Jean 10, 6
Jésus employa cette image pour s’adresser à eux, mais eux ne comprirent pas de quoi il leur parlait.
Jésus employa cette image pour s’adresser à eux, mais eux ne comprirent pas de quoi il leur parlait.
Note explicative de l'évangéliste. Elle ménage une transition de la figure à la réalité. - Cette
parabole, Ταύτην τὴν παροιμίαν. Le mot παροιμίαν, employé quatre fois seulement dans le Nouveau
Testament (ici ; 16, 25, 29 et 2 Petr. 2, 22), désigne d'après l'étymologie une chose qui se trouve « à côté
du chemin » (παρα et οιμος), par conséquent un langage figuré, symbolique. Il équivaut à l'hébreu לשמ
(maschal). - Jésus leur dit : aux Pharisiens mentionnés plus haut, 9, 40-41. - Mais ils (avec insistance
sur le pronom) ne comprirent pas... Dans le grec : τίνα ἦν ἃ ἐλάλει αὐτοῖς, « ce que c’était qu’il leur
disait ». Ils ne comprirent donc pas le sens de l'allégorie. Comment ces hommes superbes auraient-ils
reconnu leur portrait dans la conduite des voleurs qui ravagent le bercail ?
Ou bien encore ce portier, c'est l'Esprit saint qui nous ouvre le sens des Ecritures pour nous y faire reconnaître le Christ.
Il veut encore désigner ici l'Antéchrist, qui, après avoir égaré un instant les hommes, n'aura point de disciples après sa mort.
La Glose
Il les fait sortir des ténèbres de l'ignorance à la lumière de la vérité, en marchant devant elles, comme il marchait autrefois devant le peuple de Dieu, dans une colonne tour à tour de nuée et de feu.
En effet, il connaît le nom des prédestinés, et c'est pour cela qu'il dit à ses disciples : « Réjouissez-vous de ce que vos noms sont écrits dans les cieux. » (Lc 10) « Et il les fait sortir. »
Quel est celui qui fait véritablement sortir les brebis, si ce n'est celui qui leur remet leurs péchés, afin qu'elles puissent le suivre délivrées qu'elles sont des lourdes chaînes de leur esclavage ? « Et lorsqu'il a fait sortir ses brebis, il marche devant elles. »
Quel est le pasteur qui a précédé ses brebis, si ce n'est celui qui est ressuscité des morts pour ne plus mourir (Rm 6), et qui a dit à son Père : « Mon Père, je veux que là où je suis, ceux que vous m'avez donnés soient aussi avec moi ? » (Jn 17, 24.)
Ou bien encore, il en est beaucoup que selon l'usage ordinaire de la vie, on appelle des hommes de bien, ils observent d'une manière quelconque les commandements de la loi, et toutefois ils ne sont pas chrétiens et demandent avec fierté comme les pharisiens : « Est-ce que nous sommes aveugles ? » Or, Nôtre-Seigneur leur montre que toutes leurs actions qu'ils ne savent à quelle fin rapporter, sont vaines sous la figure d'un troupeau et de la porte par laquelle on entre dans la bergerie : « En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui n'entre point par la porte, » etc. Que les païens donc, que les Juifs, que les hérétiques disent : « Notre vie est bonne, » à quoi cela leur sert-il s'ils n'entrent point par la porte ? La fin de la bonne vie doit être pour chacun de lui faire obtenir la vie éternelle, et on ne peut appeler des hommes de bien ceux qui, par aveuglement ou bien par orgueil, dédaignent de connaître ce qui doit être la fin de la bonne vie. Or, la véritable espérance de vivre toujours n'est donnée qu'à celui qui connaît la vie qui est Jésus-Christ, et qui entre par la porte dans la bergerie. Que celui donc qui veut entrer dans la bergerie, entre par la porte, qu'il ne se contente pas d'annoncer Jésus-Christ, qu'il cherche la gloire de Jésus-Christ au lieu de chercher la sienne. Mais Jésus-Christ est une porte qui est bien basse, et il faut s'abaisser pour entrer par cette porte sans se blesser la tête, or celui qui s'élève au lieu de s'humilier, veut escalader le mur, et il ne s'élève que pour tomber. Ces hommes, la plupart du temps, cherchent à persuader aux autres à vivre en hommes de bien sans être chrétiens, ils veulent monter et passer ailleurs que par la porte pour ravir et pour tuer. Ce sont des voleurs, parce qu'ils disent que ce qui est aux autres, leur appartient, et des larrons, parce qu'ils tuent ce qu'ils ont volé.
Celui qui entre par la porte est celui qui entre par Jésus-Christ, qui imite la passion de Jésus-Christ, qui connaît l'humilité de Jésus-Christ, c'est-à-dire, qu'à la vue d'un Dieu fait homme, l'homme doit reconnaître que lui-même n'est pas Dieu, mais qu'il n'est qu'un homme, car celui qui veut affecter de paraître un Dieu, lorsqu'il n'est qu'un homme, n'imite pas celui qui étant Dieu s'est fait homme. Or, on ne vous dit pas : Soyez moins que ce que vous êtes, mais : Reconnaissez ce que vous êtes en réalité.
Ou bien encore ce portier, c'est le Seigneur lui-même ; dans les choses humaines, en effet, il y a une bien plus grande différence entre le pasteur et la porte qu'entre le portier et la porte, et cependant le Sauveur se donne à la fois comme le pasteur et comme la porte. Pourquoi donc ne pas voir aussi en lui le portier ? Ne s'ouvre-t-il pas lui-même lorsqu'il s'explique lui-même ? Si cependant vous voulez qu'un autre soit le portier, vous pouvez donner cette dénomination à l'Esprit saint, dont le Seigneur a dit : « Il vous enseignera lui-même toute vérité. » (Jn 16) La porte, c'est Jésus-Christ qui est la vérité. Qui ouvre la porte, si ce n'est celui qui enseigne la vérité ? Prenons garde cependant de regarder ici le portier comme supérieur à la porte, parce que dans les maisons des hommes, le portier est plus que la porte, et non la porte plus que le portier.
Mais comment résoudre celte question ? Ceux qui ne sont pas des brebis de Jésus entendent quelquefois sa voix, comme Judas, par exemple, qui était un loup, tandis qu'une partie de ceux qui avaient crucifié le Sauveur, n'écoutèrent pas sa voix, bien qu'ils fussent du nombre de ses brebis. On peut dire que lorsqu'elles n'entendaient pas sa voix, elles n'étaient pas encore du nombre des brebis, la voix qu'elles ont entendue, les a changés, et en a fait des brebis de loups qu'elles étaient. Je suis encore frappé de ces reproches que Dieu adresse aux pasteurs par la bouche d'Ezéchiel, lorsqu'il leur dit entre autres choses, en parlant des brebis : « Vous n'avez point ramené la brebis qui s'égarait. » (Ez 34, 4.) Elle s'égare et il ne laisse pas de lui donner le nom de brebis ; elle ne s'égarerait pas, si elle entendait la voix du pasteur, et elle ne s'égare que parce qu'elle écoute la voix d'un étranger. Disons donc : « Le Seigneur connaît ceux qui sont à lui, » (2 Tm 2) il connaît les prédestinés, ce sont les brebis. Quelquefois ils ne se connaissent pas eux-mêmes, mais le pas-tour les connaît, car il y a beaucoup de brebis dehors, comme il y a un grand nombre de loups dans l'intérieur. Nôtre-Seigneur veut donc parler ici des prédestinés. Il y a d'ailleurs une certaine voix du pasteur qui ne sera jamais confondue parles brebis avec celle des étrangers, et que ceux qui ne sont pas brebis n'entendront jamais comme la voix de Jésus-Christ. Quelle est cette voix ? « Celui qui persévérera jusqu'à la fin sera sauvé. » (Mt 10 et 24) Cette voix est toujours entendue de celui qui appartient à Jésus-Christ ; elle ne l'est pas de celui qui lui est étranger : « Jésus leur dit cette parabole, mais ils ne comprirent pas ce qu'ils lui disaient. » Nôtre-Seigneur, en effet, nourrit notre âme par les vérités qu'il révèle clairement, et il l'exerce par celles qu'il, laisse dans l'obscurité. Deux hommes entendent les paroles de l'Evangile, l'un est un homme religieux, l'autre est un impie, et ce qu'ils entendent n'est peut-être compris ni de l'un ni de l'autre. L'un s'exprime de la sorte : Ce que le Sauveur vient de nous dire est vrai et bon, mais nous ne le comprenons pas ; cet homme a déjà la foi, il est digne qu'on lui ouvre, s'il persévère à frapper. L'autre, au contraire, soutient qu'il ne leur a rien dit, il a donc encore besoin d'entendre ces paroles : « Si vous ne croyez pas, vous ne comprendrez pas. » (Is 7, 9, selon la vers. des Sept.)
Il faisait sortir ses brebis, quand il les envoyait non loin des loups, mais au milieu même des loups. Le Sauveur paraît faire ici allusion à l'aveugle, car en l'appelant, il l'a comme fait sortir du milieu des Juifs.
Vous avez vu la description du voleur, voici celle du pasteur : « Mais celui qui entre par la porte est le pasteur des brebis. »
Rien ne s'oppose à ce que ce portier soit Moïse, car c'est à lui qu'a été confié le dépôt des oracles de Dieu.
Les bergers font le contraire de ce qui est ici marqué, et marchent après leur troupeau. Nôtre-Seigneur nous apprend qu'il agit tout différemment, parce qu'il conduit ses brebis à la vérité.
Nôtre-Seigneur venait de convaincre les Juifs d'aveuglement, mais ils pouvaient lui répondre : Ce n'est point par aveuglement que nous ne vous suivons pas, nous nous séparons de vous comme d'un imposteur, il veut donc leur prouver que loin d'être un imposteur, il est le véritable pasteur, en donnant les signes distinctifs de l'un et de l'autre, et d'abord le signalement de l'imposteur et du voleur : « En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui n'entre point par la porte dans la bergerie, mais qui y monte par un autre endroit, est un voleur et un larron. » Nôtre-Seigneur désigne ici indirectement tons ceux qui sont venus avant lui et ceux qui doivent paraître après lui, l'Antéchrist et les faux prophètes. Les saintes Ecritures sont la porte, car ce sont elles qui ouvrent l'intelligence à la connaissance de Dieu, elles servent d'ailleurs à garder les brebis et ne laissent point approcher les loups, c'est-à-dire, les hérétiques qu'elles empêchent d'entrer dans la bergerie. Celui donc qui, laissant là les Ecritures, veut monter par un autre endroit, et s'ouvre un chemin particulier et non autorisé, est un voleur. Le Sauveur dit : « Il monte, » et non pas : « Il entre, » à l'exemple du voleur qui cherche à escalader le mur de clôture, et s'expose pour cela à tous les dangers. Nôtre-Seigneur ajoute : « Par un autre endroit, » et il désigne à mots couverts les scribes, qui enseignaient des maximes et des doctrines tout humaines, et transgressaient ouvertement la loi. S'il déclare plus bas qu'il est lui-même la porte, il ne faut pas s'en étonner, il s'appelle la porte et pasteur sous des rapports différents. Il est la porte, parce qu'il nous amène à son Père, et il est notre pasteur, parce qu'il nous conduit et nous dirige.
Comme les Juifs traitaient Jésus d'imposteur et confirmaient cette opinion par leur incrédulité, en disant : « Qui d’entre les princes du peuple a cru en lui ? » il leur signifie que pour avoir refusé de l'écouter, ils sont exclus du nombre de ses brebis : « Et les brebis entendent sa voix. » Si en effet, c'est un signe distinctif du pasteur d'entrer par la porte, comme Nôtre-Seigneur lui-même est entré, c'est se séparer du troupeau de ses brebis que de refuser d'écouter sa voix.
Ces étrangers sont les partisans de Théodas et de Judas (Ac 6, 36-37), et de tous les faux apôtres qui, après eux devaient tromper le peuple de Dieu. Or, pour n'être point confondu avec eux, il fait voir les différents caractères qui l'en séparent ; d'abord la doctrine des Ecritures, par lesquelles Jésus-Christ amenait les hommes à lui, tandis que les autres en détournaient les hommes ; en second lieu, l'obéissance que les brebis avaient pour lui, car les hommes ont cru en lui, non-seulement pendant sa vie, mais après sa mort, tandis que ces faux pasteurs furent bientôt abandonnés de ceux qui les avaient suivis.