Jean 10, 42
Et là, beaucoup crurent en lui.
Et là, beaucoup crurent en lui.
Deuxième motif : Tout ce que (πάντα δὲ ὅσα , expression énergique : tout en général, et chaque
chose en particulier) Jean a dit de lui (avec emphase) était vrai (ἀληθῆ). Les faits avaient pleinement
confirmé les témoignages de Jean-Baptiste. Toute cette phrase, dans le texte grec, appartient encore au v.
41. - Et beaucoup crurent. Belle conclusion pratique du raisonnement. Beaucoup étaient accourus auprès
de Jésus (v. 41), beaucoup crurent en lui (en lui, et pas seulement « le crurent ». Cf. 1, 12 et le
commentaire). - Le grec ajoute ἐκεῖ, « ici », opposant ainsi la foi des humbles habitants de la Pérée à
l'incrédulité fanatique des « Juifs » de Jérusalem.
1427. Après avoir montré qu’il a une puissance vivificatrice, et laissé entendre la manière qu’il a de vivifier, le Seigneur montre ici sous quel aspect [secundum quid] la puissance vivificatrice lui convient. Et d’abord l’Évangéliste souligne la dissension qui était née de cela parmi les foules, entre elles, puis la discussion des chefs des Juifs avec le Christ .
A. LA DISSENSION DES FOULES
Ici, il fait trois choses : d’abord il montre la dissension même des foules, il ajoute ensuite l’opinion d’une partie de ceux qui sont divisés , puis il apporte la saine affirmation de l’autre partie .
1428. Une dissension s’éleva parmi les foules qui avaient entendu le Christ, à partir de ses paroles. C’est ce que dit ici l’Évangéliste IL Y EUT DE NOUVEAU UNE DISSENSION PARMI LES JUIFS À CAUSE DE CES PAROLES. En effet, aussi longtemps que certains comprenaient ces paroles d’une manière droite, et d’autres non, ils ne s’entendaient pas les uns les autres — Je ne suis pas venu apporter la paix, mais le glaive, à savoir le glaive de la doctrine évangélique auquel les uns croient et que les autres contredisent — La lutte a été répandue parmi les princes .
1429. L’opinion d’une partie de ceux qui sont divisés est fausse. Et il dit BEAUCOUP, parce que le nombre des sots est infini. ILS DISAIENT : "IL A UN DÉMON ET IL EST FOU." Car l’habitude des sots est d’interpréter toujours en mal les choses douteuses, alors que c’est le contraire cependant qui doit se produire. C’est pourquoi il arrive qu’ils blasphèment tout ce qu’ils ignorent, comme il est dit dans l’épître canonique de Jude. Parce que donc ils ne s’efforçaient pas de comprendre les paroles du Seigneur — en effet la lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas comprise —, ils blasphèment en disant : IL A UN DÉMON ET IL EST FOU. Et ils s’efforcent de détourner les autres de lui en disant : POURQUOI L’ÉCOUTEZ-VOUS?
Or ceux qui blasphèment attribuent au Christ deux choses. D’abord qu’il a un démon. Comme s’ils disaient : ce n’est pas par l’Esprit-Saint qu’il parle mais par un esprit malin. Il est dit pareillement dans le livre des Actes des Apôtres, au sujet de Paul : Il est l’annonciateur de démons nouveaux . Or il arrive que quelqu’un ait un démon comme un proche et un familier; et bien qu’un tel homme soit toujours fou d’une manière spirituelle, il ne l’est pas toujours d’une manière corporelle. Mais il arrive que ce soit au point d’être possédé par le démon : et celui-là est toujours fou, même d’une manière corporelle. C’est pourquoi ils disaient : Il est devenu fou .
En second lieu, pour montrer que le Christ a ainsi un démon, ils disent : ET IL EST FOU — De nombreuses connaissances te conduisent à la folie . Rien d’étonnant à ce qu’ils blasphèment, parce qu’ils sont sans intelligence et, comme il est dit, L’homme sans intelligence ne perçoit pas ce qui vient de l’Esprit de Dieu .
1430. Mais le jugement et l’affirmation de l’autre partie condamnent de deux manières l’opinion émise auparavant. D’abord par le poids des paroles. C’est pourquoi l’Evangéliste dit : D’AUTRES, ceux qui appréciaient les choses d’une manière droite, DISAIENT : "CES PAROLES NE SONT PAS DE QUELQU’UN QUI A UN DÉMON" comme s’ils disaient : à partir d’elles, il semble qu’il ne soit pas fou puisque ces paroles sont ordonnées et ont du poids. Plus haut il est dit : Seigneur, à qui irons-nous? Tu as les paroles de la vie éternelle . C’est pourquoi Paul dit : Je ne suis pas fou, très excellent Festus, mais je dis des paroles de vérité et de mesure .
En second lieu par la grandeur du miracle; c’est pourquoi ils disent : EST-CE QU’UN DÉMON PEUT OUVRIR LES YEUX DES AVEUGLES? Autrement dit : ce miracle n’était-il pas en effet très grand? Et c’est pourquoi ils croyaient avec justesse qu’il ne pouvait être fait que par la puissance de Dieu — Si celui — ci n’était pas de Dieu, il ne pourrait rien faire .
1431. Or il faut savoir qu’il y a certains miracles qui peuvent être faits par la puissance des démons et des anges, mais qu’il en existe certains qui ne peuvent en aucune façon être faits par leur puissance. En effet, ceux qui sont au-delà de l’ordre de la nature, aucune créature, quelle qu’elle soit, ne peut les faire par sa propre puissance, puisqu'elle-même est soumise aussi aux lois de la nature. Mais Dieu seul, qui est au-delà de la nature, peut œuvrer au-delà de l’ordre de la nature. Donc tout ce qu’opère une créature est nécessairement soumis à l’ordre de la nature.
A partir de cela il est évident que tout ce qui peut être fait selon l’ordre de la nature, un ange bon comme un mauvais peut le faire quand cela lui est permis. Ainsi, selon les semences qui, dans les réalités naturelles, sont ordonnées à la génération des animaux, ils peuvent produire la génération de ces animaux; c’est ce que firent les mages de Pharaon, comme on le trouve dans le livre de l’Exode. Et, pareillement, ils peuvent changer la qualité de la nature d’une chose par des réalités naturelles qui sont ordonnées à cela — ils peuvent guérir des infirmes .
Mais les choses qui transcendent tout à fait l’ordre de la nature ne peuvent être accomplies que par Dieu, ou bien par des anges bons et des hommes saints — par la puissance de Dieu qu’ils conquièrent en priant. De telles choses sont l’illumination des aveugles et la résurrection des morts en effet, la puissance de la nature ne peut s’étendre jusqu’à restituer des yeux et ressusciter des morts. Et c’est pourquoi un démon ne peut ouvrir les yeux des aveugles ni ressusciter les morts : cela n’appartient qu’à Dieu seul et aux saints dans la puissance de Dieu.
B. LA DISCUSSION DES CHEFS DES JUIFS AVEC LE CHRIST
1432. À partir d’ici est exposée la discussion qui a été provoquée par les chefs des Juifs avec le Christ; et d’abord l’Evangéliste présente l’interrogation des Juifs,
L’interrogation des Juifs.
Au sujet du premier point il fait deux choses il décrit les circonstances de l’interrogation quant au temps , quant au lieu et quant aux personnes qui interrogent ; puis il expose l’interrogation elle-même ; puis il donne la réponse du Christ ; enfin il introduit l’effet de la réponse .
1433. [Il décrit les circonstances de l’interrogation] quant au temps d’abord d’une manière particulière, en disant : OR IL Y EUT LA FÊTE DE LA DÉDICACE [ENCAENIA] À JÉRUSALEM.
Pour avoir l’intelligence de ce passage, il faut savoir que, comme le dit Augustin, cette fête des encénies correspondait à la festivité de la dédicace dans les églises. En effet, Kaivôv en grec est la même chose que novum en latin. C’est pourquoi le terme encaenia veut dire la même chose que "inauguration". Et cela devient même comme un usage commun de parler quand quelque chose de nouveau est consacré à un usage, on dit qu’il est inauguré [encaeniari] OR IL Y EUT LA FÊTE DE LA DÉDICACE [ENCAENIA] À JÉRUSALEM, c’est-à-dire la fête et la mémoire de la consécration du Temple. Car à chaque fois que de nouveau on consacre une église au culte divin, on accomplit la fête de cette consécration même, et chaque année, le même jour, [on la célèbre] en mémoire de cela. C’est ainsi que les Juifs célébraient chaque année la fête de la Dédicace, c’est-à-dire la mémoire de la dédicace du Temple.
1434. Mais pour savoir la raison de la fête de la consécration et sa cause, il faut noter que toutes les fêtes sont célébrées dans l’Eglise en commémoration des bienfaits divins — Je me souviendrai des miséricordes du Seigneur ; et dans le psaume, David, après avoir commémoré les nombreux bienfaits de Dieu en disant Confessez, le Seigneur, parce qu’il est bon , ajouta Etablissez un jour solennel .
Nous commémorons de trois manières les bienfaits divins qui nous sont prodigués. Parfois en tant qu’ils nous sont prodigués en notre Tête , à savoir le Christ; et ainsi nous célébrons la fête de la Nativité et de la Résurrection, et d’autres. Parfois en tant qu’ils nous sont prodigués dans ceux qui sont membres [du Christ] avec nous, c’est-à-dire dans les saints qui sont les membres de ’Eglise. Et cela à juste titre, parce que comme le dit l’Apôtre dans la première épître aux Corinthiens : Si un membre est glorifié, tous les membres se réjouissent avec lui Et ainsi nous célébrons la fête de Pierre et Paul, et des autres saints. Parfois en tant que les bienfaits divins sont prodigués à toute l’Eglise; par exemple dans le ministère des sacrements et dans les autres [bienfaits] qui sont conférés d’une manière commune à l’Eglise. Or la maison d’ici-bas [materialis] est comme le, signe du rassemblement des fidèles de l’Eglise, et c’est aussi en elle que tous les sacrements de la grâce sont dispensés. C’est pourquoi, en mémoire des bienfaits eux-mêmes nous célébrons la fête de la dédicace de ’Eglise. Et certes cette fête est plus grande que la fête d’un saint, de même que les bienfaits conférés à toute l’Eglise, dont nous célébrons la mémoire, surpassent le bienfait conféré à un saint qui est commémoré au jour de sa fête.
1435. Il faut savoir cependant que le Temple, à Jérusalem, avait été consacré à trois reprises. D’abord par Salomon, comme on le rapporte dans le premier livre des Rois . En second lieu au temps d’Esdras, par Zorobabel et Josué le grand prêtre, comme le rapporte le livre d’Esdras . Enfin par Judas Macchabée et ses frères qui montèrent à Jérusalem pour rebâtir les lieux saints . Or cette fête des encénies n’a pas été célébrée en mémoire de la dédicace accomplie par Salomon, parce que cela eut lieu en automne, à savoir le septième mois; ni en mémoire de la dédicace accomplie au temps d’Esdras, parce que celle-ci eut lieu au printemps, à savoir au neuvième jour de mars. Mais elle a été célébrée en mémoire de la dédicace accomplie par Judas Macchabée et ses frères au temps de l’hiver.
Et c’est pourquoi, pour le rappeler, il décrit en second lieu le temps d’une manière générale, en disant ET C’ÉTAIT L’HIVER. Et cela a aussi une cause mystique. Comme le dit Grégoire , l’Évangéliste eut soin d’exprimer que le temps était celui de l’hiver, pour indiquer que le froid, à savoir celui de la malice des Juifs, était présent au cœur des auditeurs — De même que la citerne rend son eau froide, ainsi a t-elle rendu sa malice . De cet hiver il est dit dans le Cantique : Car voici que l’hiver est passé, la pluie a cessé, elle s’en est allée .
1436. Ici, il décrit le lieu. D’abord d’une manière générale : DANS LE TEMPLE — Le Seigneur dans son temple saint , puis d’une manière particulière : SOUS LE PORTIQUE DE SALOMON.
Il faut savoir en effet qu’on n’appelle pas "Temple" seulement le corps [du Temple] lui-même, mais aussi les portiques qui se trouvent autour, dans lesquels le peuple se tenait debout pour prier; car dans le Temple [lui-même] seuls les prêtres priaient. Et on appelle portique de Salomon ce lieu dans lequel Salomon se tint debout quand il pria, après avoir accompli la dédicace du Temple — Salomon se tint donc debout en face de toute l’assemblée d’Israël .
1437. Mais le Temple que Salomon avait édifié fut détruit pareillement ce portique ne doit donc pas être dit "portique de Salomon".
Je réponds. Il faut dire que le Temple a été restauré sur le modèle du premier. Et c’est pourquoi, de même qu’auparavant le portique était dit "portique de Salomon", de même plus tard, par respect pour celui-ci.
1438. Les personnes qui interrogent, il les décrit quant à leur malice. C’est pourquoi il dit : LES JUIFS DONC L’ENTOURÈRENT, froids, loin de la charité qui fait aimer fa cantate diligendl], mais brûlants de l’avidité de nuire, pour s’approcher avec l’intention de l’encercler, et pour l’encercler en le bloquant avec l’intention de le poursuivre jusqu’au bout — De nombreux taureaux m’ont encerclé, de fortes bêtes m’ont assiégé. — Ephraïm m’a entouré de mensonges
1439. Puis il expose l’interrogation des Juifs .
Et d’abord il souligne la cause fictive de l’interrogation, quand il dit : JUSQUES À QUAND TIENDRAS-TU NOTRE ÂME EN SUSPENS? Ils parlent en vils flatteurs, voulant montrer par là qu’ils désirent savoir la vérité à son sujet. Comme s’ils disaient notre âme, par le désir, est en suspens aussi longtemps que tu nous laisses enchaînés . — L’espérance qui est différée afflige l’âme .
C’est pourquoi ils ajoutent une interrogation en disant : SI TU ES LE CHRIST, DIS-LE-NOUS OUVERTEMENT. Là, remarque d’abord leur perversité. Parce qu’ils s’indignent contre le Christ du fait qu’il se dit Fils de Dieu, comme il est dit plus haut , ils ne l’interrogent pas [pour savoir] s’il est Fils de Dieu, mais ils disent : SI TU ES LE CHRIST, DIS-LE-NOUS OUVERTEMENT, afin de pouvoir avoir par là matière à l’accuser devant Pilate, comme séditieux et convoitant le royaume, ce qui était contre César et odieux aux Romains. C’est pourquoi Pilate, quand les Juifs accusaient le Christ parce qu’il se faisait Fils de Dieu, n’en eut cure. Mais quand ils lui dirent Quiconque se fait roi s’oppose à César , il commença à s’inquiéter davantage par rapport à lui. Et c’est pourquoi ils disent SI TU ES LE CHRIST, ou roi, ou oint, DIS-LE-NOUS OUVERTEMENT. Considère ensuite leur indignité : ils disent OUVERTEMENT, comme s’ils disaient : "Jusque-là, il n’a pas enseigné publiquement, mais comme en secret", alors que cependant il disait tout ouvertement, assistant toujours aux fêtes, et ne parlait en rien d’une manière cachée — Moi j’ai parlé au monde ouvertement et je n’ai rien dit en secret .
La réponse du Christ.
1440. Ici, il expose la réponse du Christ : il souligne leur infidélité en montrant que ce qu’ils avaient dit était faux, à savoir qu’ils désiraient connaître la vérité, disant : JUSQUES À QUAND TIENDRAS-TU NOTRE ÂME EN SUSPENS?
Et cela sous deux aspects. D’abord parce qu’ils ne croyaient pas à ses paroles. Et quant à cela, il affirme : JE VOUS L’AI DIT, ET VOUS NE CROYEZ PAS. Autrement dit, vous me dites : SI TU ES LE CHRIST, DIS-LE NOUS OUVERTEMENT. Mais moi JE VOUS L’AI DIT, c’est-à-dire : je vous dis la vérité; et vous VOUS NE CROYEZ PAS — Si je vous le dis, vous ne le croirez pas .
En second lieu, parce qu’ils ne croient pas à ses œuvres. D’abord il montre leur incrédulité à l’égard des œuvres mêmes; puis la raison de l’incrédulité .
1441. Quant au premier point, il dit LES ŒUVRES QUE MOI JE FAIS... Autrement dit : ce n’est pas par la parole seule que vous pouvez être persuadés, comme vous [le] simuliez; ni même par tant d’œuvres QUE MOI JE FAIS AU NOM DE MON PÈRE, c’est-à-dire pour sa gloire. CELLES-CI RENDENT TÉMOIGNAGE À MON SUJET, parce qu’elles ne peuvent être faites que par Dieu. C’est pourquoi, à partir d’elles, il apparaît d’une façon manifeste que je suis venu de Dieu — Tout arbre est reconnu à son fruit — Les œuvres que moi je fais, me rendent témoignage . MAIS VOUS, VOUS NE CROYEZ PAS. Plus loin il est dit : Bien qu’il eût donc fait tant de signes, ils ne croyaient pas en lui . Et c’est pourquoi ils Sont inexcusables Si je n'avais pas fait parmi eux les œuvres que nul autre n’a faites, ils n’auraient pas de péché. Mais maintenant ils ont vu et ils m’ont haï, moi et mon Père .
1442. Or, la raison de leur incrédulité, c’est leur séparation d’avec les brebis du Christ. C’est pourquoi il dit : VOUS NE CROYEZ PAS, PARCE QUE VOUS N’ÊTES PAS DE MES BREBIS.
À ce sujet, il montre d’abord leur exclusion de l’assemblée des brebis du Christ, puis la dignité des brebis ; enfin il prouve quelque chose qu’il avait dit .
1443. Il souligne leur séparation d’avec ses brebis, en disant : VOUS N’ÊTES PAS DE MES BREBIS, c’est-à-dire prédestinés à croire, mais connus d’avance pour la perdition éternelle Le fait même en effet que nous croyons nous vient de Dieu — Il vous a été donné, non pas seulement de croire en lui-même, mais encore de souffrir pour lui — Vous êtes sauvés par la grâce [...] et non à partir de vous-mêmes : c’est un don de Dieu . Et cela certes n’est donné à nul autre que celui pour qui cela a été préparé depuis l’éternité. Et c’est pourquoi ceux-là seuls croient en lui-même qui ont été destinés d’avance à cela par Dieu, par la prédestination éternelle : Crurent tous ceux qui étaient destinés d’avance à la vie éternelle Et encore ce passage du même livre C’est par la grâce de Notre-Seigneur Jésus-Christ que nous croyons être sauvés .
1444. Mais doit-on dire à quelqu’un qu’il n’a pas été prédestiné? Il semble que non, puisqu’en effet personne ne peut être sauvé s’il n’a été prédestiné; si on dit à quelqu’un qu’il n’a pas été prédestiné, on semble le pousser au désespoir. Donc le Seigneur, en disant aux Juifs VOUS NE CROYEZ PAS, PARCE QUE VOUS N’ÊTES PAS DE MES BREBIS, les poussait à désespérer.
Réponse. Il faut dire que, dans cette foule, il y avait quelque chose de commun à tous, à savoir qu’ils n’étaient pas destinés d’avance par Dieu à croire à ce moment-là. Et il y avait quelque chose de spécial, à savoir que quelques-uns parmi eux étaient destinés d’avance à croire par la suite : et c’est pourquoi ils crurent plus tard, comme on voit, aux Actes des Apôtres, que trois mille parmi les Juifs crurent en un jour . Mais il y en avait certains qui n’étaient pas destinés d’avance à cela. Il n’était donc pas contraire à l’espérance de dire que dans la foule, où certains étaient destinés d’avance à croire par la suite, il s’en trouvait qui n’étaient pas des brebis : parce que personne ne pouvait soupçonner cela d manière déterminée à son propre sujet, alors que le dire d’une personne d’une manière déterminée aurait été contraire à l’espérance.
1445. Il établit ici la dignité de ses brebis. Il montre quatre choses. Deux choses de notre côté, que nous faisons par rapport au Christ; et deux du côté du Christ, que lui-même fait en nous, correspondant en retour à ce que nous faisons à son égard.
1446. La première chose, que nous, nous faisons, est d’obéir au Christ; et quant à cela il dit : MES BREBIS, c’est-à-dire, par prédestination, ÉCOUTENT MA VOIX, en croyant, et en obéissant à mes commandements — Aujourd’hui si vous écoutez sa voix, n'endurcissez pas votre cœur .
1447. La seconde, celle que le Christ fait et qui correspond à la première [celle que nous faisons], est son amour et son approbation ; et quant à cela il dit : ET MOI JE LES CONNAIS, autrement dit : je les aime et je les approuve — Le Seigneur connaît ceux qui sont les siens . Si elles m’écoutent, c’est parce que MOI JE LES CONNAIS, en les choisissant depuis toujours.
Mais si personne ne peut croire autrement que si cela lui est donné par Dieu, il semble que l’infidélité ne puisse être imputée à qui que ce soit.
A cela il faut répondre qu’elle est imputée [à ceux qui ne croient pas] parce qu’en eux est la cause pour laquelle il ne leur est pas donné de croire. De même moi, je ne peux voir la lumière si je ne suis illuminé par le soleil. Mais si je fermais les yeux, je ne verrais pas la lumière, ce qui ne viendrait pas du soleil mais de moi, qui, en fermant les yeux, fais naître la cause par laquelle je ne suis pas illuminé.
Or le péché est la cause pour laquelle nous ne sommes pas illuminés par Dieu par le moyen de la foi, par exemple le péché originel ou bien aussi, pour certains, le péché actuel. Et certes cette cause se trouve en tous. C’est pourquoi tous ceux qui sont écartés le sont par le juste jugement de Dieu, et ceux qui sont choisis sont pris et élevés par la miséricorde de Dieu.
1448. La troisième chose, qui est de nous, est l’imitation du Christ; et quant à cela il dit : ET ELLES ME SUIVENT — Mon pied a suivi ses traces — Le Christ a souffert pour nous, vous laissant l’exemple pour que vous suiviez ses traces .
1449. La quatrième chose, correspondant à la troisième, est, de la part du Christ, l’attribution d’une récompense; et quant à cela il dit : ET MOI JE LEUR DONNE LA VIE ÉTERNELLE, comme s’il disait : celles-ci mêmes me suivent en s’avançant ici sur le chemin de la douceur et de l’innocence. Et moi je ferai que plus tard elles me suivent, en entrant vers les joies de la vie éternelle.
Le Seigneur montre de trois manières que cette récompense ne peut faire défaut. Car quelque chose peut faire défaut de trois manières. Premièrement par sa nature, [ici celle] de la récompense elle-même, par exemple si elle est corruptible; mais cette récompense est incorruptible quant à sa nature, c’est pourquoi il dit : JE LEUR DONNE LA VIE ÉTERNELLE, qui est la jouissance incorruptible et immortelle de Dieu. Plus bas il est dit : Cette vie éternelle c’est qu’ils te connaissent, toi, le seul véritable Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ . Et comme le dit Augustin ce sont les pâturages dont il avait parlé plus haut. Et la vie éternelle où aucune herbe ne se dessèche, où tout est vert, est dite "bon pâturage ".
En second lieu, quelque chose peut manquer à cause d’une déficience de celui qui reçoit, quand celui-ci est déficient et quand il garde mal. Mais cela n’arrivera pas dans cette récompense; c’est pourquoi il dit : ET ELLES NE PÉRIRONT JAMAIS, c’est-à-dire les brebis. Ceci va contre Origène, qui dit que parfois les saints qui sont dans la gloire ont pu pécher Mais le Seigneur dit : ELLES NE PÉRIRONT JAMAIS, parce qu’elles sont gardées à jamais — Celui qui aura vaincu, je le ferai colonne dans le Temple de mon Dieu, et il n'en sortira plus jamais .
En troisième lieu, quelque chose peut faire défaut à cause de la violence de celui qui arrache. Peut-être en effet Adam n’aurait-il pas été chassé si le séducteur n’avait été présent. Dans la vie éternelle, cela ne sera pas; c’est pourquoi il dit : ET NUL NE LES ARRACHERA, c’est-à-dire les brebis, DE MA MAIN, à savoir de ma protection et de ma puissance — Les âmes des justes sont dans la main de Dieu . En effet, comme le dit Augustin : "Là, ni le loup ne ravit, ni le voleur n’enlève, ni le bandit ne tue ."
1450. Ici, il prouve ce qu’il avait dit plus haut au sujet de la dignité des brebis, à savoir : NUL NE LES ARRACHERA DE MA MAIN, par le raisonnement suivant : ce qui est dans la main de mon Père, nul ne peut le ravir; or la main du Père et la mienne sont la même : donc ce qui est dans ma main, nul ne peut le ravir.
A ce sujet, il fait trois choses. D’abord il expose la mineure, en manifestant la communication de la divinité qui lui est transmise par le Père, lorsqu’il dit : CE QUE MON PÈRE M’A DONNÉ, par la génération éternelle, EST PLUS GRAND QUE TOUT.
Plus haut, il est dit : De même que le Père a la vie en lui-même, ainsi a-t-il donné au Fils d’avoir la vie en lui-même. De même, [ce que le Père lui a donné] est aussi PLUS GRAND par le pouvoir : Il lui a donné pouvoir d’exercer le jugement, parce qu’il est Fils d’homme Et c’est aussi PLUS GRAND par la révérence et l’honneur : Il lu a donné le nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse . C’EST donc PLUS GRAND QUE TOUT, CE QUE LE PÈRE M’A DONNÉ, à savoir "d’être son Verbe, d’être son Fils unique, et d’être la splendeur de sa lumière ".
En second lieu, il souligne l’excellence de la puissance du Père — ce qui se rapporte à la majeure — quand il dit : ET NUL NE PEUT RIEN ARRACHER, c’est-à-dire enlever par violence ou soustraire par ignorance, DE LA MAIN, c’est-à-dire de la puissance, DE MON PÈRE, ou de moi qui suis la puissance du Père ; bien qu’il soit mieux de le dire de la puissance du Père que de moi, comme Augustin le dit . C’est pourquoi NUL NE PEUT RIEN ARRACHER DE LA MAIN DU PÈRE, parce que lui-même est le plus fort, lui à qui violence ne peut être faite, et le plus sage, lui en qui ne se trouve pas d’ignorance — Il est sage dans son cœur, et courageux dans sa force .
Enfin il montre son unité avec le Père, de laquelle suit la conclusion. C’est pourquoi il dit : MOI ET LE PÈRE NOUS SOMMES UN. Autrement dit : NUL NE LES ARRACHERA DE MA MAIN, parce que MOI ET LE PÈRE NOUS SOMMES UN, c’est-à-dire par l’unité de l’essence. Car la nature du Père et du Fils est la même.
1451. On exclut par là deux erreurs : celle d’Arius, qui divisait l’essence, celle de Sabellius qui confondait les personnes, de telle sorte qu’ainsi nous sommes délivrés de Charybde comme de Scylla. Du fait qu’il dit UN, il te libère d’Arius, car s’il est un, il n’est donc pas divers. Mais par le fait qu’il dit NOUS SOMMES, il te libère de Sabellius : si en effet NOUS SOMMES, c’est donc le Père et le Fils.
Mais cela, les ariens plus tard ont prétendu le nier par un mensonge de leur impiété, en disant que la créature en quelque manière est une avec Dieu. C’est pourquoi le Fils peut, de cette manière, être un avec le Père.
Mais il est évident que cela est faux, pour trois raisons. D’abord par la manière même de parler. Il est manifeste en effet que "un" est dit comme ce-qui-est . C’est pourquoi, de même que quelque chose n’est dit être d’une manière première et absolue [simpliciter] que selon la substance, de même cela n’est dit "un" que selon la substance ou la nature. Or ce qui est dit d’une manière première et absolue [simpliciter] l’est sans aucune addition. Donc, parce qu’ici il est dit simplement : MOI ET LE PÈRE NOUS SOMMES UN, sans que rien d’autre soit ajouté, il est manifeste qu’ils sont un selon la substance et la nature. Mais jamais on ne trouve que Dieu et une créature soient un sans que quelque chose soit ajouté : Celui qui adhère à Dieu est un seul esprit avec lui Il est donc évident que le Fils de Dieu n’est pas un avec le Père comme la créature.
En second lieu, [cela est faux du fait de ce qu’il avait dit] plus haut, à savoir : CE QUE MON PÈRE M’A DONNÉ EST PLUS GRAND QUE TOUT. Il conclut ensuite : MOI ET LE PÈRE NOUS SOMMES UN, comme s’il disait : nous sommes un pour autant que CE QU’IL M’A DONNÉ EST PLUS GRAND QUE TOUT. Ce qui ne peut être compris que de sa nature et de son essence, autrement ce ne serait pas plus grand que tout.
Enfin, [que ce soit faux,] c’est évident de par son intention : car le Seigneur prouve que nul ne les arrachera de sa main par le fait que nul ne peut rien arracher de la main de son Père. Ce qui ne s’ensuivrait pas si sa puissance était moindre que celle de son Père. Donc le Père et le Fils sont un par la nature, l’honneur et la puissance.
L’effet de la réponse du Christ.
1452. La doctrine du Christ ayant été exposée, l’Evangéliste montre l’effet de son enseignement sur les Juifs. D’abord le Seigneur blâme leur fureur; ensuite il refuse le blasphème qu’on lui attribue ; enfin il esquive leur obstination .
1453. Au sujet du premier point il fait deux choses. D’abord il expose la fureur des Juifs, fureur dont ils s’enflammaient pour lapider le Christ; c’est pourquoi il dit : LES JUIFS APPORTÈRENT DONC DE NOUVEAU DES PIERRES POUR LE LAPIDER.
En effet, parce qu’ils étaient durs et ne pouvaient comprendre les profondes paroles du Seigneur, semblables à des pierres ils courent vers les pierres . — Pendant que je leur parlais, ils me combattaient sans raison .
1454. Puis, en ajoutant : JE VOUS AI MONTRÉ BEAUCOUP DE BONNES ŒUVRES, le Seigneur blâme leur fureur; et d’abord il rappelle les bienfaits qu’il leur a témoignés. Ensuite il blâme leur fureur.
Il rappelle les bienfaits qu’il leur a témoigné dans les guérisons des infirmes, en leur prodiguant un enseignement et des miracles. C’est pourquoi JÉSUS LEUR RÉPONDIT : "JE VOUS AI MONTRÉ BEAUCOUP DE BONNES ŒUVRES en guérissant, en prêchant, en accomplissant des miracles — Il a bien fait toutes choses — VENANT DE MON PÈRE", dont j’ai cherché la gloire à travers tout. Plus haut il est dit : Je ne cherche pas ma gloire, mais celle de celui qui m’a envoyé .
Il blâme leur fureur en disant : POUR LAQUELLE DE CES ŒUVRES ME LAPIDEZ-VOUS? comme s’il disait : il fallait honorer le bienfaiteur, non le lapider. De même il est dit : Rend-on le mal pour le bien?
1455. Le Seigneur se soustrait main tenant à l’accusation du blasphème; on souligne d’abord le blasphème qui lui est imputé par les Juifs, puis sa réfutation par le Christ .
1456. Là se présentent cinq choses à considérer. La première semble se rapporter au motif de la lapidation, qui est le blasphème. Il est prescrit en effet que ceux qui blasphèment seront lapidés — Fais sortir le blasphémateur hors du camp, tous ceux qui ont entendu poseront leurs mains sur sa tête, et le peuple tout entier le lapidera Et quant à cela, ils disent : CE N’EST PAS POUR UNE BONNE ŒUVRE QUE NOUS TE LAPIDONS, MAIS POUR UN BLASPHÈME.
La seconde est qu’ils spécifient le blasphème lui-même. Car blasphémer, ce n’est pas seulement attribuer à Dieu ce qui ne lui convient pas, mais attribuer à quelqu’un d’autre ce qui appartient à Dieu seul. Ainsi, blasphémer, c’est non seulement dire que Dieu est un corps, mais aussi dire qu’une créature peut créer. C’est pourquoi ils disaient : Celui-ci blasphème. Qui peut remettre les péchés, si ce n'est Dieu seul ? Donc les Juifs disaient que le Seigneur était un blasphémateur, non de la première manière, mais en usurpant pour lui-même ce qui était le propre de la divinité. C’est pourquoi ils disaient : PARCE QUE TOI, ALORS QUE TU ES UN HOMME, TU TE FAIS TOI-MÊME DIEU.
La troisième chose est que les Juifs comprirent mieux que les ariens la parole que le Christ avait dite : MOI ET LE PÈRE NOUS SOMMES UN. Ainsi, ils sont en colère parce qu’ils comprirent qu’on ne peut dire : MOI ET LE PÈRE NOUS SOMMES UN que là où existe une égalité entre le Père et le Fils , Et c’est ce qu’ils disent : TOI, TU TE FAIS TOI-MÊME DIEU. Ils ne lui disent pas : "tu te dis Dieu", parce que, ce que le Christ dit, ils ne le reconnaissent pas.
La quatrième chose est celle-ci : si grande est la distance entre Dieu et l’homme qu’il leur était incroyable que le même, qui est un homme, soit aussi Dieu. C’est pourquoi ils disent clairement PARCE QUE TOI, ALORS QUE TU ES UN HOMME, TU TE FAIS TOI-MÊME DIEU. Et cependant ils auraient pu être écartés de cette incrédulité par ce qui est dit dans le psaume : Qu’est-ce que l’homme pour que tu te souviennes de lui, le fils de l’homme pour que tu le visites ? — Moi je vais faire en vos jours une œuvre que personne ne croirait si on la racontait c’est-à-dire l’œuvre de l’Incarnation, excédant toute pensée.
La cinquième chose est qu’ils se contre disent eux-mêmes dans leurs propres paroles. Car d’une part ils confessent que le Christ fait de bonnes œuvres, en disant : CE N’EST PAS POUR UNE BONNE ŒUVRE QUE NOUS TE LAPIDONS; et de l’autre ils lui attribuent un blasphème, à savoir qu’il usurpe pour lui faussement l’honneur de Dieu. Et certes ces choses sont contraires il ne pourrait faire des miracles provenant de Dieu s’il blasphémait Dieu, parce que comme il est dit : Un bon arbre ne peut produire des mauvais fruits, ce qui a lieu au plus haut point dans le Christ.
1457. Ici il récuse le blasphème dont on l’a accusé. D’abord il présente sa défense, puis il montre la vérité de ce qu’il a dit .
Il se disculpe par l’autorité de l’Ecriture. C’est pourquoi d’abord il se fonde sur l’autorité de l’Écriture; ensuite il ouvre leur intelligence ; enfin, à partir de cela, il conclut .
1458. Il dit donc JÉSUS LEUR RÉPONDIT : "N’EST-IL PAS ÉCRIT DANS VOTRE LOI," à savoir dans le psaume "MOI J’AI DIT, VOUS ÊTES DES DIEUX"?
Là il faut savoir que, dans l’Ecriture, le mot "Loi" s’entend de trois manières. Parfois, certes, d’une manière universelle pour l’Ancien Testament tout entier, selon qu’il contient les cinq livres de Moïse, les Prophètes et les hagiographes . Et c’est en ce sens-là qu’est pris ici DANS VOTRE LOI, c’est-à-dire dans l’Ancien Testament, parce que cela est écrit dans les Psaumes : c’est pourquoi il est dit "Loi", parce que l’Ancien Testament tout entier se rapporte à l’autorité de la Loi.
Parfois, la "Loi" est prise en tant qu’elle se distingue des Prophètes, des Psaumes et des hagiographes, selon ce qui est dit dans saint Luc : Il faut que s’accomplisse tout ce qui est écrit de moi dans la Loi, les Prophètes et les Psaumes .
Parfois, la "Loi" est prise en tant que séparée seulement des Prophètes. Et ainsi les Psaumes et les autres livres de l’Ancien Testament, excepté le Pentateuque, sont inclus dans les Prophètes, du fait que c’est par un esprit prophétique que l’Ecriture de l’Ancien Testament est venue au jour. Et c’est de cette manière qu’elle est prise en saint Matthieu : A ces deux commandements est suspendue toute la Loi, ainsi que les Prophètes .
Ainsi donc il est écrit MOI J’AI DIT, VOUS ÊTES DES DIEUX.
1459. Là, il faut savoir que le nom "Dieu" est pris de trois manières. Parfois, en effet, il signifie la nature divine elle-même, et c’est seulement ainsi qu’il est dit au singulier — Ecoute, Israël, le Seigneur ton Dieu est l’unique .
Parfois "Dieu" est dit d’une manière purement nominale, et c’est de cette manière que les idoles sont dites des dieux Démons tous les dieux des nations .
Mais parfois quelqu’un est dit "Dieu" par une certaine participation de la divinité, ou d’une puissance très excellente qui lui est donnée divinement. Et de cette manière même les juges sont dits "dieux" dans l’Ecriture — Tu les dirigeras vers les dieux, c’est-à-dire vers les juges . — Tu ne décrieras pas les dieux, c’est-à-dire les prélats . Et c’est de cette manière qu’est pris ici le nom "Dieu" quand il dit : Moi j’ai dit, vous êtes des dieux, c’est-à-dire participants de la vertu divine [au-delà de] la nature humaine.
1460. Ici, il ouvre l’esprit à cette autorité dont il a parlé , comme s’il disait : il les a appelés dieux en tant qu’ils participent quelque chose de la divinité selon la participation à la parole de Dieu qui leur a été annoncée. Car par la parole de Dieu l’homme obtient une participation de la puissance et de la pureté divines . Plus bas il est dit : Déjà vous êtes purs à cause de la parole que je vous ai dite. Et dans le livre de l’Exode il est dit que le visage de Moïse a été rendu resplendissant d’avoir été uni à la parole de Dieu .
À partir de ce qui a été dit auparavant, on pourrait argumenter ainsi. Il est manifeste que quelqu’un, par participation du Verbe de Dieu, est fait Dieu d’une manière participée. Mais une réalité n’en devient une autre d’une manière participée que par participation de ce qui est tel par son essence. Par exemple, elle ne devient feu d’une manière participée que par participation du feu par essence. Donc, quelque chose ne devient Dieu d’une manière participée que par participation de celui qui est Dieu par essence : donc le Verbe de Dieu, c’est-à-dire le Fils lui-même, par participation de qui quelqu’un est fait Dieu, est Dieu par essence. Mais le Seigneur voulut argumenter contre les Juifs humainement plutôt que d’une manière aussi profonde. Et il dit : ET L’ÉCRITURE NE PEUT ÊTRE ABOLIE, pour montrer la vérité irréfutable de l’Ecriture : A jamais, Seigneur, ta parole demeure .
1461. Ensuite il conclut. Et si, d’après Hilaire , nous rapportons cela au Christ en tant qu’il est homme, alors en voici le sens certains hommes sont dits des dieux par la seule participation à la parole de Dieu; comment donc dites-vous : TU BLAS PHÈMES, c’est-à-dire comment considérez-vous comme un blasphème que cet homme soit dit Dieu, lui qui est uni dans la personne [in persona] au Verbe de Dieu? Et c’est pourquoi il dit : CELUI QUE LE PÈRE A SANCTIFIÉ.
Bien que Dieu sanctifie tous ceux qui sont sanctifiés — Sanctifie-les dans la vérité —, il a cependant sanctifié le Christ d’une manière spéciale. Car il sanctifie les autres pour qu’ils soient fils adoptifs : Vous avez reçu l’esprit de fils d’adoption , mais il a sanctifié le Christ pour qu’il soit Fils de Dieu par nature, uni dans la personne [in persona] au Verbe de Dieu, ce que ces paroles montrent de deux manières.
D’abord par le fait qu’il dise : CELUI QUE LE PÈRE A SANCTIFIÉ. Si en effet il sanctifie comme Père, il est manifeste qu’il sanctifie dans le Fils — Celui qui a été prédestiné Fils de Dieu dans la puissance de Dieu selon l’esprit de sanctification .
En second lieu par le fait qu’il dise : ET ENVOYÉ DANS LE MONDE. Etre envoyé dans un lieu, en effet, ne convient à une réalité que si elle a existé avant d’être là. Donc celui que le Père a envoyé dans le monde, c’est-à-dire d’une manière visible, est le Fils de Dieu qui a existé avant d’être vu visiblement . Parce que, comme il est dit plus haut : Il était dans le monde, et le monde a été fait par lui . Et encore : Dieu en effet n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde . À CELUI DONC QUE LE PÈRE A ENVOYÉ DANS LE MONDE, VOUS DITES "TU BLASPHÈMES", PARCE QUE J’AI DIT : "JE SUIS LE FILS DE DIEU". Autrement dit, moi, qui suis uni au Verbe de Dieu dans la personne [in persona], je peux dire cela beaucoup plus que ceux À QUI LA PAROLE DE DIEU A ÉTÉ ADRESSÉE.
1462. Mais d’où les Juifs ont-ils tenu que le Christ serait le Fils de Dieu? Le Seigneur en effet ne l’a pas dit expressément.
A cela il faut répondre que, bien que le Seigneur ne l’eût pas dit expressément, cependant, à partir des paroles qu’il a dites : MOI ET LE PÈRE NOUS SOMMES UN et : LE PÈRE QUI ME LES A DONNÉES EST PLUS GRAND QUE TOUT, ils comprirent qu’il avait reçu la nature du Père, et qu’il était un dans la nature avec lui. Or cela, à savoir recevoir de quelqu’un la même nature et l’être, a raison de filiation .
1463. Si, en suivant Augustin , nous rapportons CELUI QUE LE PÈRE A SANCTIFIÉ au Christ en tant qu’il est Dieu, alors le sens est celui-ci : CELUI QUE LE PÈRE A SANCTIFIÉ, c’est-à-dire a engendré saint depuis l’éternité. Mais ce qui suit doit être exposé de la même manière que ce que Hilaire expose. Cependant, on l’explique mieux si on rapporte tout au Christ en tant qu’il est homme.
1464. Ici, il prouve la vérité de ce qui a été dit, comme s’il avait dit : bien que selon votre opinion je sois homme seulement, cependant je ne blasphème pas en disant que moi je suis vraiment Dieu, parce que je le suis de la manière la plus vraie.
C’est pourquoi à ce sujet il fait deux choses. D’abord il met en avant l’argument des œuvres, ensuite il infère la conclusion qu’il a en vue .
1465. Au sujet du premier point, il fait deux choses. D’abord il dit que sans les œuvres ils seraient excusables. Et il dit : SI JE NE FAIS PAS LES ŒUVRES DE MON PÈRE, c’est-à-dire les mêmes que lui-même fait, et par la même puissance et le même pouvoir, NE ME CROYEZ PAS — Tout ce que le Père fait, le Fils le fait pareillement .
En second lieu, il dit que c’est à partir des œuvres elles-mêmes qu’ils seront convaincus, en disant : SI JE LES FAIS, c’est-à-dire les mêmes œuvres que le Père fait; et SI VOUS NE VOULEZ PAS CROIRE EN MOI, qui apparais comme un fils d’homme, CROYEZ DANS LES ŒUVRES; c’est-à-dire les œuvres elles-mêmes démontrent que moi je suis Fils de Dieu. Plus bas il est dit : Si je n'avais pas fait parmi eux les œuvres que nul autre n’a faites, ils n’auraient pas de péché .
. Ensuite il infère la conclusion qu’il a en vue. En effet, il ne peut y avoir aucun indice plus évident de la nature d’une réalité que ce qu’on saisit à partir de ses œuvres; d’une manière évidente, on peut donc reconnaître et croire au sujet du Christ qu’il est Dieu, par cela qu’il fait les œuvres de Dieu. Et c’est pourquoi il dit à partir des œuvres elles-mêmes je [vous] convaincrai afin que vous connaissiez et croyiez ce que vous ne pouvez voir de vos yeux, c’est-à-dire QUE LE PÈRE EST EN MOI, ET MOI DANS LE PÈRE. Plus bas il est dit : Moi je suis dans le Père et le Père est en moi Et il faut comprendre que c’est par l’unité de l’essence. Et c’est en quelque sorte la même chose [de dire] : Le Père est en moi, et moi dans le Père, et MOI ET LE PÈRE NOUS SOMMES UN.
Hilaire expose bien cela en disant qu’il y a une différence entre Dieu et l’homme car l’homme, puisqu’il est composé, n’est pas sa nature, mais Dieu, puisqu’il est absolument simple, est son être et sa nature. Donc en quiconque est la nature de Dieu, là est Dieu. Donc, comme le Père est Dieu et le Fils est Dieu, partout où est la nature du Père, là est le Père, et partout où est la nature du Fils, là est le Fils. Puisque donc la nature du Père est dans le Fils, et inversement, le Père est donc dans le Fils et inversement. Mais comme le dit Augustin , bien que Dieu soit dans l’homme et l’homme en Dieu — Celui qui demeure dans l’amour, demeure en Dieu et Dieu en lui —, il ne faut pas le comprendre par l’unité de l’essence. Mais l’homme est en Dieu, c’est-à-dire sous la protection et le secours divin, et Dieu est dans l’homme par la similitude de sa grâce; tandis que le Fils unique est dans le Père, et le Père en lui, en tant qu’égal.
1467. Ici le Seigneur désarme l’obstination des Juifs. D’abord il montre leur obstination, ensuite il l’esquive , enfin il en montre l’effet .
1468. Il montre leur obstination par le fait qu’après tant d’exemples de vérité, après tant de preuves de miracles et d’œuvres miraculeuses, ils avaient persévéré encore dans la malice. C’est pourquoi ILS CHERCHAIENT DONC À L’APPRÉHENDER : non pour croire et pour comprendre, mais pour s’acharner avec fureur et pour tuer. Car, parce qu’il avait exprimé d’une manière plus évidente son égalité avec le Père, ils s’excitèrent davantage — Ils se sont emparés du mensonge et n'ont pas voulu se retourner
1469. Le Seigneur désarme leur fureur en leur échappant; c’est pourquoi il dit : ET IL S’ÉCHAPPA DE LEURS MAINS. Là, on montre en premier lieu comment il les a abandonnés, c’est-à-dire en échappant à leurs mains; et cela pour deux raisons.
D’abord pour montrer qu’on ne pouvait le retenir que quand il le voulait : Jésus, passant au milieu d’eux, allait son chemin . Plus haut, dans le même chapitre, il est dit : Personne ne m'enlève ma vie, mais moi je la livre de moi-même . Ensuite pour nous donner l’exemple d’esquiver la fureur des mauvais quand cela peut être fait sans danger pour la foi — Ne te tiens pas devant le visage de celui qui te cherche querelle .
En second lieu on montre où il s’en est allé en leur échappant; c’est pourquoi il dit : ET IL S’EN ALLA DE NOUVEAU DE L’AUTRE CÔTÉ DU JOURDAIN, DANS UN LIEU OÙ JEAN ÉTAIT D’ABORD À BAPTISER.
Et certes, la cause mystique de cela est qu’un jour il devrait aller, par ses Apôtres, convertir les nations.
Mais il y a [à cela] deux causes littérales. L’une est que le lieu était proche de Jérusalem et que, déjà, le temps de la Passion était imminent : c’est pourquoi il ne voulait pas s’éloigner. La seconde est celle-ci : c’est pour rappeler à la mémoire le témoignage que Jean a porté là, en cet endroit, en disant : Voici l’Agneau de Dieu, voici celui qui enlève le péché du monde , et le témoignage du Père et du Fils donné au Christ dans le baptême.
1470. L’effet fut la conversion des foules à la foi; et cette conversion est décrite sous trois aspects. D’abord quant à la manifestation de l’œuvre. C’est pourquoi il dit : ET BEAUCOUP VINRENT À LUI, c’est-à-dire par le moyen de l’imitation des œuvres : Venez vers moi, vous tous qui peinez et ployez sous k fardeau, et moi je vous donnerai le repos .
En second lieu quant à la confession de la bouche : c’est pourquoi ILS DISAIENT : "JEAN, CERTES, N’A FAIT AUCUN SIGNE. MAIS TOUT CE QUE JEAN A DIT DE CELUI-CI ÉTAIT VRAI." Là, d’abord, ils confessent l’éminence du Christ par rapport à Jean; c’est pourquoi ils disaient que JEAN […] N’A FAIT AUCUN SIGNE.
Certes, la raison en fut que Jean a été envoyé comme témoin du Christ; c’est pourquoi il fallait qu’il en soit devenu digne par la foi, et il fallait qu’un témoignage vrai soit donné — ce qui se réalise d’une manière convenable par la sainteté de la vie. Tandis que le Christ vint comme Dieu, et c’est pourquoi il fallait qu’il montre en lui-même les signes de la puissance divine. Ainsi, Jean se signalait par la sainteté de sa vie; mais le Christ, en plus de cela, accomplissait aussi des œuvres qui manifestaient la puissance divine. On observait aussi cette coutume chez ceux qui exerçaient le pouvoir dans l’Antiquité : en présence d’un pouvoir plus élevé, un pouvoir moindre n’utilisait pas les insignes de sa puissance. C’est pourquoi en présence du dictateur les consuls déposaient leurs insignes. Donc il ne convint pas que Jean, qui était d’une moindre puissance, comme précurseur et témoin, utilisât en présence du Christ les signes de la puissance divine; mais seulement le Christ.
Ensuite ils confessent la vérité du témoignage de Jean au sujet du Christ; c’est pourquoi ils disaient : TOUT CE QUE JEAN A DIT DE CELUI-CI, c’est-à-dire du Christ, ÉTAIT VRAI, comme s’ils disaient : et si Jean n’a fait aucun signe, cependant au sujet du Christ il a tout dit d’une manière vraie.
Troisièmement ils confessent la foi du cœur : c’est pourquoi l’Évangéliste dit : ET BEAUCOUP CRURENT EN LUI – Comme Augustin le dit , ils ont saisi le Christ alors qu’il demeurait là, lui que les Juifs voulaient saisir alors qu’il s’éloignait, parce qu’ils étaient venus au jour par la lampe Jean en effet était la lampe et il rendait témoignage au Jour .
A. LA DISSENSION DES FOULES
Ici, il fait trois choses : d’abord il montre la dissension même des foules, il ajoute ensuite l’opinion d’une partie de ceux qui sont divisés , puis il apporte la saine affirmation de l’autre partie .
1428. Une dissension s’éleva parmi les foules qui avaient entendu le Christ, à partir de ses paroles. C’est ce que dit ici l’Évangéliste IL Y EUT DE NOUVEAU UNE DISSENSION PARMI LES JUIFS À CAUSE DE CES PAROLES. En effet, aussi longtemps que certains comprenaient ces paroles d’une manière droite, et d’autres non, ils ne s’entendaient pas les uns les autres — Je ne suis pas venu apporter la paix, mais le glaive, à savoir le glaive de la doctrine évangélique auquel les uns croient et que les autres contredisent — La lutte a été répandue parmi les princes .
1429. L’opinion d’une partie de ceux qui sont divisés est fausse. Et il dit BEAUCOUP, parce que le nombre des sots est infini. ILS DISAIENT : "IL A UN DÉMON ET IL EST FOU." Car l’habitude des sots est d’interpréter toujours en mal les choses douteuses, alors que c’est le contraire cependant qui doit se produire. C’est pourquoi il arrive qu’ils blasphèment tout ce qu’ils ignorent, comme il est dit dans l’épître canonique de Jude. Parce que donc ils ne s’efforçaient pas de comprendre les paroles du Seigneur — en effet la lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas comprise —, ils blasphèment en disant : IL A UN DÉMON ET IL EST FOU. Et ils s’efforcent de détourner les autres de lui en disant : POURQUOI L’ÉCOUTEZ-VOUS?
Or ceux qui blasphèment attribuent au Christ deux choses. D’abord qu’il a un démon. Comme s’ils disaient : ce n’est pas par l’Esprit-Saint qu’il parle mais par un esprit malin. Il est dit pareillement dans le livre des Actes des Apôtres, au sujet de Paul : Il est l’annonciateur de démons nouveaux . Or il arrive que quelqu’un ait un démon comme un proche et un familier; et bien qu’un tel homme soit toujours fou d’une manière spirituelle, il ne l’est pas toujours d’une manière corporelle. Mais il arrive que ce soit au point d’être possédé par le démon : et celui-là est toujours fou, même d’une manière corporelle. C’est pourquoi ils disaient : Il est devenu fou .
En second lieu, pour montrer que le Christ a ainsi un démon, ils disent : ET IL EST FOU — De nombreuses connaissances te conduisent à la folie . Rien d’étonnant à ce qu’ils blasphèment, parce qu’ils sont sans intelligence et, comme il est dit, L’homme sans intelligence ne perçoit pas ce qui vient de l’Esprit de Dieu .
1430. Mais le jugement et l’affirmation de l’autre partie condamnent de deux manières l’opinion émise auparavant. D’abord par le poids des paroles. C’est pourquoi l’Evangéliste dit : D’AUTRES, ceux qui appréciaient les choses d’une manière droite, DISAIENT : "CES PAROLES NE SONT PAS DE QUELQU’UN QUI A UN DÉMON" comme s’ils disaient : à partir d’elles, il semble qu’il ne soit pas fou puisque ces paroles sont ordonnées et ont du poids. Plus haut il est dit : Seigneur, à qui irons-nous? Tu as les paroles de la vie éternelle . C’est pourquoi Paul dit : Je ne suis pas fou, très excellent Festus, mais je dis des paroles de vérité et de mesure .
En second lieu par la grandeur du miracle; c’est pourquoi ils disent : EST-CE QU’UN DÉMON PEUT OUVRIR LES YEUX DES AVEUGLES? Autrement dit : ce miracle n’était-il pas en effet très grand? Et c’est pourquoi ils croyaient avec justesse qu’il ne pouvait être fait que par la puissance de Dieu — Si celui — ci n’était pas de Dieu, il ne pourrait rien faire .
1431. Or il faut savoir qu’il y a certains miracles qui peuvent être faits par la puissance des démons et des anges, mais qu’il en existe certains qui ne peuvent en aucune façon être faits par leur puissance. En effet, ceux qui sont au-delà de l’ordre de la nature, aucune créature, quelle qu’elle soit, ne peut les faire par sa propre puissance, puisqu'elle-même est soumise aussi aux lois de la nature. Mais Dieu seul, qui est au-delà de la nature, peut œuvrer au-delà de l’ordre de la nature. Donc tout ce qu’opère une créature est nécessairement soumis à l’ordre de la nature.
A partir de cela il est évident que tout ce qui peut être fait selon l’ordre de la nature, un ange bon comme un mauvais peut le faire quand cela lui est permis. Ainsi, selon les semences qui, dans les réalités naturelles, sont ordonnées à la génération des animaux, ils peuvent produire la génération de ces animaux; c’est ce que firent les mages de Pharaon, comme on le trouve dans le livre de l’Exode. Et, pareillement, ils peuvent changer la qualité de la nature d’une chose par des réalités naturelles qui sont ordonnées à cela — ils peuvent guérir des infirmes .
Mais les choses qui transcendent tout à fait l’ordre de la nature ne peuvent être accomplies que par Dieu, ou bien par des anges bons et des hommes saints — par la puissance de Dieu qu’ils conquièrent en priant. De telles choses sont l’illumination des aveugles et la résurrection des morts en effet, la puissance de la nature ne peut s’étendre jusqu’à restituer des yeux et ressusciter des morts. Et c’est pourquoi un démon ne peut ouvrir les yeux des aveugles ni ressusciter les morts : cela n’appartient qu’à Dieu seul et aux saints dans la puissance de Dieu.
B. LA DISCUSSION DES CHEFS DES JUIFS AVEC LE CHRIST
1432. À partir d’ici est exposée la discussion qui a été provoquée par les chefs des Juifs avec le Christ; et d’abord l’Evangéliste présente l’interrogation des Juifs,
L’interrogation des Juifs.
Au sujet du premier point il fait deux choses il décrit les circonstances de l’interrogation quant au temps , quant au lieu et quant aux personnes qui interrogent ; puis il expose l’interrogation elle-même ; puis il donne la réponse du Christ ; enfin il introduit l’effet de la réponse .
1433. [Il décrit les circonstances de l’interrogation] quant au temps d’abord d’une manière particulière, en disant : OR IL Y EUT LA FÊTE DE LA DÉDICACE [ENCAENIA] À JÉRUSALEM.
Pour avoir l’intelligence de ce passage, il faut savoir que, comme le dit Augustin, cette fête des encénies correspondait à la festivité de la dédicace dans les églises. En effet, Kaivôv en grec est la même chose que novum en latin. C’est pourquoi le terme encaenia veut dire la même chose que "inauguration". Et cela devient même comme un usage commun de parler quand quelque chose de nouveau est consacré à un usage, on dit qu’il est inauguré [encaeniari] OR IL Y EUT LA FÊTE DE LA DÉDICACE [ENCAENIA] À JÉRUSALEM, c’est-à-dire la fête et la mémoire de la consécration du Temple. Car à chaque fois que de nouveau on consacre une église au culte divin, on accomplit la fête de cette consécration même, et chaque année, le même jour, [on la célèbre] en mémoire de cela. C’est ainsi que les Juifs célébraient chaque année la fête de la Dédicace, c’est-à-dire la mémoire de la dédicace du Temple.
1434. Mais pour savoir la raison de la fête de la consécration et sa cause, il faut noter que toutes les fêtes sont célébrées dans l’Eglise en commémoration des bienfaits divins — Je me souviendrai des miséricordes du Seigneur ; et dans le psaume, David, après avoir commémoré les nombreux bienfaits de Dieu en disant Confessez, le Seigneur, parce qu’il est bon , ajouta Etablissez un jour solennel .
Nous commémorons de trois manières les bienfaits divins qui nous sont prodigués. Parfois en tant qu’ils nous sont prodigués en notre Tête , à savoir le Christ; et ainsi nous célébrons la fête de la Nativité et de la Résurrection, et d’autres. Parfois en tant qu’ils nous sont prodigués dans ceux qui sont membres [du Christ] avec nous, c’est-à-dire dans les saints qui sont les membres de ’Eglise. Et cela à juste titre, parce que comme le dit l’Apôtre dans la première épître aux Corinthiens : Si un membre est glorifié, tous les membres se réjouissent avec lui Et ainsi nous célébrons la fête de Pierre et Paul, et des autres saints. Parfois en tant que les bienfaits divins sont prodigués à toute l’Eglise; par exemple dans le ministère des sacrements et dans les autres [bienfaits] qui sont conférés d’une manière commune à l’Eglise. Or la maison d’ici-bas [materialis] est comme le, signe du rassemblement des fidèles de l’Eglise, et c’est aussi en elle que tous les sacrements de la grâce sont dispensés. C’est pourquoi, en mémoire des bienfaits eux-mêmes nous célébrons la fête de la dédicace de ’Eglise. Et certes cette fête est plus grande que la fête d’un saint, de même que les bienfaits conférés à toute l’Eglise, dont nous célébrons la mémoire, surpassent le bienfait conféré à un saint qui est commémoré au jour de sa fête.
1435. Il faut savoir cependant que le Temple, à Jérusalem, avait été consacré à trois reprises. D’abord par Salomon, comme on le rapporte dans le premier livre des Rois . En second lieu au temps d’Esdras, par Zorobabel et Josué le grand prêtre, comme le rapporte le livre d’Esdras . Enfin par Judas Macchabée et ses frères qui montèrent à Jérusalem pour rebâtir les lieux saints . Or cette fête des encénies n’a pas été célébrée en mémoire de la dédicace accomplie par Salomon, parce que cela eut lieu en automne, à savoir le septième mois; ni en mémoire de la dédicace accomplie au temps d’Esdras, parce que celle-ci eut lieu au printemps, à savoir au neuvième jour de mars. Mais elle a été célébrée en mémoire de la dédicace accomplie par Judas Macchabée et ses frères au temps de l’hiver.
Et c’est pourquoi, pour le rappeler, il décrit en second lieu le temps d’une manière générale, en disant ET C’ÉTAIT L’HIVER. Et cela a aussi une cause mystique. Comme le dit Grégoire , l’Évangéliste eut soin d’exprimer que le temps était celui de l’hiver, pour indiquer que le froid, à savoir celui de la malice des Juifs, était présent au cœur des auditeurs — De même que la citerne rend son eau froide, ainsi a t-elle rendu sa malice . De cet hiver il est dit dans le Cantique : Car voici que l’hiver est passé, la pluie a cessé, elle s’en est allée .
1436. Ici, il décrit le lieu. D’abord d’une manière générale : DANS LE TEMPLE — Le Seigneur dans son temple saint , puis d’une manière particulière : SOUS LE PORTIQUE DE SALOMON.
Il faut savoir en effet qu’on n’appelle pas "Temple" seulement le corps [du Temple] lui-même, mais aussi les portiques qui se trouvent autour, dans lesquels le peuple se tenait debout pour prier; car dans le Temple [lui-même] seuls les prêtres priaient. Et on appelle portique de Salomon ce lieu dans lequel Salomon se tint debout quand il pria, après avoir accompli la dédicace du Temple — Salomon se tint donc debout en face de toute l’assemblée d’Israël .
1437. Mais le Temple que Salomon avait édifié fut détruit pareillement ce portique ne doit donc pas être dit "portique de Salomon".
Je réponds. Il faut dire que le Temple a été restauré sur le modèle du premier. Et c’est pourquoi, de même qu’auparavant le portique était dit "portique de Salomon", de même plus tard, par respect pour celui-ci.
1438. Les personnes qui interrogent, il les décrit quant à leur malice. C’est pourquoi il dit : LES JUIFS DONC L’ENTOURÈRENT, froids, loin de la charité qui fait aimer fa cantate diligendl], mais brûlants de l’avidité de nuire, pour s’approcher avec l’intention de l’encercler, et pour l’encercler en le bloquant avec l’intention de le poursuivre jusqu’au bout — De nombreux taureaux m’ont encerclé, de fortes bêtes m’ont assiégé. — Ephraïm m’a entouré de mensonges
1439. Puis il expose l’interrogation des Juifs .
Et d’abord il souligne la cause fictive de l’interrogation, quand il dit : JUSQUES À QUAND TIENDRAS-TU NOTRE ÂME EN SUSPENS? Ils parlent en vils flatteurs, voulant montrer par là qu’ils désirent savoir la vérité à son sujet. Comme s’ils disaient notre âme, par le désir, est en suspens aussi longtemps que tu nous laisses enchaînés . — L’espérance qui est différée afflige l’âme .
C’est pourquoi ils ajoutent une interrogation en disant : SI TU ES LE CHRIST, DIS-LE-NOUS OUVERTEMENT. Là, remarque d’abord leur perversité. Parce qu’ils s’indignent contre le Christ du fait qu’il se dit Fils de Dieu, comme il est dit plus haut , ils ne l’interrogent pas [pour savoir] s’il est Fils de Dieu, mais ils disent : SI TU ES LE CHRIST, DIS-LE-NOUS OUVERTEMENT, afin de pouvoir avoir par là matière à l’accuser devant Pilate, comme séditieux et convoitant le royaume, ce qui était contre César et odieux aux Romains. C’est pourquoi Pilate, quand les Juifs accusaient le Christ parce qu’il se faisait Fils de Dieu, n’en eut cure. Mais quand ils lui dirent Quiconque se fait roi s’oppose à César , il commença à s’inquiéter davantage par rapport à lui. Et c’est pourquoi ils disent SI TU ES LE CHRIST, ou roi, ou oint, DIS-LE-NOUS OUVERTEMENT. Considère ensuite leur indignité : ils disent OUVERTEMENT, comme s’ils disaient : "Jusque-là, il n’a pas enseigné publiquement, mais comme en secret", alors que cependant il disait tout ouvertement, assistant toujours aux fêtes, et ne parlait en rien d’une manière cachée — Moi j’ai parlé au monde ouvertement et je n’ai rien dit en secret .
La réponse du Christ.
1440. Ici, il expose la réponse du Christ : il souligne leur infidélité en montrant que ce qu’ils avaient dit était faux, à savoir qu’ils désiraient connaître la vérité, disant : JUSQUES À QUAND TIENDRAS-TU NOTRE ÂME EN SUSPENS?
Et cela sous deux aspects. D’abord parce qu’ils ne croyaient pas à ses paroles. Et quant à cela, il affirme : JE VOUS L’AI DIT, ET VOUS NE CROYEZ PAS. Autrement dit, vous me dites : SI TU ES LE CHRIST, DIS-LE NOUS OUVERTEMENT. Mais moi JE VOUS L’AI DIT, c’est-à-dire : je vous dis la vérité; et vous VOUS NE CROYEZ PAS — Si je vous le dis, vous ne le croirez pas .
En second lieu, parce qu’ils ne croient pas à ses œuvres. D’abord il montre leur incrédulité à l’égard des œuvres mêmes; puis la raison de l’incrédulité .
1441. Quant au premier point, il dit LES ŒUVRES QUE MOI JE FAIS... Autrement dit : ce n’est pas par la parole seule que vous pouvez être persuadés, comme vous [le] simuliez; ni même par tant d’œuvres QUE MOI JE FAIS AU NOM DE MON PÈRE, c’est-à-dire pour sa gloire. CELLES-CI RENDENT TÉMOIGNAGE À MON SUJET, parce qu’elles ne peuvent être faites que par Dieu. C’est pourquoi, à partir d’elles, il apparaît d’une façon manifeste que je suis venu de Dieu — Tout arbre est reconnu à son fruit — Les œuvres que moi je fais, me rendent témoignage . MAIS VOUS, VOUS NE CROYEZ PAS. Plus loin il est dit : Bien qu’il eût donc fait tant de signes, ils ne croyaient pas en lui . Et c’est pourquoi ils Sont inexcusables Si je n'avais pas fait parmi eux les œuvres que nul autre n’a faites, ils n’auraient pas de péché. Mais maintenant ils ont vu et ils m’ont haï, moi et mon Père .
1442. Or, la raison de leur incrédulité, c’est leur séparation d’avec les brebis du Christ. C’est pourquoi il dit : VOUS NE CROYEZ PAS, PARCE QUE VOUS N’ÊTES PAS DE MES BREBIS.
À ce sujet, il montre d’abord leur exclusion de l’assemblée des brebis du Christ, puis la dignité des brebis ; enfin il prouve quelque chose qu’il avait dit .
1443. Il souligne leur séparation d’avec ses brebis, en disant : VOUS N’ÊTES PAS DE MES BREBIS, c’est-à-dire prédestinés à croire, mais connus d’avance pour la perdition éternelle Le fait même en effet que nous croyons nous vient de Dieu — Il vous a été donné, non pas seulement de croire en lui-même, mais encore de souffrir pour lui — Vous êtes sauvés par la grâce [...] et non à partir de vous-mêmes : c’est un don de Dieu . Et cela certes n’est donné à nul autre que celui pour qui cela a été préparé depuis l’éternité. Et c’est pourquoi ceux-là seuls croient en lui-même qui ont été destinés d’avance à cela par Dieu, par la prédestination éternelle : Crurent tous ceux qui étaient destinés d’avance à la vie éternelle Et encore ce passage du même livre C’est par la grâce de Notre-Seigneur Jésus-Christ que nous croyons être sauvés .
1444. Mais doit-on dire à quelqu’un qu’il n’a pas été prédestiné? Il semble que non, puisqu’en effet personne ne peut être sauvé s’il n’a été prédestiné; si on dit à quelqu’un qu’il n’a pas été prédestiné, on semble le pousser au désespoir. Donc le Seigneur, en disant aux Juifs VOUS NE CROYEZ PAS, PARCE QUE VOUS N’ÊTES PAS DE MES BREBIS, les poussait à désespérer.
Réponse. Il faut dire que, dans cette foule, il y avait quelque chose de commun à tous, à savoir qu’ils n’étaient pas destinés d’avance par Dieu à croire à ce moment-là. Et il y avait quelque chose de spécial, à savoir que quelques-uns parmi eux étaient destinés d’avance à croire par la suite : et c’est pourquoi ils crurent plus tard, comme on voit, aux Actes des Apôtres, que trois mille parmi les Juifs crurent en un jour . Mais il y en avait certains qui n’étaient pas destinés d’avance à cela. Il n’était donc pas contraire à l’espérance de dire que dans la foule, où certains étaient destinés d’avance à croire par la suite, il s’en trouvait qui n’étaient pas des brebis : parce que personne ne pouvait soupçonner cela d manière déterminée à son propre sujet, alors que le dire d’une personne d’une manière déterminée aurait été contraire à l’espérance.
1445. Il établit ici la dignité de ses brebis. Il montre quatre choses. Deux choses de notre côté, que nous faisons par rapport au Christ; et deux du côté du Christ, que lui-même fait en nous, correspondant en retour à ce que nous faisons à son égard.
1446. La première chose, que nous, nous faisons, est d’obéir au Christ; et quant à cela il dit : MES BREBIS, c’est-à-dire, par prédestination, ÉCOUTENT MA VOIX, en croyant, et en obéissant à mes commandements — Aujourd’hui si vous écoutez sa voix, n'endurcissez pas votre cœur .
1447. La seconde, celle que le Christ fait et qui correspond à la première [celle que nous faisons], est son amour et son approbation ; et quant à cela il dit : ET MOI JE LES CONNAIS, autrement dit : je les aime et je les approuve — Le Seigneur connaît ceux qui sont les siens . Si elles m’écoutent, c’est parce que MOI JE LES CONNAIS, en les choisissant depuis toujours.
Mais si personne ne peut croire autrement que si cela lui est donné par Dieu, il semble que l’infidélité ne puisse être imputée à qui que ce soit.
A cela il faut répondre qu’elle est imputée [à ceux qui ne croient pas] parce qu’en eux est la cause pour laquelle il ne leur est pas donné de croire. De même moi, je ne peux voir la lumière si je ne suis illuminé par le soleil. Mais si je fermais les yeux, je ne verrais pas la lumière, ce qui ne viendrait pas du soleil mais de moi, qui, en fermant les yeux, fais naître la cause par laquelle je ne suis pas illuminé.
Or le péché est la cause pour laquelle nous ne sommes pas illuminés par Dieu par le moyen de la foi, par exemple le péché originel ou bien aussi, pour certains, le péché actuel. Et certes cette cause se trouve en tous. C’est pourquoi tous ceux qui sont écartés le sont par le juste jugement de Dieu, et ceux qui sont choisis sont pris et élevés par la miséricorde de Dieu.
1448. La troisième chose, qui est de nous, est l’imitation du Christ; et quant à cela il dit : ET ELLES ME SUIVENT — Mon pied a suivi ses traces — Le Christ a souffert pour nous, vous laissant l’exemple pour que vous suiviez ses traces .
1449. La quatrième chose, correspondant à la troisième, est, de la part du Christ, l’attribution d’une récompense; et quant à cela il dit : ET MOI JE LEUR DONNE LA VIE ÉTERNELLE, comme s’il disait : celles-ci mêmes me suivent en s’avançant ici sur le chemin de la douceur et de l’innocence. Et moi je ferai que plus tard elles me suivent, en entrant vers les joies de la vie éternelle.
Le Seigneur montre de trois manières que cette récompense ne peut faire défaut. Car quelque chose peut faire défaut de trois manières. Premièrement par sa nature, [ici celle] de la récompense elle-même, par exemple si elle est corruptible; mais cette récompense est incorruptible quant à sa nature, c’est pourquoi il dit : JE LEUR DONNE LA VIE ÉTERNELLE, qui est la jouissance incorruptible et immortelle de Dieu. Plus bas il est dit : Cette vie éternelle c’est qu’ils te connaissent, toi, le seul véritable Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ . Et comme le dit Augustin ce sont les pâturages dont il avait parlé plus haut. Et la vie éternelle où aucune herbe ne se dessèche, où tout est vert, est dite "bon pâturage ".
En second lieu, quelque chose peut manquer à cause d’une déficience de celui qui reçoit, quand celui-ci est déficient et quand il garde mal. Mais cela n’arrivera pas dans cette récompense; c’est pourquoi il dit : ET ELLES NE PÉRIRONT JAMAIS, c’est-à-dire les brebis. Ceci va contre Origène, qui dit que parfois les saints qui sont dans la gloire ont pu pécher Mais le Seigneur dit : ELLES NE PÉRIRONT JAMAIS, parce qu’elles sont gardées à jamais — Celui qui aura vaincu, je le ferai colonne dans le Temple de mon Dieu, et il n'en sortira plus jamais .
En troisième lieu, quelque chose peut faire défaut à cause de la violence de celui qui arrache. Peut-être en effet Adam n’aurait-il pas été chassé si le séducteur n’avait été présent. Dans la vie éternelle, cela ne sera pas; c’est pourquoi il dit : ET NUL NE LES ARRACHERA, c’est-à-dire les brebis, DE MA MAIN, à savoir de ma protection et de ma puissance — Les âmes des justes sont dans la main de Dieu . En effet, comme le dit Augustin : "Là, ni le loup ne ravit, ni le voleur n’enlève, ni le bandit ne tue ."
1450. Ici, il prouve ce qu’il avait dit plus haut au sujet de la dignité des brebis, à savoir : NUL NE LES ARRACHERA DE MA MAIN, par le raisonnement suivant : ce qui est dans la main de mon Père, nul ne peut le ravir; or la main du Père et la mienne sont la même : donc ce qui est dans ma main, nul ne peut le ravir.
A ce sujet, il fait trois choses. D’abord il expose la mineure, en manifestant la communication de la divinité qui lui est transmise par le Père, lorsqu’il dit : CE QUE MON PÈRE M’A DONNÉ, par la génération éternelle, EST PLUS GRAND QUE TOUT.
Plus haut, il est dit : De même que le Père a la vie en lui-même, ainsi a-t-il donné au Fils d’avoir la vie en lui-même. De même, [ce que le Père lui a donné] est aussi PLUS GRAND par le pouvoir : Il lui a donné pouvoir d’exercer le jugement, parce qu’il est Fils d’homme Et c’est aussi PLUS GRAND par la révérence et l’honneur : Il lu a donné le nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse . C’EST donc PLUS GRAND QUE TOUT, CE QUE LE PÈRE M’A DONNÉ, à savoir "d’être son Verbe, d’être son Fils unique, et d’être la splendeur de sa lumière ".
En second lieu, il souligne l’excellence de la puissance du Père — ce qui se rapporte à la majeure — quand il dit : ET NUL NE PEUT RIEN ARRACHER, c’est-à-dire enlever par violence ou soustraire par ignorance, DE LA MAIN, c’est-à-dire de la puissance, DE MON PÈRE, ou de moi qui suis la puissance du Père ; bien qu’il soit mieux de le dire de la puissance du Père que de moi, comme Augustin le dit . C’est pourquoi NUL NE PEUT RIEN ARRACHER DE LA MAIN DU PÈRE, parce que lui-même est le plus fort, lui à qui violence ne peut être faite, et le plus sage, lui en qui ne se trouve pas d’ignorance — Il est sage dans son cœur, et courageux dans sa force .
Enfin il montre son unité avec le Père, de laquelle suit la conclusion. C’est pourquoi il dit : MOI ET LE PÈRE NOUS SOMMES UN. Autrement dit : NUL NE LES ARRACHERA DE MA MAIN, parce que MOI ET LE PÈRE NOUS SOMMES UN, c’est-à-dire par l’unité de l’essence. Car la nature du Père et du Fils est la même.
1451. On exclut par là deux erreurs : celle d’Arius, qui divisait l’essence, celle de Sabellius qui confondait les personnes, de telle sorte qu’ainsi nous sommes délivrés de Charybde comme de Scylla. Du fait qu’il dit UN, il te libère d’Arius, car s’il est un, il n’est donc pas divers. Mais par le fait qu’il dit NOUS SOMMES, il te libère de Sabellius : si en effet NOUS SOMMES, c’est donc le Père et le Fils.
Mais cela, les ariens plus tard ont prétendu le nier par un mensonge de leur impiété, en disant que la créature en quelque manière est une avec Dieu. C’est pourquoi le Fils peut, de cette manière, être un avec le Père.
Mais il est évident que cela est faux, pour trois raisons. D’abord par la manière même de parler. Il est manifeste en effet que "un" est dit comme ce-qui-est . C’est pourquoi, de même que quelque chose n’est dit être d’une manière première et absolue [simpliciter] que selon la substance, de même cela n’est dit "un" que selon la substance ou la nature. Or ce qui est dit d’une manière première et absolue [simpliciter] l’est sans aucune addition. Donc, parce qu’ici il est dit simplement : MOI ET LE PÈRE NOUS SOMMES UN, sans que rien d’autre soit ajouté, il est manifeste qu’ils sont un selon la substance et la nature. Mais jamais on ne trouve que Dieu et une créature soient un sans que quelque chose soit ajouté : Celui qui adhère à Dieu est un seul esprit avec lui Il est donc évident que le Fils de Dieu n’est pas un avec le Père comme la créature.
En second lieu, [cela est faux du fait de ce qu’il avait dit] plus haut, à savoir : CE QUE MON PÈRE M’A DONNÉ EST PLUS GRAND QUE TOUT. Il conclut ensuite : MOI ET LE PÈRE NOUS SOMMES UN, comme s’il disait : nous sommes un pour autant que CE QU’IL M’A DONNÉ EST PLUS GRAND QUE TOUT. Ce qui ne peut être compris que de sa nature et de son essence, autrement ce ne serait pas plus grand que tout.
Enfin, [que ce soit faux,] c’est évident de par son intention : car le Seigneur prouve que nul ne les arrachera de sa main par le fait que nul ne peut rien arracher de la main de son Père. Ce qui ne s’ensuivrait pas si sa puissance était moindre que celle de son Père. Donc le Père et le Fils sont un par la nature, l’honneur et la puissance.
L’effet de la réponse du Christ.
1452. La doctrine du Christ ayant été exposée, l’Evangéliste montre l’effet de son enseignement sur les Juifs. D’abord le Seigneur blâme leur fureur; ensuite il refuse le blasphème qu’on lui attribue ; enfin il esquive leur obstination .
1453. Au sujet du premier point il fait deux choses. D’abord il expose la fureur des Juifs, fureur dont ils s’enflammaient pour lapider le Christ; c’est pourquoi il dit : LES JUIFS APPORTÈRENT DONC DE NOUVEAU DES PIERRES POUR LE LAPIDER.
En effet, parce qu’ils étaient durs et ne pouvaient comprendre les profondes paroles du Seigneur, semblables à des pierres ils courent vers les pierres . — Pendant que je leur parlais, ils me combattaient sans raison .
1454. Puis, en ajoutant : JE VOUS AI MONTRÉ BEAUCOUP DE BONNES ŒUVRES, le Seigneur blâme leur fureur; et d’abord il rappelle les bienfaits qu’il leur a témoignés. Ensuite il blâme leur fureur.
Il rappelle les bienfaits qu’il leur a témoigné dans les guérisons des infirmes, en leur prodiguant un enseignement et des miracles. C’est pourquoi JÉSUS LEUR RÉPONDIT : "JE VOUS AI MONTRÉ BEAUCOUP DE BONNES ŒUVRES en guérissant, en prêchant, en accomplissant des miracles — Il a bien fait toutes choses — VENANT DE MON PÈRE", dont j’ai cherché la gloire à travers tout. Plus haut il est dit : Je ne cherche pas ma gloire, mais celle de celui qui m’a envoyé .
Il blâme leur fureur en disant : POUR LAQUELLE DE CES ŒUVRES ME LAPIDEZ-VOUS? comme s’il disait : il fallait honorer le bienfaiteur, non le lapider. De même il est dit : Rend-on le mal pour le bien?
1455. Le Seigneur se soustrait main tenant à l’accusation du blasphème; on souligne d’abord le blasphème qui lui est imputé par les Juifs, puis sa réfutation par le Christ .
1456. Là se présentent cinq choses à considérer. La première semble se rapporter au motif de la lapidation, qui est le blasphème. Il est prescrit en effet que ceux qui blasphèment seront lapidés — Fais sortir le blasphémateur hors du camp, tous ceux qui ont entendu poseront leurs mains sur sa tête, et le peuple tout entier le lapidera Et quant à cela, ils disent : CE N’EST PAS POUR UNE BONNE ŒUVRE QUE NOUS TE LAPIDONS, MAIS POUR UN BLASPHÈME.
La seconde est qu’ils spécifient le blasphème lui-même. Car blasphémer, ce n’est pas seulement attribuer à Dieu ce qui ne lui convient pas, mais attribuer à quelqu’un d’autre ce qui appartient à Dieu seul. Ainsi, blasphémer, c’est non seulement dire que Dieu est un corps, mais aussi dire qu’une créature peut créer. C’est pourquoi ils disaient : Celui-ci blasphème. Qui peut remettre les péchés, si ce n'est Dieu seul ? Donc les Juifs disaient que le Seigneur était un blasphémateur, non de la première manière, mais en usurpant pour lui-même ce qui était le propre de la divinité. C’est pourquoi ils disaient : PARCE QUE TOI, ALORS QUE TU ES UN HOMME, TU TE FAIS TOI-MÊME DIEU.
La troisième chose est que les Juifs comprirent mieux que les ariens la parole que le Christ avait dite : MOI ET LE PÈRE NOUS SOMMES UN. Ainsi, ils sont en colère parce qu’ils comprirent qu’on ne peut dire : MOI ET LE PÈRE NOUS SOMMES UN que là où existe une égalité entre le Père et le Fils , Et c’est ce qu’ils disent : TOI, TU TE FAIS TOI-MÊME DIEU. Ils ne lui disent pas : "tu te dis Dieu", parce que, ce que le Christ dit, ils ne le reconnaissent pas.
La quatrième chose est celle-ci : si grande est la distance entre Dieu et l’homme qu’il leur était incroyable que le même, qui est un homme, soit aussi Dieu. C’est pourquoi ils disent clairement PARCE QUE TOI, ALORS QUE TU ES UN HOMME, TU TE FAIS TOI-MÊME DIEU. Et cependant ils auraient pu être écartés de cette incrédulité par ce qui est dit dans le psaume : Qu’est-ce que l’homme pour que tu te souviennes de lui, le fils de l’homme pour que tu le visites ? — Moi je vais faire en vos jours une œuvre que personne ne croirait si on la racontait c’est-à-dire l’œuvre de l’Incarnation, excédant toute pensée.
La cinquième chose est qu’ils se contre disent eux-mêmes dans leurs propres paroles. Car d’une part ils confessent que le Christ fait de bonnes œuvres, en disant : CE N’EST PAS POUR UNE BONNE ŒUVRE QUE NOUS TE LAPIDONS; et de l’autre ils lui attribuent un blasphème, à savoir qu’il usurpe pour lui faussement l’honneur de Dieu. Et certes ces choses sont contraires il ne pourrait faire des miracles provenant de Dieu s’il blasphémait Dieu, parce que comme il est dit : Un bon arbre ne peut produire des mauvais fruits, ce qui a lieu au plus haut point dans le Christ.
1457. Ici il récuse le blasphème dont on l’a accusé. D’abord il présente sa défense, puis il montre la vérité de ce qu’il a dit .
Il se disculpe par l’autorité de l’Ecriture. C’est pourquoi d’abord il se fonde sur l’autorité de l’Écriture; ensuite il ouvre leur intelligence ; enfin, à partir de cela, il conclut .
1458. Il dit donc JÉSUS LEUR RÉPONDIT : "N’EST-IL PAS ÉCRIT DANS VOTRE LOI," à savoir dans le psaume "MOI J’AI DIT, VOUS ÊTES DES DIEUX"?
Là il faut savoir que, dans l’Ecriture, le mot "Loi" s’entend de trois manières. Parfois, certes, d’une manière universelle pour l’Ancien Testament tout entier, selon qu’il contient les cinq livres de Moïse, les Prophètes et les hagiographes . Et c’est en ce sens-là qu’est pris ici DANS VOTRE LOI, c’est-à-dire dans l’Ancien Testament, parce que cela est écrit dans les Psaumes : c’est pourquoi il est dit "Loi", parce que l’Ancien Testament tout entier se rapporte à l’autorité de la Loi.
Parfois, la "Loi" est prise en tant qu’elle se distingue des Prophètes, des Psaumes et des hagiographes, selon ce qui est dit dans saint Luc : Il faut que s’accomplisse tout ce qui est écrit de moi dans la Loi, les Prophètes et les Psaumes .
Parfois, la "Loi" est prise en tant que séparée seulement des Prophètes. Et ainsi les Psaumes et les autres livres de l’Ancien Testament, excepté le Pentateuque, sont inclus dans les Prophètes, du fait que c’est par un esprit prophétique que l’Ecriture de l’Ancien Testament est venue au jour. Et c’est de cette manière qu’elle est prise en saint Matthieu : A ces deux commandements est suspendue toute la Loi, ainsi que les Prophètes .
Ainsi donc il est écrit MOI J’AI DIT, VOUS ÊTES DES DIEUX.
1459. Là, il faut savoir que le nom "Dieu" est pris de trois manières. Parfois, en effet, il signifie la nature divine elle-même, et c’est seulement ainsi qu’il est dit au singulier — Ecoute, Israël, le Seigneur ton Dieu est l’unique .
Parfois "Dieu" est dit d’une manière purement nominale, et c’est de cette manière que les idoles sont dites des dieux Démons tous les dieux des nations .
Mais parfois quelqu’un est dit "Dieu" par une certaine participation de la divinité, ou d’une puissance très excellente qui lui est donnée divinement. Et de cette manière même les juges sont dits "dieux" dans l’Ecriture — Tu les dirigeras vers les dieux, c’est-à-dire vers les juges . — Tu ne décrieras pas les dieux, c’est-à-dire les prélats . Et c’est de cette manière qu’est pris ici le nom "Dieu" quand il dit : Moi j’ai dit, vous êtes des dieux, c’est-à-dire participants de la vertu divine [au-delà de] la nature humaine.
1460. Ici, il ouvre l’esprit à cette autorité dont il a parlé , comme s’il disait : il les a appelés dieux en tant qu’ils participent quelque chose de la divinité selon la participation à la parole de Dieu qui leur a été annoncée. Car par la parole de Dieu l’homme obtient une participation de la puissance et de la pureté divines . Plus bas il est dit : Déjà vous êtes purs à cause de la parole que je vous ai dite. Et dans le livre de l’Exode il est dit que le visage de Moïse a été rendu resplendissant d’avoir été uni à la parole de Dieu .
À partir de ce qui a été dit auparavant, on pourrait argumenter ainsi. Il est manifeste que quelqu’un, par participation du Verbe de Dieu, est fait Dieu d’une manière participée. Mais une réalité n’en devient une autre d’une manière participée que par participation de ce qui est tel par son essence. Par exemple, elle ne devient feu d’une manière participée que par participation du feu par essence. Donc, quelque chose ne devient Dieu d’une manière participée que par participation de celui qui est Dieu par essence : donc le Verbe de Dieu, c’est-à-dire le Fils lui-même, par participation de qui quelqu’un est fait Dieu, est Dieu par essence. Mais le Seigneur voulut argumenter contre les Juifs humainement plutôt que d’une manière aussi profonde. Et il dit : ET L’ÉCRITURE NE PEUT ÊTRE ABOLIE, pour montrer la vérité irréfutable de l’Ecriture : A jamais, Seigneur, ta parole demeure .
1461. Ensuite il conclut. Et si, d’après Hilaire , nous rapportons cela au Christ en tant qu’il est homme, alors en voici le sens certains hommes sont dits des dieux par la seule participation à la parole de Dieu; comment donc dites-vous : TU BLAS PHÈMES, c’est-à-dire comment considérez-vous comme un blasphème que cet homme soit dit Dieu, lui qui est uni dans la personne [in persona] au Verbe de Dieu? Et c’est pourquoi il dit : CELUI QUE LE PÈRE A SANCTIFIÉ.
Bien que Dieu sanctifie tous ceux qui sont sanctifiés — Sanctifie-les dans la vérité —, il a cependant sanctifié le Christ d’une manière spéciale. Car il sanctifie les autres pour qu’ils soient fils adoptifs : Vous avez reçu l’esprit de fils d’adoption , mais il a sanctifié le Christ pour qu’il soit Fils de Dieu par nature, uni dans la personne [in persona] au Verbe de Dieu, ce que ces paroles montrent de deux manières.
D’abord par le fait qu’il dise : CELUI QUE LE PÈRE A SANCTIFIÉ. Si en effet il sanctifie comme Père, il est manifeste qu’il sanctifie dans le Fils — Celui qui a été prédestiné Fils de Dieu dans la puissance de Dieu selon l’esprit de sanctification .
En second lieu par le fait qu’il dise : ET ENVOYÉ DANS LE MONDE. Etre envoyé dans un lieu, en effet, ne convient à une réalité que si elle a existé avant d’être là. Donc celui que le Père a envoyé dans le monde, c’est-à-dire d’une manière visible, est le Fils de Dieu qui a existé avant d’être vu visiblement . Parce que, comme il est dit plus haut : Il était dans le monde, et le monde a été fait par lui . Et encore : Dieu en effet n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde . À CELUI DONC QUE LE PÈRE A ENVOYÉ DANS LE MONDE, VOUS DITES "TU BLASPHÈMES", PARCE QUE J’AI DIT : "JE SUIS LE FILS DE DIEU". Autrement dit, moi, qui suis uni au Verbe de Dieu dans la personne [in persona], je peux dire cela beaucoup plus que ceux À QUI LA PAROLE DE DIEU A ÉTÉ ADRESSÉE.
1462. Mais d’où les Juifs ont-ils tenu que le Christ serait le Fils de Dieu? Le Seigneur en effet ne l’a pas dit expressément.
A cela il faut répondre que, bien que le Seigneur ne l’eût pas dit expressément, cependant, à partir des paroles qu’il a dites : MOI ET LE PÈRE NOUS SOMMES UN et : LE PÈRE QUI ME LES A DONNÉES EST PLUS GRAND QUE TOUT, ils comprirent qu’il avait reçu la nature du Père, et qu’il était un dans la nature avec lui. Or cela, à savoir recevoir de quelqu’un la même nature et l’être, a raison de filiation .
1463. Si, en suivant Augustin , nous rapportons CELUI QUE LE PÈRE A SANCTIFIÉ au Christ en tant qu’il est Dieu, alors le sens est celui-ci : CELUI QUE LE PÈRE A SANCTIFIÉ, c’est-à-dire a engendré saint depuis l’éternité. Mais ce qui suit doit être exposé de la même manière que ce que Hilaire expose. Cependant, on l’explique mieux si on rapporte tout au Christ en tant qu’il est homme.
1464. Ici, il prouve la vérité de ce qui a été dit, comme s’il avait dit : bien que selon votre opinion je sois homme seulement, cependant je ne blasphème pas en disant que moi je suis vraiment Dieu, parce que je le suis de la manière la plus vraie.
C’est pourquoi à ce sujet il fait deux choses. D’abord il met en avant l’argument des œuvres, ensuite il infère la conclusion qu’il a en vue .
1465. Au sujet du premier point, il fait deux choses. D’abord il dit que sans les œuvres ils seraient excusables. Et il dit : SI JE NE FAIS PAS LES ŒUVRES DE MON PÈRE, c’est-à-dire les mêmes que lui-même fait, et par la même puissance et le même pouvoir, NE ME CROYEZ PAS — Tout ce que le Père fait, le Fils le fait pareillement .
En second lieu, il dit que c’est à partir des œuvres elles-mêmes qu’ils seront convaincus, en disant : SI JE LES FAIS, c’est-à-dire les mêmes œuvres que le Père fait; et SI VOUS NE VOULEZ PAS CROIRE EN MOI, qui apparais comme un fils d’homme, CROYEZ DANS LES ŒUVRES; c’est-à-dire les œuvres elles-mêmes démontrent que moi je suis Fils de Dieu. Plus bas il est dit : Si je n'avais pas fait parmi eux les œuvres que nul autre n’a faites, ils n’auraient pas de péché .
. Ensuite il infère la conclusion qu’il a en vue. En effet, il ne peut y avoir aucun indice plus évident de la nature d’une réalité que ce qu’on saisit à partir de ses œuvres; d’une manière évidente, on peut donc reconnaître et croire au sujet du Christ qu’il est Dieu, par cela qu’il fait les œuvres de Dieu. Et c’est pourquoi il dit à partir des œuvres elles-mêmes je [vous] convaincrai afin que vous connaissiez et croyiez ce que vous ne pouvez voir de vos yeux, c’est-à-dire QUE LE PÈRE EST EN MOI, ET MOI DANS LE PÈRE. Plus bas il est dit : Moi je suis dans le Père et le Père est en moi Et il faut comprendre que c’est par l’unité de l’essence. Et c’est en quelque sorte la même chose [de dire] : Le Père est en moi, et moi dans le Père, et MOI ET LE PÈRE NOUS SOMMES UN.
Hilaire expose bien cela en disant qu’il y a une différence entre Dieu et l’homme car l’homme, puisqu’il est composé, n’est pas sa nature, mais Dieu, puisqu’il est absolument simple, est son être et sa nature. Donc en quiconque est la nature de Dieu, là est Dieu. Donc, comme le Père est Dieu et le Fils est Dieu, partout où est la nature du Père, là est le Père, et partout où est la nature du Fils, là est le Fils. Puisque donc la nature du Père est dans le Fils, et inversement, le Père est donc dans le Fils et inversement. Mais comme le dit Augustin , bien que Dieu soit dans l’homme et l’homme en Dieu — Celui qui demeure dans l’amour, demeure en Dieu et Dieu en lui —, il ne faut pas le comprendre par l’unité de l’essence. Mais l’homme est en Dieu, c’est-à-dire sous la protection et le secours divin, et Dieu est dans l’homme par la similitude de sa grâce; tandis que le Fils unique est dans le Père, et le Père en lui, en tant qu’égal.
1467. Ici le Seigneur désarme l’obstination des Juifs. D’abord il montre leur obstination, ensuite il l’esquive , enfin il en montre l’effet .
1468. Il montre leur obstination par le fait qu’après tant d’exemples de vérité, après tant de preuves de miracles et d’œuvres miraculeuses, ils avaient persévéré encore dans la malice. C’est pourquoi ILS CHERCHAIENT DONC À L’APPRÉHENDER : non pour croire et pour comprendre, mais pour s’acharner avec fureur et pour tuer. Car, parce qu’il avait exprimé d’une manière plus évidente son égalité avec le Père, ils s’excitèrent davantage — Ils se sont emparés du mensonge et n'ont pas voulu se retourner
1469. Le Seigneur désarme leur fureur en leur échappant; c’est pourquoi il dit : ET IL S’ÉCHAPPA DE LEURS MAINS. Là, on montre en premier lieu comment il les a abandonnés, c’est-à-dire en échappant à leurs mains; et cela pour deux raisons.
D’abord pour montrer qu’on ne pouvait le retenir que quand il le voulait : Jésus, passant au milieu d’eux, allait son chemin . Plus haut, dans le même chapitre, il est dit : Personne ne m'enlève ma vie, mais moi je la livre de moi-même . Ensuite pour nous donner l’exemple d’esquiver la fureur des mauvais quand cela peut être fait sans danger pour la foi — Ne te tiens pas devant le visage de celui qui te cherche querelle .
En second lieu on montre où il s’en est allé en leur échappant; c’est pourquoi il dit : ET IL S’EN ALLA DE NOUVEAU DE L’AUTRE CÔTÉ DU JOURDAIN, DANS UN LIEU OÙ JEAN ÉTAIT D’ABORD À BAPTISER.
Et certes, la cause mystique de cela est qu’un jour il devrait aller, par ses Apôtres, convertir les nations.
Mais il y a [à cela] deux causes littérales. L’une est que le lieu était proche de Jérusalem et que, déjà, le temps de la Passion était imminent : c’est pourquoi il ne voulait pas s’éloigner. La seconde est celle-ci : c’est pour rappeler à la mémoire le témoignage que Jean a porté là, en cet endroit, en disant : Voici l’Agneau de Dieu, voici celui qui enlève le péché du monde , et le témoignage du Père et du Fils donné au Christ dans le baptême.
1470. L’effet fut la conversion des foules à la foi; et cette conversion est décrite sous trois aspects. D’abord quant à la manifestation de l’œuvre. C’est pourquoi il dit : ET BEAUCOUP VINRENT À LUI, c’est-à-dire par le moyen de l’imitation des œuvres : Venez vers moi, vous tous qui peinez et ployez sous k fardeau, et moi je vous donnerai le repos .
En second lieu quant à la confession de la bouche : c’est pourquoi ILS DISAIENT : "JEAN, CERTES, N’A FAIT AUCUN SIGNE. MAIS TOUT CE QUE JEAN A DIT DE CELUI-CI ÉTAIT VRAI." Là, d’abord, ils confessent l’éminence du Christ par rapport à Jean; c’est pourquoi ils disaient que JEAN […] N’A FAIT AUCUN SIGNE.
Certes, la raison en fut que Jean a été envoyé comme témoin du Christ; c’est pourquoi il fallait qu’il en soit devenu digne par la foi, et il fallait qu’un témoignage vrai soit donné — ce qui se réalise d’une manière convenable par la sainteté de la vie. Tandis que le Christ vint comme Dieu, et c’est pourquoi il fallait qu’il montre en lui-même les signes de la puissance divine. Ainsi, Jean se signalait par la sainteté de sa vie; mais le Christ, en plus de cela, accomplissait aussi des œuvres qui manifestaient la puissance divine. On observait aussi cette coutume chez ceux qui exerçaient le pouvoir dans l’Antiquité : en présence d’un pouvoir plus élevé, un pouvoir moindre n’utilisait pas les insignes de sa puissance. C’est pourquoi en présence du dictateur les consuls déposaient leurs insignes. Donc il ne convint pas que Jean, qui était d’une moindre puissance, comme précurseur et témoin, utilisât en présence du Christ les signes de la puissance divine; mais seulement le Christ.
Ensuite ils confessent la vérité du témoignage de Jean au sujet du Christ; c’est pourquoi ils disaient : TOUT CE QUE JEAN A DIT DE CELUI-CI, c’est-à-dire du Christ, ÉTAIT VRAI, comme s’ils disaient : et si Jean n’a fait aucun signe, cependant au sujet du Christ il a tout dit d’une manière vraie.
Troisièmement ils confessent la foi du cœur : c’est pourquoi l’Évangéliste dit : ET BEAUCOUP CRURENT EN LUI – Comme Augustin le dit , ils ont saisi le Christ alors qu’il demeurait là, lui que les Juifs voulaient saisir alors qu’il s’éloignait, parce qu’ils étaient venus au jour par la lampe Jean en effet était la lampe et il rendait témoignage au Jour .
Il est à remarquer que le Seigneur aimait à conduire le peuple dans des lieux solitaires, et qu'il les arrachait à la société des méchants pour leur faire produire des fruits de vertu. C'est ainsi qu'il avait conduit le peuple hébreu dans le désert pour lui donner la loi ancienne. Dans le sens mystique, Nôtre-Seigneur s'éloigne de Jérusalem, c'est-à-dire du peuple juif, et se dirige vers les lieux où les fontaines abondent, c'est-à-dire vers l'Eglise des nations qui a la fontaine du baptême, par laquelle un grand nombre parviennent jusqu'à Jésus-Christ en traversant le Jourdain.
Nous voyons par le récit de l'Evangéliste que les Juifs persévèrent avec opiniâtreté dans leur égarement : « Les Juifs cherchaient donc à le prendre. »
Il dit: « Où Jean était d'abord, » c'est-à-dire dès ses premières années. Pendant le séjour que Jésus, y fit, l'Evangéliste nous raconte qu'un grand nombre de personnes vinrent le trouver : « Et un grand nombre de personnes vinrent à lui, et ils disaient : Jean n'a fait aucun miracle. »
Ils cherchent à le prendre, non par la foi ou par l'intelligence, mais pour satisfaire leur haine contre lui en le mettant à mort. Vous le prenez pour l'avoir en votre possession, ils veulent le prendre pour se défaire de lui : « Et il s'échappa de leurs mains. » Ils ne purent se saisir de lui, parce qu'ils n'avaient pas les mains de la foi, et il ne fut pas difficile au Verbe de délivrer son corps de ces mains de chair.
C'est-à-dire qu'il n'a fait aucun miracle public, il n'a ni chassé les démons, ni rendu la vue aux aveugles, ni ressuscité les morts.
Voici qu'ils s'emparent de Jésus-Christ, alors qu'il demeure au milieu d'eux, non pas comme les Juifs qui voulaient se saisir de lui, lorsqu'il s'échappait de leurs mains. Servons-nous donc aussi de la lampe pour arriver au jour, puisque Jean était la lampe, et qu'il rendait témoignage au jour.
Lorsque le Sauveur a enseigné aux Juifs quelque grande vérité, il se dérobe presque aussitôt pour apaiser leur fureur par son absence, comme il le fait encore ici : « Et il s'en alla de nouveau au delà du Jourdain. » Pourquoi l'Evangéliste fait-il mention du lieu où il se retire ? c'est pour rappeler le souvenir des actions et des paroles de Jean-Baptiste, aussi bien que de ses témoignages multipliés.
Voyez la force de leurs raisonnements : « Jean, disent-ils, n'a fait aucun miracle. Jésus, au contraire, en a fait de nombreux. ce qui établit sa supériorité et sa prééminence. Cependant il ne faut pas croire pour cela que parce que Jean n'a fait aucun miracle, son témoignage soit sans autorité, aussi ajoutent-ils : « Tout ce que Jean a dit de celui-ci était vrai. » Si Jean n'a fait aucun miracle, tous les témoignages qu'il a rendus à Jésus sont véritables. Donc si l'on devait ajouter foi aux témoignages de Jean, à plus forte raison doit-on croire à celui qui, à l'autorité de ce témoignage, joint encore l'autorité des miracles. C'est ce qui eut lieu en effet : «Et beaucoup crurent en lui. »