Jean 12, 45

et celui qui me voit voit Celui qui m’a envoyé.

et celui qui me voit voit Celui qui m’a envoyé.
Pape Francois
La connexion entre la vision et l’écoute, comme organes de connaissance de la foi, apparaît avec la plus grande clarté dans l’Évangile de Jean. Selon le quatrième Évangile, croire c’est écouter et, en même temps, voir. L’écoute de la foi advient selon la forme de connaissance qui caractérise l’amour : c’est une écoute personnelle, qui distingue la voix et reconnaît celle du Bon Pasteur (cf. Jn 10, 3-5) ; une écoute qui requiert la sequela, comme cela se passe avec les premiers disciples qui, « entendirent ses paroles et suivirent Jésus » (Jn 1, 37). D’autre part, la foi est liée aussi à la vision. Parfois, la vision des signes de Jésus précède la foi, comme avec les juifs qui, après la résurrection de Lazare, « avaient vu ce qu’il avait fait, crurent en lui » (Jn 11, 45). D’autres fois, c’est la foi qui conduit à une vision plus profonde : « si tu crois, tu verras la gloire de Dieu » (Jn 11, 40). Enfin, croire et voir s’entrecroisent : « Qui croit en moi (…) croit en celui qui m’a envoyé ; et qui me voit, voit celui qui m’a envoyé » (Jn 12, 44-45). Grâce à cette union avec l’écoute, la vision devient un engagement à la suite du Christ, et la foi apparaît comme une marche du regard, dans lequel les yeux s’habituent à voir en profondeur. Et ainsi, le matin de Pâques, on passe de Jean qui, étant encore dans l’obscurité devant le tombeau vide, « vit et crut » (Jn 20, 8) ; à Marie de Magdala qui, désormais, voit Jésus (cf. Jn 20, 14) et veut le retenir, mais est invitée à le contempler dans sa marche vers le Père ; jusqu’à la pleine confession de la même Marie de Magdala devant les disciples : « j’ai vu le Seigneur ! » (cf. Jn 20, 18).
Louis-Claude Fillion
Autre conséquence non moins évidente, et non moins douce pour les âmes croyantes : voir Jésus, c'est aussi voir le Seigneur lui-même. Cf. 14, 19-20. - Celui qui me voit. Dans le grec, ὁ θεωρῶν, ce verbe aimé de S. Jean. Contemplation interne, assurément, qui a lieu par les yeux de la foi. - Voit celui qui m’a envoyé… : la foi enlevant le voile qui cache Dieu ; d'ailleurs N.-S. Jésus-Christ n'est-il pas l’image de la substance du Père éternel, qui non-seulement le représente, mais encore en exprime toute l’essence ? Cf. 8, 19 ; 10, 30,38.
Saint Thomas d'Aquin
Parce que la vision succède à la foi, il parle d'abord de la foi puis de la vision [n° 1712].

1711. Jean dit : OR JÉSUS CRIA, à la fois à cause de la grandeur de ce qui allait être dit et de la liberté d'esprit avec laquelle il devait dénoncer les péchés - Crie, ne t'arrête pas, fais retentir ta voix comme une trompette et dénonce à mon peuple ses crimes.

ET DIT : « QUI CROIT EN MOI NE CROIT PAS EN MOI MAIS EN CELUI QUI M'A ENVOYÉ », ce qui semble impliquer une contradiction, puisqu'il dit : QUI CROIT EN MOI NE CROIT PAS EN MOI – Pour en avoir l'intelligence, il faut savoir que premièrement, selon Augustin, cela fut dit par le Seigneur pour distinguer en lui la nature divine et la nature humaine. Puisqu'en effet l'objet propre de la foi est Dieu, nous pouvons croire qu'il a quelque chose d'une créature, mais nous ne devons pas croire en une créature mais en Dieu seu1. Or dans le Christ il y a une nature créée et une nature incréée. Il est donc requis, pour la vérité de la foi, que notre foi porte sur le Christ quant à sa nature incréée ; et selon cela il dit : QUI CROIT EN MOI, à savoir en ma personne, NE CROIT PAS EN MOI, en tant qu'homme, MAIS EN CELUI QUI M'A ENVOYÉ, c'est-à-dire en moi selon que j'ai été envoyé par le Père - Mon enseignement n'est pas le mien, mais il est de celui qui m'a envoyé

Mais selon Chrysostome, il faut remarquer que le Seigneur dit cela uniquement pour révéler son origine. Et c'est la même chose que si quelqu'un, puisant de l'eau d'un fleuve, disait : cette eau n'est pas du fleuve mais de la source, c'est-à-dire : elle n'a pas son origine dans le fleuve lui-même. Ainsi donc le Seigneur dit : QUI CROIT EN MOI NE CROIT PAS EN MOI MAIS EN CELUI QUI M'A ENVOYÉ, comme s'il disait : Je ne suis pas principe de moi-même, mais la divinité est à moi par un autre, c'est-à-dire par le Père, c'est pourquoi QUI CROIT EN MOI NE CROIT PAS EN MOI, sinon en tant que je suis par le Père.

1712. À ce sujet il faut savoir que, de même que le Père a envoyé son Fils pour convertir les Juifs, de même aussi le Christ a envoyé ses disciples : Comme le Père m'a envoyé, moi aussi je vous envoie. Or aucun des disciples n'a osé dire - et il ne le devait pas - que l'on croyait en lui, bien qu'il eût pu dire qu'on le croyait. Parce que cela n'aurait pas pu être sans porter atteinte à celui qui l'envoyait, car si l'on croyait au disciple on cessait de croire au maître. Les Juifs pourraient donc dire que de la même manière, puisque tu as été envoyé par le Père, celui qui croit en toi cesse de croire en le Père. Voilà pourquoi le Seigneur, contre cela, montre que celui qui ne croit pas en lui ne croit pas en le Père : QUI ME VOIT, VOIT CELUI QUI M'A ENVOYÉ.

Ce qui est appelé ici vision, ce n'est pas le regard sensible mais la considération du vrai par l'intelligence. Et c'est pourquoi celui qui voit le Fils voit aussi le Père, parce que le Fils est en lui par unité d'essence. On dit en effet qu'une chose est vue dans une autre parce qu'elles sont ou bien identiques ou tout à fait semblables. Or le Père et le Fils sont identiques selon la nature et tout à fait semblables, puisque le Fils est l'image du Père sans aucune dissemblance

- Il est l'image du Dieu invisible. - Lui qui est la splendeur de sa gloire et l'effigie de sa substance . Voilà pourquoi, de même qu'il croit en le Père, de même aussi il croit en moi

- Philippe, qui me voit, voit aussi mon Père. Ne crois-tu donc pas que je suis dans le Père et que le Père est en moi ? Autrement dit, voilà la raison pour laquelle celui qui me voit, voit aussi le Père : le Père est en moi et moi en lui.

Tel est donc le devoir de la foi : qu'elle porte sur le Christ en tant que Dieu, de la même manière qu'elle porte sur le Père.