MÊME COMMANDÉ CE QUE JE DOIS DIRE ET CE DONT JE DOIS PARLER doit être entendu du Christ en tant qu'homme. Par conséquent, lorsqu'il dit : ET JE SAIS QUE SON COMMANDEMENT EST VIE ÉTERNELLE, cela montre que cette cause est suffisante, en raison de la dignité de sa parole. Et tout d'abord il montre sa dignité, puis, en conclusion, la réalisation de cette parole.
Il montre sa dignité en disant : ET JE SAIS QUE SON COMMANDEMENT EST VIE ÉTERNELLE - par essence, si on comprend ce commandement selon qu'il est dans l'Esprit divin ; car tout ce qui est en Dieu est vie éternelle - C'est lui h véritable Dieu et la vie éternelle. En effet le Fils lui-même est le commandement du Père, ou bien il est vie éternelle, c'est-à-dire celui qui conduit à la vie éternelle - Si tu veux entrer dans la vie, observe les commandements.
Donc, parce que le Père m'a donné ce commandement, et que ce commandement est vie éternelle, moi c'est pour cela que je suis venu, pour conduire les hommes à la vie éternelle ; c'est pourquoi à travers tout j'accomplis le commandement du Père. Et c'est ce qu'il dit : ET DONC CE QUE MOI JE DIS, COMME LE PÈRE ME L'A DIT AINSI JE LE DIS. Ce qui, selon Chrysostome, est évident et signifie : CE QUE MOI JE DIS, en prêchant extérieurement, COMME LE PÈRE ME L'A DIT AINSI JE LE DIS, c'est-à-dire : en tant que j'ai reçu de lui la connaissance ; on le comprend alors du Christ en tant qu'homme.
1726. Mais, selon Augustin, si on l'entend du Christ en tant que Fils de Dieu, comment le Père le lui dit-il, puisqu'il est lui-même le Verbe ?
Il faut dire qu'il ne le lui a pas dit comme si c'était avec des paroles (verba) qu'il s'adressait à son unique Verbe, mais le Père a parlé au Fils comme il l'a engendré et lui a donné d'avoir la vie en lui-même - Le Seigneur m'a dit : Tu es mon fils. Moi, aujourd'hui, je t'ai engendré.