Jean 12, 28

Père, glorifie ton nom ! » Alors, du ciel vint une voix qui disait : « Je l’ai glorifié et je le glorifierai encore. »

Père, glorifie ton nom ! » Alors, du ciel vint une voix qui disait : « Je l’ai glorifié et je le glorifierai encore. »
Catéchisme de l'Église catholique
La Résurrection de Jésus glorifie le nom du Dieu Sauveur (cf. Jn 12, 28) car désormais, c’est le nom de Jésus qui manifeste en plénitude la puissance suprême du " nom au-dessus de tout nom " (Ph 2, 9-10). Les esprits mauvais craignent son nom (cf. Ac 16, 16-18 ; 19, 13-16) et c’est en son nom que les disciples de Jésus font des miracles (cf. Mc 16, 17), car tout ce qu’ils demandent au Père en son nom, celui-ci le leur accorde (Jn 15, 16).
Louis-Claude Fillion
Le calme est désormais rétabli dans l'âme de N,-S. Jésus-Christ, et il réunit en un seul et même acte de généreux sacrifice, sa prière et sa délibération antérieures. - Père. Pour la seconde fois Jésus prononce avec émotion et confiance cette appellation de tendresse ; mais ce n'est plus ici un appel à la pitié du Père tout-puissant, c'est un acquiescement à toutes ses volontés. - Glorifiez. Glorifiez-le à mes frais, quel qu’en soit le prix » (Bengel) ; par ma passion, par ma mort et par toutes leurs heureuses conséquences. - Votre nom est bien la leçon authentique ; c'est par erreur que divers manuscrits grecs et latins ont la variante « de votre Fils ». Le pronom est emphatique, aussi est-il placé en avant dans le texte grec. Jésus oppose la gloire de son Père à sa propre volonté humaine. « Nom » représente l'être divin tout entier. Cf. Matth. 6, 9 ; Luc. 1, 49 ; 11, 2 ; Rom. 15, 9, etc. - Alors vint... : en réponse à la prière de N.-S. Jésus-Christ, et comme pour mettre le sceau de l'approbation divine sur tout son ministère. - Le mot voix désigne, soit d'après le contexte, soit d'après l'interprétation de tous les auteurs anciens et de la plupart des modernes, une voix réelle et proprement dite, analogue à celles qui avaient déjà rendu témoignage à N.-S. Jésus-Christ en deux circonstances antérieures de sa vie publique : c'est-à-dire à son baptême, Marc. 1, 11 et parall., et à sa transfiguration, Marc. 9, 7 et parall. Plusieurs autres passages de la Bible racontent des phénomènes miraculeux du même genre. Cf. 3 Reg. 19, 12 et 13 ; Dan. 4, 31, etc. - Du ciel. Dieu le Père accréditait ainsi une dernière fois publiquement son Fils. - Je l’ai glorifié. Là voix céleste emploie l'expression même dont Jésus s'était servi dans sa prière. Aucune limite n'est établie pour le passé, aucune pour l'avenir car depuis qu'il a commencé à se révéler aux hommes, Dieu a constamment glorifié son nom, et il continuera de le glorifier à tout jamais. Toutefois, il est évident que Jésus est désigné en cet endroit comme le centre et comme l'objet principal de la glorification divine : par la vie antérieure du Christ, et dans le futur plus particulièrement par les mystères de sa mort, de sa résurrection, de son ascension, avec leurs glorieux résultats. La répétition de la conjonction et ajoute beaucoup de force à la pensée : Ce que j'ai fait, je le ferai certainement encore.
Saint Thomas d'Aquin
1649. Auparavant il a été question de la gloire du Christ manifestée par différents hommes ; ici il s'agit de la gloire du Christ manifestée par Dieu.

L'Évangéliste rapporte d'abord la demande de cette gloire, puis la promesse de la gloire [n° 1661].

a) La demande de la gloire.

Le Christ commence par exprimer le trouble de son âme, puis il présente sa demande [n° 1665].

1650. Mais remarque, quant au premier point, qu'il est étonnant que le Christ dise : MAINTENANT MON ÂME EST TROUBLÉE. Plus haut, en effet, il a exhorté ses fidèles à haïr leur âme en ce monde et voilà qu'à présent, à l'approche de la mort, nous avons entendu le Seigneur lui-même dire :

MAINTENANT MON ÂME EST TROUBLÉE. Pour cette raison Augustin dit« Seigneur, tu ordonnes à mon âme de te suivre, et je vois ton âme se troubler : quel fondement chercherai-je, si la pierre s'affaisse ? »

Voilà pourquoi il nous faut d'abord voir ce qu'est ce trouble dans le Christ, et ensuite pourquoi il a voulu le subir [n° 1652].

1651. Il faut d'abord savoir qu'au sens propre on dit d'une chose qu'elle est troublée quand elle est mise en mouvement : ainsi disons-nous de la mer agitée qu'elle est troublée. Par conséquent, toutes les fois qu'une chose dépasse la mesure de son repos et de sa tranquillité, nous disons alors qu'elle est troublée. Or il y a dans l'âme humaine une partie sensitive et une partie rationnelle. Et c'est dans la partie sensitive de l'âme que le trouble se produit, quand elle est mue par certains mouvements ; par exemple, quand elle est saisie par la crainte, élevée par l'espoir, dilatée par la joie, ou qu'elle est affectée par quelque autre passion. Mais ce trouble parfois demeure en dessous de la raison et parfois il dépasse la limite de la raison, c'est-à-dire quand la raison elle-même est troublée. C'est ce qui se produit bien souvent en nous, mais cela n'a pas lieu dans le Christ, puisqu'il est la sagesse même du Père, ni même chez le sage, et c'est pourquoi la pensée des stoïciens est que le sage n'est pas troublé, c'est-à-dire quant à sa raison.

Voici donc le sens de : MAINTENANT MON ÂME EST TROUBLÉE, à savoir, elle a été affectée quant à sa partie sensitive par les passions de crainte et de tristesse qui cependant ne troublaient pas sa raison et ne lui faisaient pas perdre son ordre - Jésus commença à ressentir tristesse et angoisse.

D'autre part, les passions de cette sorte sont autres en nous qu'elles ne furent dans le Christ. En nous, en effet, elles existent par nécessité, dans la mesure où nous sommes mus et affectés comme de l'extérieur ; tandis que dans le Christ elles n'existent pas par nécessité, mais par le pouvoir de la raison, puisqu'en lui il n'y eut aucune passion que lui-même n'eût suscitée. Car les puissances inférieures étaient tellement soumises à la raison dans le Christ qu'elles ne pouvaient rien faire ni souffrir d'autre que ce que la raison ordonnait ; voilà pourquoi il est dit plus haut : Jésus donc, quand il la vit pleurer, pleurer aussi les Juifs qui l'avaient accompagnée, frémit en son esprit et se troubla. - Tu as fait trembler la terre, à savoir, la nature humaine, tu l’as bouleversée

Ainsi donc l'âme du Christ fut troublée dans le sens où ce n'est pas contre la raison mais selon l'ordre de la raison qu'il y eut en lui ce trouble.

1652. À ce propos, il faut savoir que le Seigneur a voulu être troublé pour deux raisons. Premièrement, à cause de l'enseignement de la foi, pour prouver la vérité de sa nature humaine : pour cette raison, désormais, approchant de sa Passion, il agit en tout conformément à la nature humaine.

Deuxièmement, pour nous donner l'exemple : car, s'il avait agi en tout avec la même constance et sans ressentir aucune passion dans son âme, il n'aurait pas donné aux hommes un exemple suffisant pour supporter la mort. C'est pour cela qu'il a voulu être troublé, afin que, lorsque nous sommes troublés, nous ne refusions pas de supporter la mort et que nous n'en venions pas à défaillir - Nous n'avons pas un grand prêtre incapable de compatir à nos faiblesses, lui qui a été éprouvé en tout d'une manière semblable à nous, hormis le péché.

1653. De là apparaît clairement la continuité avec ce qui précède. Parce qu'en effet il avait dit : Celui qui hait son âme en ce monde la gardera en vie éternelle, en quoi il avait exhorté ses disciples à la Passion pour qu'aucun ne dise : « Ô Seigneur, tu peux bien parler et philosopher tranquillement au sujet de la mort, toi qui, existant sans connaître les douleurs humaines, n'es pas troublé par la mort. » Aussi, pour exclure cela, a-t-il voulu être troublé.

Or ce trouble du Christ fut naturelcar de même que l'âme aime naturellement son union avec le corps, de même c'est naturellement qu'elle fuit la séparation d'avec lui, d'autant plus que la raison du Christ a permis à son âme et à ses puissances inférieures de faire ce qui leur était propre.

1654. À cause de ce qu'il dit : MAINTENANT MON ÂME EST TROUBLÉE (...), est détruite l'erreur d'Anus et d'Apollinaire qui disaient qu'il n'y a pas d'âme dans le Christ, mais seulement le Verbe.

ET QUE DIRAI-JE ? PÈRE, SAUVE-MOI DE CETTE HEURE. MAIS C'EST POUR CELA QUE JE SUIS VENU À CETTE HEURE. PÈRE, GLORIFIE TON NOM. (12, 27-28)

1655. Puis le Seigneur exprime sa demande de la gloire. Et là il prend sur lui le sentiment de l'homme troublé, de telle sorte que sa demande a quatre aspects : premièrement, il pose la question de quelqu'un qui délibère [n° 1656] ; deuxièmement, il exprime sa demande qui procède d'un premier mouvement ; puis, par la raison, il repousse ce mouvement [n° 1657] ; enfin, à la suite d'un second mouvement, il fait une autre demande.

1656. Il pose la question de celui qui délibère, parce qu'il est naturel aux hommes, dans les situations angoissantes, de délibérer, d'où le Philosophe dit dans la Rhétorique que la crainte fait les conseillers. Aussi le Christ, après avoir manifesté son trouble, ajoute aussitôt : ET QUE DIRAI-JE ? comme s'il disait : Que faire après ce trouble ? On trouve la même chose dans le psaume : Crainte et tremblement ont fondu sur moi ; et juste après : Qui me donnera des ailes comme celles de la colombe ? Alors je volerais et me reposerais*. Car ceux qui sont accablés par l'angoisse et la passion cherchent un secours pour être libérés.

1657. Sous l'impulsion d'un premier mouvement, il exprime ensuite une demande, puisque lorsque quelqu'un est dans le trouble quant à ce qu'il doit faire, il doit avoir recours à Dieu - Comme nous ignorons ce que nous devons faire, il ne nous reste qu'à diriger nos yeux vers vous. - J'ai levé les yeux vers les monts, d'où viendrait mon secours ? C'est pourquoi, ayant recours au Père, il dit : PÈRE, SAUVE-MOI DE CETTE HEURE ; c'est-à-dire : délivre-moi de la tribulation qui m'envahit à l'heure de la Passion - Sauve-moi, Seigneur, car les eaux me sont entrées jusqu'à l'âme.

D'autre part, comme le dit Augustin, ce que le Seigneur dit ici : MAINTENANT MON ÂME EST TROUBLÉE et PÈRE, SAUVE-MOI DE CETTE HEURE, est la même chose que ce qu'il dit dans Matthieu : Mon âme est triste jusqu'à la mort et Père, s'il est possible, que cette coupe passe loin de moi !

1658. Mais il faut remarquer que cette demande n'est pas faite sous le mouvement propre de la raison, mais que la raison elle-même, comme un avocat, parle au nom de l'affection naturelle qui désirait ne pas mourir : aussi, dans cette demande, la raison représente-t-elle le mouvement de l'affection naturelle. Cela permet de résoudre l'objection qu'on a coutume de faire, étant donné qu'il est dit dans l'épître aux Hébreux : Il a été exaucé en tout en raison de sa piété, et que cependant, dans ce qu'il demanda ici, il ne fut pas exaucé.

À cela il faut répondre qu'il a été exaucé pour ce que la raison demandait de sa part à elle, et en vue d'être exaucée. Mais ce qu'elle demande ici, elle ne l'exprime pas de sa part à elle, ni en vue d'être exaucée, mais comme en exprimant un sentiment naturel : c'est pourquoi Chrysostome la lit de manière interrogative. ET QUE DIRAI-JE ? c'est-à-dire : dirai-je PÈRE, SAUVE-MOI DE CETTE HEURE ? - comme s'il disait : je ne dirai pas cela.

1659. Cette demande faite par le mouvement de l'appétit naturel, il la repousse en disant : MAIS C'EST POUR CELA QUE JE SUIS VENU À CETTE HEURE, comme s'il disait : il n'est pas juste que je sois délivré de cette heure de la Passion, puisque je suis venu pour souffrir, non pas conduit par une nécessité fatale ni contraint par la violence humaine, mais offert spontanément - Il s'est offert parce que lui-même l'a voulu. - Personne ne me l'enlève, à savoir mon âme, mais moi je la livre de moi-même.

1660. La raison exprime sa propre demande. Ici, nous pouvons comprendre TON NOM de deux manières. À savoir comme étant le Fils lui-même. En effet, le nom se dit à partir de la connaissance, comme un moyen de désigner quelque chose : ainsi le nom est ce par quoi une réalité est manifestée ; or le Fils manifeste le Père - Père, j'ai manifesté ton nom aux hommes. Et au sujet de ce nom il est dit dans Isaïe : Voici venir de loin le nom du Seigneur. Tel est donc le sens : PÈRE, GLORIFIE TON NOM, c'est-à-dire ton Fils - Glorifie-moi, Père, auprès de toi, de la gloire que j'avais auprès de toi avant que le monde fût.

Ou bien le nom du Seigneur est la connaissance du Père ; et alors en voici le sens : fais ceci, PÈRE, GLORIFIE TON NOM ; c'est-à-dire : fais ce qui est la gloire de ton nom. Et cela revient au même, puisque quand le Fils a été glorifié, le nom du Père est glorifié. Or il dit cela parce que c'est par sa Passion que le Fils devait être glorifié - Il s'est fait obéissant, au Père, jusqu'à la mort, et la mort de la Croix. C'est pourquoi Dieu l'a exalté. C'est comme s'il disait : le sentiment naturel demande que je sois sauvé, mais la raison demande que ton nom soit glorifié, c'est-à-dire que le Fils souffre ; parce que c'est encore par la Passion du Christ que la connaissance de Dieu devait être glorifiée. En effet, avant la Passion, Dieu n'était connu qu'en Judée et en Israël grand était son nom ; mais après sa Passion, son nom a été glorifié parmi les nations - Grand est mon nom chez les nations.