Luc 11, 28

Alors Jésus lui déclara : « Heureux plutôt ceux qui écoutent la parole de Dieu, et qui la gardent ! »

Alors Jésus lui déclara : « Heureux plutôt ceux qui écoutent la parole de Dieu, et qui la gardent ! »
Saint Jean Chrysostome
En parlant de la sorte, le Sauveur ne reniait pas sa mère, mais il montrait qu'il n'eût servi de rien à Marie de l'avoir mis au monde, si elle n'eût d'ailleurs été le modèle de toutes les vertus. Or, s'il n'y avait aucun avantage pour Marie d'avoir donné le jour à Jésus-Christ, sans les vertus qui ornaient d'ailleurs son âme, n'espérons rien absolument des vertus d'un père, d'un frère ou d'un fils, si nous ne faisons aucun effort pour les imiter.
Saint Bède le Vénérable
La Mère de Dieu est heureuse pour avoir été dans le temps l'instrument de l'incarnation du Verbe, mais elle est bien plus heureuse pour avoir gardé inviolablement et éternellement son saint amour. Ces paroles sont une condamnation des sages d'entre les Juifs qui, au lieu d'écouter la parole de Dieu et de la mettre en pratique, en faisaient un objet de négations et de blasphèmes.

Tandis que les scribes et les pharisiens tentent le Seigneur, et blasphèment contre ses oeuvres, une simple femme proclame avec une foi vraiment admirable le mystère de son incarnation: «Lorsqu'il parlait ainsi, une femme, élevant la voix du milieu du peuple, lui dit: «Heureuses les entrailles qui vous ont porté»,etc. C'est ainsi qu'elle confond tout ensemble, les calomnies des princes des Juifs et la perfidie des hérétiques futurs. En effet, de même que les Juifs, par leurs blasphèmes contre les oeuvres de l'Esprit saint, niaient que le Sauveur fût le vrai Fils de Dieu, ainsi les hérétiques, en niant par la suite que par la coopération de l'Esprit saint, Marie, toujours vierge, ait contribué à former la chair du Fils de Dieu, n'ont pas voulu reconnaître que le Fils de l'homme fût le Fils véritable du Père, de même nature que lui. Mais si la chair du Verbe de Dieu fait homme, est étrangère à la chair de la Vierge mère, pourquoi proclamer bienheureuses les entrailles qui l'ont porté, et les mamelles qui l'ont allaité. Quelle raison de croire qu'il ait été nourri de son lait, si l'on ne veut admettre qu'il ait été conçu de son sang, puisque selon les médecins, le lait et le sang ont une seule et même source. Or, ce bonheur n'est pas le partage exclusif de celle qui a mérité d'enfanter corporellement le Verbe de Dieu, mais encore de tous ceux qui s'appliquent à concevoir spirituellement par la foi ce même Verbe, à l'enfanter et à le nourrir dans leur coeur, et dans celui du prochain, par la pratique des bonnes oeuvres: «Mais Jésus lui répondit: Bien plus heureux ceux qui écoutent la parole de Dieu, et qui la mettent en pratique».
Louis-Claude Fillion
C'est ici la réponse de Jésus. Le Sauveur ne conteste pas la vérité de l'éloge adressé à sa sainte Mère. Marie elle-même, divinement inspirée, s'était écriée dans son cantique, 1, 48 : « désormais tous les âges me diront bienheureuse », et tous les jours les prières liturgiques nous font redire : Heureux le sein qui vous a porté ! Heureuses les mamelles qui vous ont allaité ! Mais Notre-Seigneur aimait à élever toujours ceux qui l'écoutaient vers des sphères supérieures. C'est ainsi que, déjà à propos de sa Mère, 8, 20 et 21, il avait prononcé ce mot sublime : « Ma mère et mes frères, ce sont ceux qui écoutent la parole de Dieu, et qui la pratiquent ». De même actuellement, opposant un fait à un autre fait, il affirme que mieux vaut lui être uni intimement par l'obéissance que par des relations purement extérieures. C'était dire en termes indirects que Marie était deux fois bienheureuse. « La mère de Dieu qui a été bienheureuse, parce qu’elle a été faite ministre temporelle du Verbe incarné, est encore plus heureuse parce qu’elle demeure la gardienne éternelle de celui qui doit être toujours aimé », Vén. Bède, h. l. Ou, comme s'exprime S. Augustin, « La proximité maternelle ne lui fut pas d’autre profit que d’avoir engendré plus fructueusement le Christ dans son cœur que dans son corps. Marie est plus heureuse pour avoir accepté la foi du Christ que pour l’avoir conçu dans sa chair. ».
Concile œcuménique
Pendant la vie publique de Jésus, sa mère apparaît expressément, et dès le début, quand aux noces de Cana en Galilée, touchée de pitié, elle provoque par son intercession le premier signe de Jésus le Messie (cf. Jn 2, 1-11) . Au cours de la prédication de Jésus, elle accueillit les paroles par lesquelles le Fils, mettant le Royaume au-delà des considérations et des liens de la chair et du sang, proclamait bienheureux ceux qui écoutent et observent la Parole de Dieu (cf. Mc 3, 35 par. et Lc 11, 27-28), comme elle le faisait fidèlement elle-même (cf. Lc 2, 19.51). Ainsi la bienheureuse Vierge avança dans son pèlerinage de foi, gardant fidèlement l’union avec son Fils jusqu’à la croix où, non sans un dessein divin, elle était debout (cf. Jn 19, 25), souffrant cruellement avec son Fils unique, associée d’un cœur maternel à son sacrifice, donnant à l’immolation de la victime, née de sa chair, le consentement de son amour, pour être enfin, par le même Christ Jésus mourant sur la croix, donnée comme sa Mère au disciple par ces mots : « Femme, voici ton Fils » (cf. Jn 19, 26-27).
Pape Saint Jean-Paul II
Marie est un signe lumineux et un exemple attirant de vie morale : « Sa vie seule est un enseignement pour tous », écrit saint Ambroise 183 qui, s'adressant particulièrement aux vierges, mais dans une perspective ouverte à tous, déclare : « Le premier et ardent désir d'apprendre, la noblesse du maître vous le donne. Et qui est plus noble que la Mère de Dieu ? Qui est plus splendide que celle qui fut élue par la Splendeur elle-même ? » Marie vit et met en œuvre sa liberté en se donnant elle-même à Dieu et en accueillant en elle le don de Dieu. Elle garde en son sein virginal le Fils de Dieu fait homme jusqu'au moment de sa naissance, elle l'élève, elle le fait grandir et elle l'accompagne dans ce geste suprême de liberté qu'est le sacrifice total de sa vie. Par le don d'elle-même, Marie entre pleinement dans le dessein de Dieu qui se donne au monde. En accueillant et en méditant dans son cœur des événements qu'elle ne comprend pas toujours (cf. Lc 2, 19), elle devient le modèle de tous ceux qui écoutent la parole de Dieu et la gardent (cf. Lc 11, 28) et elle mérite le titre de « Trône de la Sagesse ». Cette Sagesse, c'est Jésus Christ lui-même, le Verbe éternel de Dieu, qui révèle et accomplit parfaitement la volonté du Père (cf. He 10, 5-10). Marie invite tout homme à accueillir cette Sagesse. C'est à nous aussi qu'elle adresse l'ordre donné aux serviteurs, à Cana de Galilée, durant le repas de noces : « Faites tout ce qu'il vous dira » (Jn 2, 5).

Mais Jésus répond de manière très significative à la bénédiction prononcée par cette femme à l'égard de sa mère selon la chair: «Heureux plutôt ceux qui écoutent la Parole de Dieu et l'observent!» (Lc 11, 28). Il veut détourner l'attention de la maternité entendue seulement comme un lien de la chair pour l'orienter vers les liens mystérieux de l'esprit, qui se forment dans l'écoute et l'observance de la Parole de Dieu.

Quelle entente profonde entre Jésus et sa mère! Comment pénétrer le mystère de leur union spirituelle intime? Mais le fait est éloquent. Il est certain que dans cet événement se dessine déjà assez clairement la nouvelle dimension, le sens nouveau de la maternité de Marie. Elle a un sens qui n'est pas exclusivement compris dans les paroles de Jésus et les divers épisodes rapportés par les Synoptiques (Lc 11, 27-28 et Lc 8, 19-21; Mt 12, 46-50; Mc 3, 31-35). Dans ces textes, Jésus entend surtout opposer la maternité relevant du seul fait de la naissance à ce que cette «maternité» (comme la «fraternité») doit être dans le cadre du Royaume de Dieu, sous le rayonnement salvifique de la paternité de Dieu. Dans le texte johannique, au contraire, par la description de l'événement de Cana, se dessine ce qui se manifeste concrètement comme la maternité nouvelle selon l'esprit et non selon la chair, c'est-à-dire la sollicitude de Marie pour les hommes, le fait qu'elle va au-devant de toute la gamme de leurs besoins et de leurs nécessités.

Dans le cas de Marie, il s'agit d'une médiation spéciale et exceptionnelle, fondée sur la «plénitude de grâce», qui se traduisait par la pleine disponibilité de la «servante du Seigneur». En réponse à cette disponibilité intérieure des a Mère, Jésus Christ la préparait toujours davantage à devenir, pour les hommes, leur «Mère dans l'ordre de la grâce». Cela ressort, au moins d'une façon indirecte, de certains détails rapportés par les Synoptiques (cf. Lc 11, 28; 8, 20-21; Mc 3, 32-35; Mt 12, 47-50) et plus encore par l'Evangile de Jean (cf. 2, 1-12; 19, 25-27), que j'ai déjà mis en lumière. A cet égard, les paroles prononcées par Jésus sur la Croix à propos de Marie et de Jean sont particulièrement éloquentes.