Jean 12, 21
Ils abordèrent Philippe, qui était de Bethsaïde en Galilée, et lui firent cette demande : « Nous voudrions voir Jésus. »
Ils abordèrent Philippe, qui était de Bethsaïde en Galilée, et lui firent cette demande : « Nous voudrions voir Jésus. »
Dans le récit, qui est si pittoresque, si vivant,
M. Renan lui-même trouve « un cachet historique indubitable ». - Ils s’approchèrent de Philippe. Par
délicatesse, ces hommes ne veulent pas se présenter directement à Jésus ; ils prient l’un des apôtres de leur
servir d'introducteur. Pourquoi s'adressent-ils de préférence à S. Philippe ? Par pur hasard, peut-être ; ou bien,
selon d'autres, parce qu'ils le connaissaient déjà. - Sur les mots Bethsaïde en Galilée, voyez 1, 45 et le
commentaire. - Ils le priaient : l'imparfait témoigne de l'insistance qu'ils mirent dans leur requête. - Seigneur,
κυριε. Titre de respect, qui semble avoir été l'appellation de politesse alors en usage dans les pays de langue
grecque. - Nous voulons voir Jésus. C'est une entrevue personnelle qu'ils demandent ; s'ils avaient seulement
désiré jeter un regard matériel sur Jésus, comme Zachée peu de temps auparavant, ils n'auraient pas eu
besoin de la médiation d'un apôtre. Rien de plus touchant que leur souhait, présenté tout ensemble avec tant
de simplicité, d'humilité, d'énergie (θέλω exprime en effet une volonté bien arrêtée, qui tend à l'action ;
voyez Cramer, Biblische-theolog. Wœrterbuch der neutestam. Græcitæt, p. 363 de la 3e édition).
1631. Après avoir exposé la gloire que le Christ a reçue du service de ses proches et de la dévotion des foules, l'Évangéliste montre ici la gloire qu'il a reçue de la dévotion des Gentils. Tout d'abord il montre la dévotion des Gentils, puis comment leur dévotion s'est déclarée [n° 1634]. En dernier lieu vient l'annonce de la Passion du Christ [n° 1635].
La dévotion des Gentils.
La dévotion des Gentils est premièrement considérée quant aux sacrements de l'Ancien Testament et, deuxièmement, quant au Christ [n° 1633].
1632. Leur dévotion à l'égard des sacrements de l'Ancien Testament est manifestée par le fait qu'ils venaient au Temple. C'est pourquoi l'Évangéliste dit : OR IL Y AVAIT QUELQUES GENTILS, DE CEUX QUI ÉTAIENT MONTÉS (sous-entendu à Jérusalem) POUR ADORER PENDANT LA FÊTE, autrement dit : non seulement la foule des Juifs mais encore les Gentils eux-mêmes honoraient le Christ.
Or la raison pour laquelle ils montaient est précisée, selon un ajout, par le fait qu'ils étaient prosélytes et convertis au rite des Juifs, à la prédication des Juifs eux-mêmes : car ils étaient dans le monde entier et s'efforçaient de convertir à eux beaucoup de gens - Vous parcourez mers et continents pour gagner un prosélyte. Et c'est pourquoi, selon le rite des Juifs, ils montaient avec les autres.
Mais il vaut mieux dire, selon Chrysostome, que, comme on le voit dans le second livre des Maccabées, le Temple de Dieu qui se trouvait à Jérusalem était vénéré par tous les peuples et rois de la terre entière, de telle sorte qu'ils embellissaient ce même Temple par de très grands présents. Et c'est pourquoi il arrivait que les jours de fête beaucoup de Gentils aussi, par dévotion, montaient à Jérusalem. Nous lisons quelque chose de semblable dans les Actes des Apôtres à propos de l'eunuque de Candace, reine des Éthiopiens, qui était venu adorer à Jérusalem. Voilà pourquoi il est dit dans Isaïe : Ma maison sera appelée maison de prière pour tous les peuples, dit le Seigneur. Or les Gentils dont il s'agit ici, à cause de leur dévotion, étaient montés au Temple en préfiguration de la conversion des Gentils à la foi.
1633. Quant à leur dévotion à l'égard du Christ, elle est manifestée par le fait qu'ils désiraient le voir ; c'est pourquoi Jean dit : CEUX-CI DONC, à savoir les Gentils, S'AVANCÈRENT VERS PHILIPPE (...) ET ILS LE PRIAIENT EN DISANT : « SEIGNEUR, NOUS VOULONS VOIR JÉSUS. » En effet, il faut savoir que le Christ n'a prêché en personne qu'aux Juifs -Je V affirme, le Christ Jésus s'est fait ministre de la circoncision pour montrer la vérité de Dieu en accomplissant les promesses faites à nos pères. Mais pour les nations il a prêché par ses apôtres - J'enverrai certains de leurs rescapés vers les nations (...), vers les îles lointaines qui n'ont pas entendu parler de moi et n'ont pas vu ma gloire. Et ils révéleront ma gloire aux nations "''. - Allez, de toutes les nations faites des disciples.
Cela donc était déjà annoncé ici, dans la mesure où les Gentils, voulant voir le Christ, ne sont pas venus directement vers lui mais vers l'un de ses disciples, Philippe. Et cela convient, puisque c'est lui qui, le premier, a prêché à ceux qui étaient étrangers au rite des Juifs, c'est-à-dire les Samaritains, comme il est dit dans les Actes des Apôtres : C'est ainsi que Philippe descendit dans une ville de Samarie et leur prêchait le Christ. Cela lui convient selon la signification de son nom : en effet, Philippe signifie « bouche (ouverture) de lampe ». Or les prédicateurs sont la bouche du Christ - Si tu sépares ce qui est noble de ce qui est vil, tu seras comme ma bouche. Or le Christ est la lampe - Je t'ai donné comme lumière aux nations*. Cela convient à Philippe aussi par rapport au lieu parce qu'il ÉTAIT DE BETHSAÏDE, qui veut dire « chasse », et que les prédicateurs vont à la chasse de ceux qui se convertissent au Christ - J'enverrai mes chasseurs et ils leur feront la chasse. De même pour DE GALILÉE qui veut dire « passage » : les Gentils, par suite de la prédication des apôtres, sont passés de l'état de païens à l'état de croyants - Toi donc, fils d'homme, fais-toi un bagage d'émigré ; tu émigreras devant eux en plein jour.
S'avançant donc vers Philippe, ils expriment leur désir en disant : NOUS VOULONS VOIR JÉSUS, ce qui signifie que les Gentils, qui n'avaient pas vu le Christ d'une manière sensible, ayant été convertis à la foi par le ministère des apôtres, désirent le voir glorifié dans la patrie - Toute la terre désirait voir le visage de Salomon .
La déclaration de cette dévotion.
1634. Cette dévotion des Gentils est déclarée au Christ, et à travers cette déclaration se découvre un ordre car, comme il est dit dans l'épître aux Romains : Ce qui vient de Dieu a été ordonné. Or cet ordre divin existe pour que les réalités inférieures soient ramenées à Dieu par les réalités supérieures : André, en effet, fut supérieur à Philippe dans l'apostolat parce qu'il fut converti avant lui ; et c'est pourquoi Philippe n'a pas voulu conduire ces Gentils au Christ par lui-même seulement, mais par André, se rappelant peut-être ce que le Seigneur avait dit : Ne prenez pas le chemin des nations. C'est bien ce que dit Jean : PHILIPPE (...) LE DIT À ANDRÉ ; PUIS ANDRÉ ET PHILIPPE LE DISENT À JÉSUS. En cela nous est donné l'exemple qu'il faut tout faire d'après le conseil de ceux qui sont plus grands que nous. C'est ainsi que Paul est monté à Jérusalem et a exposé aux Apôtres l'Évangile qu'il prêchait chez les Gentils . Nous pouvons, par les noms de ces deux Apôtres, comprendre deux choses qui sont nécessaires aux prédicateurs pour conduire les hommes au Christ. En premier lieu, l'éloquence d'une parole ordonnée, ce qui est indiqué dans le nom de Philippe, qui signifie « bouche de lampe ». En second lieu, la puissance d'une bonne opération, comme l'indique le nom d'André, qui signifie « viril * » - Par la parole du Seigneur les cieux ont été affermis, et par le souffle de sa bouche toute leur puissance.
Le Christ annonce sa Passion.
1635. Le Christ commence par annoncer que le temps de sa Passion est imminent, puis il révèle la nécessité de sa Passion [n° 1638]. Enfin, il montre la nécessité de la passion des autres [n° 1642].
1636. Remarquons ici qu'en voyant ces Gentils se hâter vers la foi, et comprenant qu'en eux, d'une certaine manière, commençait la conversion des nations, le Seigneur a annoncé que le temps de sa Passion était imminent ; de même lorsqu'il voit le champ déjà blanc, il dit : l'heure est venue de jeter la faucille pour la moisson— Voyez les campagnes : elles sont déjà blanches pour la moisson. C'est de la même façon, donc, que le Seigneur parle ici. Du fait, dit-il, que les nations cherchent à me Voir, L'HEURE EST VENUE, OÙ DOIT ÊTRE GLORIFIÉ LE FILS DE L'HOMME.
1637. C'est bien de trois manières qu'il a été glorifié. Premièrement, dans sa Passion - Le Christ ne s'est pas glorifié (clarificavit) lui-même en se faisant grand prêtre (sur l'autel de la Croix), mais il a été glorifié par celui qui lui a dit : Tu es mon fils, moi, aujourd'hui, je t'ai engendré. Et en ce sens il dit : L'HEURE EST VENUE, OÙ DOIT ÊTRE GLORIFIÉ LE FILS DE L'HOMME, c'est-à-dire où il doit souffrir, parce qu'avant sa Passion les nations ne se convertiront pas à lui. C'est bien par sa Passion qu'il a été glorifié, avec des signes visibles comme l'éclipsé du soleil, le déchirement du voile et d'autres du même genre ; et avec des signes invisibles comme la victoire triomphante qu'il a remportée ouvertement, en lui-même, sur les princes des enfers. Et c'est pour cette raison qu'il a dit plus haut : Mon heure n'est pas encore venue, car la dévotion des nations n'était pas encore prête comme à présent.
Deuxièmement, il a été glorifié dans sa Résurrection et son Ascension. Il fallait d'abord, en effet, que le Christ ressuscitât et montât au ciel, et qu'ainsi glorifié il envoyât le Saint-Esprit sur les Apôtres par lesquels les nations devaient être converties - L'Esprit n'avait pas encore été donné, parce que Jésus n'avait pas encore été glorifié*. - Montant dans les hauteurs, le Christ a emmené des captifs.
En troisième lieu, il a été glorifié par la conversion des Gentils - Que toute langue confesse que Jésus Christ est Seigneur à la gloire de Dieu le Père.
1638. En disant cela, le Christ laisse entendre la nécessité de sa Passion, et après l'avoir exposée il en donne l'utilité [n° 1641].
1639. La nécessité de sa Passion a pour cause la conversion des nations, qui ne peut avoir lieu sans que le Fils de l'homme soit glorifié par sa Passion et sa Résurrection, et c'est bien ce qu'il dit : AMEN, AMEN, JE VOUS LE DIS - c'est-à-dire « en vérité » -, SI LE GRAIN DE BLÉ TOMBANT EN TERRE NE MEURT PAS, IL DEMEURE SEUL.
À ce propos, au sens littéral, il faut savoir que nous utilisons le grain de blé pour deux choses : soit pour le pain, soit comme semence. Or le grain de blé est compris ici en tant qu'il est une semence, non en tant qu'il est la matière du pain ; car en ce sens il ne se multiplie jamais pour porter du fruit. Et le Christ dit : MEURT, non pas qu'il perde sa vertu de semence, mais parce qu'il est changé en une autre espèce - Ce que tu sèmes, toi, ne reprend vie s'il ne meurt. Ainsi, de même que la parole de Dieu est une semence dans l'âme de l'homme, selon qu'elle est revêtue de la voix sensible, en vue de produire le fruit d'une bonne opération - La semence, c'est la parole de Dieu -, de même le Verbe de Dieu, revêtu de chair, est la semence envoyée dans le monde, à partir de laquelle une très grande moisson devait se lever : c'est aussi pourquoi il est comparé à un grain de moutarde.
Il dit donc : moi je suis venu comme une semence pour porter du fruit et c'est pourquoi, en vérité, je vous le dis : SI LE GRAIN DE BLÉ TOMBANT EN TERRE NE MEURT PAS, IL DEMEURE SEUL, c'est-à-dire : si moi je ne meurs pas, le fruit de la conversion des nations ne s'ensuivra pas. D'autre part, il se compare au grain de blé puisqu'il est venu pour refaire et soutenir les esprits humains, ce que le pain de blé réalise particulièrement - Le pain fortifie le cœur de l'homme*. - Et le pain que moi je donnerai, c'est ma chair pour la vie du monde.
1640. Mais est-ce uniquement par la mort du Christ que la multitude des nations pouvait être convertie ? Elle pouvait être convertie [sans la mort du Christ], certes, selon la puissance de Dieu mais non pas selon la détermination qu'il a ordonnée pour que cela se réalisât de cette manière, parce que cela convenait davantage - Sans effusion de sang il n'y a pas de rémission . - Si je ne m'en vais pas, le Paraclet ne viendra pas vers vous.
1641. Quant à l'utilité de la Passion, il la donne en disant : MAIS S'IL MEURT, IL PORTE BEAUCOUP DE FRUIT, autrement dit : s'il ne tombe pas en terre par l'humilité de sa Passion - Il s'humilia en se faisant obéissant jusqu'à la mort -, il n'en résultera aucune utilité, puisqu'lL DEMEURE SEU1. MAIS S'IL MEURT, mis à mort et tué par les Juifs, IL PORTE BEAUCOUP DE FRUIT. Et le premier fruit, c'est la rémission du péché - Tout le fruit, c'est d'enlever les péchés*. Et c'est bien ce fruit que la Passion du Christ a porté, d'après ce passage de la première épître de saint Pierre : Le Christ est mort une fois pour nos péchés, juste pour des injustes, afin de nous offrir à Dieu.
Le deuxième fruit est la conversion des nations à Dieu - Je vous ai établis pour que vous alliez et que vous portiez du fruit, et que votre fruit demeure. Tel est le fruit que la Passion du Christ a porté, comme il le dit encore plus loin : Et moi, quand j'aurai été élevé de terre, j'attirerai tout à moi.
Le troisième fruit est la gloire - Le fruit des bons labeurs est plein de gloire. - Celui qui moissonne reçoit un salaire et amasse du fruit pour la vie éternelle. Et ce fruit, c'est bien encore la Passion du Christ qui l'a porté - Nous avons l'assurance voulue pour l'accès au sanctuaire dans le sang du Christ, qui a inauguré pour nous une voie nouvelle et vivante, à travers le voile, c'est-à-dire sa chair.
1642. Il montre ici la nécessité que d'autres meurent en s'exposant aux souffrances par amour du Christ.
Il commence par montrer la nécessité de cette mort, d'abord en mettant en avant la nécessité de cette mort à cause du Christ, puis en ajoutant son utilité [n° 1645]. Ensuite, il exhorte à la mort elle-même [n° 1646].
1643. Or assurément tout homme aime son âme. Mais certains d'une manière absolue (simpliciter) et d'autres relativement à quelque chose (secundum quid). En effet, aimer quelqu'un, c'est lui vouloir du bien ; celui-là donc aime son âme qui lui veut du bien. Celui qui veut pour son âme ce qui est bon d'une manière absolue, l'aime d'une manière absolue ; celui qui veut pour elle quelque bien particulier l'aime relativement à quelque chose. Les biens de l'âme au sens absolu sont ceux par lesquels elle est rendue bienheureuse, à savoir le bien souverain, qui est Dieu. Celui donc qui veut pour son âme un bien divin et spirituel, l'aime d'une manière absolue ; mais celui qui veut pour elle des biens terrestres, comme la richesse et les honneurs, les plaisirs et d'autres biens de ce genre, l'aime relativement à quelque chose - Qui aime l'iniquité hait son âme.
- Si tu accordes à ton âme [la satisfaction de] ses concupiscences, tu deviens la risée de tes ennemis.
1644. Cette parole peut donc se comprendre de deux manières. D'une première manière ainsi : CELUI QUI AIME SON ÂME, ajoute : d'une manière absolue, en vue des biens éternels, LA PERDRA, c'est-à-dire s'exposera à mourir pour le Christ. Mais cç n'est pas le sens véritable.
C'est pourquoi il faut dire : CELUI QUI AIME SON ÂME relativement à quelque chose, à savoir à des biens temporels, LA PERDRA, c'est-à-dire d'une manière absolue - Que sert à l'homme, en effet, de gagner le monde entier, s'il vient à perdre son âme ? Et la vérité de ce sens est rendue évidente par ce qui suit : CELUI QUI HAIT SON ÂME EN CE MONDE. Donc CELUI QUI AIME SON ÂME, en ce monde, c'est-à-dire relativement aux biens du monde, LA PERDRA, quant aux biens éternels
- Malheur à vous qui riez, car vous pleurerez*. - Souviens-toi que tu as reçu tes biens pendant ta vie, et Lazare pareillement ses maux ; maintenant donc il trouve ici consolation, et toi, tu souffres la torture.
1645. Il donne ensuite l'utilité de cette mort lorsqu'il dit : ET CELUI QUI HAIT SON ÂME EN CE MONDE, c'est-à-dire celui qui refuse à son âme des biens présents et supporte à cause de Dieu ce qui est considéré comme des maux en ce monde, LA GARDERA EN VIE ÉTERNELLE - Bienheureux ceux qui souffrent la persécution pour la justice, car le Royaume des deux est à eux. - Si quelqu'un vient à moi sans haïr son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères, ses sœurs et jusqu’à sa propre âme, il ne peut être mon disciple''.
Remarque d'ailleurs que ce qui est dit plus haut du grain de blé rejoint cette phrase. Car de même que le Christ fut envoyé dans le monde comme une semence destinée à porter du fruit, de même tout ce qui nous est donné par Dieu temporellement ne nous est pas confié comme un fruit mais afin que, grâce à cela, nous parvenions au fruit de la récompense éternelle.
En effet, notre vie est un certain don temporel que Dieu nous fait. Celui donc qui l'expose à cause du Christ, porte beaucoup de fruit. Et c'est bien celui-là qui hait son âme, c'est-à-dire qui expose sa vie et sème pour le Christ en vue de la vie éternelle - Ils s'en allaient, ils s'en allaient en pleurant, portant leurs semences ; ils s'en viennent, ils s'en viennent en exultant de joie, ils rapportent leurs gerbes". Et il en est de même pour celui qui, à cause du Christ, expose ses richesses et les autres biens qu'il possède, et les communique aux autres pour la vie éternelle - Qui sème dans les bénédictions moissonnera aussi dans les bénédictions
1646. Mais parce qu'il semble dur qu'un homme ait de la haine pour son âme, le Seigneur exhorte à cela : SI QUELQU'UN ME SERT, QU'IL ME SUIVE. L'Évangéliste montre d'abord l'exhortation, puis la raison de cette exhortation [n° 1648].
1647. Le Christ commence par décrire la condition de ses fidèles, puis les invite à l'imiter ; enfin, il ajoute la récompense réservée à ceux qui l'imitent.
Et remarque, quant au premier point, la dignité des fidèles du Christ, puisqu'ils sont serviteurs du Christ - Ils sont ministres du Christ ? moi aussi. Ceux-là donc servent le Christ, qui recherchent ce qui est du Christ ; mais ceux qui recherchent leurs propres intérêts ne sont pas les serviteurs du Christ mais d'eux-mêmes - Tous recherchent leurs propres intérêts. Or ceux qui ont l'autorité dans l'Église sont les serviteurs du Christ dans la mesure où ils dispensent ses sacrements aux fidèles - Que les hommes nous regardent donc comme des serviteurs du Christ et des intendants des mystères de Dieu . Il en est de même pour n'importe quel fidèle qui garde les commandements du Christ - Montrons-nous en toutes choses comme des ministres de Dieu.
Quant au second point, remarque la gloire et la noblesse des fidèles du Christ. C'est pourquoi il dit : QU'IL ME SUIVE, comme s'il disait : les hommes suivent les maîtres qu'ils servent ; celui donc qui ME SERT, QU'IL ME SUIVE, afin que, comme moi je subis la mort pour porter beaucoup de fruit, de même aussi celui-là. Or suivre le Christ est une grande gloire - C'est une grande gloire, de suivre le Seigneur. - Mes brebis écoutent ma voix, et moi je les connais et elles me suivent.
Quant au troisième point, remarque la béatitude de ses fidèles, puisque OÙ MOI JE SUIS - non pas seulement au lieu où moi je suis mais encore dans cette participation à ma gloire -, LÀ AUSSI SERA MON SERVITEUR - Là où il y aura un corps, là se rassembleront les aigles . - Le vainqueur, je lui donnerai de siéger auprès de moi sur mon trône .
1648. Il donne ensuite la raison de cette exhortation ; en effet celui qui sert le Christ, le Père l'honore. Mais il est dit plus haut : Afin que tous honorent le Fils comme ils honorent le Père. C'est donc la même chose d'honorer le Fils et d'honorer le Père. Or le Père dit : Celui qui m'aura glorifié, je le glorifierai. Celui donc qui sert Jésus, en recherchant non pas ses propres intérêts mais ceux de Jésus Christ, le Père de Jésus l'honorera. Et il ne dit pas : « Moi je l'honorerai », mais MON PÈRE, parce qu'ils n'avaient pas encore à son sujet cette opinion qu'il était égal au Père. Ou bien il faut dire qu'il dit cela en signe d'une plus grande familiarité, dans la mesure où ils seront honorés par celui-là même par qui le Fils est honoré. Car l'honneur que le Fils a par nature, eux-mêmes l'auront par grâce. C'est pourquoi Augustin dit que le fils adoptif ne pourra recevoir de plus grand honneur que celui d'être là où est le Fils unique ! - Il les a aussi prédestinés à être conformes à l'image de son Fils, pour qu'il soit le Premier-né d'une multitude de frères.
La dévotion des Gentils.
La dévotion des Gentils est premièrement considérée quant aux sacrements de l'Ancien Testament et, deuxièmement, quant au Christ [n° 1633].
1632. Leur dévotion à l'égard des sacrements de l'Ancien Testament est manifestée par le fait qu'ils venaient au Temple. C'est pourquoi l'Évangéliste dit : OR IL Y AVAIT QUELQUES GENTILS, DE CEUX QUI ÉTAIENT MONTÉS (sous-entendu à Jérusalem) POUR ADORER PENDANT LA FÊTE, autrement dit : non seulement la foule des Juifs mais encore les Gentils eux-mêmes honoraient le Christ.
Or la raison pour laquelle ils montaient est précisée, selon un ajout, par le fait qu'ils étaient prosélytes et convertis au rite des Juifs, à la prédication des Juifs eux-mêmes : car ils étaient dans le monde entier et s'efforçaient de convertir à eux beaucoup de gens - Vous parcourez mers et continents pour gagner un prosélyte. Et c'est pourquoi, selon le rite des Juifs, ils montaient avec les autres.
Mais il vaut mieux dire, selon Chrysostome, que, comme on le voit dans le second livre des Maccabées, le Temple de Dieu qui se trouvait à Jérusalem était vénéré par tous les peuples et rois de la terre entière, de telle sorte qu'ils embellissaient ce même Temple par de très grands présents. Et c'est pourquoi il arrivait que les jours de fête beaucoup de Gentils aussi, par dévotion, montaient à Jérusalem. Nous lisons quelque chose de semblable dans les Actes des Apôtres à propos de l'eunuque de Candace, reine des Éthiopiens, qui était venu adorer à Jérusalem. Voilà pourquoi il est dit dans Isaïe : Ma maison sera appelée maison de prière pour tous les peuples, dit le Seigneur. Or les Gentils dont il s'agit ici, à cause de leur dévotion, étaient montés au Temple en préfiguration de la conversion des Gentils à la foi.
1633. Quant à leur dévotion à l'égard du Christ, elle est manifestée par le fait qu'ils désiraient le voir ; c'est pourquoi Jean dit : CEUX-CI DONC, à savoir les Gentils, S'AVANCÈRENT VERS PHILIPPE (...) ET ILS LE PRIAIENT EN DISANT : « SEIGNEUR, NOUS VOULONS VOIR JÉSUS. » En effet, il faut savoir que le Christ n'a prêché en personne qu'aux Juifs -Je V affirme, le Christ Jésus s'est fait ministre de la circoncision pour montrer la vérité de Dieu en accomplissant les promesses faites à nos pères. Mais pour les nations il a prêché par ses apôtres - J'enverrai certains de leurs rescapés vers les nations (...), vers les îles lointaines qui n'ont pas entendu parler de moi et n'ont pas vu ma gloire. Et ils révéleront ma gloire aux nations "''. - Allez, de toutes les nations faites des disciples.
Cela donc était déjà annoncé ici, dans la mesure où les Gentils, voulant voir le Christ, ne sont pas venus directement vers lui mais vers l'un de ses disciples, Philippe. Et cela convient, puisque c'est lui qui, le premier, a prêché à ceux qui étaient étrangers au rite des Juifs, c'est-à-dire les Samaritains, comme il est dit dans les Actes des Apôtres : C'est ainsi que Philippe descendit dans une ville de Samarie et leur prêchait le Christ. Cela lui convient selon la signification de son nom : en effet, Philippe signifie « bouche (ouverture) de lampe ». Or les prédicateurs sont la bouche du Christ - Si tu sépares ce qui est noble de ce qui est vil, tu seras comme ma bouche. Or le Christ est la lampe - Je t'ai donné comme lumière aux nations*. Cela convient à Philippe aussi par rapport au lieu parce qu'il ÉTAIT DE BETHSAÏDE, qui veut dire « chasse », et que les prédicateurs vont à la chasse de ceux qui se convertissent au Christ - J'enverrai mes chasseurs et ils leur feront la chasse. De même pour DE GALILÉE qui veut dire « passage » : les Gentils, par suite de la prédication des apôtres, sont passés de l'état de païens à l'état de croyants - Toi donc, fils d'homme, fais-toi un bagage d'émigré ; tu émigreras devant eux en plein jour.
S'avançant donc vers Philippe, ils expriment leur désir en disant : NOUS VOULONS VOIR JÉSUS, ce qui signifie que les Gentils, qui n'avaient pas vu le Christ d'une manière sensible, ayant été convertis à la foi par le ministère des apôtres, désirent le voir glorifié dans la patrie - Toute la terre désirait voir le visage de Salomon .
La déclaration de cette dévotion.
1634. Cette dévotion des Gentils est déclarée au Christ, et à travers cette déclaration se découvre un ordre car, comme il est dit dans l'épître aux Romains : Ce qui vient de Dieu a été ordonné. Or cet ordre divin existe pour que les réalités inférieures soient ramenées à Dieu par les réalités supérieures : André, en effet, fut supérieur à Philippe dans l'apostolat parce qu'il fut converti avant lui ; et c'est pourquoi Philippe n'a pas voulu conduire ces Gentils au Christ par lui-même seulement, mais par André, se rappelant peut-être ce que le Seigneur avait dit : Ne prenez pas le chemin des nations. C'est bien ce que dit Jean : PHILIPPE (...) LE DIT À ANDRÉ ; PUIS ANDRÉ ET PHILIPPE LE DISENT À JÉSUS. En cela nous est donné l'exemple qu'il faut tout faire d'après le conseil de ceux qui sont plus grands que nous. C'est ainsi que Paul est monté à Jérusalem et a exposé aux Apôtres l'Évangile qu'il prêchait chez les Gentils . Nous pouvons, par les noms de ces deux Apôtres, comprendre deux choses qui sont nécessaires aux prédicateurs pour conduire les hommes au Christ. En premier lieu, l'éloquence d'une parole ordonnée, ce qui est indiqué dans le nom de Philippe, qui signifie « bouche de lampe ». En second lieu, la puissance d'une bonne opération, comme l'indique le nom d'André, qui signifie « viril * » - Par la parole du Seigneur les cieux ont été affermis, et par le souffle de sa bouche toute leur puissance.
Le Christ annonce sa Passion.
1635. Le Christ commence par annoncer que le temps de sa Passion est imminent, puis il révèle la nécessité de sa Passion [n° 1638]. Enfin, il montre la nécessité de la passion des autres [n° 1642].
1636. Remarquons ici qu'en voyant ces Gentils se hâter vers la foi, et comprenant qu'en eux, d'une certaine manière, commençait la conversion des nations, le Seigneur a annoncé que le temps de sa Passion était imminent ; de même lorsqu'il voit le champ déjà blanc, il dit : l'heure est venue de jeter la faucille pour la moisson— Voyez les campagnes : elles sont déjà blanches pour la moisson. C'est de la même façon, donc, que le Seigneur parle ici. Du fait, dit-il, que les nations cherchent à me Voir, L'HEURE EST VENUE, OÙ DOIT ÊTRE GLORIFIÉ LE FILS DE L'HOMME.
1637. C'est bien de trois manières qu'il a été glorifié. Premièrement, dans sa Passion - Le Christ ne s'est pas glorifié (clarificavit) lui-même en se faisant grand prêtre (sur l'autel de la Croix), mais il a été glorifié par celui qui lui a dit : Tu es mon fils, moi, aujourd'hui, je t'ai engendré. Et en ce sens il dit : L'HEURE EST VENUE, OÙ DOIT ÊTRE GLORIFIÉ LE FILS DE L'HOMME, c'est-à-dire où il doit souffrir, parce qu'avant sa Passion les nations ne se convertiront pas à lui. C'est bien par sa Passion qu'il a été glorifié, avec des signes visibles comme l'éclipsé du soleil, le déchirement du voile et d'autres du même genre ; et avec des signes invisibles comme la victoire triomphante qu'il a remportée ouvertement, en lui-même, sur les princes des enfers. Et c'est pour cette raison qu'il a dit plus haut : Mon heure n'est pas encore venue, car la dévotion des nations n'était pas encore prête comme à présent.
Deuxièmement, il a été glorifié dans sa Résurrection et son Ascension. Il fallait d'abord, en effet, que le Christ ressuscitât et montât au ciel, et qu'ainsi glorifié il envoyât le Saint-Esprit sur les Apôtres par lesquels les nations devaient être converties - L'Esprit n'avait pas encore été donné, parce que Jésus n'avait pas encore été glorifié*. - Montant dans les hauteurs, le Christ a emmené des captifs.
En troisième lieu, il a été glorifié par la conversion des Gentils - Que toute langue confesse que Jésus Christ est Seigneur à la gloire de Dieu le Père.
1638. En disant cela, le Christ laisse entendre la nécessité de sa Passion, et après l'avoir exposée il en donne l'utilité [n° 1641].
1639. La nécessité de sa Passion a pour cause la conversion des nations, qui ne peut avoir lieu sans que le Fils de l'homme soit glorifié par sa Passion et sa Résurrection, et c'est bien ce qu'il dit : AMEN, AMEN, JE VOUS LE DIS - c'est-à-dire « en vérité » -, SI LE GRAIN DE BLÉ TOMBANT EN TERRE NE MEURT PAS, IL DEMEURE SEUL.
À ce propos, au sens littéral, il faut savoir que nous utilisons le grain de blé pour deux choses : soit pour le pain, soit comme semence. Or le grain de blé est compris ici en tant qu'il est une semence, non en tant qu'il est la matière du pain ; car en ce sens il ne se multiplie jamais pour porter du fruit. Et le Christ dit : MEURT, non pas qu'il perde sa vertu de semence, mais parce qu'il est changé en une autre espèce - Ce que tu sèmes, toi, ne reprend vie s'il ne meurt. Ainsi, de même que la parole de Dieu est une semence dans l'âme de l'homme, selon qu'elle est revêtue de la voix sensible, en vue de produire le fruit d'une bonne opération - La semence, c'est la parole de Dieu -, de même le Verbe de Dieu, revêtu de chair, est la semence envoyée dans le monde, à partir de laquelle une très grande moisson devait se lever : c'est aussi pourquoi il est comparé à un grain de moutarde.
Il dit donc : moi je suis venu comme une semence pour porter du fruit et c'est pourquoi, en vérité, je vous le dis : SI LE GRAIN DE BLÉ TOMBANT EN TERRE NE MEURT PAS, IL DEMEURE SEUL, c'est-à-dire : si moi je ne meurs pas, le fruit de la conversion des nations ne s'ensuivra pas. D'autre part, il se compare au grain de blé puisqu'il est venu pour refaire et soutenir les esprits humains, ce que le pain de blé réalise particulièrement - Le pain fortifie le cœur de l'homme*. - Et le pain que moi je donnerai, c'est ma chair pour la vie du monde.
1640. Mais est-ce uniquement par la mort du Christ que la multitude des nations pouvait être convertie ? Elle pouvait être convertie [sans la mort du Christ], certes, selon la puissance de Dieu mais non pas selon la détermination qu'il a ordonnée pour que cela se réalisât de cette manière, parce que cela convenait davantage - Sans effusion de sang il n'y a pas de rémission . - Si je ne m'en vais pas, le Paraclet ne viendra pas vers vous.
1641. Quant à l'utilité de la Passion, il la donne en disant : MAIS S'IL MEURT, IL PORTE BEAUCOUP DE FRUIT, autrement dit : s'il ne tombe pas en terre par l'humilité de sa Passion - Il s'humilia en se faisant obéissant jusqu'à la mort -, il n'en résultera aucune utilité, puisqu'lL DEMEURE SEU1. MAIS S'IL MEURT, mis à mort et tué par les Juifs, IL PORTE BEAUCOUP DE FRUIT. Et le premier fruit, c'est la rémission du péché - Tout le fruit, c'est d'enlever les péchés*. Et c'est bien ce fruit que la Passion du Christ a porté, d'après ce passage de la première épître de saint Pierre : Le Christ est mort une fois pour nos péchés, juste pour des injustes, afin de nous offrir à Dieu.
Le deuxième fruit est la conversion des nations à Dieu - Je vous ai établis pour que vous alliez et que vous portiez du fruit, et que votre fruit demeure. Tel est le fruit que la Passion du Christ a porté, comme il le dit encore plus loin : Et moi, quand j'aurai été élevé de terre, j'attirerai tout à moi.
Le troisième fruit est la gloire - Le fruit des bons labeurs est plein de gloire. - Celui qui moissonne reçoit un salaire et amasse du fruit pour la vie éternelle. Et ce fruit, c'est bien encore la Passion du Christ qui l'a porté - Nous avons l'assurance voulue pour l'accès au sanctuaire dans le sang du Christ, qui a inauguré pour nous une voie nouvelle et vivante, à travers le voile, c'est-à-dire sa chair.
1642. Il montre ici la nécessité que d'autres meurent en s'exposant aux souffrances par amour du Christ.
Il commence par montrer la nécessité de cette mort, d'abord en mettant en avant la nécessité de cette mort à cause du Christ, puis en ajoutant son utilité [n° 1645]. Ensuite, il exhorte à la mort elle-même [n° 1646].
1643. Or assurément tout homme aime son âme. Mais certains d'une manière absolue (simpliciter) et d'autres relativement à quelque chose (secundum quid). En effet, aimer quelqu'un, c'est lui vouloir du bien ; celui-là donc aime son âme qui lui veut du bien. Celui qui veut pour son âme ce qui est bon d'une manière absolue, l'aime d'une manière absolue ; celui qui veut pour elle quelque bien particulier l'aime relativement à quelque chose. Les biens de l'âme au sens absolu sont ceux par lesquels elle est rendue bienheureuse, à savoir le bien souverain, qui est Dieu. Celui donc qui veut pour son âme un bien divin et spirituel, l'aime d'une manière absolue ; mais celui qui veut pour elle des biens terrestres, comme la richesse et les honneurs, les plaisirs et d'autres biens de ce genre, l'aime relativement à quelque chose - Qui aime l'iniquité hait son âme.
- Si tu accordes à ton âme [la satisfaction de] ses concupiscences, tu deviens la risée de tes ennemis.
1644. Cette parole peut donc se comprendre de deux manières. D'une première manière ainsi : CELUI QUI AIME SON ÂME, ajoute : d'une manière absolue, en vue des biens éternels, LA PERDRA, c'est-à-dire s'exposera à mourir pour le Christ. Mais cç n'est pas le sens véritable.
C'est pourquoi il faut dire : CELUI QUI AIME SON ÂME relativement à quelque chose, à savoir à des biens temporels, LA PERDRA, c'est-à-dire d'une manière absolue - Que sert à l'homme, en effet, de gagner le monde entier, s'il vient à perdre son âme ? Et la vérité de ce sens est rendue évidente par ce qui suit : CELUI QUI HAIT SON ÂME EN CE MONDE. Donc CELUI QUI AIME SON ÂME, en ce monde, c'est-à-dire relativement aux biens du monde, LA PERDRA, quant aux biens éternels
- Malheur à vous qui riez, car vous pleurerez*. - Souviens-toi que tu as reçu tes biens pendant ta vie, et Lazare pareillement ses maux ; maintenant donc il trouve ici consolation, et toi, tu souffres la torture.
1645. Il donne ensuite l'utilité de cette mort lorsqu'il dit : ET CELUI QUI HAIT SON ÂME EN CE MONDE, c'est-à-dire celui qui refuse à son âme des biens présents et supporte à cause de Dieu ce qui est considéré comme des maux en ce monde, LA GARDERA EN VIE ÉTERNELLE - Bienheureux ceux qui souffrent la persécution pour la justice, car le Royaume des deux est à eux. - Si quelqu'un vient à moi sans haïr son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères, ses sœurs et jusqu’à sa propre âme, il ne peut être mon disciple''.
Remarque d'ailleurs que ce qui est dit plus haut du grain de blé rejoint cette phrase. Car de même que le Christ fut envoyé dans le monde comme une semence destinée à porter du fruit, de même tout ce qui nous est donné par Dieu temporellement ne nous est pas confié comme un fruit mais afin que, grâce à cela, nous parvenions au fruit de la récompense éternelle.
En effet, notre vie est un certain don temporel que Dieu nous fait. Celui donc qui l'expose à cause du Christ, porte beaucoup de fruit. Et c'est bien celui-là qui hait son âme, c'est-à-dire qui expose sa vie et sème pour le Christ en vue de la vie éternelle - Ils s'en allaient, ils s'en allaient en pleurant, portant leurs semences ; ils s'en viennent, ils s'en viennent en exultant de joie, ils rapportent leurs gerbes". Et il en est de même pour celui qui, à cause du Christ, expose ses richesses et les autres biens qu'il possède, et les communique aux autres pour la vie éternelle - Qui sème dans les bénédictions moissonnera aussi dans les bénédictions
1646. Mais parce qu'il semble dur qu'un homme ait de la haine pour son âme, le Seigneur exhorte à cela : SI QUELQU'UN ME SERT, QU'IL ME SUIVE. L'Évangéliste montre d'abord l'exhortation, puis la raison de cette exhortation [n° 1648].
1647. Le Christ commence par décrire la condition de ses fidèles, puis les invite à l'imiter ; enfin, il ajoute la récompense réservée à ceux qui l'imitent.
Et remarque, quant au premier point, la dignité des fidèles du Christ, puisqu'ils sont serviteurs du Christ - Ils sont ministres du Christ ? moi aussi. Ceux-là donc servent le Christ, qui recherchent ce qui est du Christ ; mais ceux qui recherchent leurs propres intérêts ne sont pas les serviteurs du Christ mais d'eux-mêmes - Tous recherchent leurs propres intérêts. Or ceux qui ont l'autorité dans l'Église sont les serviteurs du Christ dans la mesure où ils dispensent ses sacrements aux fidèles - Que les hommes nous regardent donc comme des serviteurs du Christ et des intendants des mystères de Dieu . Il en est de même pour n'importe quel fidèle qui garde les commandements du Christ - Montrons-nous en toutes choses comme des ministres de Dieu.
Quant au second point, remarque la gloire et la noblesse des fidèles du Christ. C'est pourquoi il dit : QU'IL ME SUIVE, comme s'il disait : les hommes suivent les maîtres qu'ils servent ; celui donc qui ME SERT, QU'IL ME SUIVE, afin que, comme moi je subis la mort pour porter beaucoup de fruit, de même aussi celui-là. Or suivre le Christ est une grande gloire - C'est une grande gloire, de suivre le Seigneur. - Mes brebis écoutent ma voix, et moi je les connais et elles me suivent.
Quant au troisième point, remarque la béatitude de ses fidèles, puisque OÙ MOI JE SUIS - non pas seulement au lieu où moi je suis mais encore dans cette participation à ma gloire -, LÀ AUSSI SERA MON SERVITEUR - Là où il y aura un corps, là se rassembleront les aigles . - Le vainqueur, je lui donnerai de siéger auprès de moi sur mon trône .
1648. Il donne ensuite la raison de cette exhortation ; en effet celui qui sert le Christ, le Père l'honore. Mais il est dit plus haut : Afin que tous honorent le Fils comme ils honorent le Père. C'est donc la même chose d'honorer le Fils et d'honorer le Père. Or le Père dit : Celui qui m'aura glorifié, je le glorifierai. Celui donc qui sert Jésus, en recherchant non pas ses propres intérêts mais ceux de Jésus Christ, le Père de Jésus l'honorera. Et il ne dit pas : « Moi je l'honorerai », mais MON PÈRE, parce qu'ils n'avaient pas encore à son sujet cette opinion qu'il était égal au Père. Ou bien il faut dire qu'il dit cela en signe d'une plus grande familiarité, dans la mesure où ils seront honorés par celui-là même par qui le Fils est honoré. Car l'honneur que le Fils a par nature, eux-mêmes l'auront par grâce. C'est pourquoi Augustin dit que le fils adoptif ne pourra recevoir de plus grand honneur que celui d'être là où est le Fils unique ! - Il les a aussi prédestinés à être conformes à l'image de son Fils, pour qu'il soit le Premier-né d'une multitude de frères.